ALLEZ SAVOIR! / N°18 OCTOBRE 2000 13
L’UNIL
MÈNE AUSSI
L’ENQUÊTE
L’inspecteur Claude Wyss, de l’Iden-
tité judiciaire, a développé depuis
1993 une collaboration active avec
l’IZEA (Institut de zoologie et d’éco-
logie animale), avec l’IUML (Institut
universitaire de médecine légale) et
avec l’IPSC (Institut de police scien-
tifique et de criminologie) de l’Uni-
versité de Lausanne, où il officie
comme expert et donne occasion-
nellement des cours d’entomologie
forensique. Claude Wyss et Daniel
Cherix ont enfin cosigné l’article
«Behavior of Calliphora vicina under
extreme conditions», paru dans le
Journal of Insect Behavior (vol.12,
N°5, 1999). P.B.
«E
ntrez, je vous ai réservé
l’après-midi. Mais peut-être
qu’après dix minutes, vous serez com-
plètement dégoûtée…» La belle porte
ajourée s’ouvre sur un visage dérou-
tant, fendu par un rire guttural. Claude
Wyss est un personnage. Une de ces
figures foncièrement originales que l’on
croise souvent dans les romans poli-
ciers, rarement dans la vie. Une double
moustache cascadante à faire pâlir
Sherlock Holmes, un reste de tatouage
sur l’avant-bras et un regard de myo-
sotis cinglant: l’homme est inspecteur
à l’identité judiciaire vaudoise et son
travail consiste, comme il aime à le
répéter, «à faire parler les traces» dans
toutes les affaires pénales: vol, suicide
ou meurtre.
L’antre de l’inspecteur
Il disparaît dans une petite pièce
sombre, remplie à ras bord d’objets
hétéroclites: tentes malaises, micro-
scopes, collections de pipes, cadres
empilés les uns sur les autres, où gisent,
épinglées, les précieuses mouches
nécrophages. Sous la fenêtre, plusieurs
mygales, «en observation par pur inté-
rêt personnel», tapotent de temps à
autre les vitres de leur habitat. Très fier,
il présente sa bibliothèque où il a ras-
semblé toute la littérature existant sur
l’entomologie forensique, comprenez
l’étude des insectes appliquée à des fins
judiciaires. Voilà l’antre du spécialiste,
le seul en Suisse à recourir à cette
science inaugurée par Pierre Mégnin
au début du XXesiècle.
«Le but de cette méthode est
d’essayer de dater un cadavre, étant
donné que le médecin légiste, après 72
heures, ne peut plus rien dire.» Quand
la rigidité cadavérique a mis son scellé
sur les faits, reste donc à trouver d’au-
tres pistes, détails parlants ou preuves
muettes. C’est là que Claude Wyss vient
chercher la petite bête. Au sens figuré
et surtout littéral du terme, puisque ses
indices à lui sont les insectes.
Le moment du crime
Mais, diable, comment un minuscule
diptère peut-il révéler le moment du
crime? «Dans les heures qui suivent
une mort, pour autant qu’il y ait acces-
sibilité au corps, des mouches viennent
pondre leurs œufs, d’abord dans les ori-
fices naturels, ensuite partout.» Autre-
ment dit, le jour de la ponte détermine
le moment du décès, «avec une marge
d’erreur de 24 heures», s’autorise le
spécialiste. Un jeu d’enfant à ce qu’il
semble. Oui, sauf que il faut d’abord
identifier l’espèce pour déterminer la
durée de son cycle de ponte, lequel
Inspecteur à la sûreté vaudoise et enseignant occa-
sionnel à l’Université de Lausanne, Claude Wyss
est le spécialiste d’un étrange domaine: l’interro-
gatoire des insectes, preuves vivantes retrouvées sur
les lieux du crime. Une procédure unique en Suisse.
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