L Urgences vitales en gastroentérologie : le point de vue de l’urgentiste É

ÉDITORIAL
Urgences vitales en gastroentérologie :
le point de vue de l’urgentiste
D. Pateron*
* Service des urgences adultes, CHU Jean-Verdier, Bondy.
L
a médecine d’urgence est la science de l’aigu, c’est-à-
dire de la prise en charge des motifs de recours non pro-
grammés. C’est la médecine des premières heures, avec
un contexte spécifique dans le processus de décision : simultanéité
de l’identification des signes de gravité et de la décision des actions
diagnostiques et thérapeutiques à entreprendre. L’urgentiste est au
cœur de cette organisation et du fonctionnement d’une filière cen-
trée sur le patient, organisée autour de structures et d’acteurs aux
compétences synergiques.
Les urgences vitales en hépato-gastroentérologie illustrent bien la
collaboration étroite qu’il doit y avoir entre les médecins urgentistes
et les spécialistes, qu’ils soient médecins ou chirurgiens.
La médecine d’urgence doit souvent raisonner dans un premier
temps en termes de motif de recours (ce qui amène le malade à
consulter), et non pas en termes de pathologie. Les urgences vitales
hépato-gastroentérologiques concernent un champ assez varié de
situations. Il peut s’agir d’une hémorragie digestive extériorisée,
d’une douleur abdominale intense, ou d’un état de choc. Il s’agit
de motifs de recours aux soins qui amènent les malades à consulter
au service des urgences ou à être pris en charge par les services
d’urgences préhospitaliers et qui recouvrent de nombreuses mala-
dies. Ils nécessitent une prise en charge immédiate et correspondent
logiquement aux urgences immédiates ou absolues telles que défi-
nies par la classification d’accueil et d’orientation des malades
urgents (1).
L’incidence de ces urgences digestives vitales n’est pas très élevée,
mais celles-ci représentent environ 40 % de toutes les opérations
effectuées pour une urgence vitale. La prise en charge de ces
malades nécessite une organisation de la filière de soins et une
collaboration entre médecins des services d’urgences, gastroentéro-
logues, chirurgiens mais aussi radiologues et réanimateurs. Leur
intervention spécialisée dans le processus de prise en charge peut
être très précoce ou s’effectuer après une phase initiale de stabili-
sation du malade. De plus, les urgentistes doivent connaître certaines
thérapeutiques initiales spécifiques dont la mise en œuvre est essen-
tielle, puisque, dans certains cas, elle influence directement le
pronostic.
Quelques exemples peuvent illustrer ce propos.
L’urgence abdominale suraiguë ne concerne qu’environ 1 % des
douleurs abdominales. À ce stade, le rôle de l’urgentiste est de
déterminer sans délai s’il s’agit d’un abdomen suraigu ou aigu. Il
convient d’organiser “le chaos” par une évaluation structurée au
moyen de paramètres objectifs. Lorsqu’il existe un état de choc,
des signes de péritonite, le recours au chirurgien doit s’effectuer
sans délai et surtout sans autre examen complémentaire qui retar-
derait ce recours (évidence de type I). Lorsqu’il existe une masse
pulsatile, une suspicion de grossesse extra-utérine ou une ischémie
mésentérique, la réalisation d’une échographie ou d’un scanner est
demandée sur place tandis que le chirurgien est appelé. Un tympa-
nisme abdominal, des vomissements survenant secondairement aux
douleurs font rechercher un syndrome occlusif ou un pneumopéri-
toine, et l’appel du chirurgien aux urgences est alors nécessaire
(évidence de type IIa).
Une étude récente a montré une amélioration du pronostic des
hémorragies en termes de mortalité chez le malade atteint de cir-
rhose (2). Cela est probablement dû à la mise en œuvre très pré-
coce des thérapeutiques spécifiques comme l’utilisation des vaso-
presseurs. De nombreuses études et des conférences de consensus
récentes ont bien insisté sur le caractère essentiel de la précocité de
mise en œuvre de ces thérapeutiques, y compris en préhospitalier.
L’élaboration de protocoles pour la prise en charge de ces malades
est essentielle et doit être l’aboutissement d’un travail coopératif
étroit entre les gastroentérologues et les urgentistes. Dans le domaine
des hémorragies digestives d’origine ulcéreuse, la connaissance
ou l’information qu’a l’urgentiste de la classification de Forrest est
un élément fondamental de l’orientation initiale du malade à partir
de la zone d’accueil des urgences, et de son éventuelle sortie pré-
coce s’il a été hospitalisé en unité d’hospitalisation de courte durée
des urgences.
Les hépatites graves sont dominées par la décision de transplan-
tation, qui n’est pas du ressort de l’urgentiste, mais dont les critères
peuvent être influencés par l’action de ce dernier. Dans cette situa-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VIII - juillet-août 2005 137
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tion, le but essentiel de l’urgentiste est de ne pas être délétère et
de préserver les critères qui permettront de prendre une décision.
La collaboration avec les hépato-gastroentérologues passe par ce
transfert de connaissances et par la mise en place d’une filière de
prise en charge permettant le transfert du malade dans un centre
spécialisé.
Le problème clé lors de la prise en charge d’une colite aiguë
grave est de ne pas faire courir un risque vital au malade du fait
d’une prise en charge insuffisante, en particulier d’une colectomie
trop tardive, et d’éviter une colectomie à un malade dont la pous-
sée pourrait guérir médicalement. Pour l’urgentiste, il convient donc
de la reconnaître et d’affirmer sa gravité. La collaboration avec
l’équipe médicochirurgicale spécialisée dans le tube digestif est
essentielle, même si les échelles de gravité ont été développées à
l’admission du malade (3).
Tous ces exemples illustrent la nécessaire collaboration entre urgen-
tistes et spécialistes médicochirurgicaux du tube digestif. Elle ne
se limite pas à l’indication des examens endoscopiques. Elle passe
par l’élaboration de protocoles locaux, par l’intervention de spécia-
listes reconnus dans les congrès et par l’enseignement du DESC de
Médecine d’urgence. Les urgences ne doivent pas être l’hôpital
dans l’hôpital mais un lieu d’accueil et d’orientation dont la qua-
lité dépend en grande partie de ses collaborations avec les spécia-
listes. Cela est particulièrement vrai pour ceux dont le domaine de
compétence influence la prise en charge des premières heures comme
dans le cadre des urgences digestives.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Société francophone de médecine d’urgence. Référentiel infirmière organi-
sateur de l’accueil. Paris : Éditions scientifiques L&C ; 2004.
2. Carbonell N, Pauwels A, Serfaty L et al. Improved survival after variceal
bleeding in patients with cirrhosis over the past two decades. Hepatology
2004;40:652-9.
3. Bouhnik Y, Cortot A. Diagnostic et prise en charge des colites aiguës graves
au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. In : Urgences
2002. Paris : Arnette, 2002.
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