– 5 –
Introduction : Pascal ou l’apologétique contre
la philosophie
« L’apologétique contre la philosophie » est un titre qui
peut surprendre : Pascal est généralement considéré comme un
philosophe, son œuvre est inscrite au programme de philoso-
phie des classes terminales, il est étudié dans les facultés de phi-
losophie
. Tout cela est légitime, certes, si d’abord l’on saisit
bien tout ce qui sépare Pascal de ce qu’on appelle usuellement
un philosophe.
La vie de Pascal fut brève, mouvementée, partagée entre les
attraits du monde (la recherche scientifique notamment) et
l’attrait de Dieu. Pascal est un esprit d’une puissance hors du
commun, cela ne fait aucun doute pour ses contemporains. Des-
cartes, au sommet de sa gloire, rend visite au jeune Pascal (mal-
gré leurs divergences en physique) ; Leibniz, peu d’années après
sa mort, s’efforce d’obtenir une copie du maximum de ses écrits
scientifiques. L’invention et la fabrication par Pascal de la pre-
mière machine à calculer fait date dans l’histoire des techniques
et même dans l’histoire de l’esprit humain. Mais, en même
temps, Pascal ne consacre que peu de son temps aux recherches
mathématiques et physiques. « Car, pour vous parler franche-
ment de la géométrie », écrit-il au mathématicien Fermat, « je
la trouve le plus haut exercice de l’esprit ; mais en même temps
je la connais pour si inutile que je fais peu de différence entre un
homme qui n’est que géomètre et un habile artisan […] et j’ai dit
souvent qu’elle est bonne pour faire l’essai, mais non pas
1. Fixons un point de vocabulaire : une apologie, comme nous le
rappelons plus loin, est un discours (écrit ou oral) prenant la défense et
vantant les mérites d’une personne (et, par extension, d’un comporte-
ment, d’une croyance, etc.) ; l’apologétique, c’est l’ensemble des moyens
rhétoriques et argumentatifs (raisonnements, appel aux faits ou à
l’histoire, éloquence, etc.) dont se sert l’apologiste pour convaincre son
auditoire, c’est aussi le « style » intellectuel de l’apologie considérée.