autres déchets organiques (déchets urbains, boues de station d’épuration, ordures ménagères, déchets verts de parcs et
jardins). Si la biomasse disponible sur terre est limitée, la photosynthèse permet d’envisager son renouvellement, entrant
ainsi dans une circularité du carbone. En termes économiques, la bioéconomie comprend les secteurs de l’agriculture, de
la foresterie, de la pêche et de la sylviculture, de l’alimentation et de la biotechnologie et un large éventail de secteurs
industriels (production d’énergie, produits et matériaux chimiques pour l’hygiène, habillement, habitat, transport). Une
part importante de la production économique dépend en partie de matériaux biologiques. On estime qu’en 2030, la part
des biotechnologies représentera jusqu’à 35 % de la production de produits chimiques et industriels, et jusqu’à 80 % des
produits pharmaceutiques et des diagnostics. La bioéconomie constitue, en germe, un secteur économique nouveau,
organisé autour  d’activités  à la fois  complémentaires  et concurrentes. Elles  concernent  l’accès, l’exploitation et le
renouvellement de la biomasse, plus largement des ressources naturelles et au-delà les sols. Ce domaine transcende et
remet en cause les découpages traditionnels des secteurs économiques qui autonomisent les systèmes alimentaire et
énergétique. Reste une question majeure. Les biomasses disponibles ne permettent pas une substitution complète du
carbone fossile. Dès lors, la priorisation des procédés se fera-t-elle sur des hiérarchies d’usage, avec l’alimentaire en
priorité, ou de maximisation de la valeur ajoutée, de durabilité, d’efficience ou de sécurité des approvisionnements ? Les
complémentarités et les concurrences des usages des sols détermineront la place quantitative de la bioéconomie, avec
l’élargissement de la réflexion aux terres  marginales («   ») au-delà des seules surfaces  agricoles et
brown lands 
forestières. Le choix des espèces végétales à implanter, des plantes pérennes aux micro-algues, est une variable
majeure affectant la durabilité et les paysages. À la différence du carbone fossile dont l’exploitation repose sur des puits,
la biomasse est uniformément répandue à la surface du globe. Ce qui lui confère une contribution à la souveraineté
régionale ou nationale. En découlent des visions contrastées entre les bioraffineries territoriales dans des bassins de
production (grandes cultures et forêts) et les bioraffineries portuaires (Rotterdam).
Stratégies économiques et recherche scientifique
Dans l’analyse comparative des stratégies et des politiques, aucune définition canonique de la bioéconomie ne s’impose.
Cependant, dans tous les schémas de pensée, deux invariants se distinguent. D’une part, les biotechnologies vertes
(plantes et  micro-algues),  blanches (enzymes et  microorganismes)  et bleues (macro-algues),  s’imposent  depuis la
biodiversité pour l’identification de nouvelles enzymes, la biologie des systèmes jusqu’à la biologie de synthèse. Les
biotechnologies ont trois atouts : l’amélioration des performances par voie génétique, la sélectivité des mécanismes
biologiques et la créativité avec la biologie de synthèse. Le moteur du changement de paradigme technologique est
l’apport des savoirs et des connaissances de la biologie moderne (haut débit, post-génomique…) pour bousculer des
procédés classiques. Aucun changement de paradigme équivalent n’est visible pour la physique ou la chimie organique.
D’autre part, l’approche systémique apporte les croisements de systèmes alimentaires, chimiques et énergétiques. À ce
coeur  agricolo-forestier,  des  additions  selon  les  pays  apparaissent  avec  la  pêche,  voire  la  santé  (USA).
Par rapport à la satisfaction des besoins de la planète, deux objectifs peuvent être donnés comme prioritaires, sans qu’ils
soient aisément compatibles. Le premier est l’amélioration de l’efficacité (la productivité) des ressources naturelles par «
injection » intensive de progrès technologiques et de capital de connaissances scientifiques (les biotechnologies au sens
large). Le second est l’assurance d’une utilisation durable (plus sobre et mieux maîtrisée) de ces ressources biologiques
par des  innovations scientifiques, sociales  et  économiques dans  la  maîtrise des agroécosystèmes  aux  différentes
échelles géographiques. À ce titre la bioéconomie nous interroge sur la capacité de prélèvement des milieux naturels,
sans  affecter  les  autres  services  écosystémiques  (support,  régulation  socio-culturels)  pour  assurer  une  solidarité
intergénérationnelle. La bioéconomie revêt deux visions complémentaires au gré des définitions. Il s’agit dans un premier
temps d’une stratégie scientifique et économique. Elle permet de créer les conditions d’un passage d’une économie
fondée  sur  les  ressources  fossiles  à  une  économie  basée  sur  les  matières  premières  biologiques  (croissance
économique efficace, en harmonie avec l’environnement et adoptée par la société). Les biotechnologies sont alors des
éléments de rupture technologique dans nos socio-écosystèmes. La bioéconomie devient le prolongement opérationnel
du développement durable, en synergie avec les scénarios d’évolution fondés sur la sobriété pour les sociétés dites
développées.  La  seconde  vision  est  celle  d’une  croissance  durable  grâce  à  des  progrès  dans  le  domaine  des
biosciences.  Ils  visent  à  la  «  biologisation  »  des  procédés  et  produits  industriels,  avec  le  développement  des
écotechnologies et la réduction des déchets. Dans les deux cas, elle suppose le développement de compétences
associé à une protection accrue à travers la propriété intellectuelle et industrielle (licences, brevets). Cette dernière doit
précéder et accompagner la mise en place rapide d’une phase d’exploitation industrielle.
Les enjeux d’organisation territoriale et multi-scalaires
Cet exposé conduit naturellement à inscrire la stratégie de recherche dans une perspective d’investigation finalisée
interdisciplinaire. Pour  la  mettre en oeuvre, les  échanges  de compétences croisées entre  le  monde de la  chimie
classique et les agro-industriels ou forestiers devront se poursuivre et s’intensifier. Dans l’actualité, les partenariats
économiques  associant  des  acteurs  de la  chimie  et du  monde  agricole  et  forestier  avèrent  cette  évolution.  Une