Note conceptuelle de réflexion sur le modèle de développement Manel KHADRAOUI Introduction La Tunisie de l’après-révolution fait face à de grands défis. D’une part, les regards du monde sont tournés vers ce petit pays d’où a émergé la première étincelle du printemps arabe et premier pays arabe en cours de transition vers la démocratie. Cet évènement peut être considéré comme le plus grand tournant de l’histoire de la Tunisie depuis l’indépendance. D’une autre part, la situation économique et sociale connait des difficultés considérables. Le taux de chômage élevé, notamment auprès des diplômés, la pauvreté, l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat, la baisse des réserves en devises… sont autant de problèmes à résoudre. Les anciens modèles de développement jusque là adoptés ont montré leurs limites. Par conséquent, nous sommes amenés à mettre en œuvre des changements. Est-ce que cette transition va réussir ? Quelle histoire sommes-nous en train d’écrire ? Quel modèle allonsnous proposer dans une situation de crise mondiale ? Quels enseignements peut-on donner ? Nous allons commencer par revoir les anciens modèles jusque là adoptés en Tunisie. Ensuite, nous allons exposer les modèles alternatifs. Si le modèle est à même d’être revu, ce changement passe par les structures de développement existantes. C’est pour cela que nous allons faire le diagnostic de la situation actuelle et nous allons voir d’autres expériences étrangères concernant la structuration des organismes de développement. L’objectif étant de stimuler la réflexion sur le modèle de développement à proposer et les restructurations qui lui sont inhérentes. 1. Modèles de développement en Tunisie Par modèle de développement nous entendons l’articulation entre le développement économique, le développement humain et le développement social de manière à valoriser l’être humain outil et finalité du développement. En Tunisie, et si on part de la période de l’après dépendance, on décèle certains modèles de développement qui ont été adoptés et qui 1 sont évidemment liés à la politique et aux orientations économiques. A la longue, ces orientations ont donné lieu à une révolution démontrant un dysfonctionnement qui mérite d’être étudié pour repérer les limites et les dépasser. a. Le modèle socialiste destourien (1962-1969) Le socialisme était adopté en 1962 ; le néo destour promulgue le régime du parti unique en mars 1963. Toutes les décisions économiques, sociales et politiques incombent à l’Etat seul. Le rôle de tout autre acteur est alors volontairement anéanti limitant ainsi les initiatives privées, et absorbant la société civile dans le cadre institutionnel du parti. Suites aux recommandations de Ben Salah, l’expérience de collectivisation a été entreprise. Le secteur public a alors cannibalisé le privé en agriculture, commerce, industrie, secteur bancaire, transport, électricité et mines. Suite à des années de sécheresse, à l’arrêt des aides financières de la France, la situation économique se détériore et l’expérience de collectivisation est vouée à l’échec. Le rapport de la banque mondiale montre le déficit des entreprises publiques tunisiennes. Elle a été abandonnée le 2 Septembre 1969. Hedi Nouira est alors engagé comme premier ministre. Celui-ci croit en l’importance du rôle que devrait jouer le secteur privé et tente de redynamiser l’économie. Le développement régional à cette époque a connu des programmes de développement rural intégrés, des politiques de réformes structurelles, des pôles de développement qui restent peu efficaces étant donné que les grands projets d’investissement ou d’infrastructure étaient destinés à la zone côtière, tous les programmes de remise à niveau de l’intérieur restent vains. b. Le capitalisme (1970-1986) La nouvelle orientation proposée par Hedi Nouira fut l’économie de marché et la propriété privée exactement à l’opposé du collectivisme. La période allant de 1970 à 1981 était marquée par un essor du secteur privé et de l’emploi manufacturier résultant en une croissance moyenne de 8.4% par an. La production agricole et le tourisme ont aussi contribué à cette croissance. Et la crise pétrolière de 1973 et de 1979 a eu des effets positifs avec la hausse du prix du pétrole et du phosphate. Cependant, les subventions de l’Etat pour certains produits étaient conservées. L’interventionnisme de l’Etat dans le secteur financier ainsi que le protectionnisme étaient maintenus. La classe moyenne s’est élargie en cette période. 2 Cette croissance cache toutefois des disparités régionales et des déséquilibres entre les secteurs. La période 1981-1986 était marquée par des difficultés économiques résultant de l’augmentation de l’endettement et de la baisse des recettes financières ainsi que de difficultés sociales résultant surtout de la hausse du chômage. Le 6ème plan de développement misait sur les industries non-pétrolières, le contrôle de l’investissement public, le gel des salaires et la restriction des importations. Le plan d’ajustement structurel (PAS) a été alors adopté en vue de pallier aux problèmes économiques et sociaux avec la privatisation de certaines institutions qui étaient jusque là propriété de l’Etat. c. Le modèle libéral (1987-2010) Le 7 Novembre 1987, le coup d’état a eu lieu et Ben Ali succède au pouvoir de Bourguiba. Quoique pour certains, le régime de Ben Ali ne se démarquait pas du précédent, il est à noter que le modèle libéral est devenu plus effectif que les décisions sur papiers de la période précédente. L’objectif de ce modèle était de dépasser les déséquilibres internes et externes, de rendre effective la décision de privatisation et de promouvoir l’investissement public dans la santé, l’éducation, le logement et les services. La mise à niveau de l’économie s’imposait pour une production apte à concurrencer les produits internationaux suite à une levée progressive des droits de douane. Les problèmes de chômage continuent à s’aggraver. La réforme du code de travail en 1994 a favorisé les emplois précaires et n’a pas résolu le problème qui ne cesse de devenir pressant surtout pour les diplômés du supérieur. Ainsi, l’ouverture du marché a constitué une rupture avec les idéologies politiques du pays. Le souci pour le développement économique a laissé une large partie de la population à la marge de ce développement avec l’augmentation du nombre de pauvres. La pression politique maintenait l’ordre et ne laissait pas s’entendre les voix de mécontentement. La mal gouvernance et la corruption caractérisaient la fin de cette période jusqu’à l’éclatement total en Décembre 2010 et la fin du régime Ben Ali en Janvier 2011. d. Période transitoire (2011) Etant donné que le gouvernement de Mbazza avait une courte durée de vie et devait s’ajuster à plusieurs exigences populaires (nomination des gouverneurs, ministres membre du RCD, démissions, remaniement…), on ne peut pas vraiment parler d’un choix stratégique en modèle 3 de développement. Par contre, le successeur Beji Caïd Sebsi se veut porteur de projet et propose un modèle de développement. Le programme de court terme se base sur trois axes qui sont : « Dynamisation de l’activité économique » à travers l’encouragement de la demande intérieure « Améliorer la gouvernance au niveau central et local » avec un programme de réformes « Mobilisation de financements extérieurs additionnels » La stratégie 2012-2016 propose un modèle de développement qui porte dix grandes idées et repose sur cinq principes d’action avec un schéma de croissance à trois phases. Stratégie 2012-2016 Dix grandes idées 1. Construire la confiance par la transparence, la responsabilité sociale et la participation citoyenne 2. Assurer le développement inclusif et équilibré 3. Transformer la structure de l’économie par la science et la technologie 4. Créer une dynamique interne favorable à la productivité, la création et l’initiative libre 5. Désenclaver le pays et s’engager dans une intégration mondiale approfondie et agissante 6. Former et retenir les hautes compétences nationales, attirer les meilleures compétences internationales et renforcer l’employabilité 7. Consacrer la justice sociale et l’égalité des chances 8. Assurer un financement adéquat et viable du développement 9. Réhabiliter le service public et l’action civile 10. Optimiser l’utilisation de nos ressources et préserver notre environnement naturel Cinq principes d’action 1. L’Etat est le principal régulateur et catalyseur du développement dans le cadre d’une approche républicaine et démocratique. Il doit promouvoir un développement économique et social équitable respectant la liberté individuelle et l’égalité des chances et favorisant la cohésion sociale. 2. La libre entreprise est le principal moteur du développement économique. La création de richesse et d’emplois dépend du dynamisme des chefs d’entreprises et des promoteurs, du rendement des travailleurs et de l’adhésion et de la participation de ces deux acteurs à l’action et au processus de 4 développement. Ce qui implique un effort continu pour rendre le climat des affaires plus propice au développement des entreprises et les conditions du travail plus favorables à l’amélioration du rendement et de la productivité des travailleurs. 3. La liberté individuelle et la justice sociale sont les fondements du progrès, que seule la coopération entre les acteurs sociaux par le débat public et la recherche du compromis social peuvent en réconcilier les exigences. Le Gouvernement doit initier, faciliter et favoriser cette coopération. 4. L’éducation, la culture, la santé et la protection sociale, en tant qu’éléments constitutifs de la liberté des individus, fondements majeurs de la société et garants de la cohésion sociale, sont des biens sociaux indissociables du développement économique et social. La société doit y assurer l’accès libre, égal et juste pour tous les citoyens. L’Etat doit employer tous les moyens à disposition pour réduire les contingences sociales limitant l’accès des personnes démunies ou défavorisées à ces biens. 5. La société doit assurer le bon usage des ressources, des moyens et des opportunités. Le Gouvernement doit prendre des mesures de réglementation et de motivation favorisant cette finalité. Un schéma de croissance à trois phases de développement 1. Urgence : Répondre aux besoins à court terme en 2012 en termes de soutien aux régions et à l’emploi, d’appui aux entreprises et d’aide sociale et rétablir les équilibres économiques et financiers pour préparer la phase suivante. C’est une phase cruciale pour toute la stratégie. 2. Transition : Reprendre le rythme habituel de croissance durant les années 2013 et 2014, à travers l’emploi d’un effort de rattrapage exceptionnel et l’engagement de réformes globales touchant les différents domaines politiques, économiques et sociaux. 3. Emergence : Amorcer un processus de convergence avec les pays développés à partir de 2015, en ciblant des niveaux de croissance supérieurs à 7%. Source : Stratégie de développement économique et social 2012-2016, Note d’orientation : Axes d’engagement, principes d’action, phases de réalisation et schéma de croissance (Septembre 2011) La politique transitoire de Sebssi a pour objectif d’assurer la transition économique et sociale et a proposé un modèle harmonieux quoique certains critiques considèrent que ce n’est que la continuité de l’ancien modèle avec les mêmes acteurs (Abdallah Ben Saad, 2011). Finalement, cette période a engendré un endettement fort et des aides sociales non conditionnées qui ont compliqué la situation économique et ont enlisé une grande partie de la main d’œuvre à la paresse et au gain facile. 5 e. Vers quel modèle de développement ? Etant données les problématiques actuelles de mauvaise gouvernance, de manque de décentralisation, de démocratie mal comprise, d’échec de la politique d’incitation à l’investissement, de persistance des déséquilibres régionaux, de la pauvreté et du chômage, du secteur informel, de l’éducation et la formation professionnelle, du secteur bancaire, des difficultés du secteur privé, … nous avons besoin aujourd’hui de proposer un modèle de développement qui émane de la base en harmonie avec une vision stratégique nationale (topdown et bottom-up). Un modèle qui se base sur les ressources des régions pour les valoriser et créer des emplois à forte valeur ajoutée qui dans le cadre de filières économique constituent une forte dynamique régionale. Un modèle de développement inclusif qui considère toutes les classes sociales quelle que soit leur appartenance, leur croyance, leur origine. Un modèle de développement durable respectueux de l’environnement. Un modèle de développement qui valorise les résultats des recherches scientifiques et les brevets tout en misant sur la technologie. Un modèle de développement ouvert à l’étranger qui a pour objectif d’améliorer le bien être de l’individu. Nous allons voir dans ce qui suit quelques exemples de modèles alternatifs qui ont rompu avec la pensée classique. 2. Modèles alternatifs a. Le bonheur maximal Bhouan est un petit pays entre l’Inde et la Chine qui a remplacé le PNB par le BNB (Bonheur Brut national) ; c’est un indicateur de bien-être (matériel, psychologique et spirituel) qui vise à maximiser le bonheur de tous les habitants et aspire à une société « plus équitable via la généralisation des services sociaux ». Ce modèle fondé sur la pensée bouddhiste ne considère pas le développement économique comme objectif ultime, mais le complète par le souci pour l’environnement, la culture et l’égalité. Par conséquent, le niveau de vie des habitants s’est nettement amélioré comparativement au pays voisins. b. Modèle basé sur les ressources Le Modèle Économique Basé sur les Ressources (M.E.B.R.) est un modèle de société. Il suppose la considération scientifique des ressources disponibles d’une part, et les besoins des individus d’autre part pour une utilisation durable de ces ressources. Celles-ci sont abordées dans une approche systémique où les matières premières, les ressources humaines, les 6 capacités de production et de répartition vu les moyens techniques et technologiques constituent un tout. c. Economie humaine Il n’existe pas un seul modèle économique gagnant à tous les coups. Même si ce modèle s’appelle le modèle néolibéral, il n’est pas LE modèle économique à défendre avec acharnement. En effet, à côté des calculs mathématiques, il existe des valeurs qui sont difficiles à saisir avec les chiffres et qu’il faut toutefois intégrer dans la pensée économique. Les valeurs de justice, d’équité, de solidarité doivent substituer la course acharnée de la concurrence, la croissance et le profit en écrasant les plus faibles. « La seule finalité légitime de l’économie est la qualité de vie des hommes et des femmes à commencer par celle des plus démunis. Par qualité de vie, il faut entendre la satisfaction équitable des aspirations humaines : pas seulement celles que procurent les consommations marchandes, mais aussi l’ensemble des aspirations échappant à toute évaluation monétaire : dignité, paix, sécurité, liberté, éducation, santé, loisir, qualité de l’environnement, bien-être des générations futures, etc » (Généreux, 2001). d. Modèle de développement participatif "Nous cherchons à définir une économie qui distribue de manière équitable les obligations et les bénéfices du travail social; qui assure l’implication des membres dans les prises de décision à proportion des effets que ces décisions ont sur eux ; qui développe le potentiel humain pour la créativité, la coopération et l’empathie ; et qui utilise de manière efficiente les ressources humaines et naturelles dans ce monde que nous habitons — un monde écologique où se croisent de complexes réseaux d’effets privés et publics. En un mot: nous souhaitons une économie équitable et efficiente qui promeuve l’autogestion, la solidarité et la variété". Tel est le modèle de développement participatif comme le définissent Albert et Hahnel (1991). e. Modèle de développement basé sur l’économie sociale et solidaire L’économie sociale et solidaire dépasse la logique d’accumulation des richesses et des profits à une logique de solidarité et de partage équitable des richesses. Elle a pour objectif de combattre la pauvreté, créer et préserver des postes d’emploi, intégrer le secteur informel, la 7 complémentarité entre les catégories sociales avec la valorisation du travail, du savoir, de la nature et de l’autre. Dans ce cadre, la société civile joue un rôle très important à travers des structures telles que les associations et les collectivités. Elle est amenée à constituer le troisième pilier de l’économie à côté du secteur public et du secteur privé. 3. Structures de développement a. Structures de développement existantes Quelque soit le modèle de développement retenu dans le cadre de la décentralisation et la bonne gouvernance, la mise en pratique de toute décision régionale passe par les acteurs régionaux qui sont amenés à jouer un rôle plus stratégique. Nous allons exposer les principales structures de développement existantes et nous allons exposer certaines expériences internationales qui peuvent être utiles pour s’en inspirer le cas échéant. Dans chaque gouvernorat, se trouve un gouverneur, le plus haut pouvoir hiérarchique dans la région. Il est sous la tutelle du ministère de l’intérieur. « Au côté des gouverneurs, les conseils régionaux évaluaient les programmes régionaux de l’Etat et les budgets correspondants, sans concertation » (Abid, 2012). Dans chaque délégation, se trouve un délégué qui est sous la tutelle du gouverneur. « Le délégué préside le conseil local de développement qui est une structure consultative créée suite à la loi N° 94-87 du 26 Juillet 1994. Ce conseil est composé des présidents des municipalités de la délégation, des présidents des conseils des villages, des Omdas (notables des secteurs) et des représentants des services régionaux. La composition administrative actuelle est effectivement sous la forme d’une autorité déconcentrée, mais qui est sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur » (Abid, 2012). Au niveau de chaque gouvernorat, il existe des directions régionales des différents ministères et des structures d’appui à l’investissement (APII, Chambre de commerce, centre d’affaires, pôle de compétitivité…) qui continuent à travailler sans coordination effective. 8 Figure 1 : Structures de développement sous tutelle du ministère du développement régional et de la planification Organigramme simplifié MDRP (DGDR) ODCO CGDR ODNO ODS DDR Tunis DDR Ariana DDR Ben Arous DDR Manouba DDR Nabeul DDR Bizerte DDR Gabes DDR Sousse DDR Monastir DDR Mahdia DDR Sfax DDR Kasserine DDR Kairouan DDR Sidi Bouzid DDR Siliana DDR Médnine DDR Béja DDR Tataouine DDR Jendouba DDR Gafsa DDR Kef DDR Touzeur DDRKebili DDR Zaghouan Où MDRP : Ministère du Développement Régional et de la Planification CGDR : Commissariat Général du Développement Régional ODCO : Office de Développement du Centre Ouest ODNO : Office de Développement du Nord Ouest ODS : Office de Développement du Sud DDR : Directeur du développement régional Attributions de ces structures Réunir toutes les informations utiles Procéder aux études nécessaires Proposer toutes mesures en vue d’aider à la définition des politiques en matière de développement Assurer le suivi et évaluer les résultats de ces politiques Choisir des programmes d’investissement public, d’impulsion de l’investissement privé Assister les autorités régionales dans la conception, des plans et programmes de développement Elaborer et exécuter ces plans dans chaque gouvernorat, coordination et de suivi Veiller à réaliser l’harmonisation des plans et des programmes de développement 9 Elaborer, en collaboration avec les structures nationales et régionales spécialisées, des plans et des programmes d’actions complémentaires dans le but de promouvoir et de développer les zones ayant des problématiques spécifiques, exécution de ces plans et programmes Soutenir l’action des structures régionales spécialisées et des collectivités publiques locales en matière de promotion de l’investissement privé Accomplir toutes autres tâches et missions rentrant dans le cadre de la promotion du Développement Economique dans les zones d’intervention. Limites dans le fonctionnement des structures régionales Les relations entre les différentes structures régionales restent non clarifiées Les décisions viennent d’en haut Manque de coordination entre directions de développement régionales Absence de synergie Le degré d’autonomie des structures est très limité Le travail se fait souvent dans l’urgence Les responsables régionaux gèrent le quotidien Les compétences et qualifications des responsables des ODR sont très hétérogènes Disparités concernant les structures de développement La plupart des structures n’a pas assez de moyens logistiques, de bâtiments, d’outils informatiques… Généralement, les moyens humains ne sont pas disponibles en termes de formation et de communication Le personnel depuis quelques années peut être recruté sur des considérations sociales et non de qualification les activités de structures régionales ne sont pas valorisées Les attributions de chaque structure ne sont pas claires et les fonctions et rôles des représentants régionaux sont flous Source : Abid (2012), Vers une nouvelle vision du développement régional 10 Tableau 1 : Besoins des structures de développement et orientations actuelles Besoins des structures existantes Dotation en ressources financières Orientations actuelles et Gestion par objectif techniques Dotation en ressources humaines Valorisation des compétences Renforcer le rôle de pilotage Décentralisation Clarification des relations avec le ministère de Gouvernance tutelle Autres attributions (Relation avec la société Approche participative civile et autres partenaires, élaboration de plan régional) Accès à l’information Système d’information régional, transparence Plus d’interactions entre les structures de Coopération, différents gouvernorats économiques chaîne de valeur, filières La restructuration proposée par la BAD à travers l’étude d’Abid (2012) détermine 4 axes : réforme des attributions, restructuration organisationnelle, dotations en ressources humaines et dotations en moyens financiers et techniques. 1. Réforme des attributions Pour un environnement de coordination totale, il faut Revoir les relations avec la société civile Instaurer la coopération décentralisée Institutionnaliser l’échange de l’information entre les différentes directions régionales L’aménagement du territoire Appuyer le rôle des structures de développement dans le Marketing territorial des régions Créer une Interface d’Interlocution avec les bénéficiaires Réviser le rôle joué par les ODR et les DDR dans les PDI 2. Restructuration organisationnelle Les nouveaux organigrammes doivent inclure au moins les directions suivantes : une direction comprenant les fonctions Contrôle de Gestion, Communication et Système 11 d’information et qui dépendent directement de la Direction Générale La Direction de la Planification et de Gestion des Projets La Direction Administrative et Financière La Direction de la Coordination Régionale (chargée de la coordination entre les différentes structures régionales de développement notamment les structures régionales du FIPA et les ODR). 3. Dotations en ressources humaines La compétence des responsables régionaux doit être évaluée régulièrement à travers la mise en place des comités de contrôle et d’audit des structures régionales Améliorer les conditions de travail 4. Dotations en moyens financiers et techniques Les structures financières des structures actuelles doivent être révisées. L’élaboration et la mise en place d’un système d’informations régional (SIR). Révision du décret de création des ODR de façon cohérente avec l'adoption d'un modèle de gestion par objectif, de gestion du cycle du projet et d'évaluation des compétences. Source : Abid (2012), Vers une meilleure gouvernance du développement régional : Enquête auprès des structures de développement régional. b. Benchmarking Plusieurs structures de développement régional sont créées partout dans le monde pour réagir à une crise, promouvoir la compétitivité territoriale, promouvoir la productivité et aider des zones défavorisées (exemple: Canada, Allemagne, Espagne). L’essentiel de la question aujourd’hui est comment faire travailler différentes structures dans la région de façon cohérente et efficiente. C’est pour cela qu’il doit y avoir une structure qui assure le bon équilibre entre agilité du privé et rôle social de l’état tout en palliant aux lourdeurs administratives. Plusieurs structures de développement existent dans le monde. Le tableau ciaprès relate plusieurs typologies qui existent dans différents pays ayant différents objectifs. 12 Tableau 2 : Différentes structures de développement Typologie Développement Productivité et Economie et revitalisation croissance Internationalisation Partenariat intégrée économique Objectifs Processus de Emploi Un éventail développement Entrepreneuriat large Structure Positionnement Élaboration international ou de stratégie de urbain innovation d’interventions promotion long terme Toronto Barcelone Liverpool Bilbao Johannesburg Madrid Milano (Espagne) New York Cape Town (Afrique du Sud) Source : Debra Mountford (2009), Organising for local development : the role of local development agencies. Ces structures de développement jouent un rôle économique (le secteur privé est en général le partenaire et/ou le client de cette activité), un rôle de leadership, un rôle de gouvernance et de coordination (attirer des experts et des spécialistes pour réaliser des objectifs à but lucratif en partenariat avec le secteur privé) et un rôle d’implémentation. Il s’agit d’un véhicule quasigouvernemental. Principes des agences de développement L’agence de développement saisit les opportunités de développement plus rapidement et à une plus grande échelle que la ville ou la région Agrège l’intervention pour ajouter de la valeur Donne de la valeur au client (Customer Relationship Management) Œuvre sur des échelles spatiales flexibles Fait l’objet de confiance des investisseurs externes Fabrique des outils économiques en combinant différentes ressources, forces, et dispositifs pour réaliser le développement Partage de risques et de coûts Réinjecte des bénéfices pour l’investissement Améliore l’image et l’identité et communique l’avancement du développement 13 Applique le leadership pour résoudre les problèmes EXEMPLES DANS LE MONDE (Mbarka Talbi et Boutheina Ben Yaghlane) Agence de l'Oriental (Maroc) Créée en 2006, l’agence a pour mission d'apporter son appui et son assistance aux acteurs nationaux et locaux pour la mise en œuvre des programmes de développement dans la région Orientale. C’est un établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du premier ministre. Elle gère un investissement public global de 30 milliards de Dirhams. Missions de l’agence : Apporter son assistance aux collectivités locales en matière d'assainissement et d'amélioration des services Proposer la création des zones Favoriser l'intégration des oasis dans l'économie régionale Rechercher les moyens de financement nécessaires à la mise en œuvre des programmes et projets visés et de contribuer à ce financement Suivre la mise en œuvre des programmes économiques et sociaux intégrés et les actions relatives à la réalisation des politiques sectorielles de promotion et de développement économique et social de la zone concernée Participer à l'aménagement et l'équipement de la zone concernée Œuvrer à la promotion de l'emploi et à l'encouragement de l'initiative privée, en apportant son assistance aux PME Elaborer et suivre la mise en œuvre d'une stratégie de communication appropriée afin de promouvoir l'image et l'attractivité de la Région. Agence de promotion économique du Canada atlantique Missions : Développement des entreprises Développement des collectivités Politiques, défense des intérêts et coordination Se concentre particulièrement sur les initiatives qui favorisent : 14 l’accroissement de la productivité la commercialisation des technologies novatrices l’amélioration de la compétitivité à l’échelle mondiale le perfectionnement des compétences. Programmes de l’agence : Chantiers Canada Entente sur la promotion du commerce extérieur (EPCE) entre le Canada et les provinces de l’Atlantique: Le Fonds d’amélioration de l’infrastructure communautaire Fonds des collectivités innovatrices: Fonds d'innovation de l'Atlantique : L'Initiative pour jeunes entrepreneurs (IJE): Les états unis Le développement économique régional est l’affaire des intervenants régionaux. Le gouvernement fédéral a fait porter ses efforts sur des questions plus générales de compétitivité. Le rôle du gouvernement fédéral américain s’apparente au développement par le bas par l’intermédiaire de deux organisations: L’EDA: L’Economic Development Administration C’est un organisme rattaché au ministère du Commerce fédéral. Il a pour mission de favoriser la création et la rétention d’emplois et stimuler la croissance industrielle et commerciale dans les espaces ruraux ou urbains des États-Unis qui sont déprimés DHUD: Department of Housing and Urban Development Il intervient par ses programmes dans le domaine du développement économique régional. L’aide peut être offerte sous la forme d’incitatifs fiscaux, de subventions ou de partenariats avec des entreprises qui s’installent dans certaines collectivités. Agence de développement en Turquie Etant donné que la planification régionale était inefficace, qu’il existait des défaillances au niveau des responsabilités, un manque de financement, une insuffisance de la collaboration entre les organes centraux et locaux, il a fallut penser à des structures de développement 15 dynamiques et flexibles pour mobiliser les potentialités et les ressources de l'économie locale / régionale et opérationnaliser les avantages compétitifs régionaux. Ces structures respectent une approche intégrée, le principe de subsidiarité, la proximité de la mise en œuvre en employant un personnel qualifié. Obligations et Responsabilités : Concevoir les stratégies régionales Renforcer la coopération entre les acteurs de développement Promouvoir le commerce et l'investissement Améliorer la capacité de la préparation du projet Assurer le rôle d'intermédiaire dans l'utilisation des fonds de l'UE Soutenir les PME, les nouveaux entrepreneurs des projets de développement, etc L’agence est considérée comme un guichet unique Conclusion « La révolte ne constitue pas une pensée, et elle est en revanche manipulable par toutes les pensées » (Généreux, 2001). Si on arrive à réaliser une transition réussie et on propose un modèle inclusif qui répond aux attentes du peuple, on pourra dire que la mobilisation de la société civile était efficace et que la révolution a porté ses fruits. C’est pour cela qu’une réflexion à grande échelle s’impose pour définir les grandes orientations : - Faut-il des restructurations stratégiques ou structurelles ? - Quelles structures pour une meilleure décentralisation et la bonne gouvernance ? - Quelle place pour le savoir ? La technologie ? L’innovation ? - Comment dynamiser le secteur privé ? - Comment réaliser la cohésion sociale ? - Quelle politique monétaire et fiscale ? - Quel rôle la société civile est-elle amenée à jouer ? - Quel usage des ressources locales ? - Quelle est la place de l’environnement ? 16 Références Abid Y. (2012), Vers une nouvelle vision du développement régional, mission BAD. Abid Y. (2012), Vers une meilleure gouvernance du développement régional : Enquête auprès des structures de développement régional, mission BAD. Albert M. & Hahnel R. (1991), The Political Economy of Participatory Economics, Princeton University Press. Genereux J. (2001), Manifeste pour l’économie humaine, revue esprit, numéro de Juillet Monnaie, souveraineté et lien social. Mountford D. (2009), Organising for local development: the role of local development agencies. Liens Stratégie de développement économique et social 2012-2016, Note d’orientation : Axes d’engagement, principes d’action, phases de réalisation et schéma de croissance (Septembre 2011) http://www.fichier-pdf.fr/2011/10/29/plan-bce/plan-bce.pdf http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Tunisie_depuis_1956 http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_la_Tunisie 17