Note conceptuelle de réflexion sur le modèle de développement Introduction

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Note conceptuelle de réflexion sur le modèle de développement
Manel KHADRAOUI
Introduction
La Tunisie de l’après-révolution fait face à de grands défis. D’une part, les regards du monde
sont tournés vers ce petit pays d’où a émergé la première étincelle du printemps arabe et
premier pays arabe en cours de transition vers la démocratie. Cet évènement peut être
considéré comme le plus grand tournant de l’histoire de la Tunisie depuis l’indépendance.
D’une autre part, la situation économique et sociale connait des difficultés considérables. Le
taux de chômage élevé, notamment auprès des diplômés, la pauvreté, l’inflation, la baisse du
pouvoir d’achat, la baisse des réserves en devises… sont autant de problèmes à soudre. Les
anciens modèles de développement jusque adoptés ont montré leurs limites. Par
conséquent, nous sommes amenés à mettre en œuvre des changements. Est-ce que cette
transition va réussir ? Quelle histoire sommes-nous en train d’écrire ? Quel modèle allons-
nous proposer dans une situation de crise mondiale ? Quels enseignements peut-on donner ?
Nous allons commencer par revoir les anciens modèles jusque adoptés en Tunisie. Ensuite,
nous allons exposer les modèles alternatifs. Si le modèle est à même d’être revu, ce
changement passe par les structures de développement existantes. C’est pour cela que nous
allons faire le diagnostic de la situation actuelle et nous allons voir d’autres expériences
étrangères concernant la structuration des organismes de développement. L’objectif étant de
stimuler la réflexion sur le modèle de développement à proposer et les restructurations qui lui
sont inhérentes.
1. Modèles de développement en Tunisie
Par modèle de développement nous entendons l’articulation entre le développement
économique, le développement humain et le développement social de manière à valoriser
l’être humain outil et finalité du développement. En Tunisie, et si on part de la période de
l’après dépendance, on décèle certains modèles de développement qui ont été adoptés et qui
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sont évidemment liés à la politique et aux orientations économiques. A la longue, ces
orientations ont donné lieu à une révolution démontrant un dysfonctionnement qui mérite
d’être étudié pour repérer les limites et les dépasser.
a. Le modèle socialiste destourien (1962-1969)
Le socialisme était adopté en 1962 ; le néo destour promulgue le régime du parti unique en
mars 1963. Toutes les décisions économiques, sociales et politiques incombent à l’Etat seul.
Le rôle de tout autre acteur est alors volontairement anéanti limitant ainsi les initiatives
privées, et absorbant la société civile dans le cadre institutionnel du parti.
Suites aux recommandations de Ben Salah, l’expérience de collectivisation a été entreprise.
Le secteur public a alors cannibalisé le privé en agriculture, commerce, industrie, secteur
bancaire, transport, électricité et mines. Suite à des années de sécheresse, à l’arrêt des aides
financières de la France, la situation économique se détériore et l’expérience de
collectivisation est vouée à l’échec. Le rapport de la banque mondiale montre le déficit des
entreprises publiques tunisiennes. Elle a été abandonnée le 2 Septembre 1969. Hedi Nouira est
alors engagé comme premier ministre. Celui-ci croit en l’importance du rôle que devrait jouer
le secteur privé et tente de redynamiser l’économie.
Le développement régional à cette époque a connu des programmes de développement rural
intégrés, des politiques de réformes structurelles, des pôles de développement qui restent peu
efficaces étant donné que les grands projets d’investissement ou d’infrastructure étaient
destinés à la zone côtière, tous les programmes de remise à niveau de l’intérieur restent vains.
b. Le capitalisme (1970-1986)
La nouvelle orientation proposée par Hedi Nouira fut l’économie de marché et la propriété
privée exactement à l’opposé du collectivisme. La période allant de 1970 à 1981 était
marquée par un essor du secteur privé et de l’emploi manufacturier résultant en une
croissance moyenne de 8.4% par an. La production agricole et le tourisme ont aussi contribué
à cette croissance. Et la crise pétrolière de 1973 et de 1979 a eu des effets positifs avec la
hausse du prix du pétrole et du phosphate. Cependant, les subventions de l’Etat pour certains
produits étaient conservées. L’interventionnisme de l’Etat dans le secteur financier ainsi que
le protectionnisme étaient maintenus. La classe moyenne s’est élargie en cette période.
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Cette croissance cache toutefois des disparités gionales et des déséquilibres entre les
secteurs. La période 1981-1986 était marquée par des difficultés économiques résultant de
l’augmentation de l’endettement et de la baisse des recettes financières ainsi que de difficultés
sociales sultant surtout de la hausse du chômage. Le 6ème plan de développement misait sur
les industries non-pétrolières, le contrôle de l’investissement public, le gel des salaires et la
restriction des importations. Le plan d’ajustement structurel (PAS) a été alors adopté en vue
de pallier aux problèmes économiques et sociaux avec la privatisation de certaines institutions
qui étaient jusque là propriété de l’Etat.
c. Le modèle libéral (1987-2010)
Le 7 Novembre 1987, le coup d’état a eu lieu et Ben Ali succède au pouvoir de Bourguiba.
Quoique pour certains, le régime de Ben Ali ne se démarquait pas du précédent, il est à noter
que le modèle libéral est devenu plus effectif que les décisions sur papiers de la période
précédente. L’objectif de ce modèle était de dépasser les déséquilibres internes et externes, de
rendre effective la décision de privatisation et de promouvoir l’investissement public dans la
santé, l’éducation, le logement et les services. La mise à niveau de l’économie s’imposait pour
une production apte à concurrencer les produits internationaux suite à une levée progressive
des droits de douane. Les problèmes de chômage continuent à s’aggraver. La réforme du code
de travail en 1994 a favorisé les emplois précaires et n’a pas résolu le problème qui ne cesse
de devenir pressant surtout pour les diplômés du supérieur.
Ainsi, l’ouverture du marché a constitué une rupture avec les idéologies politiques du pays.
Le souci pour le développement économique a laissé une large partie de la population à la
marge de ce développement avec l’augmentation du nombre de pauvres. La pression politique
maintenait l’ordre et ne laissait pas s’entendre les voix de mécontentement. La mal
gouvernance et la corruption caractérisaient la fin de cette période jusqu’à l’éclatement total
en Décembre 2010 et la fin du régime Ben Ali en Janvier 2011.
d. Période transitoire (2011)
Etant donné que le gouvernement de Mbazza avait une courte durée de vie et devait s’ajuster
à plusieurs exigences populaires (nomination des gouverneurs, ministres membre du RCD,
démissions, remaniement…), on ne peut pas vraiment parler d’un choix stratégique en modèle
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de développement. Par contre, le successeur Beji Caïd Sebsi se veut porteur de projet et
propose un modèle de développement.
Le programme de court terme se base sur trois axes qui sont :
« Dynamisation de l’activité économique » à travers l’encouragement de la demande
intérieure
« Améliorer la gouvernance au niveau central et local » avec un programme de réformes
« Mobilisation de financements extérieurs additionnels »
La stratégie 2012-2016 propose un modèle de développement qui porte dix grandes idées et
repose sur cinq principes d’action avec un schéma de croissance à trois phases.
Stratégie 2012-2016
Dix grandes idées
1. Construire la confiance par la transparence, la responsabilité sociale et la participation citoyenne
2. Assurer le développement inclusif et équilibré
3. Transformer la structure de l’économie par la science et la technologie
4. Créer une dynamique interne favorable à la productivité, la création et l’initiative libre
5. Désenclaver le pays et s’engager dans une intégration mondiale approfondie et agissante
6. Former et retenir les hautes compétences nationales, attirer les meilleures compétences
internationales et renforcer l’employabilité
7. Consacrer la justice sociale et l’égalité des chances
8. Assurer un financement adéquat et viable du développement
9. Réhabiliter le service public et l’action civile
10. Optimiser l’utilisation de nos ressources et préserver notre environnement naturel
Cinq principes d’action
1. L’Etat est le principal régulateur et catalyseur du développement dans le cadre d’une approche
républicaine et démocratique. Il doit promouvoir un développement économique et social équitable
respectant la liberté individuelle et l’égalité des chances et favorisant la cohésion sociale.
2. La libre entreprise est le principal moteur du développement économique. La création de richesse
et d’emplois dépend du dynamisme des chefs d’entreprises et des promoteurs, du rendement des
travailleurs et de l’adhésion et de la participation de ces deux acteurs à l’action et au processus de
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développement. Ce qui implique un effort continu pour rendre le climat des affaires plus propice au
développement des entreprises et les conditions du travail plus favorables à l’amélioration du
rendement et de la productivité des travailleurs.
3. La liberté individuelle et la justice sociale sont les fondements du progrès, que seule la
coopération entre les acteurs sociaux par le débat public et la recherche du compromis social peuvent
en réconcilier les exigences. Le Gouvernement doit initier, faciliter et favoriser cette coopération.
4. L’éducation, la culture, la santé et la protection sociale, en tant qu’éléments constitutifs de la
liberté des individus, fondements majeurs de la société et garants de la cohésion sociale, sont des
biens sociaux indissociables du développement économique et social. La société doit y assurer l’accès
libre, égal et juste pour tous les citoyens. L’Etat doit employer tous les moyens à disposition pour
réduire les contingences sociales limitant l’accès des
personnes démunies ou défavorisées à ces biens.
5. La société doit assurer le bon usage des ressources, des moyens et des opportunités. Le
Gouvernement doit prendre des mesures de réglementation et de motivation favorisant cette finalité.
Un schéma de croissance à trois phases de développement
1. Urgence : Répondre aux besoins à court terme en 2012 en termes de soutien aux régions et à
l’emploi, d’appui aux entreprises et d’aide sociale et rétablir les équilibres économiques et financiers
pour préparer la phase suivante. C’est une phase cruciale pour toute la stratégie.
2. Transition : Reprendre le rythme habituel de croissance durant les années 2013 et 2014, à travers
l’emploi d’un effort de rattrapage exceptionnel et l’engagement de réformes globales touchant les
différents domaines politiques, économiques et sociaux.
3. Emergence : Amorcer un processus de convergence avec les pays développés à partir de 2015, en
ciblant des niveaux de croissance supérieurs à 7%.
Source : Stratégie de développement économique et social 2012-2016, Note d’orientation : Axes
d’engagement, principes d’action, phases de réalisation et schéma de croissance (Septembre 2011)
La politique transitoire de Sebssi a pour objectif d’assurer la transition économique et sociale
et a proposé un modèle harmonieux quoique certains critiques considèrent que ce n’est que la
continuité de l’ancien modèle avec les mêmes acteurs (Abdallah Ben Saad, 2011).
Finalement, cette période a engendré un endettement fort et des aides sociales non
conditionnées qui ont compliqué la situation économique et ont enlisé une grande partie de la
main d’œuvre à la paresse et au gain facile.
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