La Lettre du Rhumatologue - n° 250 - mars 1999
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un point de vue purement nosologique, la patho-
logie arthrosique s’oppose à la pathologie arthri-
tique, la première étant une pathologie méca-
nique, la seconde une pathologie inflammatoire. Ces notions
classiques s’appuient à la fois sur des données cliniques, biolo-
giques et anatomiques. Un malade souffrant d’arthrose aux
membres inférieurs ressent la douleur essentiellement à la marche
(d’où le terme de pathologie “mécanique”) et est soulagé par le
repos. L’analyse du liquide synovial montre un liquide pauvre en
cellules et en protides ; l’observation anatomique révèle des
lésions dégénératives, et en particulier une usure du cartilage.
Cependant, l’évolution naturelle de l’arthrose est parfois émaillée
d’événements aigus, durant lesquels la douleur se fait plus intense.
Il est alors classique de parler de “poussées congestives” d’ar-
throse. L’examen clinique lors de poussées congestives peut révé-
ler des signes assez comparables à ceux d’une arthrite : douleur,
chaleur, rougeur, tuméfaction, même si ces points cardinaux de
l’inflammation n’ont que rarement l’intensité d’une poussée de
polyarthrite rhumatoïde.
Durant les derniers mois, plusieurs auteurs ont montré une aug-
mentation des taux de CRP sérique au cours de la gonarthrose
en poussée congestive, à l’aide de dosages ultrasensibles, allant
même jusqu’à considérer ce marqueur biologique d’inflamma-
tion comme un marqueur prédictif de dégradation articulaire (1).
Ces travaux suggèrent qu’une articulation arthrosique en pous-
sée libère des médiateurs pro-inflammatoires intervenant dans
les processus de dégradation articulaire. Ainsi, une meilleure
connaissance des mécanismes qui sous-tendent ces phénomènes
inflammatoires devrait aboutir à de nouvelles cibles thérapeu-
tiques.
Cet article se propose donc de réunir quelques travaux publiés
tendant à décrypter ces phénomènes inflammatoires ainsi que les
événements initiateurs de cette inflammation au cours de la pous-
sée congestive d’arthrose.
INFLAMMATION : DÉFINITION
Au début de notre ère, Celcius définit le terme d’inflammation
par les fameux points cardinaux : douleur, rougeur, chaleur, tumé-
faction. Il a fallu attendre le XVIIIesiècle pour qu’une relation
entre ces signes cliniques et l’existence d’une vasodilatation avec
extravasation locale soit suggérée. Durant les vingt dernières
années, cette définition s’est considérablement précisée grâce aux
progrès de la biologie moléculaire. Nous savons désormais que
les signes cliniques de l’inflammation sont liés à la présence de
médiateurs biochimiques, tels que des cytokines, des icosanoïdes,
des réactifs oxygénés, capables d’activer certaines cellules pré-
sentes au sein du foyer inflammatoire. Ces cellules, en retour,
deviennent elles-mêmes capables de sécréter ces médiateurs, acti-
vant à leur tour les cellules voisines. Ainsi, les signes cliniques
de l’inflammation sont le résultat de cette cascade. On peut donc
émettre l’hypothèse qu’un tissu macroscopiquement non “inflam-
matoire” puisse tout de même être un tissu “pro-inflammatoire”,
car capable de participer à cette cascade. Les travaux détaillés ci-
dessous montrent que, dans l’arthrose, le cartilage et le tissu syno-
vial sont capables de produire tout ou partie de ces médiateurs
pro-inflammatoires.
RÔLE DU CARTILAGE ARTHROSIQUE DANS LES PHÉNO-
MÈNES INFLAMMATOIRES ARTHROSIQUES
Le cartilage est un tissu non vascularisé et non innervé. Les seules
cellules résidentes sont les chondrocytes, cellules enfermées dans
des logettes entourées d’une riche matrice fibreuse empêchant
leur prolifération. Ainsi, l’aspect global du cartilage donne l’im-
pression d’un tissu inactif. En fait, ces cellules sont douées d’un
métabolisme impressionnant : elles sont à l’origine du turnover
des protéoglycanes, elles produisent de nombreuses protéases et
PHYSIOPATHOLOGIE
Données récentes sur la physiopathologie de l’arthrose :
rôle de l’inflammation
●F. Berenbaum*
*Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Fg-Saint-Antoine, 75012 Paris.
■Une articulation arthrosique en poussée libère des
médiateurs pro-inflammatoires intervenant dans les pro-
cessus de dégradation articulaire.
■Le cartilage, par l’intermédiaire des chondrocytes, est
impliqué directement dans ces processus inflammatoires.
■Le tissu synovial, activé par le cartilage, et l’os sous-
chondral jouent également un rôle dans l’inflammation
arthrosique.
■Les recherches actuelles portant sur la signalisation
intracellulaire des chondrocytes mise en jeu lors des pous-
sées inflammatoires arthrosiques devraient aboutir, à
moyen terme, à de nouveaux médicaments antiarthro-
siques.
Mots-clés : Arthrose - Inflammation - Chondrocyte -
Synoviocyte.
Points forts
D‘
Chapitre III - F. Berenbaum 3/07/03 11:44 Page 11