D’autre part, à délaisser les processus humains et sociaux au profit exclusif des résultats
matériels, nous n’avons toujours pas résolu – et nous avons même aggravé – les problèmes de
la vie en société : la violence5, la prédation individuelle ou collective, la pauvreté, la
marginalisation individuelle ou collective, etc.
Enfin, en troisième lieu, le « progrès » tel qu’il a été conçu et conduit a fait de l’humanité,
pour une bonne part, une espèce « hors-sol » qui a perdu l’instinct de ses relations vitales avec
l’environnement et des comportements congruents, dont dépend une histoire à long terme.
Le monde que nous avons créé se caractérise par une répartition de plus en plus contrastée
des richesses, pénuries ou servitudes de toute sorte avec, ici et là, des foyers de violence
spasmodique ou chronique prêts à entrer en résonance et à exploser - et, enveloppant le tout,
un écosystème dont les équilibres sont dramatiquement entamés. Un monde qui, pour générer
l’innovation technologique et fabriquer des artefacts de manière soutenue, s’essouffle à tenter
de contenir ses dérives multiples par les moyens même qui les génèrent.
Nous proposons l’hypothèse que l’ingénierie qui va maintenant se développer parce qu’elle
devient dramatiquement nécessaire n’est plus seulement technologique, chimique ou
mécanique, mais d’abord sociale et psychique.
Cette ingénierie, en libérant les potentialités humaines – notamment créatrices – aux niveaux
individuel, interindividuel et local, va permettre de multiplier les sources de création de
valeur, solvabilisant des besoins aujourd’hui insolvables afin d’assurer une meilleure
diffusion de conditions de vie acceptables à la surface de la planète. Elle va permettre aussi
d’intégrer dans les nouveaux projets de développement dont nous avons besoin la multiplicité
des logiques – humaines, sociales, économiques, financières, écologiques… - qui désoriente
aujourd’hui les grandes entités – entreprises multinationales, institutions internationales - qui
ont façonné notre monde.
Cette ingénierie est polymorphe, hétérogène, souvent intuitive, locale et peu conceptualisée.
Pour être discrètes, les expérimentations qu’elle inspire sont nombreuses et diverses. On les
détecte dans des champs aussi divers que le développement local, la formation au
management, l’ingénierie pédagogique, les règles de vie de certains séminaires voire celles
d’entreprises ou de communautés. Nous les désignons du terme global d’ « ingénierie de
coévolution »6. Elles sont dans l’ordre humain et social le prolongement des processus de
l’Evolution.
La coévolution est en effet le métier à tisser de l’Evolution. Elle est le processus par lequel
des entités mises en présence peuvent se stimuler réciproquement à entrer en interaction et,
par leur association, révéler des potentialités jusque là indiscernables. Nos processus mentaux
de créativité collective en sont un reflet, au sein desquels plusieurs cerveaux en interaction
produisent des idées hétérogènes qui, à un moment, cristallisent dans une espèce d’évidence
jusque là cachée.
Les parties prenantes d’un tel processus peuvent être de toute nature. Aux origines de la vie,
elles furent successivement - à mesure de la complexification - atomes, molécules, bactéries,
5 Qui n’a pas pour seule cause l’injustice et la pauvreté. Cf. les conséquences de la créativité refoulée dans
Wilson… etc.
6 Cf. notre site : www. Etc.