La petite paysannerie et l’exploitation oléicole dans la région montagneuse de

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La petite paysannerie et l’exploitation oléicole dans la région montagneuse
de Grande-Kabylie en Algérie.
Communication aux journées d’études sur les petites paysanneries. Université
de Nanterre, France novembre 2012.
DOUFENE Hocine, enseignant- chercheur. Faculté des Sciences Biologiques et
des Sciences Agronomiques, Université MAMMERI M, Tizi-Ouzou, Algérie.
Résumé de la communication.
Ce travail examine le développement local d’un territoire, situé en zone rurale de montagne,
dont l’influence des différents acteurs a été déterminante. Bien avant l’application du
programme d’ajustement structurel (P.A.S.) en 1994 et la promulgation du Programme
National de Développement Agricole et Rural ( P.N.D.A.R) en 2002, la commune de Boghni
a connu une forte implantation de petites et moyennes entreprises (P.M.E.) à dominante agro-
alimentaire. En matière de nouvelles dynamiques de développement rural, ce territoire a donc
su diversifier ses activités grâce à l’articulation entre les activités anciennes dont la filière
huile d’olive à fort ancrage territorial que nous pouvons qualifier de Système
Agroalimentaire Localisé (SYAL) et les nouvelles comme le commerce et surtout la petite
industrie qui présente les caractéristiques d’un Système de Production Localisé (SPL). Cette
articulation est rendue possible grâce à la solidarité familiale, et aux synergies d’action entre
les différents acteurs.
Mots clés : Montagne, Industrie, SYAL, SPL, industrie oléicole.
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Abstract.
This work examines the development of a local territory, located in rural mountain area, and
different actors which affect this development. Long before the structural adjustment
program (S.A.P.) and the promulgation of the National Program for Agricultural and
Rural Development (N.P.A.R.D.) in 2002, the territory of Boghni has a strong experience in
the small and medium enterprises (S.M.E.) mainly agro-alimentary. In terms of new
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dynamics of rural development, this territory has diversified its activities through joint
activities between the old like olive oil industry then we can qualified of food local systems
(FLS) and the new one such as trade and the small industry qualified of localized system of
production( LSP). This articulation is made possible thanks to family united and the
solidarity between different actors.
Keywords : mountain, industry, FLS, LSP, olive oil industry.
Introduction
L’éclatement du modèle national de développement économique mis en œuvre les années
1970 et la crise des formes de régulation étatique centralisées n’ont que faiblement touché le
territoire de Boghni. Ce dernier a connu une avance dans le développement rural
comparativement aux autres zones rurales de montagne en Algérie. Le développement des
tissus infrastructurel et économique a été réalisé bien avant la promulgation du programme
national de développement agricole et rural (P.N.D.A.R). La tendance économique, qui s’est
manifestée par la diversification du tissu économique, a rendu possible le développement
local qui a porté essentiellement sur les activités industrielles et les systèmes de production
oléicole. Cet objectif a pu être atteint grâce à la volonté et à l’engagement des différents
acteurs qui entretiennent des relations surtout au niveau familial. En effet c’est au sein du
système familial qui repose sur plusieurs sources de revenus que se nouent les relations entre
les acteurs et que se créent de nouvelles entreprises. Ces stratégies familiales allaient être
élargies à d’autres acteurs, surtout les jeunes, par le mouvement associatif fortement
représenté par l’association de solidarité (la Touiza). Cette dernière assure les contacts, la
circulation de l’information et contribue financièrement à tout nouveau projet. Les synergies
d’action entre les élus locaux et cette association ont abouti à la mise en place d’une
pépinière d’entreprises. Le territoire de Boghni n’est pas une création spontanée mais le
résultat d’un long processus historique qui a marré avant la période coloniale. L’enquête
exploratoire que nous avons menée à Boghni nous a permis de formaliser les concepts de
Système Agroalimentaire Localisé (SYAL) pour la filière huile d’olive et Système de
Production Localisé (SPL) pour le secteur industriel.
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I. Les SPL et les SYAL : deux notions d’approche du développement local de l’espace
rural de Boghni.
La stratégie de développement mise en œuvre en Algérie au début des années 1970, basée
sur l’industrie lourde comme moteur de développement économique, a occulté les spécificités
économiques, culturelles et historiques propres à chaque territoire et marginalisé les régions à
faibles potentialités agricoles. L’objectif d’introversion de l’économie nationale, tel que
prévu par le planificateur, dépendait pour l’essentiel des échanges de flux entre l’industrie et
l’agriculture. Pour ce faire, la croissance agricole est recherchée dans la grande exploitation
située sur les zones à fortes potentialités, tandis que l’agriculture de montagne représentée
essentiellement par la petite exploitation n’a pas fait l’objet d’intérêt de la part des pouvoirs
publics. Cette approche qui en est faite par le planificateur du développement économique en
général et de la montagne en particulier ne rend pas compte de la diversité des situations
territoriales et du système d’évolution que les changements économiques et sociaux national
et régional imposent à chaque territoire. Or ce dernier est devenu l’élément déterminant dans
la nouvelle approche du développement après la crise du fordisme. Ce modèle ayant montré
ses limites, beaucoup de chercheurs ont proposé de nouvelles alternatives ou d’autres
logiques de développement. Les nombreux travaux orientés dans ce sens ont abouti aux
notions de SPL (Courlet, 2001), de SYAL (CIRAD-SAR, 1996 ; Muchnik, 2000 ), et de
Clusters (Porter,1989 ; Nadvik, et Schmitz 1996). Dés lors, les formes spatialisées de
régulation furent réhabilitées dont les problématiques ont mis en avant les spécificités
territoriales et locales. Il existe une littérature abondante et des études empiriques très
poussées portant sur les S.P.L. où les territoires deviennent les acteurs actifs. L’intégration de
l’espace ou du territoire dans l’analyse économique est à l’origine de nombreux travaux de
recherches contemporains, entre autres, ceux de (Aubert, 2009) ; (Becattini,1992) ;
(Courlet,2001,2003) ; (Muchnik,2008,2009) ; (Greffe,1984) ; (Leberre,1992) ; (Maillat,
1995) ; (Pecqueur, 1994, 2001, 2003) ; (Porter, 1989, 2001) ; (Rallet et Torre, 1995) ;
(Requier-Desjardins, 2007) ; (Torre, 2003) La synthèse effectuée par (Courlet,2001)
relative à ces travaux sur les SPL, lui a permis d’affirmer : « Combien les concepts
théoriques développés par Marshall trouvent un large écho dans une série de travaux
contemporains portant sur cette réalité. Le SPL permet de saisir l’organisation qui lie les
entreprises sur un territoire et d’expliciter la nature des avantages (externalités positives,
duction des coûts de transaction, meilleure coordination des acteurs d’un territoire, ) que
génère la proximité ». L’approche en termes de systèmes de production localisés a l’avantage
de prendre en considération tous les paramètres propres à un territoire donné. Ce dernier est
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défini par (Leberre, 1992) comme : « La proportion de la surface terrestre appropriée par un
groupe social pour assurer sa reproduction et la satisfaction de ses besoins vitaux ». Par
(Courlet, 2001) comme « Un type d’organisation possédant ses logiques propres de
reproduction et de développement »…et ou les relations non marchandes jouent un rôle très
important. L’approche SYAL, apparue les années 1990, tout en étant proche des SPL insiste
sur l’approche spécifique de l’activité au territoire et la proximité géographique des acteurs
(Requier-Desjardins, 2007). L’étude des territoires c’est aussi l’affaire des anthropologues.
(Hubert, 2001) a dit à juste titre que : « Ce qui me paraît intéressant sociologiquement et
culturellement parlant, c’est la mise en place d’un réseau de production spécialisé,
fonctionnant en système fondé sur la notion de ressources locales historiquement
constituées ». Ces approches qui relèvent de plusieurs auteurs s’inscrivent dans une
dynamique de valorisation territoriale par les acteurs locaux organisés. La spécificité de ce
territoire, comparativement aux autres zones rurales d’Algérie, est qu’il n’a pas attendu le
P.N.D.A.R. lancé à partir de l’année 2000 par les pouvoirs publics pour assurer son
développement. Cette situation confirme bien que le développement local dépend avant tout
de la volonté des acteurs et de leur organisation. La dynamique industrielle enclenchée à
Boghni est le résultat de l’histoire et de la géographie du territoire, de l’implantation des
structures logistiques et des services, de l’esprit d’iniative des acteurs locaux et du
mouvement associatif.
II. Aperçu géographique et historique du territoire de Boghni.
C’est par souci d’opérationnalité et d’originalité que nous avons limité le territoire de
Boghni à une définition géographique et administrative. De ce fait notre champ
d’investigation est la commune. La réussite de ce territoire dans le développement
économique est d’abord le résultat de deux facteurs importants : sa situation géographique et
son histoire. Cette commune est située à 35 kilomètres (KM) de Tizi-Ouzou, chef lieu de
wilaya de la région de Grande Kabylie (équivalent département) et à 120 km de la capitale
Alger. Elle occupe une position stratégique en tant que zone de transition entre la capitale, la
région de kabylie et la région des hauts plateaux à fortes potentialités céréalières avec
laquelle elle entretenait des échanges marchands en troc. Cette économie de montagne,
durant la période précoloniale, a été donc articulée avec l’agriculture des plaines par des
échanges de complémentarité : huile d’olive et produits artisanaux contre les céréales. Cet
équilibre, même précaire, qui a prévalu durant la période antérieure sera en partie rompu avec
l’introduction des rapports marchands par le capitalisme colonial. L’activité artisanale recule
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devant l’industrie manufacturière, les relations de complémentarité avec les autres régions
baissent d’intensité et la population locale sera refoulée vers les terrains pauvres et à forte
déclivité. Ces contraintes imposées par les colons avaient un double objectif : valoriser leurs
propres produits d’une part et dégager un excédent de main d’œuvre pour alimenter les flux
migratoires vers la France. Dés lors que le capitalisme colonial a fait de la région un
réservoir de main d’œuvre, un nouvel équilibre économique est apparu à travers l’insertion de
la force de travail adulte masculine au marché lointain de la métropole et au secteur agricole
colonial en Algérie. (Trébous, 1974) a relevé que : « C’est dés 1871 que des fellahs les plus
déshérités commencent à émigrer. En 1912, ils sont déjà quelques milliers en France. S’ils
s’exilent, ce n’est pas pour fuir leur pays, mais pour subvenir aux besoins de leurs familles ».
Malgré l’introduction de l’ordre économique nouveau, la rupture n’a pas été totale avec les
anciennes conditions de reproduction anciennes basées sur la valorisation des potentialités
locales (agriculture vivrière, huile d’olive, produits de l’artisanat). Si la société n’est pas
totalement laminée, pour reprendre l’expression de (Cote, 1993), c’est grâce au travail ardu
des femmes et des enfants au niveau de l’exploitation. Après l’indépendance de l’Algérie en
1962, le territoire de Boghni a bénéficié d’infrastructures de base et de services, qui
constituent des préalables au développement local, qui ont été mises en valeur par les acteurs
locaux.
III. Les infrastructures et les acteurs locaux: bases du développement rural.
Le développement local à Boghni n’a pu être concrétisé que grâce à l’apport de l’état, des
élus locaux et des acteurs privés portant sur une implantation relativement importante de
plusieurs infrastructures. Ces dernières sont très diverses et concernent l’économie, les
routes, les finances, l’administration, la formation, l’éducation, la santé, la culture, le social…
Nous citons, à titre d’exemple, la Banque Nationale d’Algérie (B.N.A.) ; la Banque de
Développement Local (B.D.L.) ; deux agences d’assurances ; l’agence foncière ; la recette
des impôts ; la protection civile ; le bureau de main d’œuvre ; l’entreprise de travaux publics ;
l’abattoir ; un marché hebdomadaire…Il est utile de souligner que la majorité de ces
infrastructures, dont a bénéficié cette commune (exemple des banques), n’existent pas à
l’échelle communale dans les autres régions d’Algérie. Elles se situent à un niveau supérieur
de la hiérarchie administrative : Daira (Arrondissement) ou Wilaya (Département). Toutes
ces structures d’appui technique et logistique ont constitué des supports déterminants pour le
développement local. Cet engagement de l’état est complété par le secteur privé qui a investi
dans divers secteurs prestataires de services comme la coopérative de services en
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