EDITORIAL
DECEMBRE 2007
MERKUR
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Les projections économiques constituent d’ordinaire un exer-
cice particulièrement difficile, en particulier dans des petites éco-
nomies de marché présentant un degré d’ouverture élevé. Dans
le présent contexte, les incertitudes inhérentes à tout exercice de
projection sont encore exacerbées par divers facteurs spécifiques,
avec au premier plan l’évolution de la situation économique aux
Etats-Unis. Alors qu’elle a longtemps constitué un puissant fac-
teur de soutien de l’économie mondiale, l’économie américaine
alimente désormais l’incertitude ambiante. L’accroissement du
taux de défaut des crédits hypothécaires dits « subprimes » s’est
traduit par une méfiance accrue sur les marchés monétaires et les
turbulences sur les marchés boursiers, qui ont particulièrement
affecté certaines valeurs financières.
L’issue de la crise et ses répercussions exactes sur l’économie
mondiale dépendront de plusieurs paramètres.
L’ampleur et la durabilité du resserrement du crédit sur les
marchés hypothécaires restent difficiles à cerner à ce stade, tant
il est difficile de distinguer les évolutions durables des réactions
purement épidermiques aux perturbations financières. La Fede-
ral Reserve pourrait partiellement contrer l’incidence de la crise
sur les conditions de financement des ménages et des sociétés.
Dans son « Economic Outlook » d’octobre, le FMI met l’accent
sur l’importance des réactions des banques centrales.
Les nouveaux instruments financiers concourent à certains
égards à améliorer la résistance aux chocs du secteur financier.
Ainsi, ils ont permis de ne pas circonscrire la crise des «subpri-
mes» à la seule économie américaine, qui aurait de ce fait été plus
vulnérable à une éventuelle récession. Le revers de la médaille
est que d’autres régions du monde, dont l’Europe, sont victimes
d’un «effet de débordement» de la crise du fait de l’existence de
ces instruments, dont le degré de risque n’a pas toujours été cor-
rectement appréhendé. La politique monétaire de la BCE et le
comportement de l’euro au cours des prochains mois affecteront
donc l’ampleur de cette transmission à l’économie européenne
des déboires actuels des Etats-Unis.
Si les éléments d’incertitude ne manquent pas, il faut éviter
un pessimisme excessif, car divers facteurs pourraient contribuer
à amortir les récentes turbulences.
D’une part, comme l’indique le FMI dans son «Economic
outlook» d’octobre, l’ensemble constitué par la Chine, l’Inde et
la Russie aurait alimenté la moitié de la croissance mondiale en
2007. Or ces économies continuent à faire preuve d’un grand
dynamisme, ce qui pourrait permettre de compenser partielle-
ment les conséquences du ralentissement macro-économique amé-
ricain. Du fait de leurs caractéristiques structurelles propres, la
montée en puissance des économies émergentes induit une diver-
sification des risques au niveau international, qui devrait toutes
autres choses égales par ailleurs garantir une plus grande résis-
tance aux chocs de l’économie mondiale.
D’autre part, comme le fait remarquer la Commission euro-
péenne dans ses projections d’automne, la marge de profit des
entreprises demeure relativement élevée en Europe. Pour autant
que cette situation favorable soit préservée à travers, notamment,
le maintien d’une compétitivité (mise en péril par la récente appré-
ciation de l’euro), les entreprises européennes seront à même d’ac-
croître leurs investissements et, par ricochet, la demande agrégée.
La Commission européenne s’attend à une croissance du PIB de
l’Union européenne proche de son potentiel en 2008, tout en
soulignant l’importante incertitude qui entoure ces projections.
Selon l’Institut für Weltwirt schaft de Kiel, l’impact de la crise
financière sur la croissance pourrait atteindre un maximum de
0,6 point de pourcentage en 2008.
Selon les projections du Statec, le Luxembourg enregistre-
rait à l’instar de la zone euro une croissance économique proche
de son niveau potentiel en 2008. La progression du PIB s’établi-
rait en effet à 4,5 %, dans le sillage de la croissance élevée enre-
gistrée en 2006 (6,1 %) et estimée en 2007 (5 %). Le Statec fait
cependant remarquer à juste titre que l’impact de la crise finan-
cière sur le Luxembourg et son secteur financier est difficile à
évaluer à ce stade.
A l’instar de ces projections, les résultats de l’enquête Euro-
chambres 2008, qui sont détaillés dans le présent Merkur, ren-
voient l’image d’une conjoncture toujours globalement bien orien-
tée, assortie toutefois de certains signes de décélération pour 2008.
Les résultats relatifs à 2007, ainsi que les prévisions pour 2008,
s’inscrivent nettement à la hausse pour les indicateurs relatifs au
chiffre d’affaires, à l’emploi et aux investissements. L’indicateur
du climat des affaires est quant à lui un peu plus mitigé. D’une
part, selon les entreprises participantes, le climat des affaires se
serait notablement amélioré en 2007 par rapport à 2006. D’autre
part, elles anticipent un environnement économique légèrement
moins favorable en 2008.
Même si elle demeure modérée, cette inflexion à la baisse des
prévisions du climat des affaires incite à un examen vigilant de
l’évolution conjoncturelle, dans un environnement économique
devenu plus incertain qu’au début de 2007. Comme indiqué dans
l’avis de la Chambre de Commerce sur le projet de loi concernant
les recettes et les dépenses de l’Etat pour l’exercice 2008, les actuel-
les incertitudes pourraient affecter les activités économiques et les
revenus de l’Etat, ce qui souligne la nécessité d’un strict encadre-
ment des dépenses courantes. Une politique proactive de renfor-
cement de la compétitivité des entreprises luxembourgeoises per-
mettrait également de pallier les conséquences potentielles de ces
incertitudes. n
Les projections économiques
pour 2008 s’avèrent complexes
La Chambre de Commerce souhaite
à tous ses ressortissants un joyeux Noël
et de bonnes fêtes de n d’année!