EDITORIAL
OCTOBRE 2008
MERKUR
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Bilan compétitivité 2008:
le Luxembourg doit mieux faire
L’Observatoire de la compétitivité du Grand-Duché de
Luxembourg établit annuellement un tableau de bord sur la
compétitivité. Le bilan 2008 est intitulé «Plus de compétiti-
vité pour plus de pouvoir d’achat», ce titre ayant le mérite de
souligner à quel point la compétitivité importe pour le main-
tien durable du pouvoir d’achat à un niveau élevé. Le tableau
de bord de l’Observatoire repose sur 86 indicateurs, proposés
par le professeur Lionel Fontagné et retenus par les partenai-
res sociaux. La dernière édition du tableau a été présentée à la
presse le 8 octobre dernier.
Le constat est sans appel: en 2007, le Luxembourg occupait
une position relativement médiocre en termes de compétitivité
globale. Il ne figure en effet qu’à la 9e place au sein de l’Union
européenne. Le Grand-Duché subit de surcroît une détériora-
tion marquée par rapport à l’année précédente, puisqu’il perd
trois places. Cette situation dommageable reflète principale-
ment les mauvaises performances du Luxembourg en matière
d’emploi (17e), de fonctionnement des marchés (18e), d’entre-
preneuriat (18e) et d’environnement (20e). L’un des indicateurs
relatifs à l’emploi, à savoir le taux d’emploi des travailleurs de 55
à 64 ans, a continué à se détériorer en 2007, alors qu’il est déjà
très nettement inférieur à la moyenne européenne. La Cham-
bre de Commerce rappelle dans ce contexte son appui récur-
rent à une politique visant à encourager les travailleurs à opter
pour un âge de départ à la retraite plus tardif.
L’Observatoire de la Compétitivité met en exergue un autre
facteur également souligné sans relâche par la Chambre de Com-
merce, à savoir le différentiel d’inflation entre le Luxembourg
et ses principaux partenaires commerciaux. Dans un avis spé-
cial, le professeur Lionel Fontagné constate que la compétitivité-
coût et la compétitivité-prix se sont toutes deux détériorées au
Luxembourg en 2007, alors que la tendance était déjà défavo-
rable sur la période 1995-2006. La compétitivité-coût marque
par ailleurs le pas tant dans l’industrie que dans les services.
Dans ce contexte, le professeur Fontagné soutient les dis-
positions temporaires adoptées en avril 2006 par le Comité de
coordination tripartite en matière d’indexation automatique des
salaires, qui ont selon lui permis d’atténuer le cercle vicieux de
ce mécanisme. Dans la foulée, le professeur recommande la pro-
longation de l’accord tripartite: «si l’accord n’ était pas prolongé,
des hausses successives de salaires seraient à prévoir alors que le pic
d’inflation est passé et que les pays concurrents sont revenus à des
niveaux d’inflation autour de l’objectif des 2 %. Cette question
est particulièrement préoccupante dans la mesure où les marges de
manoeuvre du Luxembourg sont limitées: dans la période récente,
en dépit d’une intensification capitalistique, moins de gains de pro-
ductivité ont été réalisés tandis que plus de salaires étaient distri-
bués. Si toute la compétitivité ne se résout pas aux prix, une dérive
des prix liée à des effets de second tour ne manquerait pas de dégra-
der la compétitivité du Grand-Duché.»
Le Bilan 2008 remet également les pendules à l’heure en
matière de pouvoir d’achat. Il indique que le pouvoir d’achat
par tête au Luxembourg a augmenté sans discontinuer de 1997
à 2008 et devrait continuer à progresser, à la faveur des mesures
fiscales et sociales que contient le projet de budget 2009 (adap-
tation de 9 % des barèmes fiscaux, crédits d’impôt pour sala-
riés et pensionnés, chèques service notamment) et grâce au plan
«anti-inflation excessive» du gouvernement. L’Observatoire de la
compétitivité est par ailleurs d’avis que sur un horizon de long
terme, le pouvoir d’achat ne peut être assuré que si la producti-
vité structurelle progresse fortement et durablement.
L’Observatoire de la compétitivité souligne également l’im-
portance de la recherche et développement, de l’innovation et de
la promotion d’une économie de la connaissance. Ces domaines
d’action promus par la stratégie de Lisbonne exercent un effet
favorable sur la productivité, cet effet étant d’ailleurs confirmé
par une étude conjointe réalisée par le CRP Henri Tudor, le Sta-
tec et l’Observatoire de la compétitivité. Un modèle économétri-
que spécial, qui permet de simuler les effets des réformes entre-
prises dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, vient compléter la
contribution de l’Observatoire de la compétitivité à une meilleure
compréhension de la relation entre la stratégie d’innovation d’une
part et la productivité totale des facteurs d’autre part.
Une autre étude présentée à la conférence de presse analyse
la tendance de la productivité globale des facteurs, qui reflète
les avancées technologiques. L’étude met en évidence des dyna-
miques sectorielles divergentes en la matière. Alors que les bran-
ches «activités financières et services aux entreprises», «industrie
y compris énergie» et «construction» voient comme il se doit
leur productivité totale des facteurs augmenter depuis 1995, la
productivité totale des facteurs des branches «commerce, trans-
ports et communication», «autres activités de services» et «agri-
culture, chasse et pêche» tendrait plutôt à diminuer. La Cham-
bre de Commerce est d’avis que cette langueur de la productivité
totale des facteurs doit être suivie de près, car elle contribue à
rehausser les coûts des entreprises concernées.
Le Bilan compétitivité 2008 montre à quel point il est impor-
tant d'adopter rapidement des mesures structurelles renforçant
durablement la compétitivité et la productivité des entreprises
implantées au Grand-Duché. Dans le contexte d'un monde glo-
balisé et dans un environnement marqué par l'incertitude et
par une crise de confiance sans précédent, seule une économie
compétitive pourra permettre une dynamisation de l'activité
entrepreneuriale et économique, source de création de valeur,
d'emplois, de richesse et de recettes fiscales. A ce dernier sujet,
des finances publiques saines constituent également un facteur
de compétitivité décisif. La Chambre de Commerce reviendra
en détail sur le projet de budget 2009 dans la prochaine édi-
tion du Merkur, en présentant son avis budgétaire dans le dos-
sier du mois. n