EDITORIAL
NOVEMBRE 2008
MERKUR
1
Projet de budget 2009: un budget volontariste pour
soutenir la conjoncture, mais une plus grande maîtrise des
dépenses s’impose pour le moyen terme
Le 1
er
octobre dernier, le gouvernement a déposé à la
Chambre des Députés le projet de loi concernant le budget
des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année 2009. Les
dépenses de l’Etat au sens strict s’établiraient à 9044 mil-
lions d’euros en 2009 (+6,9 % par rapport au budget voté de
2008). Les recettes se monteraient quant à elles à 9057 mil-
lions d’euros, de sorte que le budget se solderait par un léger
excédent, de 13 millions d’euros. Si l’on se réfère au cadre
européen qui a une approche plus dynamique de la situation
financière, l’administration centrale enregistrera un déficit de
1,8 % du PIB en 2009 (après un excédent de 0,8 % du PIB
en 2007 et un déficit attendu de1,4 % en 2008).
Dans le contexte actuel de crise financière et de confiance,
la Chambre de Commerce prend note avec satisfaction des
aménagements fiscaux repris au projet de budget. Elle espère
que la hausse de pouvoir d’achat en découlant se répercutera
favorablement en termes de soutien à la consommation et à
l’investissement au niveau de l’économie luxembourgeoise.
Le projet prévoit un allégement significatif de la fiscalité des
ménages, comme l’attestent en particulier l’adaptation à l’in-
flation passée à quelque 9 %, des barèmes de l’impôt sur les
traitements et salaires de même que l’instauration d’un nou-
veau crédit d’impôt de 300 euros par an en lieu et place de
l’abattement compensatoire de 600 euros.
Le projet de budget 2009 contient deux mesures pou-
vant a priori être saluées par les entreprises. Il s’agit tout
d’abord de la suppression du droit d’apport, qui avait déjà été
réduit de moitié en 2008. Les acteurs de l’économie luxem-
bourgeoise ne peuvent que se féliciter de la disparition d’un
prélèvement résolument anti-économique. Il est cependant
regrettable que cette avancée majeure s’accompagne de l’in-
troduction de droits d’enregistrement spécifiques, frappant
notamment certaines opérations immobilières. Le projet de
budget consacre par ailleurs une légère diminution du taux
de l’impôt sur le revenu des collectivités, qui passera de 22 à
21 %. De concert avec l’impôt communal et l’impôt de soli-
darité, le taux global d’imposition des bénéfices des socié-
tés passera dès lors de 29,63 à 28,59 % (base ville de Luxem-
bourg), ce qui constitue toujours un taux relativement élevé
à l’aune de nombre de nos concurrents européens. Il s’agit
cependant d’un pas dans la bonne direction.
La Chambre de Commerce salue également les accents
structurels et volontaristes du projet de budget 2009. Sou-
cieux de renforcer la « qualité » des dépenses, le gouvernement
fournit un effort certain en matière de recherche et dévelop-
pement. Ainsi, les postes «recherche et innovation» et «Uni-
versité du Luxembourg» progresseraient de respectivement 12
et 22 % en 2009 par rapport au budget voté 2008. Ce souci
de l’avenir se traduit également par une progression soutenue
des investissements des administrations publiques, qui passe-
raient selon les autorités de 3,7 % du PIB en 2007 à 4,5 % en
2009. La Chambre de Commerce espère que ce programme
d’investissement ambitieux sera effectivement mené à bien,
car il s’agit d’un enjeu fondamental tant d’un point de vue
conjoncturel que structurel.
A la faveur de ces impulsions diverses, le projet de bud-
get contribuera à atténuer les conséquences de l’actuelle crise
financière, le tout dans une perspective pleinement contra-
cyclique. Le budget constitue donc une réponse de court
terme adéquate. Le revers de la médaille est cependant une
progression toujours soutenue des dépenses. Les dépenses
totales de l’administration centrale progresseraient en effet
de quelque 6,4 % en 2009 selon le volume III du projet de
budget, ce qui excédera nettement l’augmentation moyenne
observée dans les pays limitrophes du Luxembourg. Le main-
tien d’une telle hausse des dépenses n’est pas tenable à moyen
terme. Cela rendra dès lors aussi plus difficile l’adaptation
de l’économie luxembourgeoise à la nouvelle architecture du
système financier qui naîtra de la crise actuelle. Si le Luxem-
bourg disposait d’un fonds souverain ainsi que d’un contrôle
accru de l’efficacité des dépenses publiques, ainsi que le pré-
conise la Chambre de Commerce dans ses publications récen-
tes, le Luxembourg serait mieux armé pour affronter les tur-
bulences financières et économiques actuelles. Les déboires
récents d’un Etat souverain tel que l’Islande et les problèmes
économiques en Irlande illustrent la nécessité d’une réflexion
approfondie en la matière au cours des mois à venir.
Un examen détaillé des soldes des administrations publi-
ques démontre d’ailleurs que la situation des finances publi-
ques luxembourgeoises est moins saine qu’il n’y paraît au pre-
mier abord. Elles enregistreraient certes un excédent de 1,1 %
du PIB en 2009, mais ce résultat est bien en retrait du surplus
de 3,2 % enregistré en 2007. Cet excédent de 1,1 % du PIB
repose par ailleurs sur une hypothèse de croissance de 3 % en
2009. Dans ses prévisions d’automne, certes postérieures au
dépôt du projet de budget, la Commission Européenne pré-
voit pour sa part une croissance du PIB luxembourgeois de
1,2 % seulement en 2009. Cet écart de 1,8 % entre la crois-
sance prévue au projet de budget et celle qu’anticipe la Com-
mission devrait induire un manque à gagner de l’ordre de
0,7 % du PIB au niveau des recettes budgétaires.
Enfin, l’excédent de 1,1 % est imputable à de conforta-
bles excédents de la sécurité sociale, l’administration cen-
trale accusant quant à elle un déficit de 1,8 % du PIB en
2009 selon les autorités. Or l’équilibre de la sécurité sociale
est menacé à terme, sous l’effet notamment du vieillissement
prévisible de la population. De nombreuses institutions natio-
nales et internationales ont mis en exergue le poids insou-
tenable des engagements futurs du régime général de pen-
sion. Un comportement bien plus responsable en la matière
s’impose, d’autant que la présente crise financière pourrait
entamer le potentiel de croissance à long terme de l’écono-
mie luxembourgeoise.
n