S En l’état actuel du projet ... philosophie de l’enseignement public tient à faire les remarques suivantes :

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SUR LA RÉFORME DU LYCÉE ET LA PLACE DE LA PHILOSOPHIE
En l’état actuel du projet de réforme des lycées, l’Association des professeurs de
philosophie de l’enseignement public tient à faire les remarques suivantes :
Une structure composée de modules d’enseignements semestriels ne nous apparaît pas
pertinente pour le Lycée. Vouloir calquer sur le secondaire une organisation propre au
supérieur revient à nier la spécificité de ce niveau d’études. Le lycée a pour but de transmettre
les savoirs fondamentaux et à cette fin les disciplines ont besoin d’une continuité dans le
temps. Le risque des modules semestriels réside dans l’émiettement des connaissances. Cette
parcellisation peut être nuisible à une perception globale, par les élèves, de la culture et des
savoirs qui leurs sont enseignés.
S’agissant plus spécifiquement de la philosophie au lycée, nous souhaitons rappeler les
raisons qui justifient sa place dans les enseignements fondamentaux du cycle terminal :
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Si nous pensons que la finalité de l’école n’est pas seulement la transmission de
savoirs monnayables dans la vie professionnelle, mais aussi l’apprentissage du libre
usage individuel de la raison, il est urgent de réaffirmer la nécessité d’un
enseignement philosophique au lycée. Qu’est-ce qui est demandé à un cours de
philosophie ? Non pas d’exposer des contenus de pensée comme des résultats, mais
d’exercer l’élève à interroger la pertinence et la légitimité d’énoncés et de pratiques.
Repérer et évaluer des principes, confronter les faits et les savoirs à ces principes,
apprécier leurs conséquences par une démarche méthodique : voilà bien les règles de
l’enseignement philosophique. Ce qu’est tenu d’enseigner le professeur et ce que doit
apprendre l’élève, c’est l’apprentissage et la pratique, moins de doctrines comme
telles, que du pouvoir à la fois critique et constructif de la méthode dans la pensée.
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C’est l’ambition de l’enseignement philosophique que de mettre l’élève en situation de
mesurer le fait que la liberté de penser est un risque par lequel il pourra accéder à une
compréhension plus libre et plus large des enjeux essentiels d’une existence humaine
et des conditions de leur accomplissement. Un enseignement philosophique ne saurait
donc être confondu avec ce qu’il n’est pas. Il n’est pas simple débat d’opinions. Il ne
revient pas seulement à réfléchir ou à raisonner. Ce serait d’ailleurs faire injure aux
autres disciplines de revendiquer le privilège d’être la discipline invitant ses élèves à la
réflexion ou au raisonnement ! Notre enseignement a sa spécificité dans l’intention,
généreuse et exigeante, de mettre en contact nos élèves avec les philosophes, c’est-àdire avec leurs œuvres, par le biais de notions, qui d’abord parlent à tous, et d’un
cours. Favoriser l’accès de chaque élève à l’exercice réfléchi du jugement, et lui offrir
une culture philosophique initiale sont deux finalités substantiellement unies.
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La culture philosophique à acquérir en fin d’études secondaire repose elle-même sur
les acquis des autres disciplines, notamment pour la maîtrise de l’expression et de
l’argumentation, la culture littéraire et artistique, les savoirs scientifiques et la
connaissance de l’histoire. La philosophie peut permettre aux élèves de comprendre
les fondements et les enjeux des savoirs et des pratiques qu’ils auront à mettre en
œuvre dans leur vie – pas seulement professionnelle.
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En France, le lien entre la philosophie et l’institution, dans le secondaire, a été pensé
dans le cadre d’un modèle républicain. Sa finalité n’est pas seulement de former le
citoyen – ce qui reviendrait à inféoder la philosophie à des fins politiques – mais,
comme le présente le dernier programme des classes terminales, « de former des
esprits autonomes, avertis de la complexité du réel et capables de mettre en œuvre une
conscience critique du monde contemporain. »
Si la République estime encore que la philosophie est un élément essentiel de la culture d’un
homme libre, elle doit donner à son enseignement les moyens nécessaires à sa réussite. Pour
cela, si le cadre actuel de la réforme est maintenu, nous demandons :
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Que, dans le tronc commun, un enseignement fondamental de philosophie soit proposé
sur la totalité de l’année scolaire à tous les élèves et avec un horaire tel qu’il ne
constitue pas une régression relativement à la situation actuelle, car cela reviendrait à
rendre impossible la tâche des professeurs et des élèves.
En outre si la logique des filières devait être abandonnée, une option
d’approfondissement en philosophie devrait être offerte aux élèves sur l’année entière
de terminale.
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