Figure. Surveillance par imagerie des patientes porteuses de mutation.
26 | La Lettre du Sénologue • No 60 - avril-mai-juin 2013
Résumé
La surveillance en imagerie chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA commence classiquement
à partir de l’âge de 30 ans, associant à un rythme annuel une IRM mammaire (premier examen) à une
mammographie (une incidence par sein entre 30 et 35 ans) avec ou sans échographie. Il est recommandé
que cette surveillance soit effectuée par des radiologues spécialisés et dans un site où ces 3 modalités
d’imagerie sont disponibles. Cette stratégie est efficace, avec moins de 2 % de cancers de l’intervalle et
des cancers détectés à un stade précoce.
Mots-clés
Mutations BRCA1/
BRCA2
IRM mammaire
Stratégies de
surveillance
Summary
Breast cancer screening in
BRCA gene-mutation carriers
starts at the age of 30 years
using breast MRI (fi rst exami-
nation) followed by mammog-
raphy (one view/breast
between 30 and 35 years)
± ultrasound every year. This
screening must be performed
by trained radiologists and
in a structure offering these
3 imaging modalities. This
strategy is effi cient with less
than 2% of interval cancers
and detection of early- stage
breast cancers.
Keywords
Mutations BRCA1/ BRCA2
Breast MRI
Screening strategies
standard tous les 6 mois. Chez des femmes por-
teuses de mutations, il semblerait que ce schéma
(étude de modélisation) de surveillance alternée
(IRM seule entre 25 et 29 ans puis alternance entre
IRM et mammographie tous les 6 mois à partir de
30 ans) soit le plus performant en termes d’espé-
rance de vie (5). On dispose d’une seule étude rétro-
spective publiée, qui concluait à l’intérêt d’une telle
stratégie, mais dans laquelle les femmes n’avaient
pas eu d’IRM associée lors de l’imagerie standard.
Ainsi, le cancer détecté 6 mois après par l’IRM seule
aurait peut-être été repéré lors du suivi standard
si une IRM avait été effectuée (6). Tous les essais
publiés avaient un protocole de surveillance annuelle
(examens groupés sur une période de 1 à 2 mois) ;
seule 1 étude comptait un sous-groupe dans lequel
une échographie était effectuée à 6 mois lors de la
surveillance clinique, et ce sans valeur ajoutée à la
stratégie annuelle (2). Pour conclure quant à l’alter-
nance des examens d’imagerie, le seul sous-groupe
qui pourrait en bénéfi cier serait celui des femmes
porteuses d’une mutation de BRCA1 (BReast CAncer
gene 1) entre 30 et 39 ans. En effet, les cancers du
sein sont, dans ce cas, particuliers : invasifs, triple-
négatifs, de développement rapide, carcinomes
canalaires in situ (CCIS) de haut grade souvent sans
calcifi cations visibles à la mammographie. La limite
de 39 ans correspond à l’âge recommandé d’une
annexectomie prophylactique (ovaires et trompes)
pour les patientes porteuses d’une mutation de
BRCA1, geste qui divise par 2 le risque de cancer du
sein. En l’absence de données pertinentes, le choix
d’alterner ou non les examens doit être discuté
par les professionnels et la patiente. L’alternance
sous-entend un radiologue compétent en IRM (un
taux élevé d’IRM positives entraînant la nécessité
de refaire un bilan en imagerie standard). Si l’IRM
permet de dépister plus de cancers que l’imagerie
standard, améliore-t-elle pour autant la survie ? Une
étude récente a rapporté ses résultats à long terme
dans une cohorte de 496 femmes porteuses d’une
mutation de BRCA1 ou de BRCA2 et surveillées par
IRM (7). Cinquante-sept cancers (dont 65 % inva-
sifs) ont été détectés : 53 par imagerie seule, 3 sur
mastectomie prophylactique et 1 cancer de l’inter-
valle. La sensibilité de l’IRM était signifi cativement
supérieure à celle de la mammographie au cours du
suivi (p < 0,0001). La taille moyenne des cancers
invasifs détectés était de 10,2 mm (3-30 mm) ; 43 %
étaient de haut grade et triple-négatifs ; 97 % étaient
de stade 0 ou 1. Sur un suivi médian de 8,4 ans,
1 seule patiente est décédée de son cancer du sein,
ce qui correspond à un taux annuel de mortalité de
0,5 %. Lors du suivi de leur essai, les Néerlandais ont
quant à eux rapporté un taux annuel de 1,2 % dans
le sous-groupe avec mutation. Il semblerait donc
que cette stratégie soit effi cace ; d’autres résultats
et un suivi à plus long terme sont cependant néces-
saires pour confi rmer ces résultats encourageants.
La problématique actuelle est la mise en évidence
de cassures double-brin de l’ADN à faibles doses
(basse énergie) et, donc, de l’effet potentiellement
délétère de mammographies répétées et débutant
à un âge jeune chez des femmes porteuses de muta-
tions (les gènes BRCA intervenant dans la réparation
des cassures de l’ADN) [8]. Le groupe de l’EUSOMA
(European Society of Breast Cancer Specialists) ne
recommande ainsi l’ajout systématique d’une mam-
mographie après un examen IRM normal qu’à partir
de l’âge de 35 ans ; d’autres proposent de réaliser une
seule incidence mammographique (oblique externe)
par sein entre 30 et 35 ans (lorsque l’IRM est normale)
[9]. L’Institut national du cancer va mettre en place
un groupe de travail en 2013 pour mettre à jour le
référentiel en cours (4). ■