Quelle gouvernance pour la biodiversité marine au-delà des zones de juridiction
, G. Proutière-Maulion et J.-P. Beurier.
Iddri – Idées pour le débat N° 07/2007. 5
Résumé
Les mers et océans représentent plus de 71 % de la surface de notre planète. Ils jouent un rôle
essentiel, à la fois pour les écosystèmes terrestres et marins mais aussi pour les activités humaines
que ce soit comme voie de communication (transport) ou comme source d’alimentation (pêche). À
ce titre, les mers et océans sont donc l’objet de multiples enjeux en termes de gestion des pêches,
de sécurité maritime ou encore de protection de la biodiversité. Or, si l’on sait aujourd’hui que
l’hydrosphère marine a été la source de vie sur la planète, jamais le berceau de nos origines ne sera
apparu autant menacé par l’activité de l’homme. Alors que les océans regroupent plus de 90 %
des habitats biologiques, l’humanité doit aujourd’hui faire face à une perte de diversité sans
précédent, faisant peser une très lourde menace sur l’extraordinaire diversité de la vie marine.
L’analyse des déclarations finales des conférences internationales les plus récentes relatives à la
pêche ou à l’environnement marin révèle un consensus sur la nécessité de promouvoir une pêche
durable et la préservation de l’environnement marin. Les différentes initiatives mises en œuvre,
ces dernières années, manquent cependant de cohérence dans la mesure où il n’existe pas
d’interactions entre elles. La multiplication des intervenants conduit, en effet, aujourd’hui à un
manque de lisibilité des processus en cours et risque de conduire à une déperdition des énergies
faute d’un programme de travail unifié et d’intervenants clairement identifiés. Le phénomène est
d’autant plus alarmant qu’aucune des conférences convoquées sur ce thème ou des processus
informels en cours n’ont donné lieu à des avancées concrètes. Tout l’enjeu est donc de définir
rapidement les conditions de l’action collective qu’appelle l’état actuel de la biodiversité marine
pour une gouvernance cohérente et qui ne soit pas rendue inutilement inefficace par la
multiplicité d’institutions compétentes et d’instruments juridiques qu’ils soient internationaux,
globaux, thématiques ou régionaux.
La diversité biologique est reconnue comme préoccupation commune de l’humanité et a été
affirmée ressource naturelle au sens de la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des
Nations unies de décembre 1962. Actuellement le cadre juridique permettant d’assurer sa
protection est organisée essentiellement autour de deux instruments : la CMB (Convention des
Nations unies sur le droit de la mer de 1982) qui constitue le cadre juridique général régissant la
protection des océans et la CDB (Convention sur la diversité biologique de 1992) qui, elle, traite
spécifiquement de la protection de la biodiversité.
La CMB ne traite pas expressément de la biodiversité marine, mais elle contient cependant de
nombreuses dispositions de caractère général relatives à la protection du milieu marin et donc par
voie de conséquence à la biodiversité marine. Ce texte ne désigne aucune organisation ou autorité
susceptible de gérer les écosystèmes de la haute mer. Toutes les activités conduites en haute mer
sont donc soumises à la juridiction de l’État dont le navire en cause bat pavillon ou dont les
nationaux sont impliqués, même s’il est rappelé qu’aucun État ne peut revendiquer de
souveraineté sur quelque partie que ce soit de la haute mer ou sur ses ressources. La CMB fait
également obligation aux États de coopérer et d’instaurer des règles communes par le biais de la
création d’organisations internationales de pêche. La responsabilité potentielle de réguler les
dommages provoqués par une activité en haute mer repose donc sur l’État du pavillon car, en
vertu de cette obligation de coopération, les États sont tenus d’assurer une gestion pérenne ou de
rétablir les stocks menacés.
À l’exception des ressources minérales contenues dans le fond des océans, consacrées
patrimoine commun de l’humanité (Art 136, Partie XI CMB), les autres éléments de la biodiversité
marine ont actuellement le statut de
res nullius
. La capture d’espèces nouvelles macro ou micro-
biologiques en haute mer ou dans la zone internationale est, en conséquence, libre d’accès et les
captures peuvent être exploitées dans le respect des termes de la CMB (ce qui implique que les
États peuvent être contraints de respecter certaines règles liées à la préservation de ces ressources).
Les procédés microbiologiques et les organismes génétiquement modifiés issus de ces procédés
peuvent dès lors être brevetés en toute légalité, dans les limites de l’accord ADPIC (Aspects des
droits de propriété interllectuelle qui touchent au commerce). Cette situation comporte
intrinsèquement un risque de surexploitation (d’autant plus que chaque espèce est peu
représentée) puisque comme l’illustre la pêche, une arrivée massive d’individus souhaitant utiliser
cette ressource sans contrôle, risque, à moyen terme, de conduire à l’épuisement de celle-ci.
De façon, plus précise, le cadre juridique de la protection de la biodiversité est, lui, fixé par la
Convention sur la diversité biologique (CDB) signée à Rio de Janeiro le 5 juin 1992. Ce texte a