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considérer comme des porteurs tous les animaux infectés de manière persistante par le virus de la fièvre aphteuse, car
cela impliquerait qu’ils sont tous capables de transmettre la maladie (108). Si la transmission est effectivement parfois
possible, elle ne se produit pas nécessairement. C’est pourquoi nous avons tenté ici de faire la distinction entre la
persistance virale simple et le statut de porteur au sens propre du terme.
Il devient de plus en plus important d'identifier les porteurs du virus de la fièvre aphteuse et de comprendre leur rôle
dans le déclenchement des foyers. Des progrès significatifs ont en effet été réalisés récemment dans l’éradication de la
fièvre aphteuse dans différentes régions du monde (Europe occidentale et certaines parties d'Amérique du Sud
notamment), et il est économiquement important pour ces régions de conserver ou d’améliorer leur statut. Cela est
particulièrement vrai depuis que les pays peuvent être déclarés officiellement indemnes par l’OIE. La libéralisation du
commerce international des produits agricoles et des produits d’origine animale, promue par l’Organisation mondiale
du commerce, augmentera vraisemblablement le risque d’introduction de la fièvre aphteuse par des porteurs de virus
dans des régions reconnues indemnes. Les porteurs sont en effet plus difficiles à identifier que les animaux malades et,
en l'absence d’immunisation, les populations animales des pays indemnes sont aussi extrêmement sensibles. Par
ailleurs, le portage constitue au moins l’un des mécanismes par lesquels les buffles d’Afrique (Syncerus caffer)
entretiennent les virus de types SAT (59, 60, 116). Il en résulte que les pays africains qui possèdent une faune
abondante doivent payer les avantages écologiques et autres bénéfices que leur apportent ces animaux par des
restrictions commerciales portant sur les produits d'origine animale (114). Il apparaît donc indispensable d’évaluer
l’adéquation des règlements qui régissent le commerce international des animaux d'élevage et de leurs produits, à la
lumière de nos connaissances actuelles sur le rôle des animaux sauvages et domestiques porteurs de virus dans la
transmission de la fièvre aphteuse.
2. SIGNIFICATION BIOLOGIQUE DES PORTEURS DE VIRUS
Les agents infectieux qui se reproduisent très vite, et qui sont donc capables de se propager rapidement, comme c’est le
cas pour le virus de la fièvre aphteuse, se heurtent rapidement à l’absence de nouveaux animaux sensibles à contaminer
(les animaux guéris sont habituellement immunisés), sauf si la population hôte est très importante. Pour surmonter le
risque d’auto-extinction final, les agents infectieux emploient un certain nombre de stratégies. Le plus souvent, ils font
varier les antigènes qui induisent l'immunité et contournent ainsi la réponse immunitaire de la population hôte (9) ou
bien établissent des porteurs qui entretiennent l'infection individuellement, jusqu'à ce qu’il y ait à nouveau un nombre
suffisant d’individus sensibles pour conduire à une autre épidémie (habituellement, il s’agit d’animaux nés après
l'épizootie et dont l’immunité maternelle a disparu) (127). Le virus de la fièvre aphteuse associe curieusement ces deux
stratégies, et l’on est fondé à croire que ses variations antigéniques sont, dans une certaine mesure au moins,
dépendantes de certains processus intervenant dans la sphère pharyngée des animaux atteints d’infection persistante.
3. PERSPECTIVES HISTORIQUES
La meilleure démonstration du rôle majeur que jouent les porteurs dans le déclenchement des foyers de fièvre aphteuse
est historique. Dans certains cas, en effet, la maladie est apparue alors qu’on pouvait raisonnablement affirmer
qu’aucun nouvel animal n’avait été introduit et qu’aucune autre explication ne pouvait être avancée. Ces cas ont
souvent été cités dans les revues de la littérature et nous nous limiterons ici à une liste de références bibliographiques
relatant ces observations (71, 13, 21, 86, 91, 88, 107, 17, 102, 67, 64, 117).
4. CONNAISSANCES ACTUELLES SUR LA PERSISTANCE DU VIRUS
DANS LES DIFFÉRENTES ESPÈCES
4.1. Bovins
La plupart des études publiées sur la persistance du virus de la fièvre aphteuse concernent les bovins. Il a été
clairement montré que dans une proportion variable d'individus (souvent plus de la moitié), des virus du type
considéré sont retrouvés dans les prélèvements oesophago-pharyngés (OP) pendant un mois à plusieurs années
après l'infection (118, 106, 22, 19, 57, 30, 58, 105, 4, 80, 60, 56), lorsqu’on recueille les prélèvements à l’aide
d’une petite coupelle fixée à l'extrémité d'une baguette métallique (curette pharyngienne "probang"), conçu par
Grae & Tallgren (118, 107, 64). Ces travaux indiquent que les sept types de virus sont capables d'induire une
infection persistante pouvant durer jusqu'à 42 mois (56). “ L’efficacité ” des différentes souches virales est
probablement variable, bien que le nombre d’animaux atteints d’infection persistante varie en fonction de la