à Boston (États-Unis), de l’Institut
Karolinska à Stockholm (Suède)
et de l’université d’Oslo (Norvège),
enfonce le clou en suggérant
quant à elle un taux de surdia-
gnostic de 15 à 25 % (9). Or qui
dit surdiagnostic dit surtraitement.
Car toutes les femmes diagnosti-
quées sont effectivement traitées.
L’intensification du dépistage
renforce ainsi le recours à la radio-
thérapie, qui n’est pas sans risque
pour la santé : elle endommage les
vaisseaux sanguins et favorise
la survenue d’une insuffisance
cardiaque. Elle doublerait non
seulement la mortalité par mala-
die cardiovasculaire, mais aussi le
risque de cancer du poumon (3).
LES MASTECTOMIES
EN AUGMENTATION
Pour les défenseurs du dépistage,
l’intérêt est également de détecter
des cancers curables avec des trai-
tements moins mutilants. Un
objectif certes louable, mais qui
ne résiste pas à l’analyse des
chiffres. Il apparaît en effet que la
généralisation du dépistage a, au
contraire, fait grimper le nombre
de mastectomies (ablations totales
du sein) d’environ 20 % (3). « En
introduisant le dépistage dans le
sud-est de la Hollande, le taux de
chirurgie conservatrice s’est élevé
de 71 %, celui de mastectomies de
84 %, sans même prendre en
compte les carcinomes in situ »,
précise Peter Gøtzsche. Les abla-
tions totales de sein augmentent
ainsi davantage que les chirurgies
conservatrices, une réalité qui
contredit clairement les arguments
avancés par les défenseurs du
dépistage généralisé.
IRRADIATIONS
RÉPÉTÉES
En plus de nuire aux patientes
traitées à tort, la mammographie
expose les femmes aux radiations.
Si l’impact clinique de ces irra-
diations répétées n’est pas encore
bien caractérisé, des données expé-
rimentales récentes pourraient
inciter à rationaliser le recours
aux mammographies. En soumet-
tant des cellules de l’épithélium
mammaire à des irradiations
équivalentes à celles d’une mam-
mographie, des chercheurs du
service de radiologie du Centre
hospitalier Lyon Sud ont constaté
des cassures double-brin de leur
ADN. Répéter les expositions aug-
menterait donc le nombre de
lésions et altèrerait les mécanismes
de réparation de la molécule (10).
Selon une enquête publiée en
2002 (11), 34 % des Françaises
avaient déjà passé une mammo-
graphie avant 40 ans, soit 10 ans
avant l’âge recommandé. « Or nous
ne disposons que de peu de don-
nées sur la carcinogénicité de
l’irradiation chez les femmes jeunes
dont les seins sont particulièrement
sensibles et réactifs », déplore
Philippe Autier, de l’IPRI.
UNE DIFFICILE PRISE
DE CONSCIENCE
Les effets indésirables du dépistage
du cancer du sein par mammo-
graphie conduisent les autorités
britanniques à en réévaluer l’intérêt,
alors qu’en France, les pouvoirs
publics peinent à admettre l’échec
de cette stratégie. Et la présidente
de l’INCa de déclarer, le 3 février
dernier, qu’il n’existe « aucun argu-
ment scientifique susceptible de
remettre en cause le bien-fondé du
dépistage ». Visiblement, la litté-
rature scientifique internationale
n’a pas la même valeur de chaque
côté de la Manche.
I
56 > BIOFUTUR 332 •MAI 2012
Olivier Frégaville-Arcas
Depuis quelques mois,
la polémique gronde.
Mammographie systématique
pour le cancer du sein mais
aussi contrôle organisé du
taux de PSA (antigène pros-
tatique spécifique) pour le
cancer de la prostate seraient
à l’origine d’un nombre trop
important de surdiagnostics.
De nombreuses études et de
plus en plus d’experts dénon-
cent ces pratiques qui entraî-
nent des traitements injusti-
fiés. Au-delà des faux positifs,
ce type d’examens aboutit à
un diagnostic de cancer chez
des personnes porteuses d’une
maladie asymptomatique, qui,
en dehors de ces campagnes
de dépistage systématique,
n’aurait jamais été perçue au
cours de la vie du patient.
Après analyse de l’ensemble
de la littérature scientifique
sur l’impact du test PSA sur la
survie du patient, les experts
de la Haute autorité de santé
ont conclu, le 5 avril dernier, «
qu’aucune étude ne démontre
l’efficacité du dépistage par
test sanguin dosant le PSA en
termes de diminution de la
mortalité dans une population
d’hommes considérés à risque
».
Par conséquent, l’organisme
public vient de publier de
nouvelles recommandations
concernant le dépistage du
cancer de la prostate. Inutile,
voire nocif – les effets secon-
daires des biopsies de contrôle
n’étant pas négligeables –, ce
dépistage ne doit être pratiqué
qu’après un choix éclairé du
patient qui, au préalable, aura
été informé par son médecin
des conséquences éventuelles.
Le cancer de la prostate
également sujet au surdiagnostic ?
Détection par mammographie d’un adénocarcinome, tumeur maligne
infiltrante, sur le sein gauche.
>
© CAVALLINI JAMES/BSIP
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