glace carbonique CO et CO2, le tout mé-
langé avec de la poussière et des molécules
organiques. À mesure qu’elles s’approchent
du Soleil, en suivant leur orbite, les comètes
se réchauffent. Leurs glaces se subliment
bru talement, c’est-à-dire qu’elles pas sent
directement de l’état solide à l’état gazeux.
Sous l’effet de cette «vaporisation», le
noyau libère jusqu’à plusieurs centaines
de tonnes de poussière par seconde. C’est
justement cette traînée de particules et de
gaz, sur laquelle la lumière du Soleil se re-
flète, qui constitue leurs queues étincelantes.
«On va aborder la comète en ayant le
Soleil dans le dos, pour éviter la queue.
Mais cela reste un environnement hostile
pour une sonde», ironise Francis Rocard.
Hostile et imprévisible. Afin de minimiser
les risques, la rencontre entre
Rosetta
et
Tchouri aura lieu très loin, à 540 millions
de kilomètres du Soleil, avant que la comète
devienne trop active. Ce qui permettra
aussi d’observer en direct l’augmentation
progressive du dégazage co mé taire.
otée de 11 instruments
scientifiques, la sonde
(en fait, sa partie orbi-
teur) collectera le plus
de données possible cet
été, durant la phase d’ap-
proche. Elle étudiera à
distance la compo sition
des particules de poussière et des gaz
éjectés, leur interaction avec les vents so-
laires, et elle cartographiera le relief du
noyau, pour sélectionner cinq sites d’at-
terrissage. Car si la première phase de la
mission est déjà périlleuse, la seconde bat
des records d’audace! Une fois en orbite,
Rosetta
est censée larguer un petit module
appelé
Philaé
qui ira se cramponner à la
comète, le 11 novembre. «On veut y des-
cendre, car ce qui se passe à 100 km d’al-
titude est probablement très différent de
ce qui se passe à sa surface. Le sol renferme
beaucoup de molécules complexes», pré-
cise Philippe Gaudon.
Philaé
et ses 10 ins-
truments devront donc, entre autres, forer
le sol jusqu’à 23 cm de profondeur et ana-
lyser la composition de la matière orga-
nique. Noirs comme du charbon, les
noyaux cométaires sont les objets du Sys-
tème solaire qui contiennent le plus de
carbone. «Ce carbone a peut-être contri -
bué à l’émergence de la vie sur Terre, à
l’époque où les comètes bombardaient la
planète. Nous voulons donc savoir com-
ment il est organisé, quelles sont les mo-
lécules présentes», ajoute Francis Rocard.
L’atterrisseur devra aussi exécuter une
prise de vue panoramique et étudier la
structure interne du noyau avec un radar.
«Cela devrait nous en apprendre beaucoup
sur la formation des comètes, poursuit
l’astrophysicien. Si le noyau est constitué
de couches concentriques, on déduira
qu’elles se sont formées par agrégation de
petits grains, alors que s’il est très irrégulier,
il y a plutôt eu une accrétion violente de
blocs.»
Nul n’en doute, l’intérêt scientifique de
Rosetta
, qui doit son nom à la pierre de
Rosette ayant permis à Champollion de
traduire les hiéroglyphes égyptiens, est
considérable. Mais les chances de réussite
de l’opération sont difficiles à évaluer.
«Nous sommes assez préoccupés, admet
Francis Rocard. Une comète, c’est impré-
visible.
Philaé
pourrait être éjecté par un
jet de gaz, pourrait rebondir et se perdre,
ou même s’écraser. On aimerait qu’il soit
largué à 2,5 km d’altitude du noyau – soit
12 fois plus bas que l’altitude de l’orbite –,
mais l’ESA n’est pas certaine de vouloir
faire descendre
Rosetta
à ce point. Les
poussières pourraient l’endommager ou
la déséquilibrer.»
Tombant pendant 2 à 10 heures, selon
l’altitude de largage,
Philaé
suivra une
trajectoire balistique (sans propulsion).
À quelques mètres du sol cométaire, deux
harpons seront lancés pour ancrer le mo-
Juin ~ Juillet 2014 |Québec Science 43
LA MISSION ROSETTA
EN CHIFFRES
> 957 jours: Période d’hibernation de
Rosetta
entre juin 2011 et janvier 2014.
> 6,5 milliards: Nombre de kilomètres
parcourus par
Rosetta
depuis son
lancement en 2004.
> 300: Nombre de scientifiques mobilisés
en Europe par la mission
Rosetta.
> 50 minutes: Temps qu’il faut pour
envoyer une commande à
Rosetta
et en
recevoir la confirmation.
> 11: Nombre d’instruments scientifiques
embarqués sur l’orbiteur
Rosetta.
> 10: Nombre d’instruments embarqués
sur l’atterrisseur
Philaé.
> 18 mois: Temps pendant lequel
Rosetta
escortera la comète
Tchourioumov-Guerassimenko.
> 3,1 tonnes dont 1,7 tonne de
carburant; poids de
Rosetta
à son départ.
> 65 m2: Surface des panneaux solaires
de
Rosetta.
> 4: Nombre de centres de mission. Ce
sont: l’ESOC (à Darmstadt, Allemagne)
pour les opérations liées à la plateforme
de l’orbiteur
Rosetta
; l’ESAC (à proximité
de Madrid), pour les opérations
scientifiques de ce même orbiteur; le
LCC (à Cologne), pour la plateforme de
Philaé
; enfin, le SONC (à Toulouse), pour
le calcul des trajectoires de
Philaé
et le
suivi des opérations scientifiques.
SOURCE : CNES
D
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