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Docteur Robert Mosnier,
Psychiatre, ancien délégué du Souvenir Napoléonien en Midi-Pyrénées, membre de l’Académie de Languedoc
Joachim Murat par le Baron Gérard François Pascal
Simon – Collection privée
Conférence donnée à Rocamadour dans le cadre du Sa/on du livre, organisé par la section du Lot, présidée par Mme Christiane Bouat
« Soldats, visez au cœur mais épargnez la tête »
E serait les dernières paroles qu'aurait prononcées le maréchal Joachim Murat, prince de l'Empire, roi de Naples,
grand-duc de Berg, Trêves et Clèves, en commandant son propre peloton d'exécution, ce triste jour du 13 octobre 1815
après un simulacre de procès.
MAIS QUI ÉTAIT JOACHIM MURAT ?
Dans l'esprit de certains d'entre nous, il reste le souvenir d'un cavalier hors pair, meneur d'hommes aux uniformes chatoyants,
bon vivant, excellent camarade; pour d'autres c'est le tacticien à la bravoure légendaire, rompant les carrés d'infanterie, assurant la
victoire. Rappelons-nous Eylau, sa tempête de neige, le colonel Chabert mais aussi la déroute de l'ennemi ne parvenant pas à
regrouper ses troupes, l'épée dans les reins. Pour les historiens deux questions se posent :
Murat, pour sauver son trône, a-t-il trahi en janvier 1814? Abandonnant son protecteur, Napoléon, et amenant Eugène,
vice-roi d'Italie, à combattre sur deux fronts: napolitain et autrichien.
N'a-t-il pas, en 1815, précipité trop tôt le conflit, ne permettant pas ainsi à l'Empereur de gagner du temps d'où le désastre
de Waterloo ?
L’ENFANCE DE JOACHIM MURAT
En 1765, Joachim est né à La Bastide-Fortunière (aujourd'hui Labastide-Murat), village du Causse de Gramat, où sa mère,
Jeanne Loubières, tient une auberge. C'est un enfant doué : elle en fera un prêtre et quelle délectation de se promener au bras de
son fils dont elle assurera le ménage, car quelle plus belle destinée que celle de ministre de Dieu.
Joachim bénéficie d'une bourse et continue ses études au collège de Cahors. Les bons Pères se soucient de cet enfant, certes
querelleur, mais qui se repent avec sincérité de ses sottises. À 18 ans il n’a pas la vocation mais n'ose le révéler à sa mère et gagne
Toulouse où il entre au séminaire des Lazaristes. La discipline y est peu soutenue, la première année est consacrée à la
philosophie, il s'y intéresse avec une certaine assiduité, mais ce beau garçon d'1 m 80, portant le petit collet, très aimé de ses
camarades, s'adonne aux jeux d'argent. Il n’a plus d'argent et ne sait comment l'avouer à ses parents qui économisent sou par sou
pour subvenir à ses besoins. Lorsque, le 23 février 1788, le régiment de Chasseurs des Ardennes, en route pour Carcassonne,
traverse Toulouse… Notre séminariste séduit, s'engage. Murat s'emballe, il a trouvé sa vraie vocation. Il gagne très vite ses galons
et la reconnaissance des vieux briscards, car il a toutes les audaces et tous les vices d'un bon chasseur. Sachant lire et écrire, il
gagne ses galons de maréchal des logis. Il réussit à se faire élire, aidé en cela par Cavaignac, futur conventionnel, l'un des trois
membres chargé d'apporter les vœux du Lot à la fête de La Fédération le 14 juillet 1790. À Paris, il va se faire entendre, acclamer,
pense-t-il. Il n'en est rien, après le défilé, parqués sur le Champ de Mars, ils sont remerciés et renvoyés, sans indemnité, dans leur
département d'origine. Parmi les trois, il y a un certain Bessières, aussi renfermé que notre héros est expansif, mais leur amitié ne
se départira jamais.
LES PREMIERS FAITS D’ARMES
Nous arrivons en Prairial, en 1795. Paris est menacé de disette, la colère gronde. Murat est chargé de transporter un convoi de
blé vers la capitale, une estafette vient l'avertir que la Convention est menacée. Piquant des deux, laissant le charroi, Murat et sa
troupe pénètrent dans les Tuileries. Face aux sections, leur détermination sauve la République, mais ce n'est que répit et en
vendémiaire de la même année l'agitation est à son comble. Barras se fait seconder par un certain Bonaparte qui remplace Menou,
Il a besoin de canons ; à la barbe des royalistes, à brides abattues et les précédant, Murat enlève ceux de la plaine des Sablons (40)
qui permettent au général Vendémiaire de triompher de l'insurrection, les derniers éléments étant mitraillés sur le parvis de l’église
Saint-Roch. Murat a trouvé son maître et protecteur : Bonaparte. Le 2 février 1796, il est nommé chef de brigade et aide de camp
du général.
LA CAMPAGNE D’ITALIE
Dans l'armée d'Italie, la cavalerie n’a pas de chef, les régiments, dragons, chasseurs, hussards sont mal équipés, aux effectifs
dérisoires et désordonnés. Murat les entraîne, cogne et frappe, dispersant les carrés de fantassins peu habitués à de telles charges et
ce sera Dego Mondovi où il retourne la situation compromise. Le lendemain 28 avril, Colli, le généra| sarde, demande l'armistice.
Bonaparte donne à Murat l'ordre de porter les drapeaux pris à l'ennemi au Directoire et de lui ramener son épouse Joséphine. Il
sera nommé général de brigade. De retour auprès de Bonaparte, ayant sollicité en vain le commandement de l'armée de l'Intérieur,
Murat se couvre de gloire contre Beaulieu à Borghetto puis soumet le Sénat de Gênes qui entretenait des bandes armées, avant
d'occuper la Toscane et le port de Livourne. Il rejoint alors Bonaparte devant Mantoue, mais échoue dans un projet
d'investissement de la ville.
Cette Campagne d'Italie allait révéler les qualités et les défauts de Murat. Excellent entraîneur d'hommes, à la bravoure
incontestable, saisissant de façon intuitive le moment judicieux de l'attaque, croyant à sa bonne étoile et à son invincibilité, mais
aussi piètre tacticien durant le siège de Mantoue, il échouera dans une tentative de s'emparer, par ruse, d'une des portes de la ville
et sera quelque peu paralysé dans l'action. Mais aussi, jouant cavalier seul, rapportant au Directoire les drapeaux de Dego
Mondovi, il œuvre pour avoir le commandement de l'armée de l'Intérieur. C'est aussi en 1797 l'ébauche d'une idylle avec une toute
jeune fille, Caroline Bonaparte, âgée de 15 ans, car la Campagne d'Italie alterne combats (Lodi, Rivoli) et fêtes autour de
Joséphine en Lombardie. Mais déjà se prépare la grande expédition d'Égypte dans le secret le plus absolu, Murat est placé sous les
ordres de Baraguey d'Hilliers, il embarque à Gênes, reçoit un accueil assez froid de Bonaparte à Lavalette.
LA CAMPAGNE D’ÉGYPTE, LE MARIAGE AVEC CAROLINE ET LE RETOUR À PARIS
La Campagne d'Égypte représente pour Murat la réconciliation avec Bonaparte. Il se couvre de gloire en Palestine et surtout
débloque Junot à Nazareth et remporte la victoire du Mont Thabor. Le jeune général accompagne Bonaparte lors de son retour
d'Égypte.
Très vite il faut nous retourner contre l'Autriche qui menace et tenter de dégager Masséna enfermé dans Gênes. Une armée de
réserve aux ordres de Berthier contre l'Autrichien Mélas, une autre armée aux ordres de Moreau, l'armée du Rhin, contre
l'archiduc Charles. Jouant un rôle de premier plan aux avant-gardes, l'œil sûr, l'aventureux Murat se bat comme un lion à
Marengo 14 juin 1800. Il est trois heures, la défaite est annoncée, mais Desaix survient lors de la première charge, il est abattu.
Kellerman le Jeune prend le commandement de la cavalerie, Murat se charge de la poursuite. Par la suite, il est sous les ordres de
Brune dont il dénonce la lenteur et l'incapacité. Il voudrait dépendre directement du Premier consul et non, sous l'autorité de
Brune, passer par Berthier (ministre de la guerre). Murat est l'irascible, le colérique, le mal aimé, il reste jusqu’en 1803 dans la
péninsule où il s'exerce avec succès à la diplomatie, contrôlant Naples, mais il lui faut s'effacer devant Melzi qui administre avec
sagesse la République italienne. Auparavant, il avait épousé en janvier 1800, à Mortefontaine, Caroline qui se souciait des intérêts
du couple. Le mariage avait été favorisé par Joséphine qui espérait un contrepoids à l'hostilité des Bonaparte envers elle.
De retour dans la capitale, les honneurs pleuvent, il est nommé gouverneur militaire de Paris et de l'Île de France, assisté de son
chef d'état-major, César Berthier. En 1805, il achètera l'Élysée qu'il gardera jusqu'en 1808. Il le transformera profondément et
construira, pour son frère André, titré comte de l'empire, une reproduction de ce palais. En 1808, il recevra 500000 francs de
l'Empereur comme revenu de ses possessions en France.
Le 19 mai 1804, c'est la proclamation de l'empire à Saint-Cloud et le début d'une ascension vertigineuse. Murat fait partie de la
première promotion de maréchaux. Lors de la cérémonie du sacre, il portera la couronne que Napoléon dépose sur la tête de
Joséphine. Grand amiral de l'empire, il jouera un rôle dans la promotion des officiers de Marine, au sein des prévôtés chargées de
la police et des jugements ayant trait à la Marine. Certaines promotions seront visées par lui.
1804, c'est aussi la remise de la Légion d'honneur dont la loi controversée, votée en 1802, fut appliquée. Cette année-là eurent
lieu les premières remises solennelles au Champ de Mars puis à Boulogne.
La paix d'Amiens n’a duré que 13 mois. Dès 1803, nous sommes à nouveau en guerre avec l'Angleterre. Pitt, le premier
ministre britannique inonde les cours européennes de son argent, presse l'Autriche et la Russie à armer, afin de neutraliser une
possible descente des troupes françaises, amassées de Brest à Amsterdam, pour une invasion de l'Angleterre. C'est au camp de
Boulogne qu'est née la première Grande Armée. L’Angleterre forme des milices, inaugure le long de la côte les tours Martello,
destinées à empêcher, limiter ou retarder le débarquement, mais sa flotte est toute puissante. Il faut éloigner Nelson, le faire
tomber dans un piège, jouir des deux ou trois jours de bonne météo pour
assurer la traversée d'une armée de fantassins et de cavaliers qui s'entraînent,
désireux de renouveler l'exploit du « Conquérant ».
Octobre 1805, c'est la désastreuse défaite de Trafalgar où le pusillanime
Villeneuve se fait écraser par l'amiral Nelson qui trouve la mort et la victoire
sur son vaisseau amiral démâté le Victory. Notre flotte et celle de notre alliée,
l'Espagne, sont détruites au large de Cadix. L’Autriche envahit la Bavière, le
plan de Napoléon se réalise.
Sept corps d'armées, sept torrents dévalent de la Manche et de la Mer du
Nord vers l’intérieur des terres et à marches forcées gagnent Strasbourg. Murat
est à la tête de la cavalerie de réserve, car chaque corps d'armée a son
infanterie, sa cavalerie, son génie, un peu plus tard aura son train des équipages
et son intendance à laquelle est rattaché le service de santé. Le génie de
Napoléon rend autonome les corps d'armée, véritables armées en miniature.
Lannes et Ney sont sous les ordres de Murat, ce qu'ils apprécient assez peu.
Lannes est un bon stratège, Ney un bon exécutant et excellent entraîneur
d'hommes. Ils estiment peu Murat « Tête brûlée » pouvant exposer inutilement
et sans couverture certains détachements, c'est le cas de la division Dupont. Les
ordres ne sont pas toujours exécutés, Ney se plaint des erreurs tactiques de
Joachim Murat par Antoine-Jean Gros, Musée du Louvre
notre cavalier Murat, de son manque d'ascendant sur ses collègues, mais c'est la
victoire d'Elchingen où Ney, conseillé par Jomini, remporte un éclatant succès,
obligeant l'armée autrichienne à se réfugier à Ulm en Bavière puis à capituler.
La prise d'Ulm s'accompagne d'une rapide progression vers Vienne. Koutousov, le maréchal russe se dérobe sans .cesse,
détruisant ponts, fourrage, contre-attaquant parfois, mais l'armée française est victorieuse et pénètre dans la capitale impériale,
mais il faut remonter vers le Nord, la Moravie où sous le soleil d'Austerlitz « pâle émanation de l'astre d'hiver », la tactique de
Napoléon, feignant une retraite, va marcher à plein.
Le 30 novembre, lors d'un accrochage, Murat avait feint, sur l'ordre de l'Empereur, une déroute. Malgré l'avis sensé de
Koutousov, Alexandre et ses jeunes officiers étaient persuadés que la Grande Armée était à bout de souffle, prête à la rébellion. La
nuit du 1er au 2 décembre, où les bivouacs illuminés acclamaient l'Empereur, fut perçue par les alliés comme un décrochage. Il
fallait poursuivre et anéantir cette armée démoralisée. L’infanterie russe quittait le plateau de Pratzen, occupé par la suite par
Soult. Davout en mauvaise position parvient à maintenir l'ennemi, Murat audacieux comme à l'accoutumée transforme une
victoire en déroute : Austerlitz.
Le 29 décembre l'Autriche se retirait de la coalition et signait la paix de Presbourg.(Bratislava). Le Saint-Empire et ses trois
cents états, principautés, villes épiscopales, villes libres, comtés et baronnies disparaissent au profit d'une Confédération du Rhin
de quelque trente états dont Napoléon est le grand protecteur. L’empire s'était affermi. En 1806, Murat est nommé prince
souverain, grand-duc de Berg, Trêves et Clèves, un duché sur la rive droite du Rhin à l'économie prospère.
Murat vint fort peu dans son duché. Il fit cependant une entrée solennelle à Düsseldorf. Il lui fallait surveiller la Prusse où, sous
l'impulsion de la reine Louise et à l'instigation des Russes, la Prusse désirait la guerre. Pour prix de sa neutralité, le plus important
des royaumes de la Confédération avait reçu le Hanovre, enlevé à la couronne d'Angleterre. Mais si la Prusse tolérait l’Autriche, la
nomination de Napoléon comme protecteur de la Confédération était vécue comme une provocation. Les agents anglais et russes
rappelaient la gloire du grand Frédéric, l'invincibilité de l'armée prussienne. L’infanterie était la première d'Europe, la Prusse,
victorieuse, rétablirait l'empire allemand. Le roi Frédéric Guillaume était modéré mais très amoureux et, sous l'emprise de sa
femme, il se décida enfin pour la guerre.
1806, LA CAMPAGNE DE SAXE ET DE PRUSSE
Une fois de plus, Murat est aux avant-gardes. La France bouscule, écrase à Auerstaedt, seul Blücher donnera du fil à retordre.
Brunswick est tué à Auerstaedt; c'est la déroute, l'entrée solennelle à Berlin où Napoléon décrète le Blocus Continental. Murat
poursuit l'ennemi, met à bas les troupes dispersées. Le roi, la reine et quelques fidèles se réfugient dans la forteresse de
Koenigsberg où, avec quelques troupes fidèles, ils se mettent sous la protection du tsar. Puis c'est la Campagne de Pologne, plaine
sans fin, bourbiers, marécages, population démunie, il n’y a rien à manger. La population acclame le beau cavalier, les fêtes se
succèdent à Varsovie, Napoléon y trouvera l'amour avec Marie Waleska. Poniatowsky rêve d'un royaume polonais effacé de la
carte par trois fois et Murat, dont la superbe fait l'orgueil des Polonais, pourrait être ce roi. Y a-t-il cru? Il le laisse supposer dans
ses lettres à l'Empereur mais Napoléon ne voudra jamais s'aliéner le tsar en restaurant un royaume de plein droit, sans frontières
naturelles et si démuni. Alors, les attelages démontés, on reprend l'inlassable poursuite de l'armée russe. Le manque
d'approvisionnement, l'insuffisance des services de santé, la fatigue, le dégoût d'un pays sans âme pour les simples troupes altèrent
le moral de l'armée en campagne depuis 1805. Cette guerre ne finira-t-elle jamais ? Et c'est cette bataille d'Eylau des 7 er 8
février, sous une tempête de neige, où l'on ne distinguait pas ennemis et amis. Siméon Fort, dans un tableau à Versailles, l'a
immortalisée.
Au printemps suivant, le cours de la guerre reprend et ce sera la victoire finale et décisive de Friedland (14 juin 1807), prélude
à l'alliance franco-russe, au traité de Tilsit, qui divise l'Europe en deux, l'empire ottoman laissé à la discrétion du tsar qui va
s'installer définitivement dans le Caucase et débutera la conquête du Turkestan russe; la Pologne devient un grand-duché
autonome sous la suzeraineté nominale du roi de Saxe. Tous les cosaques veulent voir le grand « Mourad ». I1 est de toutes les
fêtes arborant comme à son accoutumée costumes chamarrés, recevant insignes et honneurs des cours étrangères. Le jacobin
Murat a bien changé.
En ce début de 1808, le piège espagnol se referme, les troupes françaises soucieuses d'appuyer Junot qui s'est emparé du
Portugal (novembre 1807), - il en sera chassé l'année suivante -, commettent maladresses sur maladresses, se moquent de la piété
des Espagnols autant que de leur retard technique. Le royaume est en insurrection; les maréchaux envoyés en Espagne ont besoin
d'un coordinateur. Napoléon envoie Murat pour tenter d'apaiser les conflits, voir sur place, aviser, attendre les ordres, après avoir
fait remonter les informations. Très vite Murat sent l'hostilité des Espagnols. Il en avise l'Empereur qui n’en tient pas compte.
Murat agit prudemment, tentant de concilier les uns, les autres. Napoléon décide alors l'entrevue de Bayonne. La famille royale,
mais aussi tous les infants, sont convoqués dans ladite ville. La foule tente d'empêcher le départ des derniers infants, c'est la
révolution madrilène des 2 et 3 mai 1808, immortalisée par Goya et la terrible répression, après les
massacres de soldats isolés, ordonnée par Murat. Murat espère être nommé roi et va tomber dans une
profonde dépression quand il apprend que c'est le pusillanime Joseph qui est nommé roi des Espagnes, car
il y a aussi les Indes espagnoles qui ont déjà pavoisé en l'honneur de Ferdinand VII.
Louis règne sur la Hollande, pour Jérôme est créé le royaume artificiel de Westphalie, Eugène le beaufils est vice-roi d'Italie. Murat n'est que beau-frère, lui donner un royaume plus important qu'aux autres
membres de la famille risquerait d'entraîner une vendetta et puis Murat a son caractère. Il n’est pas sûr et Pièce de 40 lires italienne,
souvent n en fait qu’à sa tête. En compensation, il régnera sur Naples avec promesse de débarquement en
représentant le Roi de
Naples
Sicile, un royaume bien administré mais qui vit encore au Moyen Âge.
MURAT, ROI DE NAPLES 1808-1815
C'est un Murat terne et replié qui arrive à Gaète puis à Naples. L’accueil enthousiaste de la population le fait aussitôt changer
d'avis. Les jeunes Napolitaines n’ont d'yeux que pour leur héros. Murat va réorganiser les finances, l'économie, l'administration,
lutter contre la corruption, le brigandage incessant, tenter d'organiser une armée napolitaine sous l'œil ironique de l'armée
d'occupation française. Quant à Caroline, il lui laisse les œuvres de bienfaisance, l'instruction et les fouilles de Pompéi qui, sous
l'impulsion du couple, se développent.
1810 : mariage de Napoléon et Marie-Louise, l81l : naissance du roi de Rome et baptême.
Murat est à Paris, les deux beaux-frères manifestent une réconciliation de principe. L’empire est à son apogée mais déjà se
dessine le déclin. Une guerre sans fin en Espagne où s'embourbe l'armée française, la Russie qui se rapproche de l'Angleterre, la
Campagne de Russie qui se profile.
LA CAMPAGNE DE RUSSIE
La Grande Armée comporte près de trente nations, plus de six cent mille hommes vont franchir en juin 1812 le Niémen.
Koutouzov, Barclay de Tolly, Bagration vont pratiquer la politique de la terre brûlée, escarmouches, combats de harcèlement,
assassinats de troupes isolées. Des combats victorieux, comme la prise de Smolensk, après une défense héroïque, ponctuent la
longue marche. Murat est à la tête de quatre corps de cavalerie: Nansoury, La Tour Maubourg, Grouchy, Montbrun, les meilleurs
généraux depuis la mort héroïque de Lassalle. C'est la bataille de Borodino ou de la Moskova, où Murat se distingue et qui nous
ouvre les portes de Moscou, un Moscou ruiné par le feu. L’erreur de Napoléon est d'avoir attendu près d'un mois l'ouverture des
négociations avec le tsar. L’immensité de la plaine russe et le général Hiver allaient avoir raison d'une Grande Armée déjà
décimée par les nombreuses désertions, assassinats divers et c'est l'inconcevable retraite dans le froid. Averti de la conspiration du
général Malet, Napoléon regagne rapidement Paris avec Caulaincourt.
Murat est nommé généralissime à son grand désespoir, il veut
regagner Naples où s'ourdissent des pourparlers avec les alliés sous
l'égide de la régente. Les troupes dont les effectifs sont d'environ un
dixième de ceux qui, six mois auparavant, ont traversé le Niémen, ne
peuvent se maintenir à Vilnius. Les Prussiens et les Autrichiens
déposent les armes, ils vont bientôt se retourner contre nous. Des
milliers de Français et autres nationalités, blessés, affamés, transis par le
froid seront assassinés par les cosaques et la population. La Grande
Armée se replie de Vilnius à Koenigsberg. De plus en plus inquiet,
craignant une descente anglaise à Naples, Murat, sans en aviser
l'Empereur décide, le 23 février 1813, de quitter ce qui reste de l'armée,
dont il confie le commandement au prince Eugène, qui saura, par une
retraite habile vers l'Allemagne, éviter l'encerclement. Il regagne à
marches forcées son royaume où Caroline a déjà, par l'entremise du
ministre d'Autriche et de ses liens avec Metternich, envisagé un
changement d'alliance. Il importe à Murat de maintenir l'ordre, de
relativiser le désastre, de s'éloigner de l'esprit français et se proclamer
italien sans en parler la langue. « Le pantaleone napolitain » mène
double jeu, mais il n'est pas encore préparé à une quelconque trahison.
La Campagne d'Allemagne se termine en octobre 1813 par le désastre
de Leipzig - c'est une série de victoires Dresde, Lutzen, Bautzen mais qui ne peuvent pas être exploitées, faute d'une cavalerie montée
Grandes armes de Joachim Murat, roi de Naples
suffisante. Murat, comme à l'accoutumée, se bat comme un lion, ce qui
fait dire à Alexandre « notre futur allié cache bien son jeu » mais les trahisons succèdent aux trahisons. À la bataille des Nations
(Leipzig octobre 1813), les Allemands et en particulier les Saxons, se révoltent contre nous. Les alliés ont aussi, après la mort de
Moreau, un partenaire de poids, Bernadotte, nouveau prince héritier de Suède.
Après Leipzig, à nouveau Murat regagne Naples. Il n y a plus lieu de tergiverser, l'Allemagne est perdue, les alliés menacent les
frontières naturelles de la France, Eugène en Italie, en proie avec les Autrichiens, appelle Murat à la rescousse, les dés sont jetés.
Le 13 janvier 1814, Murat enlève le masque, par un traité secret avec l'Autriche, il se range du côté des plus forts.
À Naples, le couple royal semble menacé. En effet, les discussions sont âpres au congrès de Vienne. Seul Metternich, défend
son nouvel allié, dont on a dénoncé la duplicité. Ne pourrait-on pas rétablir les Bourbons et donner à Murat une principauté
allemande de quatre cents mille âmes. Murat n'ignore rien de ces tractations. Il a repris ses relations avec Napoléon, s'excusant
auprès de ce dernier d'avoir défendu les intérêts napolitains. Il jure à nouveau fidélité au souverain de l'île d'Elbe.
Et c'est le 1" mars 1815, l'arrivée de Napoléon sur le sol français, en vingt jours de clocher en clocher, le retour sur Paris. Murat
s'enflamme. Il va se venger de ses alliés, reconquérir l'amitié de l'Empereur mais il faut faire vite, saisir l'occasion et c'est le
célèbre appel à l'unité italienne.
Alors tout va très vite, trop vite. À peine remis sur le trône, Napoléon, malgré les appels à la paix, est déclaré hors-la-loi, Murat
aussi. Les troupes napolitaines s'enfoncent en territoire romain mais à la première grande bataille, Tolentino, elles se débandent.
Murat va-t-il s'enfermer dans Gaète, les Anglais ayant débarqué à Naples. Il choisit de revenir en France, d'offrir à Napoléon ses
services en mai 1815.
Qu'aurait donné Murat au lieu de Ney à Waterloo, dans ces champs de blé où l'infanterie anglo-écossaise est disséminée ?
Napoléon s'en explique dans le Mémorial : « Je ne pouvais donner aucun commandement à Murat. Ce traître aux yeux dc
l’armée ».
C'est la fin des Cent Jours. Murat quitte Marseille, s'embarque clandestinement pour la Corse où il décide de son dernier coup
de poker. La flottille dispersée par le vent ne peut débarquer sa maigre troupe. Les quelques soldats qui entourent Murat, après une
rixe, sont désarmés et c'est la fin.
Que reste-t-il aujourd'hui de Murat ? Ses restes ont été éparpillés dans la fosse commune de Pizzo. Pour les Italiens, c'est un
libéral, partisan de l'unité italienne. Pour les Français, il partage la gloire d'un Bayard. Un de ses descendants, père de l'actuel
prince Murat, fut un grand résistant fusillé par les Allemands.
Le docteur Mosnier est l’auteur d'un essai :
« Psychopathologie de l'Histoire de France » aux éditions Guénégaud.
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