histoire romaine - L`Histoire antique des pays et des hommes de la

HISTOIRE ROMAINE
par Jules Michelet
INTRODUCTION — L’ITALIE
CHAPITRE PREMIER. Aspect de Rome et du Latium moderne.
CHAPITRE II. Tableau de l’Italie.
CHAPITRE III. Les Pélasges.
CHAPITRE IV. Osci. Latins. Sabins.
CHAPITRE V. Tusci, ou étrusques.
LIVRE I — ORIGINE, ORGANISATION DE LA CITÉ
CHAPITRE PREMIER. Les rois. Époque mythique.
CHAPITRE II. Origine probable de Rome. - République, âge héroïque. Curies et centuries.
Lutte des patriciens et des plébéiens. - Tribunat.
CHAPITRE III. Suite du précédent. - Premières guerres. - Loi agraire ; colonies. - Les XII
tables. - Prise de Véies par les Romains, de Rome par les Gaulois.
LIVRE II — CONQUÊTE DU MONDE
CHAPITRE PREMIER. Conquête de l’Italie centrale. Guerre des Samnites, etc. 343-283.
CHAPITRE II. Suite du précédent. - Conquête de l’Italie méridionale. - Guerre de Pyrrhus, ou
guerre des mercenaires en Italie, 281-267.
CHAPITRE III. Guerre punique, 265-241. - Réduction de la Sicile, de la Corse et de la
Sardaigne ; de la Gaule italienne, de l’Illyrie et de l’Istrie, 238-219.
CHAPITRE IV. Les mercenaires. Leur révolte contre Carthage, 241-238. Leur conquête de
l’Espagne, 237-221. Leurs généraux, Hamilcar, Hasdrubal et Hannibal.
CHAPITRE V. Les mercenaires en Italie. Hannibal, 218-202.
CHAPITRE VI. La Grèce envahie par les armes de Rome. - Philippe, Antiochus. 200-189.
Rome envahie par les idées de la Grèce. - Scipion, Ennius ; Naevius et Caton.
CHAPITRE VII. Réduction de l’Espagne et des états grecs. Persée. Destruction de Corinthe,
de Carthage et de Numance, 189-134.
LIVRE III — DISSOLUTION DE LA CITÉ
CHAPITRE PREMIER. Extinction des plébéiens pauvres, remplacés dans la culture par les
esclaves, dans la cité par les affranchis. - Lutte des riches et chevaliers contre les nobles.
Tribunat des Gracques, 133-123. Les chevaliers enlèvent aux nobles le pouvoir judiciaire.
Tribunat des Gracques, 133-121.
CHAPITRE II. Suite de la lutte des nobles et des chevaliers. Les chevaliers obtiennent le
commandement militaire. Marius défait les barbares du midi et du nord (Numides et
Cimbres). 121-100.
CHAPITRE III. Guerre sociale. Les Italiens obligent Rome de leur accorder le droit de cité. -
Guerre sociale et civile de Marius et de Sylla. Dictature de Sylla. Victoire des nobles sur les
chevaliers, de Rome sur les Italiens. 100-77.
CHAPITRE IV. Pompée et Cicéron. - Rétablissement de la domination des chevaliers. -
Sertorius, Spartacus, les pirates, Mithridate, 77-64.
CHAPITRE V. Jules César. - Catilina. - Consulat de César. Guerre des Gaules. Guerre civile.
Dictature de César et sa mort. 63-44.
CHAPITRE VI. César vengé par Octave et Antoine. - Victoire d’Octave sur Antoine, de
l’occident sur l’orient. 44 -31.
INTRODUCTION — L’ITALIE
CHAPITRE PREMIER. Aspect de Rome et du Latium moderne.
Du haut des Apennins, dont la longue chaîne forme de la Lombardie à la Sicile
comme l’épine dorsale de l’Italie, descendent vers l’occident deux fleuves rapides
et profonds, le Tibre et l’Anio, tevere, teverone ; ils se réunissent pour tomber
ensemble à la mer. Dans une antiquité reculée ; les pays situés au nord du Tibre
et au midi de l’Anio étaient occupés par deux nations civilisées, les Tusci et les
Osci ou Ausonii. Entre les deux fleuves et les deux peuples, perçait vers la mer,
sous la forme d’un fer de lance, la barbare et belliqueuse contrée des sabins.
C’est vers la pointe de ce delta que, sept ou huit cents ans avant notre ère,
s’éleva Rome, la grande cité italienne, qui, ouvrant son sein aux races diverses
dont elle était environnée, soumit l’Italie par le Latium, et par l’Italie le monde.
Aujourd’hui tout ce pays est dépeuplé. Des trente-cinq tribus, la plupart sont à
peine représentées par une villa à moitié ruinée. Quoique Rome soit toujours une
grande ville, le désert commence dans son enceinte même. Les renards qui se
cachent dans les ruines du Palatin vont boire la nuit au Vélabre. Les troupeaux
de chèvres, les grands boeufs, les chevaux à demi sauvages que vous y
rencontrez, au milieu même du bruit et du luxe d’une capitale moderne, vous
rappellent la solitude qui environne la ville. Si vous passez les portes, si vous
vous acheminez vers un des sommets bleuâtres qui couronnent ce paysage
mélancolique, si vous suivez à travers les marais Pontins l’indestructible voie
Appienne, vous trouverez des tombeaux, des aqueducs, peut-être encore
quelque ferme abandonnée avec ses arcades monumentales ; mais plus de
culture, plus de mouvement, plus de vie ; de loin en loin un troupeau sous la
garde d’un chien féroce qui s’élance sur le passant comme un loup, ou bien
encore un buffle sortant du marais sa tête noire, tandis qu’à l’orient des volées
de corneilles s’abattent des montagnes avec un cri rauque. Si l’on se détourne
vers Ostie, vers Ardée, l’on verra quelques malheureux en haillons, hideux de
maigreur, et tremblant de fièvre.
Au commencement de ce siècle, un voyageur trouva Ostie sans autre population
que trois vieilles femmes qui gardaient la ville pendant l’été. Son jeune guide,
enfant de quinze ans, qui partageait ses provisions, lui disait avec l’oeil brillant
de la fièvre : et moi aussi, je sais ce que c’est que la viande, j’en ai goûté une
fois.
Au milieu de cette misère et de cette désolation, la contrée conserve un
caractère singulièrement imposant et grandiose. Ces lacs sur des montagnes,
encadrés de beaux hêtres, de chênes superbes ; ce Nemi, le miroir de la Diane
taurique, speculum dianae ; cet Albano, le siège antique des religions du Latium
; ces hauteurs, dont la plaine est partout dominée, font une couronne digne de
Rome. C’est du Monte Musino, l’ara mutiae des étrusques, c’est de son bois
obscur qu’il faut contempler ce tableau du Poussin. Dans les jours d’orages
surtout, lorsque le lourd sirocco pèse sur la plaine, et que la poussière commence
à tourbillonner, alors apparaît dans sa majesté sombre la capitale du désert.
Dès que vous avez passé la place du peuple et l’obélisque égyptien qui la décore,
vous vous enfoncez dans cette longue et triste rue du corso, qui est encore la
plus vivante de Rome. Poursuivez jusqu’au capitole ; montez au palais du
sénateur, entre la statue de Marc-Aurèle et les trophées de Marius, vous vous
trouvez dans l’asile même de Romulus, intermontium. Ce lieu élevé sépare la
ville des vivants et la ville des morts. Dans la première, qui couvre l’ancien
champ de Mars, vous distinguez les colonnes trajane et antonine, la rotonde du
panthéon, et l’édifice le plus hardi du monde moderne, le dôme de saint-Pierre.
Tournez-vous, sous vos pieds vous voyez le forum, la voie triomphale, et le
moderne hospice de la consolation près la roche tarpéienne. Ici sont entassés
pêle-mêle tous les débris, tous les siècles de l’antiquité ; les arcs de Septime-
Sévère et de Titus, les colonnes de Jupiter-Tonnant et de la concorde. Au-delà,
sur le Palatin, des ruines sinistres, sombres fondations des palais impériaux. Plus
loin encore, et sur la gauche, la masse énorme du colisée. Cette vue unique
arracha un cri d’admiration et d’horreur au philosophe Montaigne. L’amphithéâtre
colossal (colosseum, Colisée), où tant de chrétiens ont souffert le martyre, efface
par sa grandeur, tout autre ouvrage humain. C’est une monstrueuse montagne
de pierres de cent cinquante-sept pieds de haut sur seize cent quarante de
circonférence. Cette montagne à demi ruinée, mais richement parée par la
nature, a ses plantes, ses arbres, sa flore. La barbarie moderne en a tiré, comme
d’une carrière, des palais entiers. La destination de ce monument de meurtre, où
Trajan faisait périr dix mille captifs en cent jours, est partout visible dans ses
ruines ; vous retrouvez les deux portes par l’une desquelles sortait la chair
vivante, tandis que par l’autre on enlevait la chair morte, sanavivaria,
sandapilaria.
A la porte du Colisée se voit la fontaine où, selon la tradition, les gladiateurs
venaient, après le combat, laver leurs blessures. La borne de cette fontaine était
en même temps la première pierre milliaire de l’empire : toutes les voies du
monde romain partaient de ce monument d’esclavage et de mort.
Au-delà du Colisée et du mont Palatin, au-delà de l’Aventin, Rome se prolonge
par ses tombeaux. Là, vous rencontrez le sépulcre souterrain des Scipions, la
pyramide de Cestius, la tour de Cecilia Metella, et les catacombes, asile et
tombeau des martyrs, qui, dit-on, s’étendent sous Rome, et jusque sous le lit du
Tibre.
Contemplée ainsi du capitole, cette ville tragique laisse facilement saisir, dans
ses principaux monuments, le progrès et l’unité de son histoire. Le forum vous
représente la république, le panthéon d’Auguste et d’Agrippa la réunion de tous
les peuples et de tous les dieux de l’ancien monde en un même empire, en un
même temple. Ce monument de l’époque centrale de l’histoire romaine occupe le
point central de Rome, tandis qu’aux deux extrémités vous voyez dans le Colisée
les premières luttes du christianisme, son triomphe et sa domination dans l’église
de saint-Pierre.
CHAPITRE II. Tableau de l’Italie.
La belle Italie entre les glaciers des Alpes et les feux du Vésuve et de l’Etna,
semble jetée au milieu de la Méditerranée, comme une proie aux éléments et à
toutes les races d’hommes. Tandis que les neiges des Alpes et des Apennins
menacent toujours de noyer la partie septentrionale, les terres du midi sont
inondées par les laves des volcans, ou bouleversées par des convulsions
intérieures.
Chose contradictoire en apparence, ce pays célèbre pour la pureté de son ciel,
est celui de l’Europe où la terre reçoit le plus d’eau pluviale. C’est que cette eau
ne tombe guère que par grands orages. Les pentes y sont rapides ; qu’un jour de
chaleur fonde la neige sur les montagnes, un ruisseau qui roulait à peine un filet
d’eau sur une grève de deux cents pieds de large, devient un torrent qui bat ses
deux rives. Au XIXe siècle, une pluie d’orage faillit emporter la ville de Florence.
Toutes les rivières d’Italie ont ce caractère de violence capricieuse ; toutes
entraînent des montagnes un limon qui exhausse peu à peu leur lit, et qui les
répandrait dans les plaines environnantes, si on ne les soutenait par des digues.
La mer elle-même semble menacer sur plusieurs points d’envahir les terres du
côté de l’occident. Tandis qu’elle s’est retirée de Ravenne et d’Adria, elle ensable
chaque jour le port de Livourne, et refuse de recevoir les fleuves, dès que souffle
le vent du midi. C’est ce qui rendra peut-être à jamais impossible le
dessèchement de la Maremme et des marais Pontins.
Mais c’est surtout la Lombardie qui se trouve menacée par les eaux. Le Pô est
plus haut que les toits de Ferrare. Dès que les eaux montent au-dessus du
niveau ordinaire, la population tout entière court aux digues : les habitants de
ces contrées sont ingénieurs sous peine de mort.
L’Italie du nord est un bassin fermé par les Alpes, et traversé par le Pô ; de
grandes rivières qui tombent des monts, le Tésin, l’Adda, etc., contribuent toutes
pour grossir le Pô, et lui donnent un caractère d’inconstance et de fougue
momentanée qu’on n’attendrait pas d’un fleuve qui arrose des plaines si unies.
Cette contrée doit au limon de tant de rivières une extraordinaire fertilité. Mais
les rizières que vous rencontrez partout vous avertissent que vous êtes dans l’un
des pays les plus humides du monde. Ce n’est pas trop de toute la puissance du
soleil italien pour réchauffer cette terre ; encore ne peut-il lui faire produire la
vigne entre Milan et le Pô. Dans toute la Lombardie, les villes sont situées dans
les plaines, comme les villages des celtes, qui les ont fondées. Les végétaux du
nord et l’accent celtique vous avertissent jusqu’à Bologne, et au-delà, que vous
êtes au milieu de populations d’origine septentrionale. Le soleil est brûlant, la
vigne s’essaie à monter aux arbres, mais l’horizon est toujours cerné au loin par
les neiges.
Au sortir de la Ligurie, les chaînes enchevêtrées de l’Apennin partent des
dernières Alpes, se prolongent au sud tant que dure l’Italie, et au-delà de l’Italie,
en Sicile, où elles se relèvent aussi hautes que les Alpes dans l’énorme masse de
l’Etna. Ainsi toute la péninsule se trouve partagée en deux longues bandes de
terre. L’orientale (Marche d’Ancône, Abbruzzes, Pouille) est un terrain de seconde
et plus souvent de troisième formation, identique avec celui de l’Illyrie et de la
Morée, dont l’Adriatique seule la sépare. Au contraire, la côte occidentale
(Toscane, Latium, Terre De Labour, Calabre) est une terre, partout marquée de
l’empreinte des feux, qui du reste sans la mer, ne ferait qu’un avec la Corse, la
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