DOSSIER THÉMATIQUE Journée FFCD-PRODIGE Top 5 des articles portant sur le cancer du pancréas et les tumeurs neuroendocrines Top 5 articles on pancreatic cancers and neuroendocrine tumors Michel Ducreux, Fabien Mignot* Cancer du pancréas Facteurs de risque Une méta-analyse a confirmé que le café n’augmentait pas le risque de cancer du pancréas (1) ; elle a inclus plus de 10 000 patients et confirmé que la suspicion induite par l’étude de Mac Mahon en 1981 était due à un biais. Il est donc possible de boire du café sans risque d’avoir un cancer du pancréas. Biologie Le cancer du pancréas reste une maladie redoutable, mais les mécanismes de la cancérogenèse sont de mieux en mieux connus et des études françaises ont montré des résultats intéressants dans ce domaine. À partir d’une série multicentrique de 471 cancers du pancréas réséqués à but curatif, l’étude de J.B. Bachet et al. (2) a testé la valeur pronostique et prédictive de 4 marqueurs, SMAD4, le TGFβ de type 2, CRXC4 et LKB1. Le marqueur biologique qui s’est révélé le plus pronostique de la survie globale était CRXC4 qui est un récepteur impliqué dans la cancérogenèse pancréatique (hazard ratio = 1,81 ; risque de récidive à distance multiplié par 2 si CRXC4+). En outre, SMAD4 s’associait à une tendance à la prédiction d’efficacité de la gemcitabine en adjuvant. L’article de R. Maréchal et al. (3) s’est, lui, intéressé aux facteurs biologiques d’efficacité de la gemcitabine en adjuvante : le transporteur hENT1, l’enzyme responsable de l’activation la déoxycitidine kinase et la cible, la ribonucléotide réductase. Chez les patients recevant de la gemcitabine, un taux bas de hENT1 et de déoxycitidine kinase étaient liés à une moins bonne survie, ce qui n’était pas observé chez les patients non traités par la gemcitabine, confirmant le caractère prédictif et non pronostique. Michel Ducreux Des progrès dans le traitement ??? ◆◆ Une déception En fonction de cette problématique du transporteur transmembranaire de la gemcitabine, le hENT1, il a été tenté de développer une gemcitabine associée à une queue d’acide gras qui lui permettait de ne plus être dépendante du transporteur pour rentrer dans la cellule. Ce produit a été comparé à la gemcitabine chez 250 patients avec stratification sur le statut hENT1 ; un communiqué de presse récent a révélé que cette étude était totalement négative. En situation métastasée, hENT1 n’a donc pas d’impact majeur sur l’efficacité de la gemcitabine qui reste le standard de traitement (4). ◆◆ Des espoirs À l’opposé de ces résultats cliniques récents, se situe le développement de l’amanitine, poison violent bien connu, couplée à un anticorps qui se fixe sur les cellules d’adhésion. Des résultats très préliminaires sur des modèles animaux se sont révélés très prometteurs (5). Il faudra cependant du temps avant que cette attitude ne débouche sur une prise en charge clinique. Plus proche de la réalité clinique, une nouvelle molécule de chimiothérapie, le TH-302, qui a la particularité d’être actif en situation d’hypoxie, est en cours d’évaluation en phase III après avoir donné des résultats dans une étude de phase II randomisée présentée à l’ESMO à Vienne. Le TH-302, administré © La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue 2013;2(mars-avril):82-3. * Service de gastroentérologie, département de médecine, institut GustaveRoussy, Villejuif. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 6 - juin 2013 | 241 Résumé Mots-clés Tumeurs neuroendocrines Traitement Cancer du pancréas Abstract Pancreatic cancer in spite of some recent progress remains a cancer with a rare severity. On the contrary the neuroendocrine tumours (TNE) are scarcer but often less aggressive requiring complex therapeutic strategies. The medical literature brings each year new useful data to improve the treatment of these cancers and 2012 was no exception in this field. Keywords Neuroendocrine tumours Treatment Pancreatic cancer Malgré quelques avancées récentes, le cancer du pancréas reste un cancer d’une rare sévérité. À l’inverse, les tumeurs neuroendocrines (TNE), plus rares, sont souvent beaucoup plus lentement progressives, nécessitant des stratégies thérapeutiques complexes. La littérature médicale apporte chaque année de nouveaux éléments bien utiles pour appréhender au mieux la prise en charge de ces cancers et 2012 n’a pas fait exception dans ce domaine. à 2 niveaux de dose, et associé à la gemcitabine, était administré aux patients, en parallèle avec un groupe ne recevant que de la gemcitabine (6). La nouvelle molécule apportait un bénéfice, avec une médiane de survie sans progression de 3,6 mois avec la gemcitabine seule (groupe contrôle), de 5,6 et 6 mois avec les doses moyennes et fortes de TH-302, respectivement. Les résultats rapportés avec les nouvelles formes de paclitaxel apportent un espoir indiscutable. L’endoTAG est une forme liposomale cationique de paclitaxel qui permet une meilleure pénétration cellulaire de la molécule de chimiothérapie (6). Trois niveaux de dose croissante ont été évalués. La médiane de survie globale était de 6,8 mois pour le groupe gemcitabine seule, de 8,1, 8,7, 9,3 mois, respectivement pour les groupes recevant gemcitabine et endoTag à doses croissantes (11 mg/m2, 22 mg/m2, 44 mg/m2). Le développement de ce produit semble abandonné dans cette indication. Encore plus prometteur, le nab-paclitaxel (Abraxane®), déjà commercialisé pour le traitement du cancer du sein, comporte une vectorisation assurée par des nanoparticules d’albumine. L’étude de phase I/ II a inclus 67 patients traités avec l’association gemcitabine nab-paclitaxel et a permis de déterminer la dose utilisable en phase II (7). À la dose maximale tolérée, la survie globale médiane était de 12,2 mois et le taux de réponse de 48 %. Une analyse de sousgroupe montrait un bénéfice supérieur lorsque la tumeur exprimait fortement une protéine acide riche en cystéine au niveau du stroma (SPARC). Un communiqué de presse a indiqué que l’étude de phase III MPACT était positive en faveur du bras combiné. Ses résultats ont été présentés pendant le congrès de l’ASCO GI à San Francisco en janvier dernier. Enfin, il ne faut pas oublier les articles qui apportent une vision synthétique et utile pour la pratique clinique dans des pathologies très rares : cancer du pancréas BRCA2 (8), cancers à cellules acinaires du pancréas (9), formes familiales de cancers du pancréas (10). Tumeurs neuroendocrines Peu d’articles de références ont été publiés en 2012 dans le domaine des tumeurs neuroendocrines. Une étude a comparé chez 1 072 patients le TNM UICC et le TNM de l’ENETS (Association européenne des tumeurs neuroendocriniennes). Il existe de petites différences entre les 2 systèmes de classement, en particulier en ce qui concerne la taille de la tumeur et les stades définis en fonction du TNM (T1N0M0 : stade I pour l’ENETS, stade IA pour l’UICC, par exemple). La version européenne de l’ENETS permettait de classer plus précisément les tumeurs et de mieux prévoir leur pronostic. C’est donc cette classification TNM qui doit être préférée pour évaluer les patients. Une autre étude publiée dans un journal moins prestigieux s’est intéressée aux facteurs pronostiques des TNE du pancréas opérées à but curatif, les 2 variables indépendantes en faveur d’un bon pronostic étaient un ratio de ganglions envahis inférieur à 0,20 et un Ki67 inférieur à 5 %. ■ Références bibliographiques 1. Turati F, Galeone C, Edefonti V et al. A meta-analysis of coffee consumption and pancreatic cancer. Ann Oncol 2012;23:311-8. 2. Bachet JB, Maréchal R, Demetter P et al. Contribution of CXCR4 and SMAD4 in predicting disease progression patterrns and benefit from adjuvant chemotherapy in resected pancreatic adenocarcinoma. Ann Oncol 2012;23:2327-35. 3. Maréchal R, Bachet JB, Mackey JR et al. Levels of gemcitabine transport and metabolism proteins predicts survival times of patient treated with gemcitabine for pancreatic carcinoma. Gastroenterology 2012;143:664-74. 4. Clovis Oncology - Investors & News - Overview. www. clovisoncology.com/investors-news/ 5. Borad MJ, Reddy S, Bahary N et al. TH-302 plus Gemcitabine vs. Gemcitabine in Patients with previously Untreated Advanced Pancreatic cancer. Ann Oncol 2012;23(Suppl.9):666. 6. Löhr JM, Haas SL, Bechstein WO et al. Cationic liposomal paclitaxel plus gemcitabine or gemcitabine alone in patients with advanced pancreatic cancer: a randomized controlled phase II trial. Ann Oncol 2012;23:1214-22. 7. Von Hoff DD, Ramanathan RK, Borad MJ et al. Gemcitabine plus nab-paclitaxel is an active regimen in patients with advanced pancreatic cancer: phase I/II trial. J Clin Oncol 2011;29:4548-54. 8. Lowery MA, Kelsen DP, StadlerZK et al. An emerging entity: pancreatic adenocarcinoma associated with a known BRCA mutation: clinical descriptors, treatment implications, 242 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 6 - juin 2013 and future directions. The Oncologist 2011;16:1397-402. 9. Lowery MA, Klimstra DS, Shia J et al. Acinar cell carcinoma of the pancreas: new genetic and treatment insights into a rare malignancy. The Oncologist 2011;16:1714-20. 10. Canto MI, Harinck F, Hruban RH et al. International cancer of the pancreas screening (CAPS) consortium summit on management of patients with increased risk for familial pancreatic cancer. Gut 2013;62:339-47. 11. Rindi G, Falconi M, Klersy C et al. TNMstaging of neoplasms of the endocrine pancreas: results from a large international cohort study. J Natl Cancer Inst 2012;104:764-77. 12. Boninsegna L, Panzuto F, Partelli S et al. Malignant pancreatic neuroendocrine tumour: lymph node ratio and Ki67 are predictors of recurrence after curative resections. Eur J Cancer 2012;48:1608-15.