Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 www.elsevier.com/locate/patbio Bactériologie Écologie et mode de transmission de Mycobacterium ulcerans Ecology and transmission of Mycobacterium ulcerans L. Marsollier a, J. Aubry b, J.-P. Saint-André c, R. Robert d, P. Legras e, A.-L. Manceau a, S. Bourdon a, C. Audrain f, B. Carbonnelle a,* a Laboratoire de bactériologie–virologie–hygiène, CHU, 49033 Angers cedex 01, France b Inserm U.463, institut de biologie et faculté de pharmacie, 44035 Nantes, France c Laboratoire d’anatomie–pathologique, CHU, 49033 Angers, France d Laboratoire de parasitologie, GIHP, faculté de pharmacie, 49000 Angers, France e Animalerie hospitalo-universitaire, faculté de médecine, 49000 Angers, France f Service commun d’imageries et d’analyses microscopiques, faculté de médecine, 49000 Angers, France Reçu le 30 juin 2003 ; accepté le 16 juillet 2003 Résumé L’ulcère de Buruli, maladie cutanée causée par Mycobacterium ulcerans est observée dans les régions tropicales humides. Après la tuberculose et la lèpre, elle est devenue la 3e mycobactériose. Pour comprendre les modalités de l’infection de l’homme, nous avons mis au point un modèle expérimental d’infection. Tout d’abord, il a été démontré le rôle des punaises d’eau comme possible vecteur du germe. Elles constituent également une niche pour M. ulcerans qui est la seule mycobactérie à pouvoir se multiplier dans leurs glandes salivaires. Par ailleurs, il a été montré que la croissance in vitro de M. ulcerans est facilitée par des exsudats d’algues aquatiques sur lesquels il forme des biofilms. Or, les Naucoridae sont exclusivement des carnivores dont les proies phytophages pourraient être infectées et représenter un maillon intermédiaire. L’ensemble de ces observations expérimentales sur la transmission de M. ulcerans des algues à l’homme a été confirmé dans une zone d’endémie de la Côte-d’Ivoire. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Mycobacterium ulcerans is an environmental pathogen concerning mainly the tropical countries; it is the causative agent of Buruli ulcer, which has become the third most important mycobacterial disease. In spite of water-linked epidemiological studies to identify the sources of M. ulcerans, the reservoir and the mode of transmission of this organism remain elusive. To determine the ecology and the mode of transmission of M. ulcerans we have set up an experimental model. This experimental model demonstrated that water bugs were able to transmit M. ulcerans by bites. In insects, the bacilli were localized exclusively within salivary glands, where it could both multiply contrary to other mycobacteria species. In another experimental study, we report that the crude extracts from aquatic plants stimulate in vitro the growth of M. ulcerans as much as the biofilm formation by M. ulcerans has been observed on aquatic plants. Given that the water bugs are essentially carnivorous, it is difficult to imagine a direct contact in the contamination of aquatic bugs and plants. It seems very likely that an intermediate host exists. In an endemic area of Daloa in Côte d’Ivoire, our observations were confirmed. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Mycobacterium ulcerans ; Glandes salivaires ; Plantes aquatiques ; Punaises aquatiques ; Transmission Keywords: Mycobacterium ulcerans; Aquatic plants; Salivary glands; Transmission; Water bugs * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Carbonnelle). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0369-8114(03)00151-2 L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 1. Introduction L’ulcère de Buruli, maladie observée dans les régions intertropicales humides, est causé par Mycobacterium ulcerans. Cette bactérie qui ne se développe qu’à 29–32 °C possède un tropisme essentiellement cutané et provoque des ulcérations importantes [1]. C’est la seule mycobactérie connue à ce jour qui produise une toxine, la mycolactone, responsable du pouvoir pathogène du bacille [2]. Du fait de l’absence d’un traitement antibiotique bien codifié, le traitement chirurgical repose non seulement sur l’exérèse large des lésions mais aussi sur une greffe cutanée [3]. L’augmentation de l’incidence en Afrique de l’ouest est préoccupante. L’ulcère de Buruli est devenu la troisième mycobactériose la plus fréquente, après la tuberculose et la lèpre [1]. Jusqu’à présent, la transmission de la maladie à l’homme reste très mal connue. Bien que le micro-organisme responsable n’ait pas été isolé, il semble que le réservoir de M. ulcerans soit l’environnement hydrotellurique. En effet, un certain nombre d’études épidémiologiques montrent que la plupart des cas surviennent à proximité des marécages ou dans des zones où le réseau hydrographique naturel a été modifié pour les besoins de l’agriculture et de l’aquaculture [4–6]. Ces dernières années, grâce à la PCR, il a été mis en évidence des séquences génétiques identiques à celles de M. ulcerans dans l’eau de l’environnement [7–9]. Depuis 1999, il est évoqué que des punaises d’eau, insectes carnivores et très agressifs, pourraient être des vecteurs passifs du bacille [10,11]. 2. Matériel et méthode 2.1. Inocula bactériens La souche 1G897, initialement isolée chez un patient de Guyane Française atteint d’ulcère de Buruli, a été utilisée [12]. D’autres mycobactéries ont servi de témoin : M. fortuitum (no 10B0345), M. chelonei (no 6B0139), M. kansasii (no 11B0014) et M. marinum (no 8B0432). Toutes les souches de mycobactéries utilisées ont été cultivées dans les mêmes conditions à 30 °C sur milieu Löwenstein-Jensen (Sanofi-Diagnostic Pasteur). Les bacilles présents dans les inocula ont été dénombrés selon la méthode de Shepard [13]. 2.2. Les insectes Compte tenu de la présence ubiquitaire des insectes et de l’identité de leurs propriétés physiologiques dans les différentes régions du monde, nous avons utilisé dans notre étude des Naucoris (Naucoris cimicoides) adultes. Ils ont été capturés dans des marécages de l’ouest de la France. Les insectes sont maintenus en captivité dans des aquariums chauffés à 28 °C, équipés de systèmes de filtration et d’éclairage (photopériodisme de 12 h/24 h). Les insectes sont nourris trois fois par semaine avec des larves d’insectes de Phormia terrae novae (Verminière de l’Ouest). 491 2.3. Contamination des insectes par l’ingestion d’une larve contaminée Les insectes sont soumis à un jeûne de 15 jours. Chaque insecte reçoit alors une larve dans laquelle il a été préalablement injecté 106 bacilles sous un volume de 0,03 ml. Les insectes sont alors de nouveau soumis à un jeûne de 15 jours. 2.4. Transmission de M. ulcerans à la souris lors d’une piqûre d’insecte À chaque insecte est présentée la queue d’une souris femelle Balb/c, âgée de 4 à 6 semaines (Iffa Credo) préalablement anesthésiée par l’injection intramusculaire de kétamine (88 mg/kg). Le contact entre l’insecte et la souris dure 10 s. Un deuxième lot d’insectes non contaminés a mordu dans les mêmes conditions 10 souris qui serviront de témoins. Les animaux sont examinés chaque semaine. On considère qu’un animal est infecté lorsqu’il est observé sur la queue un manchon inflammatoire compliqué ou non d’ulcération. 2.5. Recherche des bacilles dans les tissus des insectes 2.5.1. Fixation et inclusion des prélèvements Les insectes sont immergés pendant 15 jours dans du formol dilué à 10 % dans du PBS, pH 7,4. Après l’inclusion en paraffine, des coupes sagittales de 5 µm sont réalisées. 2.5.2. Coloration de Ziehl Une coloration de Ziehl est réalisée sur les coupes sagittales afin de localiser les BAAR (Bacille Acido Alcoolo Résistant) au sein des tissus des insectes. 2.5.3. Marquage immunologique Au préalable, des IgG spécifiques de M. ulcerans ont été obtenues après immunisation de lapins New Zealand (Iffa Credo). Les IgG ont été purifiées par chromatographie sur colonne DEAE [14]. Les coupes sont déparaffinées et réhydratées. Puis 250 µl d’IgG purifiées de lapin anti-M. ulcerans à la concentration de 20 µg d’IgG/ml sont mis en contact avec les coupes pendant 12 h à 4 °C. Les anticorps anti-IgG de lapin conjugués à la phosphatase alcaline (Interchim) sont ensuite déposés sur les lames. La révélation est réalisée en déposant 250 µl de la solution de révélation (à 50 ml de Tris-HCl 0,1 M pH 8,5 sont ajoutés 1 ml de DMSO, 50 mg de Fast Red TR Salt (Sigma) et 25 mg de naphtol ASMX (Sigma)). L’observation est réalisée sous le microscope aux longueurs d’ondes d’excitations de 488 et 543 nm. 2.6. Obtention d’un substrat organique algal Hydrodictyon reticulatum est une chlorophycée qui a été récoltée dans des marécages de l’ouest de la France. Après deux rinçages de 5 mn dans de l’eau distillée, 500 g d’algues fraîches sont déposés dans 500 ml d’eau distillée. Le tout est 492 L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 autoclavé à 121 °C pendant 20 mn. Le surnageant est filtré stérilement sur des gazes de porosité de 1 mm et le pH est ajusté à 6,8. 2.7. Préparation des milieux de culture pour l’expérimentation Afin d’évaluer l’effet du substrat sur la croissance de M. ulcerans, des quantités variables du substrat (exprimées en % du volume final) sont ajoutées dans des flacons contenant 4 ml de milieu 7H12B. Chaque semaine, le suivi de la culture des germes est effectué par mesure de l’index de croissance déterminé avec l’appareil Bactec 460. La valeur maximale de l’index de croissance mesurée par l’appareil est égale à 999. 2.8. Microscopie électronique à balayage Les échantillons sont préparés selon un protocole publié par H. Stoodley et H. Lappin Scott [15]. L’observation est réalisée sous une tension de 5 kV (Jeol 6301F). 2.9. Recherche de M. ulcerans dans les échantillons environnementaux 2.9.1. Concentration des échantillons Quarante microlitres de billes magnétiques de diamètre 2,8 µm sur lesquelles sont fixées des immunoglobulines de chèvre dirigées contre les IgG de lapin (Dynal) sont mises en contact avec 20 µg d’IgG de lapin purifiées en PBS/BSA 0,1 %. Après plusieurs lavages, elles sont reprises par 100 µl et mises en contact avec l’échantillon à traiter. À partir de l’échantillon concentré, une décontamination à la soude est effectuée [16] puis une culture et une PCR. 2.9.2. Extraction de l’ADN et PCR L’extraction de l’ADN a été réalisée selon la méthode de Boom modifiée [17], en utilisant les solutions du kit Nuclisens (BioMérieux) [14]. L’amplification de l’ADN est réalisée selon la méthode de Ross et al. [7,18]. 2.9.3. Prélèvements de végétaux et d’insectes aquatiques en zone d’endémie Les insectes aquatiques appartenant à la famille des Hydrocorises ainsi que des végétaux aquatiques (Bacopa) ont été prélevés en Côte-d’Ivoire, dans la région de Daloa, sur la rivière la Lobo, à la fin de la saison sèche. Au laboratoire, les végétaux sont découpés puis broyés au Potter (Potter-Elvehjem, taille 22) dans de l’eau distillée additionnée de 1 % de Triton X-100. Le tout est agité pendant 30 mn à 300 rpm en présence de billes de verre sur un agitateur rotatif. Sur la suspension sont réalisées la PCR et la culture. Concernant les insectes, après dissection en PBS, les glandes salivaires accessoires ont été prélevées puis broyées. Sur le broyat ont été réalisées une PCR et une culture. 3. Résultats 3.1. Transmission de M. ulcerans à la souris par des punaises d’eau Quelques minutes après la piqûre, la queue de la souris présente un érythème qui disparaît complètement dans les 3 jours qui suivent la piqûre. Sept souris sur dix piquées par les insectes infectés ont présenté, dans un délai de 56 à 87 jours, des lésions tardives, caractéristiques de l’infection expérimentale de M. ulcerans chez l’animal. Après sacrifice des animaux, les tissus lésés sont prélevés. Sur le broyat des tissus, on pratique le dénombrement des BAAR, la recherche par PCR de séquences d’insertions IS2404 caractéristiques de M. ulcerans, et une culture. Les résultats ont été positifs pour les 7 souris présentant des signes cliniques d’infection. Aucun des 10 animaux témoins n’a présenté d’ulcération tardive. 3.2. Localisation des bacilles dans les tissus des punaises d’eau Chez les insectes contaminés depuis 60 jours, de nombreux BAAR ont été observés dans les glandes salivaires accessoires et principales mais aussi dans les canaux qui drainent la salive (Fig. 1). Il n’a pas été mis en évidence de bacilles dans les autres organes tels que les muscles, les gonades et le tube digestif par cette technique. La présence de M. ulcerans dans les glandes salivaires a été confirmée par PCR chez les insectes contaminés dès le 15e jour et jusqu’à la fin de l’expérience, soit 105 jours plus tard. Chez les insectes sains, toutes les PCR effectuées ont été négatives. Un immunomarquage permet de confirmer le groupement en amas des bacilles dans les glandes salivaires (Fig. 1). Dans les conditions de notre étude, en utilisant la microscopie confocale, nous n’avons pas observé de lésions tissulaires (résultat non présenté). Nous n’avons pas eu besoin de produire des anticorps dirigés contre les tissus des insectes puisque nous avons utilisé la propriété de fluorescence naturelle des tissus soumis à la longueur d’onde d’excitation de 488 nm. Chez les insectes sains ou contaminés par d’autres mycobactéries (M. chelonei, M. fortuitum, M. kansasii, M. marinum), il n’a pas été observé de BAAR dans les glandes salivaires ou dans les autres tissus. 3.3. Recherche du bacille dans les glandes salivaires d’insectes capturés en zone d’endémie En Côte-d’Ivoire, dans la rivière la Lobo, 80 Naucoris, 1 Dyplonichus et 1 Nepa ont été capturés. À la suite des observations précédentes, seules les glandes salivaires accessoires ont été prélevées. Par PCR, la séquence IS2404 a été détectée dans les glandes de cinq Naucoris, du Dyplonichus et de la Nèpe. Après 8 mois de culture à 30 °C, M. ulcerans a été isolé dans deux des prélèvements provenant de Naucoris. Les autres prélèvements ont été contaminés. Les souches ainsi isolées ont été nommées Nau CI 001 et Nau CI 002. Par L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 493 Fig. 1. Localisation des bacilles sur des coupes histologiques sagittales de Naucoris cimoides. Avec la coloration de Ziehl. (A et E), il est possible d’observer chez les insectes contaminés, de nombreux BAAR présents dans les glandes salivaires principales (GSP) et accessoires (GSA) et dans le rostne (R) (B et C) sous forme d’agrégats (D et E). Aucun BAAR n’a été détecté dans les glandes salivaires des insectes sains (A). En microscopie confocale, après immunomarquage (F), il est possible de confirmer la présence de M. ulcerans (tête de flèche blanche). Barre (A et B) 0,25 cm ; (C) 0,1 cm ; (D) 400 µm ; (E) 150 µm et (F) 200 µm. injection sous-cutanée dans la queue de souris des souches isolées, il nous a été possible d’établir leurs propriétés à déclencher le développement de lésions cutanées. L’analyse du génotype des souches isolées (résultat non présenté), montre que nos souches ont un profil africain différent du profil de notre souche de laboratoire (1G897) provenant de Guyane Française. Ces résultats nous permettent d’exclure une contamination de laboratoire. 3.4. Effet du substrat algal sur la croissance de M. ulcerans L’ajout de substrat permet la stimulation de la croissance de M. ulcerans suivie avec le système Bactec (Tableau 1). Le temps de culture est diminué d’un facteur 1,65 en présence de 25 % de substrat. Plus la quantité de substrat augmente, plus le temps de culture diminue. L’ajout de 3,5 % de substrat n’est pas suffisant pour obtenir un effet significatif sur la Tableau 1 Effet de différentes quantités de substrat d’origine algale sur la croissance de M. ulcerans en système Bactec Quantité de substrat (en % du volume total) Témoin 3,5 12,5 25 Délai pour atteindre le GI 999 (en jours) 83 (± 5) 78 (± 6) 59 (± 5)* 42 (± 4)* Valeurs moyenne de 5 échantillons (± écart type) * Valeurs significativement différentes 494 L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 croissance du bacille. L’effet devient significatif à partir de l’ajout de 12,5 % de substrat. L’organisation de M. ulcerans en biofilms à la surface des fragments de végétaux a été observée en microscopie électronique à balayage (Fig. 2). Les premiers bacilles se fixent après 12 h d’incubation. Les bacilles sont alors dispersés à la surface des végétaux. Après 40 jours, les bactéries forment à la surface des filaments d’algues des agrégats pouvant dépasser les 100 µm témoignant en faveur d’une multiplication. Après 40 jours, les bacilles forment des biofilms en sécrétant une matrice à base éventuellement d’exopolysaccharide. Ce type d’organisation a été également observé pour d’autres mycobactéries. 3.5. Collecte de végétaux dans une zone d’endémie Comme pour les insectes, les végétaux ont été collectés dans la rivière la Lobo, Côte-d’Ivoire. Il s’agissait de plantes du genre Bacopa, de la famille des Scrophulariacea. Ces plantes possédaient des racines enfoncées dans le sol sableux du fond de la rivière et des feuilles à la surface de l’eau. Pour des raisons pratiques, nous n’avons pas séparé les différents organes des plantes. Les PCR réalisées sur le broyat de plantes ont permis de mettre en évidence des séquences d’ADN spécifiques de M. ulcerans. Les cultures n’ont pas permis d’isoler M. ulcerans. En effet, elles sont toujours restées contaminées par M. szulgai, malgré l’utilisation de l’immunoséparation [14]. Cette espèce qui pousse plus vite que M. ulcerans a envahi après quelques semaines les milieux de culture liquides et solides. Toutefois, les PCR réalisées sur les flacons 7H12B ont été positives pour M. ulcerans. 4. Discussion Depuis de nombreuses années, on soupçonne l’eau d’être le réservoir de M. ulcerans [19]. Malgré de nombreuses tentatives, le bacille n’a jamais été isolé de l’environnement. Ce problème a été partiellement résolu ces dernières années par le développement de la PCR qui a montré que de l’ADN pouvait être détecté dans l’eau et chez des invertébrés ; l’hypothèse de la transmission du bacille à l’homme à partir de l’eau est évoquée [7–10]. Dans une première partie nous avons étudié le rôle des Naucoris comme vecteur de M. ulcerans. Les Naucoris sont des punaises aquatiques carnivores non hématophages très cosmopolites. En raison de leur ubiquité et du fait qu’ils ont le même régime alimentaire quelle que soit leur origine géographique, notre modèle a été développé avec des insectes capturés en France. Ce sont des insectes exclusivement carnivores ; ils se nourrissent de poissons, de petits batraciens, de mollusques ou encore de larves d’insectes et n’hésitent pas à piquer l’homme [20]. Les proies sont saisies par les pattes antérieures, dites ravisseuses. Ces dernières ont un fémur élargi sur lequel le tibia et le tarse peuvent se replier dans la gouttière fémorale. Le fémur des pattes ravisseuses est recouvert de soies vulnérantes capables de se ficher dans la proie. Lorsque celle-ci est saisie, l’insecte enfonce son rostre dans les tissus. Les soies vulnérantes et le rostre sont reliés par un système de petits canaux aux glandes salivaires qui sécrètent un puissant suc digestif aux propriétés paralysantes [20,21] contenant des enzymes protéolytiques [22] qui digèrent les tissus de la proie que l’insecte peut alors facilement aspirer par le rostre. Ces insectes possèdent deux paires de glandes salivaires : les glandes salivaires principales qui sont situées au niveau de la tête et les glandes salivaires accessoires situées au niveau du thorax. Ces glandes salivaires offrent des conditions favorables à la multiplication de M. ulcerans, qui semble être la seule mycobactérie à pouvoir s’y développer. C’est à partir des glandes salivaires que nous avons pu, pour la première fois, isoler M. ulcerans de l’environnement. Dans une seconde partie, il a été montré que des exudats d’algues aquatiques favorisent in vitro la croissance de M. ulcerans. La stimulation pourrait être due à un apport supplé- Fig. 2. Formation d’un biofilm à M. ulcerans sur des filaments de l’algue Hydrodictyon reticulatum. (A) Filament de l’algue où des bacilles se sont fixés après 12 heures d’incubation (flèches). (B) Quarante jours après inoculation, les bacilles se sont multipliés et forment un biofilm recouvert d’une matrice (flèche de gauche). Il est possible d’observer des bacilles isolés (flèche de droite). Barre : (A et B) 3 µm. L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495 mentaire de nutriments en termes de qualité et de quantité. Ces relations végétaux aquatiques–bactéries ont été montrées par plusieurs études [23,24]. De plus, la formation de biofilms pourrait faciliter la multiplication du bacille. En effet, les bactéries contenues dans des biofilms se multiplient plus vite que les bactéries planctoniques [15,25]. On peut supposer que ces formations permettent de créer des conditions écologiques favorables à un meilleur développement du bacille (pH, taux d’oxygène, de gaz carbonique) et aussi, de les protéger de la prédation [25]. Il serait donc intéressant de mener des expériences similaires en présence de débris de végétaux après avoir éliminé la fraction dissoute végétale. Dans les mêmes conditions, nous avons montré que le substrat végétal, s’il permet à de nombreuses mycobactéries de s’établir en biofilms, à l’inverse de ce qui se passe avec M. ulcerans, il ne favorise pas leur croissance. La présence de M. ulcerans à la surface des végétaux n’explique pas la contamination des punaises d’eau qui sont exclusivement carnivores. Il doit donc exister un hôte intermédiaire entre les plantes aquatiques et les insectes. Il doit s’agir de proies herbivores : petits poissons, insectes ou encore mollusques. D’ailleurs dans une étude menée au laboratoire, nous avons montré que les mollusques aquatiques pouvaient jouer ce rôle d’hôte intermédiaire. L’émergence de l’ulcère de Buruli et son explosion en Afrique de l’ouest pourraient être rattachées à des bouleversements environnementaux : déforestation, création de lacs artificiels pour l’irrigation et la pêche, développement de la riziculture, qui provoquent le développement de la végétation aquatique et des punaises d’eau. Ces insectes, étant de bons voiliers, peuvent favoriser, à distance, la création de nouveaux foyers. Si le rôle des punaises d’eau semble établi dans la transmission de M. ulcerans à l’homme, on ne peut pas exclure la participation d’autres vecteurs, dont le rôle reste à découvrir. [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] Remerciements [19] Ce projet a été financé par l’Association française RaoulFollereau. [20] [21] [22] Références [1] [2] Asiedu K, Sherpbier R, Raviglione MC. 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