Bactériologie
Écologie et mode de transmission de Mycobacterium ulcerans
Ecology and transmission of Mycobacterium ulcerans
L. Marsollier
a
, J. Aubry
b
, J.-P. Saint-André
c
, R. Robert
d
, P. Legras
e
, A.-L. Manceau
a
,
S. Bourdon
a
, C. Audrain
f
, B. Carbonnelle
a,
*
a
Laboratoire de bactériologie–virologie–hygiène, CHU, 49033 Angers cedex 01, France
b
Inserm U.463, institut de biologie et faculté de pharmacie, 44035 Nantes, France
c
Laboratoire d’anatomie–pathologique, CHU, 49033 Angers, France
d
Laboratoire de parasitologie, GIHP, faculté de pharmacie, 49000 Angers, France
e
Animalerie hospitalo-universitaire, faculté de médecine, 49000 Angers, France
f
Service commun d’imageries et d’analyses microscopiques, faculté de médecine, 49000 Angers, France
Reçu le 30 juin 2003 ; accepté le 16 juillet 2003
Résumé
L’ulcère de Buruli, maladie cutanée causée par Mycobacterium ulcerans est observée dans les régions tropicales humides. Après la
tuberculose et la lèpre, elle est devenue la 3
e
mycobactériose. Pour comprendre les modalités de l’infection de l’homme, nous avons mis au
point un modèle expérimental d’infection. Tout d’abord, il a été démontré le rôle des punaises d’eau comme possible vecteur du germe. Elles
constituent également une niche pour M. ulcerans qui est la seule mycobactérie à pouvoir se multiplier dans leurs glandes salivaires. Par
ailleurs, il a été montré que la croissance in vitro de M. ulcerans est facilitée par des exsudats d’algues aquatiques sur lesquels il forme des
biofilms. Or, les Naucoridae sont exclusivement des carnivores dont les proies phytophages pourraient être infectées et représenter un maillon
intermédiaire. L’ensemble de ces observations expérimentales sur la transmission de M. ulcerans des algues à l’homme a été confirmé dans
une zone d’endémie de la Côte-d’Ivoire.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Mycobacterium ulcerans is an environmental pathogen concerning mainly the tropical countries; it is the causative agent of Buruli ulcer,
which has become the third most important mycobacterial disease. In spite of water-linked epidemiological studies to identify the sources of
M. ulcerans, the reservoir and the mode of transmission of this organism remain elusive. To determine the ecology and the mode of
transmission of M. ulcerans we have set up an experimental model. This experimental model demonstrated that water bugs were able to
transmit M. ulcerans by bites. In insects, the bacilli were localized exclusively within salivary glands, where it could both multiply contrary to
other mycobacteria species. In another experimental study, we report that the crude extracts from aquatic plants stimulate in vitro the growth
of M. ulcerans as much as the biofilm formation by M. ulcerans has been observed on aquatic plants. Given that the water bugs are essentially
carnivorous, it is difficult to imagine a direct contact in the contamination of aquatic bugs and plants. It seems very likely that an intermediate
host exists. In an endemic area of Daloa in Côte d’Ivoire, our observations were confirmed.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Mycobacterium ulcerans ; Glandes salivaires ; Plantes aquatiques ; Punaises aquatiques ; Transmission
Keywords: Mycobacterium ulcerans; Aquatic plants; Salivary glands; Transmission; Water bugs
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (B. Carbonnelle).
Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495
www.elsevier.com/locate/patbio
©2003E
´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/S0369-8114(03)00151-2
1. Introduction
L’ulcère de Buruli, maladie observée dans les régions
intertropicales humides, est causé par Mycobacterium ulce-
rans. Cette bactérie qui ne se développe qu’à 29–32 °C
possède un tropisme essentiellement cutané et provoque des
ulcérations importantes [1]. C’est la seule mycobactérie
connue à ce jour qui produise une toxine, la mycolactone,
responsable du pouvoir pathogène du bacille [2]. Du fait de
l’absence d’un traitement antibiotique bien codifié, le traite-
ment chirurgical repose non seulement sur l’exérèse large
des lésions mais aussi sur une greffe cutanée [3].
L’augmentation de l’incidence en Afrique de l’ouest est
préoccupante. L’ulcère de Buruli est devenu la troisième
mycobactériose la plus fréquente, après la tuberculose et la
lèpre [1].
Jusqu’à présent, la transmission de la maladie à l’homme
reste très mal connue. Bien que le micro-organisme respon-
sable n’ait pas été isolé, il semble que le réservoir de M.
ulcerans soit l’environnement hydrotellurique. En effet, un
certain nombre d’études épidémiologiques montrent que la
plupart des cas surviennent à proximité des marécages ou
dans des zones où le réseau hydrographique naturel a été
modifié pour les besoins de l’agriculture et de l’aquaculture
[4–6]. Ces dernières années, grâce à la PCR, il a été mis en
évidence des séquences génétiques identiques à celles de
M. ulcerans dans l’eau de l’environnement [7–9]. Depuis
1999, il est évoqué que des punaises d’eau, insectes carnivo-
res et très agressifs, pourraient être des vecteurs passifs du
bacille [10,11].
2. Matériel et méthode
2.1. Inocula bactériens
La souche 1G897, initialement isolée chez un patient de
Guyane Française atteint d’ulcère de Buruli, a été utilisée
[12]. D’autres mycobactéries ont servi de témoin : M. fortui-
tum (n
o
10B0345), M. chelonei (n
o
6B0139), M. kansasii
(n
o
11B0014) et M. marinum (n
o
8B0432). Toutes les sou-
ches de mycobactéries utilisées ont été cultivées dans les
mêmes conditions à 30 °C sur milieu Löwenstein-Jensen
(Sanofi-Diagnostic Pasteur). Les bacilles présents dans les
inocula ont été dénombrés selon la méthode de Shepard [13].
2.2. Les insectes
Compte tenu de la présence ubiquitaire des insectes et de
l’identité de leurs propriétés physiologiques dans les diffé-
rentes régions du monde, nous avons utilisé dans notre étude
des Naucoris (Naucoris cimicoides) adultes. Ils ont été cap-
turés dans des marécages de l’ouest de la France. Les insectes
sont maintenus en captivité dans des aquariums chauffés à
28 °C, équipés de systèmes de filtration et d’éclairage (pho-
topériodisme de 12 h/24 h). Les insectes sont nourris trois
fois par semaine avec des larves d’insectes de Phormia ter-
rae novae (Verminière de l’Ouest).
2.3. Contamination des insectes par l’ingestion
d’une larve contaminée
Les insectes sont soumis à un jeûne de 15 jours. Chaque
insecte reçoit alors une larve dans laquelle il a été préalable-
ment injecté 10
6
bacilles sous un volume de 0,03 ml. Les
insectes sont alors de nouveau soumis à un jeûne de 15 jours.
2.4. Transmission de M. ulcerans à la souris lors
d’une piqûre d’insecte
À chaque insecte est présentée la queue d’une souris
femelle Balb/c, âgée de4à6semaines (Iffa Credo) préala-
blement anesthésiée par l’injection intramusculaire de kéta-
mine (88 mg/kg). Le contact entre l’insecte et la souris dure
10 s. Un deuxième lot d’insectes non contaminés a mordu
dans les mêmes conditions 10 souris qui serviront de té-
moins. Les animaux sont examinés chaque semaine. On
considère qu’un animal est infecté lorsqu’il est observé sur la
queue un manchon inflammatoire compliqué ou non d’ulcé-
ration.
2.5. Recherche des bacilles dans les tissus des insectes
2.5.1. Fixation et inclusion des prélèvements
Les insectes sont immergés pendant 15 jours dans du
formol dilué à 10 % dans du PBS, pH 7,4. Après l’inclusion
en paraffine, des coupes sagittales de 5 µm sont réalisées.
2.5.2. Coloration de Ziehl
Une coloration de Ziehl est réalisée sur les coupes sagit-
tales afin de localiser les BAAR (Bacille Acido Alcoolo
Résistant) au sein des tissus des insectes.
2.5.3. Marquage immunologique
Au préalable, des IgG spécifiques de M. ulcerans ont été
obtenues après immunisation de lapins New Zealand (Iffa
Credo). Les IgG ont été purifiées par chromatographie sur
colonne DEAE [14].
Les coupes sont déparaffinées et réhydratées. Puis 250 µl
d’IgG purifiées de lapin anti-M. ulcerans à la concentration
de 20 µg d’IgG/ml sont mis en contact avec les coupes
pendant 12hà4°C.Lesanticorps anti-IgG de lapin conju-
gués à la phosphatase alcaline (Interchim) sont ensuite dépo-
sés sur les lames. La révélation est réalisée en déposant
250 µl de la solution de révélation (à 50 ml de Tris-HCl 0,1 M
pH 8,5 sont ajoutés 1 ml de DMSO, 50 mg de Fast Red TR
Salt (Sigma) et 25 mg de naphtol ASMX (Sigma)). L’obser-
vation est réalisée sous le microscope aux longueurs d’ondes
d’excitations de 488 et 543 nm.
2.6. Obtention d’un substrat organique algal
Hydrodictyon reticulatum est une chlorophycée qui a été
récoltée dans des marécages de l’ouest de la France. Après
deux rinçages de 5 mn dans de l’eau distillée, 500 g d’algues
fraîches sont déposés dans 500 ml d’eau distillée. Le tout est
491L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495
autoclavé à 121 °C pendant 20 mn. Le surnageant est filtré
stérilement sur des gazes de porosité de 1 mm et le pH est
ajusté à 6,8.
2.7. Préparation des milieux de culture pour
l’expérimentation
Afin d’évaluer l’effet du substrat sur la croissance de
M. ulcerans, des quantités variables du substrat (exprimées
en % du volume final) sont ajoutées dans des flacons conte-
nant 4 ml de milieu 7H12B. Chaque semaine, le suivi de la
culture des germes est effectué par mesure de l’index de
croissance déterminé avec l’appareil Bactec 460. La valeur
maximale de l’index de croissance mesurée par l’appareil est
égale à 999.
2.8. Microscopie électronique à balayage
Les échantillons sont préparés selon un protocole publié
par H. Stoodley et H. Lappin Scott [15]. L’observation est
réalisée sous une tension de 5 kV (Jeol 6301F).
2.9. Recherche de M. ulcerans dans les échantillons
environnementaux
2.9.1. Concentration des échantillons
Quarante microlitres de billes magnétiques de diamètre
2,8 µm sur lesquelles sont fixées des immunoglobulines de
chèvre dirigées contre les IgG de lapin (Dynal) sont mises en
contact avec 20 µg d’IgG de lapin purifiées en PBS/BSA
0,1 %. Après plusieurs lavages, elles sont reprises par 100 µl
et mises en contact avec l’échantillon à traiter. À partir de
l’échantillon concentré, une décontamination à la soude est
effectuée [16] puis une culture et une PCR.
2.9.2. Extraction de l’ADN et PCR
L’extraction de l’ADN a été réalisée selon la méthode de
Boom modifiée [17], en utilisant les solutions du kit Nucli-
sens (BioMérieux) [14]. L’amplification de l’ADN est réali-
sée selon la méthode de Ross et al. [7,18].
2.9.3. Prélèvements de végétaux et d’insectes aquatiques
en zone d’endémie
Les insectes aquatiques appartenant à la famille des Hy-
drocorises ainsi que des végétaux aquatiques (Bacopa) ont
été prélevés en Côte-d’Ivoire, dans la région de Daloa, sur la
rivière la Lobo, à la fin de la saison sèche.
Au laboratoire, les végétaux sont découpés puis broyés au
Potter (Potter-Elvehjem, taille 22) dans de l’eau distillée
additionnée de1%deTriton X-100. Le tout est agité pendant
30 mn à 300 rpm en présence de billes de verre sur un
agitateur rotatif. Sur la suspension sont réalisées la PCR et la
culture. Concernant les insectes, après dissection en PBS, les
glandes salivaires accessoires ont été prélevées puis broyées.
Sur le broyat ont été réalisées une PCR et une culture.
3. Résultats
3.1. Transmission de M. ulcerans à la souris par
des punaises d’eau
Quelques minutes après la piqûre, la queue de la souris
présente un érythème qui disparaît complètement dans les
3 jours qui suivent la piqûre. Sept souris sur dix piquées par
les insectes infectés ont présenté, dans un délai de 56 à
87 jours, des lésions tardives, caractéristiques de l’infection
expérimentale de M. ulcerans chez l’animal. Après sacrifice
des animaux, les tissus lésés sont prélevés. Sur le broyat des
tissus, on pratique le dénombrement des BAAR, la recherche
par PCR de séquences d’insertions IS2404 caractéristiques
de M. ulcerans, et une culture. Les résultats ont été positifs
pour les 7 souris présentant des signes cliniques d’infection.
Aucun des 10 animaux témoins n’a présenté d’ulcération
tardive.
3.2. Localisation des bacilles dans les tissus des punaises
d’eau
Chez les insectes contaminés depuis 60 jours, de nom-
breux BAAR ont été observés dans les glandes salivaires
accessoires et principales mais aussi dans les canaux qui
drainent la salive (Fig. 1). Il n’a pas été mis en évidence de
bacilles dans les autres organes tels que les muscles, les
gonades et le tube digestif par cette technique. La présence de
M. ulcerans dans les glandes salivaires a été confirmée par
PCR chez les insectes contaminés dès le 15
e
jour et jusqu’à la
fin de l’expérience, soit 105 jours plus tard. Chez les insectes
sains, toutes les PCR effectuées ont été négatives. Un immu-
nomarquage permet de confirmer le groupement en amas des
bacilles dans les glandes salivaires (Fig. 1). Dans les condi-
tions de notre étude, en utilisant la microscopie confocale,
nous n’avons pas observé de lésions tissulaires (résultat non
présenté). Nous n’avons pas eu besoin de produire des anti-
corps dirigés contre les tissus des insectes puisque nous
avons utilisé la propriété de fluorescence naturelle des tissus
soumis à la longueur d’onde d’excitation de 488 nm.
Chez les insectes sains ou contaminés par d’autres myco-
bactéries (M. chelonei, M. fortuitum, M. kansasii, M. mari-
num), il n’a pas été observé de BAAR dans les glandes
salivaires ou dans les autres tissus.
3.3. Recherche du bacille dans les glandes salivaires
d’insectes capturés en zone d’endémie
En Côte-d’Ivoire, dans la rivière la Lobo, 80 Naucoris,
1Dyplonichus et1Nepa ont été capturés. À la suite des
observations précédentes, seules les glandes salivaires acces-
soires ont été prélevées. Par PCR, la séquence IS2404 a été
détectée dans les glandes de cinq Naucoris,duDyplonichus
et de la Nèpe. Après 8 mois de culture à 30 °C, M. ulcerans a
été isolé dans deux des prélèvements provenant de Naucoris.
Les autres prélèvements ont été contaminés. Les souches
ainsi isolées ont été nommées Nau CI 001 et Nau CI 002. Par
492 L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495
injection sous-cutanée dans la queue de souris des souches
isolées, il nous a été possible d’établir leurs propriétés à
déclencher le développement de lésions cutanées. L’analyse
du génotype des souches isolées (résultat non présenté),
montre que nos souches ont un profil africain différent du
profil de notre souche de laboratoire (1G897) provenant de
Guyane Française. Ces résultats nous permettent d’exclure
une contamination de laboratoire.
3.4. Effet du substrat algal sur la croissance
de M. ulcerans
L’ajout de substrat permet la stimulation de la croissance
de M. ulcerans suivie avec le système Bactec (Tableau 1). Le
temps de culture est diminué d’un facteur 1,65 en présence de
25 % de substrat. Plus la quantité de substrat augmente, plus
le temps de culture diminue. L’ajout de 3,5 % de substrat
n’est pas suffisant pour obtenir un effet significatif sur la
Fig. 1.Localisation des bacilles sur des coupes histologiques sagittales de Naucoris cimoides. Avec la coloration de Ziehl. (A et E), il est possible d’observer
chez les insectes contaminés, de nombreux BAAR présents dans les glandes salivaires principales (GSP) et accessoires (GSA) et dans le rostne (R) (B et C) sous
forme d’agrégats (D et E). Aucun BAAR n’a été détecté dans les glandes salivaires des insectes sains (A). En microscopie confocale, après immunomarquage
(F), il est possible de confirmer la présence de M. ulcerans (tête de flèche blanche). Barre (A et B) 0,25 cm ; (C) 0,1 cm ; (D) 400 µm ; (E) 150 µm et (F) 200 µm.
Tableau 1
Effet de différentes quantités de substrat d’origine algale sur la croissance de
M. ulcerans en système Bactec
Quantité de substrat Délai pour atteindre le GI 999
(en % du volume total) (en jours)
Témoin 83 (± 5)
3,5 78 (± 6)
12,5 59 (± 5)*
25 42 (± 4)*
Valeurs moyenne de 5 échantillons (± écart type)
* Valeurs significativement différentes
493L. Marsollier et al. / Pathologie Biologie 51 (2003) 490–495
croissance du bacille. L’effet devient significatif à partir de
l’ajout de 12,5 % de substrat.
L’organisation de M. ulcerans en biofilms à la surface des
fragments de végétaux a été observée en microscopie élec-
tronique à balayage (Fig. 2). Les premiers bacilles se fixent
après 12 h d’incubation. Les bacilles sont alors dispersés à la
surface des végétaux. Après 40 jours, les bactéries forment à
la surface des filaments d’algues des agrégats pouvant dépas-
ser les 100 µm témoignant en faveur d’une multiplication.
Après 40 jours, les bacilles forment des biofilms en sécrétant
une matrice à base éventuellement d’exopolysaccharide. Ce
type d’organisation a été également observé pour d’autres
mycobactéries.
3.5. Collecte de végétaux dans une zone d’endémie
Comme pour les insectes, les végétaux ont été collectés
dans la rivière la Lobo, Côte-d’Ivoire. Il s’agissait de plantes
du genre Bacopa, de la famille des Scrophulariacea. Ces
plantes possédaient des racines enfoncées dans le sol sableux
du fond de la rivière et des feuilles à la surface de l’eau. Pour
des raisons pratiques, nous n’avons pas séparé les différents
organes des plantes. Les PCR réalisées sur le broyat de
plantes ont permis de mettre en évidence des séquences
d’ADN spécifiques de M. ulcerans. Les cultures n’ont pas
permis d’isoler M. ulcerans. En effet, elles sont toujours
restées contaminées par M. szulgai, malgré l’utilisation de
l’immunoséparation [14]. Cette espèce qui pousse plus vite
que M. ulcerans a envahi après quelques semaines les mi-
lieux de culture liquides et solides. Toutefois, les PCR réali-
sées sur les flacons 7H12B ont été positives pour M. ulce-
rans.
4. Discussion
Depuis de nombreuses années, on soupçonne l’eau d’être
le réservoir de M. ulcerans [19]. Malgré de nombreuses
tentatives, le bacille n’a jamais été isolé de l’environnement.
Ce problème a été partiellement résolu ces dernières années
par le développement de la PCR qui a montré que de l’ADN
pouvait être détecté dans l’eau et chez des invertébrés ;
l’hypothèse de la transmission du bacille à l’homme à partir
de l’eau est évoquée [7–10].
Dans une première partie nous avons étudié le rôle des
Naucoris comme vecteur de M. ulcerans. Les Naucoris sont
des punaises aquatiques carnivores non hématophages très
cosmopolites. En raison de leur ubiquité et du fait qu’ils ont
le même régime alimentaire quelle que soit leur origine
géographique, notre modèle a été développé avec des insec-
tes capturés en France. Ce sont des insectes exclusivement
carnivores ; ils se nourrissent de poissons, de petits batra-
ciens, de mollusques ou encore de larves d’insectes et n’hési-
tent pas à piquer l’homme [20]. Les proies sont saisies par les
pattes antérieures, dites ravisseuses. Ces dernières ont un
fémur élargi sur lequel le tibia et le tarse peuvent se replier
dans la gouttière fémorale. Le fémur des pattes ravisseuses
est recouvert de soies vulnérantes capables de se ficher dans
la proie. Lorsque celle-ci est saisie, l’insecte enfonce son
rostre dans les tissus. Les soies vulnérantes et le rostre sont
reliés par un système de petits canaux aux glandes salivaires
qui sécrètent un puissant suc digestif aux propriétés paraly-
santes [20,21] contenant des enzymes protéolytiques [22] qui
digèrent les tissus de la proie que l’insecte peut alors facile-
ment aspirer par le rostre. Ces insectes possèdent deux paires
de glandes salivaires : les glandes salivaires principales qui
sont situées au niveau de la tête et les glandes salivaires
accessoires situées au niveau du thorax. Ces glandes salivai-
res offrent des conditions favorables à la multiplication de M.
ulcerans, qui semble être la seule mycobactérie à pouvoir s’y
développer. C’est à partir des glandes salivaires que nous
avons pu, pour la première fois, isoler M. ulcerans de l’envi-
ronnement.
Dans une seconde partie, il a été montré que des exudats
d’algues aquatiques favorisent in vitro la croissance de M. ul-
cerans. La stimulation pourrait être due à un apport supplé-
Fig. 2.Formation d’un biofilm à M. ulcerans sur des filaments de l’algue Hydrodictyon reticulatum. (A) Filament de l’algue où des bacilles se sont fixés après
12 heures d’incubation (flèches). (B) Quarante jours après inoculation, les bacilles se sont multipliés et forment un biofilm recouvert d’une matrice (flèche de
gauche). Il est possible d’observer des bacilles isolés (flèche de droite). Barre : (A et B) 3 µm.
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