EDITORIAL
JUILLET/AOÛT2013
MERKUR 1
Lestransfertssociauxau Luxembourg:
un débatcrucialdans la perspectivedes
prochaines électionslégislatives
Le système luxembourgeoisde protection socialeest
un élémentfondamentalde la cohésion socialenationale.
Il permet d’accéder àdessoins médicaux et auxminima
sociauxen casde besoin,de lutter contre la dépendance et
l’exclusion, de continuer àbénéficier d’un revenu en casde
maladie,de jouird’aidesau logement,de disposerd’une
retraite et d’avoirunepolitiquefamilialeambitieuse, ce
dont il faut se féliciter dans un pays quipeut se permettre
d’offrir àsescitoyens un système généreux en la matière –
du moinsjusqu’àprésent.
Au vu de la situation socio-économique et financière qui
se transforme rapidement et de manière profonde,le Luxem-
bourgne pourra plus conserveràterme sonsystème actuel
en matière de transferts sociaux, basé notamment sur une
croissance extensive,perpétuelleet vigoureuse de l’emploi et
de l’économie.Ce système doit fairel’objetde réformes pour
au moins troisraisons:
La croissance économique nécessaire au finance-
ment du système actuel fait défaut depuis plus de 5
années. Cettesituationplaide donc pour uneréduction
desdépenses publiquesen généralet desdépenses de pres-
tationssociales en particulier, puisquecelles-cireprésentent
47 %desdépenses publiquesluxembourgeoises(unmon-
tant correspondantà8,9milliardsd’EURen 2012). Leur
taux de croissance annuel moyenestde 7%depuis2007,
donc un rythme de progressionlargement supérieuràla
moyennedesdépenses budgétaires.
Le ratiocoût-efficacité des prestationssociales n’est
pasoptimal. Avec plus de 15.000 EUR par personne (contre
6.000 EURdans la zone euro), lesdépenses de protection
socialesont particulièrement importantesau Luxembourg.
Mais malgré l’allocation de transferts sociauxgénéreux et
élevés en valeur absolue, la pauvreté relative augmente1et
lesdésavantages sociauxcontinuent àse transmettred’une
génération àl’autre2,ce quisemble signifierquel’ascenseur
social ne fonctionne pasde manière optimaleparrapportau
coûtdesmesuresafférentes.
La tendance à l’exportation des transferts sociaux
risqued’augmenter davantage. La récentedécision de
la Cour de Justiceeuropéenne (CJE)qui a déclaréle sys-
tème national actuel de boursesd’études discriminatoire
àl’égarddestravailleurs frontalierset de leursfamilles
souligne,de manière générale,la nécessitéd’unestratégie
réfléchieet bien ciblée en matière d’allocation destrans-
fertssociaux. Unetelle approche n’apasété suivie par
le Gouvernement,alorsqu’ilvientde bâcler un nouveau
textelégislatif visant àrépondre aux critiquesde la CJE,
mais quine tientcompteni de la précaritédesfinances
publiques, ni d’un critère de sélectivité ou d’équité sociales.
Vu le nombre élevéde prestationsexportées –avec uneten-
dancecroissante –,il faut unedéfinition claire et précise
de la finalité,desbesoins (sociaux et autres)àcouvriret
desbénéficiairesen matière de prestationssociales,fami-
liales et éducatives.Finalement,il faut un système d’al-
location transparentet simple, excluant dessituationsde
cumulet quipermette auxadministrationsen charge de
détecter aisément desabus et de mettre instantanément
finàdespratiquesfrauduleuses.
Lesaméliorations à envisager devraient s’articuler
notammentautour de troisprincipesfondamentaux:
meilleurciblage, incitation àl’activité et soutenabilité
de leur financement. Certainesprestations,puisqu’ellesne
sont pas cibléesbénéficientàdespersonnesauxrevenusaisés
ou au patrimoine élevé. Différents transferts pourraient faire
l’objetd’unefiscalisationou êtremodulésen fonctiondu
niveau de revenusdes parentsou desbénéficiaires. Leséco-
nomies ainsidégagées pourraient en partie revenirauxactifs
ou familles ayantdesrevenusmodestes,alorsqueceux-ci
sont, par ailleurs, susceptiblesde réallouer unegrande partie
de leur revenu disponible accrudans l’économie nationale.
Dans le même registre,lesindemnités de chômage,
parcequ’elles se caractérisent par un taux de remplacement
élevéet quipeuventensuiteêtre«prolongées»par le RMG,
créent uneincitation àl’inactivité et favorisent le chômage
de longue durée. Dans un contexte de hausse du chômage
structurel,uneréformede l’indemnisationde chômage et
du RMGdevienturgente. Le bénéfice auxindemnités affé-
rentes devraitdavantageêtrecouplé àdesactivitésde forma-
tion et àla rechercheactive d’un emploi. Ceci permettraitde
lutter contre lestrappesàl’inactivité.
Il n’y a nullealternative àuneinflexionde la tendance
haussière desdépenses publiques! Il faudra passer lesdépenses
sociales au crible pour lesrendre plus efficaces,plus ciblées
et moins coûteusesdans unelogiquede justiceet d’équité
sociales et de soutenabilitébudgétaire.
n
1Le taux de pauvreté aprèstransferts sociauxestpasséde 11,0%en 1996 à13,6%en 2011
2
Ainsi avec seulement11.5%desindividus dontlesparentsavaientun niveau d’instruction faible qui ontpu atteindre le niveau universitaire,le Luxembourg se situeen
queue de pelotonau niveau européen