© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
L’Encéphale (2009) Supplément 6, S231–S236
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Diversité des approches des troubles
psychopathologiques en milieu scolaire
et universitaire : surprises et paradoxes
The diversity of approaches for psychopathological disorders
in school and university surroundings : surprises and paradoxes
D. Monchablon
Psychiatre, chef de service du Relais Étudiants Lycéens, Fondation Santé des Étudiants de France
60 rue des Grands Moulins 75013 Paris
Résumé Notre propos est de rendre compte de l’approche des troubles mentaux émergents en milieu
scolaire et universitaire par les professionnels de terrain : indicateurs diagnostiques, prise en charge sur
site, orientations et filières de soins.
Nous donnerons un aperçu certes subjectif et non exhaustif, à partir de notre expérience clinique du
Relais Étudiants Lycéens, unité d’évaluation et de traitement bref à l’interface des services de santé
scolaire et universitaire et des structures de soins psychiatriques publiques infanto-juvéniles et adultes
à Paris.
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas signalé de con its d’intérêts.
MOTS CLÉS
Santé scolaire ;
Santé universitaire ;
Dépistage précoce
des troubles psycho-
pathologiques ;
Réseaux de soins
KEYWORDS
School health ;
Universitary health ;
Early screening for
psychopathological
disorders ; Care
network
Abstract In this review, we are adressing several issues of the approach of emerging mental disorders
in school and university by first line professionals : diagnostic indicators, on-site care, referring and
pathway to care.
We will expose our unique experience of the « Relais Étudiants Lycéens » a specialized out patient unit
dedicated for the assessment and brief therapy at the interface between school and universitary health
services and specialized public care systems for child and adult psychiatry in Paris.
Présentation du Relais Étudiants Lycéens
Georges Heuyer
Notre activité se décline en trois registres :
1. Une activité clinique sous forme de consultations
pluridisciplinaires (un psychiatre, un psychologue, un ensei-
gnant) en nombre limité : 6 entretiens maximum, avec
remédiation pédagogique brève. Ces remédiations, avec
l’enseignant de la consultation, peuvent prendre la forme
d’un « dialogue pédagogique » avec analyse des capacités
transversales d’apprentissage (concentration, mémoire,
résolution de tâches) ou d’un « atelier pédagogique » par
matière.
L’accueil parental est le plus souvent réalisé conjointe-
ment. Parfois est posée l’indication d’une thérapie fami-
liale, offerte sur site.
D. MonchablonS232
80 % des jeunes sont adressés par les lycées ou les uni-
versités.
L’objectif est de dépister, évaluer, orienter les troubles
psychopathologiques à partir de signes de souffrance sco-
laire. Le sujet élabore grâce à l’intervention croisée des
soignants et de l’enseignant, sa « théorie de l’esprit »,
c’est-à-dire une ébauche de représentation de son propre
fonctionnement cognitif, aux prises avec les aléas de sa vie
psychique ou les turbulences du système familial.
2. Une activité de réseaux qui consiste à la mise en rela-
tion des professionnels de l’Éducation Nationale avec les pro-
fessionnels de santé de la psychiatrie publique ou associative
(adulte et infanto juvénile) : « Groupement des Professionnels
de Santé » 16e arr, 18e arr, 19e arr, par exemple.
3. Une activité de formation des personnels de l’Édu-
cation Nationale : Proviseurs, In rmières (groupe Balint),
Médecins scolaires, Conseillers Principaux d’Éducation
(IUFM), Enseignants (formation sur site)
Notre mission initiale en 1994 était d’accueillir une
population « ciblée », présumée en dif culté par les par-
tenaires de l’Éducation Nationale. La réalité de notre le
active, en 2008, concerne une population radicalement
différente de l’objectif premier (Tableau 1). Se pose alors
la question : au-delà des disparités socio-culturelles indivi-
duelles, en quoi les structures et dispositifs favorisent-ils
ou non le dépistage et l’accès aux soins ?
Dépistage en milieu scolaire
La probable sous-évaluation des troubles
psychopathologiques, en milieu scolaire, est
multifactorielle
Trois facteurs essentiels y contribuent :
la dif culté de l’évaluation diagnostique des troubles psycho-pathologiques à l’adolescence ;
le manque de coordination des professionnels de l’Éduca-tion Nationale entre eux, beaucoup plus que leur manque
de formation ;
le manque de lisibilité de lières de soins en aval de l’ins-titution scolaire, pour ne pas dire l’absence de protocoli-
sation, dans la plupart des cas.
Le dépistage du trouble émergent est lié à l’interfé-
rence du sujet et du milieu environnant. Il dépend moins de
la gravité réelle de la situation clinique que de l’impact sur
le fonctionnement global de la classe ou du lycée.
Par exemple : une situation d’urgence telle une
menace ou une tentative de suicide, trouve rapidement
une réponse thérapeutique. En revanche, des troubles
« en négatif » comme une psychose émergente d’allure
citaire, un état dépressif, voire une anorexie débu-
tante, mieux tolérés par l’environnement, peuvent passer
inaperçus pendant plusieurs mois. Il arrive même que des
Asperger soient diagnostiqués à l’occasion d’un échec en
seconde ou au baccalauréat, malgré la singularité de leur
comportement.
En n, dans d’autres cas, des troubles bruyants du com-
portement, à type d’agitation, de transgression ou de vio-
lence entraînent rapidement une succession de sanctions qui
peut aboutir à l’exclusion avant que l’on s’interroge sur l’état
psychologique du sujet. C’est la succession d’exclusions qui
amènera des parents désorientés à la recherche d’une solu-
tion, avant même la compréhension du problème.
La première évaluation du problème est opérée par les
conseillers principaux d’éducation souvent après contact
avec la famille.
La deuxième évaluation, par les professionnels de
santé, est inconstante : elle est tributaire de la bonne
coordination dans l’établissement entre les professionnels
de santé et les professionnels de l’éducation. Elle est sou-
vent aléatoire et dépend moins des registres d’intervention
de chacun (médecin, in rmière, assistante sociale) que de
leur temps de présence ou du crédit accordé par l’établis-
sement à chacun d’entre eux.
La question essentielle que se posent les professionnels
des lycées, est de savoir si le problème relève d’un traite-
ment éducatif ou d’un traitement psychologique. Où est la
bonne mesure ? La réponse dépend certes de la formation
des professionnels, mais surtout de l’idéologie de chacun,
de son vécu propre, et de la culture de l’établissement, en
particulier de la position du chef d’établissement. Il n’y a
pas de coordination avec le généraliste et très rarement le
conseil d’un professionnel extérieur.
Cette évaluation conclut éventuellement à une orienta-
tion vers les structures de soins psychiatriques. Mais le
manque de coordination avec les acteurs de soins est une
situation fréquente, soit par méconnaissance de l’existence
de ces structures, soit par l’impossibilité d’échanges entre
institution scolaire et institution de soins, chacun radicali-
sant son vocabulaire, son idéologie et sa mission.
Tableau 1
Objectifs initiaux 1994 Résultats 2008
Population ciblée :
– milieu défavorisé, problèmes culturels
– lycéens décrocheurs (seconde)
lycées à population « précaire » du 13e arr. ou
des arrondissements nord de Paris : 18e, 19e, 20e
Population reçue :
milieu favorisé (cadre sup., universitaire, médecin, enseignant)
– classe préparatoire aux Grandes Écoles : 40 % de la le active
lycées prestigieux : Henri IV, Louis le Grand, Saint-Louis, Janson
de Sailly, Buffon…
Diversité des approches des troubles psychopathologiques en milieu scolaire et universitaire : surprises et paradoxes S233
Deux exceptions : les lycées « dif ciles »,
les lycées « élitistes »
Certains lycées dif ciles imposent une exigence de com-
portement et luttent contre la violence et l’absentéisme.
Les liens sont renforcés en interne et nécessité fait loi :
il existe des équipes relais, des professeurs motivés et des
proviseurs engagés dans cette mission.
Les liens en externe sont établis avec la police, la mai-
rie, les structures de secteurs : le suivi psychiatrique est
presque exclusivement public.
Certains lycées élitistes sont guidés par une exigence
de résultats.
Les liens sont renforcés en interne et une bonne coordi-
nation entre professionnels s’impose pour de meilleures
performances des élèves. La population de ces établisse-
ments est triée sur le volet en éliminant implicitement, au
regard des bulletins scolaires, les pathologies à expression
citaires ou comportementales.
Les liens sont renforcés en externe vers les structures
compétentes pour aider les élèves : les centres médico-
psychologiques (CMP) sont rarement sollicités, sauf les plus
réputés ou les plus médiatisés. Les élèves sont le plus sou-
vent adressés aux praticiens libéraux ainsi qu’aux structu-
res médico-pédagogiques appropriées, comme le Relais
Étudiants Lycéens.
Le « problème familial » reste l’exception, il doit être
traité s’il interfère avec les performances scolaires, et
béné cie d’un accueil privilégié.
Dans ces deux cas de gure, il n’existe pas de discrédit
des structures psychiatriques. En revanche, l’utilisation
pertinente des moyens existants ne permet pas les échan-
ges de protocoles thérapeutiques entre établissements.
Subsiste une certaine prédétermination :
On constate pour les populations précaires des lycées dif -
ciles un certain fatalisme par rapport à l’échec scolaire.
L’essentiel reste de :
sauver la socialisation : la désocialisation favorise la mar-ginalité, la marginalité favorise la délinquance ;
sauver l’éducation et proposer les règles éducatives mini-mum pour faire un citoyen et les règles comportementa-
les pour donner une chance à la scolarité (agitation ou
absentéisme) ;
améliorer le quotidien : le lieu où on mange, où on se lave, où on dort, où on se plaint (maltraitance, mariage
forcé, etc.) ;
sauver l’exception, pour le modèle et le moral des ensei-gnants : le bon élève qui rentre en classe préparatoire.
En aval, on note très peu d’adressage aux structures
spécialisées soins-études, pas davantage de la part de
l’Éducation Nationale que de la part des structures de soins
sectorielles.
Pour les populations favorisées des lycées élitistes, on
subit la fatalité des avatars de la sélectivité. Il est impor-
tant de :
« Sauver la face » tant pour les élèves, les familles ou les professionnels : il existe parfois un traitement particulier
des décompensations psychiatriques (dissimulation, exter-
nalisation du problème).
Sauver le caractère d’exigence : ce n’est pas le système qui doit s’adapter au sujet, mais le sujet au système.
Sauver la cohésion des valeurs sociales au détriment de la cohésion familiale (migration dès la seconde dans les éta-
blissements prestigieux) ou au détriment de la cohésion
interne du sujet (arrêt des activités extra scolaires, rup-
ture de l’harmonie de la vie du sujet). Le ciment de la
cohésion familiale n’est pas le partage du quotidien mais
l’adhésion aux « valeurs » et à l’ambition sociales.
Dépistage en milieu universitaire
Le dépistage psychologique est très hétérogène en
fonction des lières
1 – L’Université : il existe une probable sous-
estimation des problèmes psychopathologiques
En dehors du handicap psychique qui nécessite un traitement
particulier au sein de la Médecine Préventive Universitaire
(MPU) et des relais handicaps de l’université, on dispose de
peu d’éléments sur l’état psychologique des étudiants. La
visite médicale « obligatoire » est très variable dans sa mise
en œuvre : à titre d’exemple elle concerne de 12 à 70 %
des étudiants selon les sites universitaires du Service Inter-
Universitaire de Médecine Préventive et de la Promotion de
la Santé de Paris (SIUMPPS). Le dépistage des pathologies
psychiatriques est faible. La présence des psychologues (en
moyenne un équivalent temps plein pour 40 000 étudiants)
consiste en l’accueil informel et parfois au suivi psycho-
thérapique des étudiants demandeurs, pour la plupart en
situation de « malaise existentiel » ; à titre d’exemple, les
psychologues du SIUMPPS reçoivent 0,4 % de la population
étudiante, population estimée à 139 000 étudiants (6 uni-
versités, 80 établissements d’enseignement supérieur).
Les professionnels de MPU, ont le sentiment qu’il y
aurait peu de pathologies psychiatriques à l’Université.
Paradoxalement, les résultats de la dernière enquête à l’aide
du CIDI-SF chez les étudiants universitaires de première
année en région PACA relève une prévalence des symptômes
psychiatriques sur 12 mois estimée à 25,7 % [1].
En l’absence d’interférence marquée avec le milieu, la
souffrance psychologique est le problème du sujet seul. Le
risque reste individuel : c’est notamment l’arrêt du cursus
universitaire. Le problème du sujet participe probablement
au processus de « sélection naturelle » de la première
année universitaire, d’autant que l’accompagnement fami-
lial est plus distant.
2 - Les Grandes Écoles :
Ici comme au lycée, le problème du sujet interfère avec le
milieu, et peut entamer l’image de marque de l’école (ex :
bouffée délirante en stage, suicide, décès par alcoolisation).
Les élèves ont été choisis, l’école assume son choix
et porte jusqu’au bout l’étudiant, de la première année
jusqu’à l’insertion professionnelle.
D. MonchablonS234
Les élèves paient (7 000 à 12 000 Euros par an), l’école
est « prestataire de services » : enseignement, mais aussi
santé, bien-être, éducation globale (esprit d’équipe, curio-
sité, initiative).
La vigilance institutionnelle est relayée par le soutien
parental, il existe une participation importante des parents
auprès des services de scolarité. Ces contacts fréquents
peuvent se nouer autour de demandes d’exemption de frais
de scolarité pour « raison de santé ». Ils sont autant d’oc-
casions d’évaluer la situation psychologique de l’étudiant
et de coordonner le parcours de soins en bonne intelligence
avec la famille, si cela est nécessaire.
3 – Les lières sélectives : les Classes Préparatoires
aux Grandes Écoles
On observe une interférence immédiate des dif cultés psy-
chologiques avec le milieu. Pour les professionnels de
lycées, évaluer le comportement n’est plus un problème :
s’il y a troubles du comportement, il y a le plus souvent
affection psychiatrique. Compte tenu du très haut degré
d’exigence de performances, le milieu est également sen-
sible aux premiers signes des troubles « en négatif » même
au plus discret échissement des performances scolaires.
En n, l’étayage familial est associé au « coaching » insti-
tutionnel, surtout dans les classes préparatoires privées et
les prestigieuses classes préparatoires publiques (rôle du
proviseur, des enseignants, des conseillers principaux d’édu-
cation, etc.)
Soins proposés selon ces problématiques
1 – Le traitement du problème sur site en milieu
scolaire
Le traitement institutionnel du problème se confond
avec le traitement psychologique du sujet.
Enseignants et conseillers principaux d’éducation
accueillent à tour de rôle les con dences de l’élève, des
familles, parfois dans le secret, alternant tentative de
compréhension et conseils éducatifs. La répétition des
symptômes peut entraîner l’épuisement ou l’exaspération
de ces professionnels avant même que l’équipe de santé
scolaire soit saisie ou puisse intervenir. L’injonction théra-
peutique au sujet ou à sa famille est dans certains cas pro-
posée comme alternative à l’orientation ou à la sanction.
Les médecins scolaires et les in rmières sont trop sou-
vent sollicités en dernier recours pour amener un lycéen en
dif culté et sous la pression de l’établissement, à accepter
des soins.
Les initiatives de rencontres du jeune et de sa famille
restent souvent des initiatives individuelles ; elles peuvent
parfois devenir anarchiques ou contradictoires en l’ab-
sence d’orchestration du déroulement de ces différentes
interventions. La complexité ou l’absence de liens hié-
rarchiques entre les différents intervenants (enseignants,
CPE, in rmiers, médecins) et parfois des con its de pou-
voir, ne facilitent pas la résolution du problème, même si,
in ne, le chef d’établissement reste maître d’œuvre. Il
serait souhaitable que dans chaque établissement, autour
d’une « équipe relais », puisse s’établir une protocolisation
de résolution de crise, fruit d’une expérience collective.
2 – Traitement sur site en milieu universitaire
Les services de médecine préventive universitaire (MPU)
sauf ceux habilités comme centres de santé, n’ont pas
pour vocation de proposer de traitement sur site. Outre les
actions de prévention et de promotion de la santé, ils coor-
donnent l’accueil des situations de handicap et organisent
la visite médicale obligatoire. Les psychologues accueillent
de leur côté des étudiants qui le souhaitent.
Là encore, on relève un manque de coordination entre
les différents professionnels au sein de la MPU (médecins et
psychologues) ainsi qu’avec les autres personnels de santé
de l’Université : in rmières et assistantes sociales, le plus
souvent d’ailleurs isolés et dispersés géographiquement,
ce qui ne favorise pas la synergie de la ré exion et des
actions, ni l’adresse mutuelle des étudiants.
Au total, persiste un manque de lisibilité des patho-
logies reçues, à l’exception des dossiers handicaps, mais
aussi des pratiques, plus proches pour ces professionnels
d’un exercice en cabinet libéral que d’un travail institu-
tionnel. Tout au plus, dans le meilleur des cas, si occasion-
nellement les acteurs sociaux et de soins se concertent, se
dégage un « climat » de l’Université.
3 - Orientation vers les soins psychiatriques
Quand des soins spécialisés s’imposent, l’orientation vers
la consultation psychiatrique reste aléatoire. Au moins trois
obstacles sont clairement identi ables :
a) Méconnaissance mutuelle
Pour les professionnels de l’Éducation Nationale, l’organi-
sation des soins psychiatriques reste complexe, compte tenu de
la multiplicité des structures à Paris, qu’elles soient publiques,
associatives ou libérales. S’ajoute à cela, le dif cile repérage
des interventions de chacun, de leur spéci cité idéologique et
thérapeutique, de leur offre et de leurs limites.
À cet égard, la situation est très inégale en fonction
de l’âge des patients : la petite enfance, jusqu’à l’entrée
au collège, béné cie de liens privilégiés entre école pri-
maire et pédopsychiatrie. En revanche, la tranche d’âge
des années lycée, de 15 à 18 ans, à l’intersection des prises
en charge infanto-juvéniles et adultes, est plus démunie
alors que plus problématique.
Réciproquement, les structures de soins psychiatri-
ques publiques ne prennent pas systématiquement en
compte l’existence de cités scolaires (collège/lycée) et
encore moins d’établissements d’enseignement supérieur
de proximité ; ceux-ci drainent pourtant une population
importante, fréquemment domiciliée sur le secteur psy-
chiatrique. L’organisation des soins ignore le plus souvent
le rythme scolaire (peu ou pas de consultations spéci ques
le mercredi par exemple) et les échéances scolaires ou uni-
versitaires pourvoyeuses de déstabilisations psychologiques
individuelles et de crispations familiales.
b) Dialogue dif cile
Le dialogue entre professionnels de l’éducation, de
l’enseignement et de la santé peut se heurter à des obsta-
cles sémantiques ou idéologiques.
Diversité des approches des troubles psychopathologiques en milieu scolaire et universitaire : surprises et paradoxes S235
Les professionnels de l’Éducation Nationale ont une
forte attente vis-à-vis des psychiatres face à des situations
critiques : éclairage théorique ou conseils pratiques sur la
conduite à tenir au sein du lycée, qu’elle soit compréhen-
sive ou éducative. Parfois des résultats visibles et rapides
sont attendus dès que la prise en charge psychologique est
amorcée, tant sur le plan de l’intégration au groupe, l’assi-
duité, les relations avec les enseignants ou encore les per-
formances cognitives…
Du côté des soignants, on observe le plus souvent
une grande réserve, voire parfois un refus total de dia-
logue, très décourageant pour l’institution scolaire qui a
adressé le jeune. Les raisons sont nombreuses : respect du
secret professionnel, crainte de stigmatisation du patient,
ance globale vis-à-vis de l’institution scolaire ou tout
simplement ignorance du sujet qui en dé nitive ne s’est
jamais présenté à la consultation. Les soignants perçoivent
parfois l’institution scolaire, y compris les services de santé
scolaire, davantage comme une menace plutôt qu’une res-
source, à l’image du vécu de leur patient.
Même quand l’échange est possible et fructueux, il
reste dif cile de part et d’autre d’ajuster « l’information
utile » aux différents champs d’intervention et de s’accor-
der sur le plus petit objectif commun aux professionnels,
au patient et à sa famille.
c) Des critères de choix qui rendent aléatoire la lière
de soins
En milieu scolaire : paradoxalement, l’orientation tient
peu compte des ressources réelles des structures de soins ou
de leur adéquation spéci que au problème posé (par exemple
hyperactivité, troubles des conduites alimentaires, troubles
du langage…). Une seule exception concerne la prise en charge
des addictions, exception liée probablement à la connaissance
des professionnels des structures dédiées, présents sur site
a n d’organiser des actions de prévention, au sein des com-
missions d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC).
L’orientation par les personnels de lycée est en réa-
lité fortement connotée par des éléments anecdotiques ou
affectifs : par exemple la connaissance d’un thérapeute,
voire les liens personnels avec celui-ci, le caractère supposé
anodin de l’intervention, non stigmatisante pour l’élève
un psychologue pour bavarder »), la gratuité, la nou-
veauté « pour essayer », le caractère prosélyte de certains
professionnels même si à l’usage leur structure s’avère peu
appropriée.
Il existe donc sur le terrain peu de protocolisation de lière
de soins, même si la situation est très inégale selon les arron-
dissements et les établissements scolaires : les professionnels
changent, les informations se perdent, la lière se délite.
En milieu universitaire : les professionnels de l’univer-
sité travaillent peu en réseau avec les structures de soins
pour adultes, pourtant nombreuses à Paris, parfois même
dédiées aux étudiants, comme les Bureaux d’Aide
Psychologique et Universitaire, dont seulement 8 % des
étudiants connaissent l’existence.
Là encore, la principale raison tient à la méconnais-
sance de ces structures ou réseaux de soins, sauf informa-
tion ponctuelle « qu’on s’échange ». Sinon les prétextes
sont nombreux pour continuer à recevoir un patient qui
pourrait béné cier de prestations de soins diversi ées à
l’extérieur de l’Université : la crainte de « médicaliser à
outrance », la dif culté de « passer le relais », les délais
d’attente pressentis, le caractère « inapproprié » du cen-
tre médico-psychologique pour la population étudiante, le
coût présumé de la consultation libérale.
Réciproquement, la place des professionnels de MPU
est ignorée par bon nombre de professionnels de la psy-
chiatrie pourtant à la recherche de relais médicaux et psy-
chologiques au sein des universités où sont scolarisés leur
patient.
4 – Une exception : l’urgence, hospitalo-centrée
Compte tenu de l’engagement de la responsabilité des chefs
d’établissement dans la gestion de la crise ainsi que celle des
professionnels concernés, l’urgence psychiatrique (tentative
de suicide, bouffée délirante) béné cie en général de la plani-
cation préalable d’une lière de soins ; cela est facilité par la
lisibilité de la structure d’urgence de référence, liée à la cen-
tralisation au CPOA ou à l’hôpital général, et par la permanence
de l’accueil, dont béné cient patients et professionnels.
Plusieurs problèmes subsistent néanmoins pour les pro-
fessionnels de lycées ou d’université.
Il leur est dif cile d’évaluer le degré de gravité réelle
de la situation, dégagée de la dramatisation parfois specta-
culaire du patient ou de l’entourage ou des enjeux manipu-
latoires pressentis.
Ils sont embarrassés pour orienter les situations inter-
médiaires assimilables à des urgences « psycho-sociales »
comme par exemple le refus de rentrer chez les parents,
les menaces de fugues, les suspicions de maltraitance.
En n dans certains cas, l’urgence n’est pas celle de la
situation du patient, mais le sentiment d’urgence des pro-
fessionnels ou des parents : inquiétude, exaspération, ou
sentiment d’impuissance liés à la répétition des symptômes
depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Conclusion
L’inégalité présumée de l’accès au savoir est redoublée par
l’inégalité de l’accès aux soins.
Elle est conditionnée par l’âge des patients, leurs condi-
tions socio-culturelles, les particularités locales des éta-
blissements scolaires ou universitaires, l’historique et les
caractéristiques de l’organisation des soins de proximité.
La coordination interne dans chaque structure ou la
communication des structures entre elles sont des éléments
déterminants : elles permettent de favoriser à un moindre
coût psychique et économique, l’accès à l’évaluation et aux
soins, évitant tantôt la « psychologisation » abusive, tantôt
un attentisme hasardeux ou au contraire une errance théra-
peutique déstructurante pour un jeune patient.
La formation des personnels sur site scolaire ou universi-
taire est essentielle et doit répondre à plusieurs impératifs :
Traduire la pathologie psychiatrique en termes d’im-
pacts sur la vie scolaire ou universitaire (troubles cogni-
tifs, troubles du comportement, relation à l’autorité,
conduite d’évitement) : ces effets négatifs sont autant
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