JDD l 3 juillet 2011 20 Société Télex Affaire Karachi Brice Hortefeux dans le viseur Entendu sur le volet financier de l’affaire Karachi, l’extrésorier de la campagne d’Édouard Balladur a évoqué le rôle d’une cellule « meetings » dirigée par Brice Hortefeux, selon le site Mediapart. Des fonds de campagne pourraient avoir été remis à René GalyDejean, ex-maire (UMP) du 15e arrondissement de Paris, par une personne de cette cellule. Brice Hortefeux était alors un proche collaborateur de Nicolas Sarkozy, porte-parole de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. Stéphane Taponier avec ses parents, chez lui à Saint-Ouen, hier. Mélanie Frey/Fedephoto pour le JDD « Deux mois pour trouver un rythme d’otage » Stéphane Taponier Le journaliste cameraman, libéré mercredi avec son collègue de France 3 Hervé Ghesquière, se confie au JDD Interview Yann Thompson C’est lui qui répond à l’Interphone et nous accueille dans son appartement de Saint-Ouen, en banlieue parisienne. Entouré de ses parents et d’une amie, bercé par un fond de musique douce, il revient pendant une heure et demie sur ses dix-huit mois de captivité en Afghanistan. Avant de partir en vacances la semaine prochaine pour se « remplumer, retrouver la vraie vie et tourner la page ». Comment allez-vous ? Je suis encore dans l’adrénaline du retour, entre euphorie et coups de mou. Beaucoup de joie, évidemment, d’avoir retrouvé mes proches, si soudés. De la fatigue, bien sûr ; mais je vais bien. On a fait un check-up à l’hôpital, les médecins ont juste trouvé des carences alimentaires dues au régime taliban, sec et pauvre. Avez-vous souffert du manque de nourriture ? J’ai toujours eu trois repas par jour, mais il fallait se contenter de peu. Pendant deux mois, je n’ai eu qu’une demi-patate à chaque repas. On est très français, la nourriture c’est important, et là, c’était très difficile à supporter, vraiment. C’était immonde, que des féculents, du riz, des haricots rouges ou des pois chiches. Moi, je pensais à des côtes de bœuf. Je me souviens d’une émission que j’ai réussi à écouter sur RFI, consacrée à un chocolatier. J’en avais la bave aux lèvres. Quelles étaient vos conditions de détention ? J’ai été baladé dans une petite vingtaine de maisons, en rayonnant sur deux vallées, parfois seul, parfois avec Hervé ou Reza [leur interprète]. On se retrouvait généralement dans une pièce de 10 à 15 m² avec deux minces matelas, deux coussins, une ou deux couvertures et un peu de lumière filtrant par la fenêtre. Parfois les talibans dormaient avec nous. On a rarement eu des pots de chambre, il fallait attendre des heures pour aller aux toilettes. je n’avais jamais travaillé. Il ne faut pas se cacher que, enfermés 24 h/24, il peut y avoir des engueulades. On a dû s’engueuler quatre ou cinq fois, sur des petits détails, un verre renversé… Mais on a très vite compris que ce n’était pas la solution. On retravaillera avec plaisir ensemble. À qui appartenaient ces maisons ? Il y avait les vrais talibans, les sympathisants et ceux qu’on appelait les « malgré-eux », que les talibans forçaient à nous garder. C’était comme des villages corses il y a deux cents ans, avec des vendettas, des histoires de famille… On était perdus au milieu de cela. Beaucoup de gens sont talibans parce qu’il n’y a rien à faire dans les villages. Être taliban, c’est avoir un talkie-walkie, une arme, un peu d’autorité, un petit peu d’argent… Avez-vous craint pour votre vie ? Non, même sur les vidéos où nos ravisseurs menaçaient de nous exécuter. Eux-mêmes n’y croyaient pas, ils étaient rigolards. On savait qu’on avait de la valeur, que c’était une chance unique pour eux de nous avoir, et ces talibans n’étaient pas des extrémistes. La seule peur que j’avais, c’était qu’ils nous transfèrent au Pakistan ou dans une région plus difficile. Comment vous êtes-vous adapté à cette nouvelle vie ? Pendant les deux premiers mois, avant de trouver un rythme « d’otage », j’étais un peu assommé, apathique sur mon matelas. On attend parce qu’on va peut-être sortir très vite, puis on se dit qu’il faut réagir. On a commencé à s’organiser, entre le sport, les repas, les discussions… Mais je ne vivais pas, j’étais à côté de la vie. On entend les bruits de la vie, les enfants, les casseroles, mais nous, on est à part, tout seul, il ne se passe rien. À quoi pense-t-on dans cette situation ? Il y a une espèce de renfermement solitaire, on plonge en soi parce qu’il n’y a rien à regarder dans la pièce. C’est un grand voyage intérieur. On pense beaucoup, à nos copains d’école, à des gens à qui on n’avait jamais pu penser. On se remémore des films. On fait le point sur sa vie. Et on surinterprète tout : un bout de pain plus gros qui arrive, une cuisine un peu améliorée, et on se dit que quelque chose va se passer. Comment vous êtes-vous entendu avec Hervé Ghesquière ? Hervé est un collègue avec qui Que savez-vous des conditions de votre libération ? Hervé Ghesquière a évoqué une rançon, des détenus libérés… On ne va pas le nier, il y a des négociations, un échange. Je sais qu’il y a eu des choses ; la nature exacte, je n’en sais rien. Quel souvenir garderez-vous de ces dix-huit mois de captivité ? Je veux garder le côté expérience enrichissante, je ne pense pas que ce soit une expérience traumatisante pour moi. Je ne peux pas oser comparer ma captivité à celle de JeanPaul Kauffmann, qui, lui, était dans des conditions effroyables. On aurait pu être attachés, les yeux bandés, rien de tel. C’était difficile mais ce n’était pas extrême. Et où vous voyez-vous dans dixhuit mois ? Avec ma caméra, sur un terrain quelconque. Je pense reprendre le travail en septembre 2012 après un gros break. La nature du journalisme, c’est d’aller voir et de comprendre. Mais surtout d’aller voir. g h lejdd.fr www.leJDD.fr/international Ce qu’ont raté Ghesquière et Taponier, retour sur 18 mois d’actu. Nucléaire Incendie à la centrale de Tricastin Un incendie s’est déclaré hier en début d’après-midi dans le transformateur principal du réacteur numéro un de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme). Une importante fumée noire s’est dégagée « sans aucune conséquence radiologique sur l’environnement et la population », a précisé EDF. Feu de forêt 200 C’est le nombre d’hectares de forêt de pins détruits par un incendie qui s’est déclenché hier vers 14 heures à Lacanau (Gironde). Plus de 160 pompiers étaient toujours à l’œuvre dans la soirée pour éteindre le sinistre, aidés d’importants moyens aériens. Au moins deux maisons ont été évacuées par précaution. Alpinisme Chutes mortelles dans le Mont-Blanc Les corps de deux alpinistes suisses de 55 ans ont été retrouvés hier matin à 3.400 mètres d’altitude, au pied de l’aiguille du Jardin. Ils auraient chuté de plus de 400 mètres dans un couloir de neige. Vendredi soir, deux alpinistes anglais avaient trouvé la mort dans le même massif. Stupéfiants Règlement de comptes à Marseille Un homme a été abattu et un autre blessé hier dans une fusillade dans le centre de Marseille. Les deux victimes se trouvaient à l’arrêt dans un véhicule immatriculé en Espagne et ont été visés depuis une autre voiture qui s’était portée à leur hauteur. La personne tuée était connue de la police pour des faits d’association de malfaiteurs. Drame de Pau : du sang analysé Disparition Des milliers de personnes ont rendu hier hommage à Alexandre, 13 ans, dont le corps a été démembré Pau (Pyrénées-Atlantiques) Envoyé spécial Jean-Pierre Vergès Immense émotion hier à Pau, où 4.000 personnes ont marché en hommage à Alexandre Junca, 13 ans, disparu le 4 juin et dont un morceau de jambe a été retrouvé dimanche dernier dans le Gave, la rivière qui traverse la capitale béarnaise. À l’appel d’un internaute de 19 ans, des Palois de tous âges sont venus témoigner de leur solidarité avec les parents de la victime, en tête du cortège. Martine Lignières-Cassou, la maire de la ville, avait dû rappeler le matin même que, contrairement à une rumeur persistante, Romain Dupuy, le meurtrier schizophrène de deux infirmières en 2004, était toujours interné dans un hôpital psychiatrique bordelais. Vendredi soir, Valérie Lance avait crié toute sa « haine » devant quelques journalistes massés devant chez elle, et réclamé la totalité du corps de son fils avant de pouvoir faire son deuil. Elle a hier remercié la population, demandé « que justice soit faite », puis fondu en larmes lorsque le cortège s’est arrêté devant un poteau indicateur de la rue Galos, où le vélo de son fils avait été retrouvé attaché avec son antivol. C’est ici, dans le centre-ville, qu’Alexandre a mystérieusement disparu ce 4 juin, peu avant 23 heures. Logements au peigne fin Depuis jeudi, les enquêteurs de la Direction interrégionale de police judiciaire de Bordeaux, renforcés par leurs collègues de l’Office central pour la répression des violences aux personnes, passent au peigne fin les appartements des riverains et ceux qui sont inoccupés. Les experts de la police technique et scientifique ont notamment cherché d’éventuelles traces de sang. Alexandre a-t-il été entraîné de force dans un logement avant d’être tué et démembré ? Le soir de sa disparition, le collégien rentrait d’une soirée sans encombre passée avec une poignée de copains dans le quartier Saragosse. À 22 h 51, une caméra de vidéosurveillance d’un distributeur bancaire proche du domicile paternel l’a filmé pédalant, apparemment tranquille. L’ado n’était alors pas suivi. Que s’est-il passé ensuite? Mystère. Neuf minutes plus tard, des pompiers sont intervenus dans le quartier pour prendre en charge un homme ivre. Ils n’ont rien remarqué d’anormal. D’autres recherches sont toujours en cours. Selon nos informations, des traces de sang suspectes ont été trouvées sur la passerelle de Gelos, qui enjambe le Gave. Des analyses sont en cours pour déterminer s’il s’agit du sang du jeune Palois disparu. g Les parents d’Alexandre à la marche blanche d’hier à Pau. Patrick Bernard/Abaca pour le JDD