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L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, Cahier2
Entretien avec le
Professeur Smulevitch
Le Professeur SMULEVITCH est membre de l’Académie des
Sciences de Moscou : il est le psychiatre qui occupe le poste le plus
honori que dans son pays. Il dirige un service de psychiatrie situé
dans un hôpital général, qui ressemble fort à un service de psy-
chiatrie ordinaire en France. Ce service est certainement une
vitrine de la psychiatrie à Moscou. Il accueille des étudiants
destinés à devenir médecins et aussi des futurs psychiatres.
Le Professeur SMULEVITCH a accepté de nous donner quelques
informations sur l’état de la psychiatrie en Russie.
Comment devient-on médecin
et psychiatre en Russie ? Quelles
sont les modalités de formation
à la médecine et à la psychia-
trie ? Quelles sont les références
théoriques utilisées pour
l’enseignement de la psychiatrie ?
La neurologie et la psychiatrie
sont deux spécialités distinc-
tes dans la formation médi-
cale. Il y a un enseignement de
la neurologie au cours des étu-
des de médecine qui est identi-
que quelle que soit la spécialité
choisie ensuite, par exemple,
la psychiatrie. L’enseignement
de la psychiatrie s’appuie sur la
classification internationale des
maladies DSM comme sur les
théories plus classiques.
Certains médecins généralistes
sont formés à la psychiatrie pen-
dant 6 mois et peuvent ensuite
exercer en tant que psychiatre
sans en avoir le titre.
La formation en psychiatrie est
une spécialisation qui se fait en
4 ans.
Quelle est l’organisation des
soins dans les régions faiblement
peuplées ?
L’accès aux soins dans les régions
à faible densité de population
comme la Sibérie est difficile.
Certains hôpitaux disposent de
médecins psychiatres mais sou-
vent le psychiatre doit se dépla-
cer au domicile du patient.
Quelle place ont les psycholo-
gues au sein de la psychiatrie :
contribuent-ils à la formation ou
aux soins ?
Les psychologues et les psycho-
thérapeutes travaillent en col-
laboration avec les psychiatres
dans les unités de soins.
Comment s’organise la prise
en charge de l’enfant et du sujet
âgé en Russie ? Quels sont les
liens entre psychiatrie de l’adulte,
pédopsychiatrie et gérontopsy-
chiatrie ?
Il existe des services spécialisés
en pédopsychiatrie et en géron-
topsychiatrie dans les grands
centres hospitaliers. Certaines
unités sont spécifiques au trai-
tement des pathologies du déve-
loppement ou des adolescents.
Les médecins y travaillant
reçoivent une formation spécia-
lisée. En pratique, les liens entre
les psychiatire adulte et pédop-
sychiatrie ou gérontopsychiatrie
sont faibles.
En Russie, comment se met en
place une hospitalisation sous
contrainte et comment est-elle
suivie ?
Si le sujet présente un dan-
ger pour autrui, une hospitali-
sation sous contrainte peut se
faire avec l’aide de la famille.
Dans les 24 heures suivant
La dépression : des pratiques aux théories 9
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La dépression : des pratiques aux théories 9
l’admission, une commission for-
mée de trois psychiatres et d’un
représentant de l’administration
hospitalière décide la poursuite ou
non des soins pendant une durée
de trois jours. Pour une durée plus
longue. il faut la décision du tri-
bunal pour la poursuite de l’hos-
pitalisation.
Comment traitez-vous les patho-
logies dépressives ? Quelles
stratégies thérapeutiques utili-
sez-vous ?
Le traitement de la dépression en
première intention est la prescrip-
tion d’antidépresseurs. Pour les
dépressions graves, dites psychoti-
ques ou mélancoliques, le choix se
porte sur les antidépresseurs tri-
cycliques par voie intraveineuse.
Un traitement antipsychotique
par neuroleptiques classiques est
associé en cas de présence de
symptômes psychotiques. Lors
de l’amélioration symptomatique
du patient, un relais par inhibi-
teurs de la recapture de la séro-
tonine et de la noradrénaline est
initié. En cas de dépression résis-
tante, après un mois de traite-
ment inhibiteur de recapture de
la sérotonine par antidépresseurs
tricycliques, l’électroconvulsivo-
thérapie est indiquée. Environ
10% des patients béné cient de
ce type de traitement.
En Angleterre, les antidépresseurs
tricycliques sont largement utili-
sés pour des raisons économiques.
En France, les inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine et les
inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline
sont les molécules antidépressives
les plus utilisées. Qu’en est-il en
Russie ?
Les antidépresseurs tricycliques
sont plus fréquemment utilisés. Le
critère de choix de l’antidépresseur
est l’intensité de l’épisode.
Pouvez-vous nous parler d’un pro-
gramme de recherche se tenant
dans votre département ?
Plusieurs projets de recher-
che concernent l’hypochondrie,
le syndrome neurotique et les trou-
bles psychosomatiques. Pour notre
équipe, ces troubles comprennent
les troubles ischémiques cardiaques
par exemple. Ces maladies ont une
part génétique et psychologique.
Ainsi nous évaluons l’ef cacité des
médicaments psychotropes dans les
pathologies psychosomatiques.
25% des patients hospitalisés en
hôpital général présentent des
pathologies psychosomatiques ou
psychiatriques. Si une pathologie
psychiatrique est dépistée lors de
l’hospitalisation en hôpital général,
une aide psychiatrique est souvent
dispensée par le médecin de l’unité
et parfois par un psychiatre inter-
venant de manière ponctuelle dans
le service.
Les cénesthopathies sont ici consi-
dérées comme un symptôme fré-
quent de la schizophrénie. Leur
traitement est donc basé sur les
antipsychotiques atypiques.
Quelle stratégie thérapeutique
adoptez-vous pour la prise en
charge des troubles bipolaires ?
En cas de trouble à cycles rapides,
les sels de lithium et les anticon-
vulsivants tels que la carbama-
zépine sont utilisés. L’association
avec les antipsychotiques est fré-
quente. L’utilisation des sels de
lithium n’est pas commune en cas
d’épisode thymique isolé.
La toxicomanie est de plus en plus
répandue en France. Son rôle dans
la transition psychotique est de
plus en plus avancé en particulier
le cannabis. 40% des sujets souf-
frant de schizophrénie consomment
ou ont consommé du cannabis.
Qu’en est-il en Russie ?
Le lien entre toxicomanie et trou-
bles psychiatriques sont forts. La
consommation de cannabis n’est
pas répandue en Russie.
La prévalence des troubles du com-
portement alimentaire est-elle aussi
importante qu’en France ? Quelle
est la part de diagnostic de person-
nalité borderline au sein de cette
population ?
D’après mon expérience, il me sem-
ble que la boulimie est plus répan-
due que l’anorexie. Les troubles du
comportement alimentaire peu-
vent aussi être un mode d’entrée
dans la maladie schizophrénique.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 641-640, Cahier 2
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