
B. Beaufils L’Encéphale, 2006 ;
32 :
1061-4, cahier 3
S 1062
Le terme de réhabilitation, largement utilisé, n’est peut-
être pas le mieux adapté à ce que l’on cherche à décrire.
En effet, le terme de réhabilitation suppose une restaura-
tion de ce qui a été dégradé, s’adressant donc à des
patients déjà chroniques. Or les recherches actuelles
montrent que c’est au tout début de la maladie que ces
interventions psychosociales ont les plus grandes chan-
ces d’efficacité, durant cette « période critique » décrite
par Birchwood
et al.
(1), propice à des interventions inci-
sives qui pourraient limiter le potentiel de chronicisation
de la maladie schizophrénique.
UN HÔPITAL DE JOUR SPÉCIALISÉ
L’hôpital de jour du secteur d’Issy-les-Moulineaux et
Vanves a été totalement restructuré pour la mise en place
du programme d’interventions psychosociales en 2000.
Les patients sont exclusivement atteints de troubles
schizophréniques, avec une fréquentation de 40 à
50 patients par jour.
L’équipe est composée d’un psychiatre, de deux neu-
ropsychologues, d’un psychologue spécialisé dans les
TCC, d’une orthophoniste, d’une assistante sociale, d’un
cadre infirmier, de quatre infirmières, et de deux aides-soi-
gnants.
La mise en place du programme repose sur une éva-
luation initiale très précise des difficultés des patients dans
différents domaines. Ces évaluations sont conduites par
chacun des spécialistes dans son domaine de compé-
tence, à l’aide d’instruments standardisés, une autre éva-
luation étant conduite à l’issue du programme thérapeu-
tique individualisé.
Les interventions thérapeutiques sont des prises en
charge de groupes et des prises en charges individuelles,
avec possibilité d’interventions à domicile.
Une importance particulière est accordée à la complé-
mentarité des approches.
ENJEUX ACTUELS DE LA PRISE EN CHARGE
DES SCHIZOPHRÉNIES
Les enjeux actuels de la prise en charge des schizo-
phrénies ont été retenus comme autant d’objectifs de
soins.
Ainsi, le taux majeur de rechutes, lié le plus souvent à
une observance très incomplète, est reconnu comme l’une
des difficultés principales dans la prise en charge des
patients souffrant de schizophrénie.
L’adaptation psychologique est liée à ce qui, sur un plan
affectif, découle du diagnostic de la maladie, comme la
dépression, le suicide, la baisse de l’estime de soi.
Les addictions associées aggravent le pronostic de la
maladie, et doivent donc figurer parmi les points d’atten-
tion de la prise en charge.
La résistance, définie comme la persistance de symp-
tômes positifs résiduels, les handicaps sociaux, dans les
domaines de la communication ou de la vie quotidienne,
les troubles cognitifs élémentaires sont également des
objectifs de soins importants.
Enfin, l’insertion sociale et professionnelle doit faire
l’objet d’un projet personnalisé, et est également l’une des
difficultés majeures rencontrées dans la prise en charge
des schizophrènes, puisqu’environ 80 % des patients sont
sans emploi.
RECHUTES, OBSERVANCE, ADAPTATION
PSYCHOLOGIQUE
La rémission est souvent complète ou quasi complète
au premier épisode, mais, du fait de la mauvaise obser-
vance, 80 % des patients rechutent (5). Or chaque rechute
aggrave le pronostic de la maladie, tant sur le plan de
l’insertion et des liens familiaux et sociaux, que sur le ris-
que suicidaire, les abus de substances, les violences pos-
sibles. Enfin, les rechutes pourraient s’accompagner d’un
plus fort risque de développement ultérieur d’une résis-
tance à la chimiothérapie (3, 6, 7).
L’adaptation psychologique à la maladie est une étape
particulièrement difficile pour les patients, P. McGorry
et al.
(4) évoquant même, pour rendre compte de ce trau-
matisme psychologique majeur qu’est le premier épisode
de la maladie, un véritable état de stress post-traumatique.
Les guides de bonne pratique clinique de Grande-Breta-
gne recommandent, par exemple, de procéder à de véri-
tables séances de débriefing à chaque fois qu’un patient
est placé en chambre d’isolement.
Cet impact psychologique majeur de la découverte du
diagnostic lors du premier épisode, qui a longtemps été
mal pris en compte, est corroboré par les données de la
littérature, qui font par exemple état d’un taux de 75 % de
dépression lors du premier épisode, puis de 22 % dans
les cinq années suivantes (2).
Il peut se traduire par des réactions de désespoir, de
refus de la maladie, de suicide, de honte, d’humiliation,
de perte de l’estime de soi. Il a aussi pour conséquence
un repli social, qui n’est alors pas un symptôme négatif,
mais survient par évitement, avec une désinsertion, voire
le recours à des conduites à risque, comme la non-obser-
vance, la prise de toxiques…
La thérapie proposée, d’inspiration cognitivo-compor-
tementale, associe un versant psychoéducatif, apportant,
après la délivrance du diagnostic, une information précise
sur la maladie, les symptômes, les enjeux du traitement.
Dans le même temps, un travail est entrepris avec le
patient sur la conscience des troubles, l’estime de soi,
l’espoir, avec la mise en place de stratégies de
coping
.
La thérapie s’effectue au sein de groupes, d’une durée
de plusieurs mois, utilisant initialement le programme PACT
découpé en séquences thématiques, auquel se sont adjoints
par la suite d’autres programmes afin de varier les supports
sur lesquels sont présentées ces diverses informations.
Le traitement est donné chaque jour par les infirmières
de l’hôpital de jour ; les patients ont un infirmier référent,