Centre et résumé de l'Europe et du monde, voilà ce que l'Empire a fait de
Paris, en y attirant les rois, mais aussi les monuments de l'Orbs. A ce titre, même le
jeune Ultra de 1823 ne peut que saluer Napoléon, implicitement, mais très
clairement :
La France (...)
Pour parer ses superbes temples,
Dépouille les camps étrangers.
On voit dans ses cités, de monuments peuplées,
Rome et ses dieux, Memphis et ses noirs mausolées;
Le lion de Venise en leurs murs a dormi;
Et quand, pour embellir nos vastes Babylones,
Le bronze manque à ses colonnes,
Elle en demande à l'ennemi! (8
)
K.-F. Werner le rappelle, “ seule une grande et sainte ville, comme Rome et Constantinople, pouvait
prétendre à être le centre d’un vrai Empire ”. Paris lieu sacré, Paris ville sainte et terrifiante, ce motif
apparaît régulièrement dans l’oeuvre poétique hugolienne de cette période en liaison étroite avec le
souvenir de Napoléon et de sa dimension européenne. Ainsi dans “ Le Retour de l’Empereur ”:
Vos batailes, ô roi! comme des mains fatales,
L’une après l’autre ont pris toutes les capitales;
Il suffit d’Iéna pour entrer à Berlin,
D’Arcole pour entrer à Mantoue, ô grand homme!
Lodi mène à Milan, Marengo mène à Rome,
La Moskova mène au Kremlin!
Paris coûte plus cher! c’est la cité sacrée!
C’est la conquête ardue, âpre, démesurée!
Le but éblouissant des suprêmes efforts!
Pour entrer dans Paris, la ville de mémoire,
Sire, il faut revenir de la sombre victoire
Qu'on remporte au pays des morts!
Il faut (...)
S'être fait de l'Europe et l'âme et le milieu,
Et, debout dans la gloire ainsi que dans un temple,
Etre pour l'univers, qui de loin vous contemple,
Plus qu'un fantôme et presque un dieu! (9
7. Les Feuilles d'automne, III, Poésie I, p. 573. De fait, dans le projet napoléonien
"Le pape et les souverains étrangers devront avoir leur palais dans la capitale" (Jean
Tulard, "L'Empire napoléonien", Le Concept d'empire, p. 292.)
)
8. "A l'arc de triomphe de l'Etoile", Odes et Ballades, II, 8, Poésie I, p. 147.