Examen de Biologie générale
DEUG SV Concours
décembre 2004
Question 1 : Évolution du génome et optimisation de la biosyn-
thèse protéique chez deux bactéries
Dans cette question, on vous propose de réfléchir à des analyses publiées en 2001
par Akashi et Gojobori dans les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences Amé-
ricaine. Ces auteurs écrivent, en préambule à leur publication : “La biosynthèse d’une
cellule d’Escherichia coli, en utilisant des molécules organiques comme source d’éner-
gie et de carbone, requiert l’équivalent énergétique de 20 à 60 milliard de liaisons
phosphates. Une part importante de cette énergie est dévolue à la fabrication des acides
aminés.” Ils s’intéressent ensuite à la façon dont, chez deux bactéries, le génome est
“optimisé” de façon à réduire l’énergie dépensée dans la synthèse protéique.
Chaque acide aminé peut être codé de plusieurs manières (le code génétique est
dégénéré). Cependant, pour certains gènes, on a pu montrer qu’entre plusieurs codons
synonymes certains étaient préférés à d’autres. Ce biais dans l’usage des codons peut
être quantifié statistiquement en estimant si un codon est sur-représenté par rapport aux
codons synonymes. Par exemple la Proline peut être codée par CCA, CCC, CCG ou
CCU. En l’absence de biais on s’attend à ce que ces quatre codons soient représentés
chacun dans 25% des cas. On aura un biais dans l’usage des codons par exemple si
l’un quatre des codons est beaucoup plus utilisé que les autres. Nous ne détaillerons
pas plus ici les calculs nécessaires à la quantification de ce biais.
1. Supposons que dans une famille de codons synonymes, un ARN de transfert
soit associé à chaque codon. Que se passerait-il si un codon était utilisé dans un
gène et que son ARNt faisait défaut ? De façon plus générale, quelle “loi” de la
biochimie permet de prédire que l’efficacité de la traduction d’un codon donné
augmente avec la concentration cytoplasmique de son ARNt ?
2. Supposons maintenant que dans le cytoplasme certains ARNt aient une concen-
tration beaucoup plus élevée que d’autres. Quels codons devraient être utilisés
préférentiellement dans le génome pour optimiser la synthèse protéique ?
3. On a pu montrer que le biais d’usage des codons augmentait avec le niveau d’ex-
pression des gènes : les gènes très exprimés présentent un fort biais d’usage.
Interprétez cette observation d’après la question précédente.
4. À votre avis, quel biais d’usage des codons devrait-on observer, d’après les rai-
sonnements qui précèdent, pour les gènes des ARN ribosomaux ?
Akashi et Gojobori se sont ensuite demandés si la composition en acides aminés d’une
cellule bactérienne reflétait l’energie associée à la fabrication de chaque acide aminé :
les acides aminés les moins coûteux sont-ils plus représentés que les autres ?
5. Dans quelle(s) situation(s) pensez-vous qu’un acide aminé peu coûteux peut être
substitué à un autre plus coûteux sans que la fonction de la protéine synthétisée
soit compromise ?
Le tableau 1 résume les coûts de fabrication associés à chaque acide aminé. Il donne
aussi l’ensemble des précurseurs possibles pour chaque acide aminé. La position des
voies de synthèse de ces acides aminés dans le métabolisme général est représentée
dans la figure 1.
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Coût
Acide aminé Symbole Précurseur P H Total P
Ala A pyr 1,0 5,3 11,7
Cys C 3pg 7,3 8,7 24,7
Asp D oaa 1,3 5,7 12,7
Glu E αkg 2,7 6,3 15,3
Phe F 2pep, eryP 13,3 19,3 52,0
Gly G 3pg 2,3 4,7 11,7
His H penP 20,3 9,0 38,3
Ile I pyr, oaa 4,3 14,0 32,3
Lys K oaa, pyr 4,3 13,0 30,3
Leu L 2pyr, acCoA 2,7 12,3 27,3
Met M oaa, Cys, -pyr 9,7 12,3 34,3
Asn N oaa 3,3 5,7 14,7
Pro P αkg 3,7 8,3 20,3
Gln Q αkg 3,7 6,3 16,3
Arg R αkg 10,7 8,3 27,3
Ser S 3pg 2,3 4,7 11,7
Thr T oaa 3,3 7,7 18,7
Val V 2pyr 2,0 10,7 23,3
Trp W 2pep,eryP, PRPP, -pyr 27,7 23,3 74,3
Tyr Y eryP, 2pep 13,3 18,3 50,0
TAB. 1 – Coût associé à la fabrication des vingt acides aminés à partir du glucose. Pour
chaque acide aminé, le précurseur est indiqué. Le coût est divisé en une partie consom-
mée sous forme de liaison phosphate haute énergie (P) et une partie consommée sous
forme de pouvoir réducteur (H). Le total indiqué est calculé en convertissant le pouvoir
réducteur consommé en équivalent phosphate : 1H'2P. Signification des abbrévia-
tions : penP, ribose 5-phosphate ; PRPP 5-phosphoribosyl pyrophosphate ; eryP, ery-
throse 4-phosphate ; 3pg, 3-phosphoglycérate ; pep, phosphoenolpyruvate ; pyr, pyru-
vate ; acCoA, acétyl-CoA ; αkg,α-cétoglutarate ; oaa, oxalo-acétate. Le signe moins
devant certains précurseur indique que la molécule en question est produite durant la
synthèse de l’acide aminé.
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FIG. 1 – Voies de synthèse des acides aminés. Le détail des voies de synthèse n’est pas
donné, mais pour chaque acide aminé, la position du précurseur dans le métabolisme
est indiqué. Les abbréviations sont identiques à celle utilisées dans le tableau 1.
Biais d’usage des codons
Coût
E. coli B. subtilis
FIG. 2 – Corrélation entre coût énergétique associé à chaque acide aminé et biais
d’usage des codons. Chaque point représente une valeur moyenne calculée pour un
ensemble de gènes ayant des biais d’usage des codons similaires. Chaque point cor-
respond donc en quelque sorte à une “classe” de biais d’usage, et les classes sont
construites de façon à ce qu’elle comprennent toutes au moins 50 000 codons.
3
6. Sous quelle forme moléculaire présente dans le cytoplasme trouve-t-on selon
vous l’énergie dénommée P dans le tableau 1 ? Même question pour H.
7. En vous servant du tableau 1 et de la figure 1, comparez le coût de fabrication
de l’aspartate à celui de ses dérivés (méthionine, asparagine, thréonine, isoleu-
cine). Quelle tendance peut-on identifier le long des chaînes de transformation ?
Interprétez vos observations.
8. Le coût qu’Akashi et Gojobori ont associé à chaque acide aminé peut être at-
tribué à l’énergie dépensée pendant sa synthèse proprement dite, mais aussi à
l’énergie qui aurait pu être tirée de l’oxydation de son précurseur. D’après ce
raisonnement, et en utilisant les cas de l’histidine, de la sérine, de l’aspartate et
du glutamate, expliquez pourquoi et comment le coût d’un acide aminé devrait
varier en fonction de la position de son précurseur dans la chaîne métabolique
représentée dans la figure 1.
9. Interprétez les résultats présentés dans la figure 2. Quel processus a pu, selon
vous, produire la relation constatée entre biais d’usage du code et coût de pro-
duction des acide aminés ?
Question 2 : Évolution du génome mitochondrial
Les génomes mitochondriaux sont de taille extrêmement variable. Chez l’homme,
et les vertébrés en général, le génome mitochondrial représente environ 16 500 paires
de base (voir figure 3) ; chez Plasmodium falciparum, l’agent du paludisme, il en re-
présente 6000. Ces variations de taille correspondent aussi (même si la correspondance
n’est pas parfaite) à des variations de nombre de gènes portés. Le nombre de gènes
(ARN ribosomaux et gènes codant pour des protéines) portés par le génome mitochon-
drial est indiqué pour plusieurs espèces eucaryotes dans la figure 4.
1. Rappelez brièvement l’origine généralement attribuée aux mitochondries des
cellules eucaryotes. En quoi la figure 3, qui représente le génome d’une mito-
chondrie humaine, fournit-elle des arguments en faveur de cette “théorie” ?
2. La figure 4 indique le nombre de gènes mitochondriaux chez plusieurs espèces
eucaryotes. En quoi le fait que des gènes tels que atp6 et atp8 soient absents de
certains génomes mitochondriaux peut-il paraître surprenant ? Expliquez pour-
quoi ce paradoxe n’est en fait qu’apparent.
3. Rappelez brièvement les lieux de synthèse des protéines mitochondriales. Vous
illustrerez à l’aide d’un schéma les mécanismes principaux d’importation de ces
protéines.
4. Selon vous, qu’est-il advenu des gènes qui ont “disparu” ? Quelle(s) modifica-
tion(s) ont-ils dû subir pour que, malgré leur “disparition”, les protéines qu’ils
codent soient toujours utilisables dans les mitochondries ?
5. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces changements dans la structure du génome
mitochondrial sont favorisés par la sélection naturelle ? Autrement dit : quel
avantage possèderait une mitochondrie ayant subit un tel changement par rap-
port à d’autres qui ne l’auraient pas subi ? Vers quoi devrait mener une évolution
de ce type ?
6. Le tableau 2 donne quelques particularités du code génétique mitochondrial chez
l’homme et d’autres eucaryotes. Pensez-vous que ces particularités soient appa-
rues de façon très précoce dans l’histoire des eucaryotes ?
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FIG. 3 – Le génome mitochondrial des vertébrés. Les zones en gris clair correspondent
aux treize gènes qui codent des protéines et celles en noir aux gènes des ARN riboso-
maux. Les traits noirs indiquent des gènes d’ARN de transfert. La zone en gris foncé
correspond à l’origine de réplication.
5 3 7
2
25
Schizosaccharomyces Plasmodium Marchantia
homme
FIG. 4 – La diversité des génomes mitochondriaux. Chaque ovale représente un gé-
nome mitochondrial. Les chiffres dans ces ovales correspondent à des nombres de
gènes. Les chiffres communs à plusieurs ovales indiquent le nombre de gènes parta-
gés par plusieurs génomes mitochondriaux. Par exemple, parmi les 3 gènes communs
aux génomes mitochondriaux de l’homme et de Schizosaccharomyces mais absents
chez celui de Plasmodium se trouvent atp6 et atp8, deux gènes codant des sous-unités
de l’ATP-synthétase.
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