Toutes ces histoires, c`est de la faute de Gaia

Hestia
HESTIA
« Toutes ces histoires,
c’est de la faute de Gaia »
estia est l’aînée des enfants de Cronos et Rhéa. Douce et vertueuse, elle
reste à la maison et recueille les confidences de tous les membres de la
famille ; elle prie pour eux et entretient le feu du foyer. C’est elle qui
vous racontera le mieux ce qui s’est passé dans la nuit des temps, car Gaia,
notre ancêtre à tous, n’a pas de secrets pour elle.
Toutes ces histoires, c’est de la faute de Gaia, notre arrière-grand-mère.
Avant sa naissance, il n’y avait rien, rien que le Chaos, qui est encore pire que
rien, puisque tout y est sans y être, sans limites, sans forme, complètement
dans le noir. Et voilà Gaia, assise au bord de ce gouffre sans fond. C’est
notre planète Terre : ronde, robuste, débordant de vie, elle s’est mise à créer
dans tous les sens.
D’abord, elle a mis au monde Ouranos, le Ciel, Pontos, le Flot marin et
Ouréa, les Monts. En s’unissant à Ouranos, elle a donné vie à six garçons
et six filles, les Titans. Ce sont les premiers dieux de l’univers, nos parents,
nos oncles et tantes.
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Ouranos et Gaia
Gaia et Ouranos eurent encore d’autres enfants, qui étaient assez effrayants,
il faut le dire. Leurs premiers triplés, qui dépassaient d’une tête les plus
hautes montagnes, n’avaient qu’un seul œil, tout rond, au milieu du front :
c’étaient les Cyclopes. Ils faisaient de grosses colères, ils crachaient du feu
et de la lave. Ouranos les renvoya sous terre et s’étendit de tout son long sur
Gaia pour les empêcher de ressortir au jour.
Les suivants, les trois Hécatonchires, ce qui signifie « Cent-Mains », avaient
cinquante têtes et cent mains chacun. Ils vidaient des lacs entiers quand
ils avaient soif ; pour s’amuser, ils arrachaient des montagnes, ils lançaient
des rochers à l’autre bout de la planète. C’étaient les créatures les plus
puissantes de l’univers.
« Décidément, se dit Ouranos, les enfants de Gaia sont trop laids, qu’ils
restent tous dans son ventre, sous terre, pour l’éternité ! »
Et il continua à l’écraser de tout son poids.
Toute cette troupe s’agitait, se bousculait, donnait des coups à droite et à
gauche. La Terre gémit, frémit, gronda, craqua, se souleva… Rien à faire.
Elle étouffait. Plus ses fils se démenaient pour sortir de son sein, plus le Ciel
la serrait de près. Gaia n’en pouvait plus, elle était sur le point d’exploser…
« Il faut que quelqu’un me délivre, se dit-elle. À qui demander secours ?
Je n’ai que mes enfants… ». Mais Pontos se faisait tout petit, il se défilait
au creux des rochers, Ouréa tremblait de tous ses membres, les autres
préféraient rester cachés, car ils étaient paralysés de peur devant leur père.
Finalement, Cronos, le plus jeune des Titans, accepta d’aider sa mère. Gaia
lui dit de délivrer d’abord les Cyclopes et les Cent-Mains, ses jeunes frères :
— Ils sont les plus forts, ils pourront attraper Ouranos et le tenir
fermement.
Cronos fit ce qu’elle lui avait dit : Cent-Mains et Cyclopes sortirent enfin
au grand jour. Puis, avec la serpe de métal que sa mère lui avait fabriquée,
il sépara ses parents.
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Cronos
Mon père Cronos devint le roi du nouveau monde et se maria avec Rhéa, la
fille préférée de Gaia, à qui elle ressemble comme deux gouttes d’eau. Mes
oncles et tantes les Titans s’unirent entre eux et commencèrent à peupler
l’univers d’une multitude de dieux. Leurs enfants étaient beaux, grands et
forts, tous avaient des pouvoirs extraordinaires. Le monde était en paix, la
nature fournissait tout en abondance, sans effort. C’était l’Âge d’or. Mais il
fut de courte durée.
Cronos devint vite un tyran impitoyable, qui craignait avant tout d’être
détrôné à son tour. Il renvoya les Cyclopes et les Cent-Mains au fond de la
Terre, dans une prison appelée le Tartare. Mais Gaia rentra dans une colère
noire : l’ingratitude de Cronos la révoltait, et elle tenait également à tous
ses fils, aux Cent-Mains autant qu’aux Cyclopes ou aux Titans. Elle prédit
à Chronos qu’il serait à son tour battu et renversé par son propre fils. Nous
n’étions pas encore nés, pourtant, ni moi, ni mes frères. C’est ainsi que
notre venue au monde devint affreusement problématique.
Cronos décida d’avaler ses enfants l’un après l’autre, dès leur naissance.
Il ne voulait pas leur laisser la moindre chance de grandir et de prendre
sa place. Rhéa, si bonne, si patiente, supporta cinq fois les violences de
ce père dénaturé. Chaque fois, elle espérait ; elle le suppliait d’épargner le
nouveau-né. Mais, garçon ou fille, il l’avalait sans un regard. Alors, enceinte
du sixième, elle se réfugia auprès de sa mère pour accoucher en cachette.
Gaia lui dit :
— Écoute-moi bien, ma fille, cette fois, tu ne présenteras pas le bébé
à son père, tu le remplaceras par une grosse pierre enveloppée dans des
langes.
Comme prévu, Cronos n’en fit qu’une bouchée, sans se douter de rien.
Alors, elles cachèrent le nouveau-né rescapé en Crète, sur le mont Ida. Elles
le confièrent aux nymphes de la montagne et une chèvre le nourrit de son
lait. C’était le petit Zeus.
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Cronos trompé
Ainsi, mon frère Zeus grandit dans la nature sauvage. Devenu un jeune
dieu plein de force et de courage, il quitta la Crète, bien décidé à sauver
ses frères et sœurs et à prendre la place de son père. Il s’arrêta en chemin
chez sa cousine Métis, dont il était amoureux. La déesse, aussi intelligente
que belle, lui conseilla de ne pas attaquer directement Cronos, mais de le
surprendre par ruse : ils firent boire à notre père une drogue qui fait vomir.
Aussitôt, Cronos grimace de douleur. De violentes crampes lui secouent
l’estomac, ses boyaux se tordent comme des serpents. Et voilà qu’il crache
la pierre, puis les cinq autres enfants, intacts : Poséidon, Hadès, Héra,
Déméter et moi. Mes frères se jettent aussitôt sur lui, Zeus le prend à la
gorge, Poséidon et Hadès lui immobilisent les bras dans le dos, pendant
que nous les filles, nous les encourageons à grands cris.
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