Annales FLSH N° 17 Spécial JUOR (2013)
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1. LA CONCEPTION WITTGENSTEINIENNE DU LANGAGE
Wittgenstein est certainement l’un des philosophes les plus
importants et les plus discutés du XXème siècle, mais aussi les plus
difficiles. Notre tâche, ici, vise d'abord à faciliter l'accès à cette pensée
et à faire apparaître non seulement les problématiques centrales, mais
aussi l'unité profonde de la pensée de cet auteur. Pour ce faire, la
seule solution consiste à varier les points de vue, afin de jeter la clarté
sur certains aspects de la conception wittgensteinienne du langage.
En effet, notre analyse considérera les deux moments de la
pensée de notre auteur pour saisir sa conception du langage. Le
premier moment s'inscrit dans le mouvement de l'analyse logique
inaugurée par Frege et Bertrand Russel; le second fonde une analyse
informelle centrée sur les différents types d'usage du langage naturel.
Cette analyse pragmatique du langage, qui opère une rupture radicale
d'avec la conception traditionnelle encore admise par l'approche
logiciste du langage et du monde, sera poursuivie par les "Philosophes
du langage ordinaire" à l'instar de J. L. Austin et J. Searle.
La première philosophie de Wittgenstein est entièrement
contenue dans le "Tractatus logico-philosophicus" qui est le seul
ouvrage publié de son vivant. Dans la préface, Wittgenstein indique
que son propos est de montrer que "La formulation (des problèmes
philosophiques) repose sur une mauvaise compréhension de la logique
de notre langage", et il considère avoir "Résolu définitivement ces
problèmes". (L. WITTGENSTEIN, 1961, p.26).
L'ouvrage se compose de sept aphorismes, rigoureusement
ordonnés en une structure hiérarchique qui se déploie à sept niveaux.
Cependant, c'est dans son quatrième aphorismes ou thèse, que nous
pouvons commencer à ressortir sa conception du langage. A travers
cet aphorisme, Wittgenstein souligne à la fois l'inadéquation d'une
explication psychologique du phénomène, et son lien avec quelques
unes de ses préoccupations. Il développe le rôle crucial joué par le
langage comme mode privilégié de représentation. Le langage, selon
lui, est l'ensemble des propositions qui articulent des signes
élémentaires selon les règles de la syntaxe logique. Les signes
élémentaires nomment les objets, et leur combinaison décrit leur
articulation dans l'état des choses. Aussi la proposition peut-elle
constituer l'image du fait.
A titre illustratif, il considère la proposition aRb. Elle est l'image
du fait a-dans-la relation-R-à-b. Le sens de la proposition souligne
Wittgenstein, est ce qu'elle représente: "un nom est mis pour une
chose, un autre pour une autre, et ils sont reliés entre eux, de telle