
Frédéric Torterat170
2008), l’approche des similitudes existant entre les formes dites
« impersonnelles » et « atemporelles » suscite encore bien des hésitations.
Ces aboutissements sont d’autant plus frappants eu égard à la qualité
des travaux portant sur telle ou telle forme en particulier. Pour
l’ensemble au contraire, quand il n’est pas uniquement question de
défectivité, il est recouru soit à des « valeurs » plus ou moins générales
(comme le non-factuel pour l’innitif ou la manière pour les formes en
-ANT), soit à des bi-partitions intermédiaires (ainsi entre ad-verbal et
adnominal, dérivation et conversion). Plus discutable encore est cette
échappatoire à laquelle mènent quelquefois certaines études, et qui, à
grand renfort de « conversions catégorielles », consiste à conclure sur
l’avis suivant lequel les formes non échies du verbe ne renvoient plus
vraiment, somme toute, à des verbes.
La description de leurs signications événementielles et de
leurs valeurs par la exion n’étant pas possible en ce qui les concerne,
l’analyse des participes, de l’innitif et du gérondif s’appuie couramment
sur les analogies, avérées ou supposées, entre ces formes verbales et
d’autres catégories grammaticales. Quand bien même les participes
(passé, présent) auraient pour principale caractéristique commune,
comme leur désignation l’indique, de participer à la fois des catégories
du verbe et de l’adjectif, le fait d’en appeler au nom pour l’innitif,
et à l’adverbe pour le gérondif, demeure pour le moins réducteur et
conduit même à de fâcheuses simplications. Ces rapprochements ne
sont pas inopportuns s’il s’agit de rappeler que l’innitif est facilement
nominalisable (tout comme les participes ont une évidente capacité à
s’adjectiver), ou de convenir de ce que le gérondif apparaît généralement
comme circonstant. Or, est-ce pour autant qu’on doive refuser, comme
le dénoncent Remi-Giraud et Basset (1988), de « replacer l’innitif dans
le système verbal », ou qu’on doive se résoudre à ranger le gérondif, par
exemple, dans la pseudo-catégorie des « adverbiaux » (Haspelmath et
König 1995, Herslund 2003, Havu et Pierrard 2008, Cuniţă 2011)2?
Nous envisagerons ici ces formes dans la perspective de leur
intégration discursive, laquelle perspective permet, selon nous, de
ne pas s’en tenir aux faits de non-marquage et de (re)catégorisation,
lesquels n’expliquent pas tout. Cela nous amènera à aborder
l’instanciation des formes concernées d’après leurs emplois effectifs,
et à travers les similitudes apparaissant entre ces derniers. Une
2 Cette position sur le gérondif, qui n’a rien de très nouveau, apparaît déjà chez A.
Demandre et P. A. Ambésieux de Calignon, lesquels, dans leur Dictionnaire portatif des
règles de la langue française (1770), le présentent comme « une sorte de nom adverbial,
formé du participe présent et actif des verbes ». Il en est de même pour l’innitif, lequel,
même chez Ch. Maupas (qui pourtant en a énuméré de multiples constructions possi-
bles), devient le « lieu du nominatif » (Grammaire et Syntaxe française, 1618). Le même
type d’explication concerne aussi les participes, qui sont par exemple envisagés par A.
Arnauld et C. Lancelot (Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal, 1660), quand ils
ne sont pas des « gérondifs », comme des « noms verbaux ».