cement lumineux. À la fin de l'interaction, il fait avec l'axe
Ox un angle =0n. La rotation par photon, 0, est
proportionnelle au temps d'interaction et d'autant plus
grande que le désaccord entre la fréquence du champ et
celle de l'atome est petit. On ajuste 0en choisissant ces
deux paramètres. C'est en détectant l'angle de cette rota-
tion du dipôle que nous mesurons le nombre nde photons.
Zéro et un photon
La situation la plus simple est celle où la cavité contient
zéro ou un photon, pas plus. C'est, par exemple, le cas à
l'équilibre thermique à 0,8 K. La loi de Planck prédit une
valeur moyenne de 0,05 pour n. Il y a, à tout instant, 5 %
de chance de trouver un photon, 95 % de n'en trouver
aucun. La probabilité d'en avoir deux est négligeable.
L'atome entre dans la cavité avec un dipôle pointant
selon Ox (dans le repère tournant). S'il n'interagit avec
aucun photon, il garde cette direction. Nous réglons la rota-
tion par photon à 0=π. L'état final pour un photon
dans la cavité pointe alors dans la direction opposée à l'axe
Ox (figure 2). Les deux états quantiques finaux pour zéro
ou un photon peuvent être facilement distingués.
Pour cela, nous appliquons à l'atome, à la sortie de la
cavité, une nouvelle impulsion classique résonnante, iden-
tique à celle qui prépare l'état initial (encadré 2). Si la cavité
est vide, le dipôle a gardé sa direction initiale et les effets des
deux impulsions s'ajoutent : l'atome est finalement dans g.
Si la cavité contient un photon, le dipôle a tourné de πet
les effets des impulsions se retranchent : l'atome est finale-
ment dans e. En résumé, l'atome sort dans gsi n=0, dans
esi n=1. Ces deux états finaux sont distingués par ionisa-
tion dans un champ électrique (encadré 2). Notons que
l'atome voit finalement son énergie changer en passant de e
à gsi la cavité est vide. Cette énergie est échangée avec les
impulsions classiques et non avec le champ de la cavité.
Celui-ci contrôle seulement l'émission stimulée d'un
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photon par l'atome dans une des deux impulsions clas-
siques. La cavité reste vide si l'atome est détecté dans g. Si
l'atome, détecté dans e, nous informe qu'il y a un photon
dans la cavité, celui-ci est encore présent, prêt à être détecté
une nouvelle fois par un second atome.
La figure 3a présente un signal brut détecté lors d'une
unique séquence expérimentale durant 2,5 s, pendant
laquelle nous envoyons environ 2 500 atomes dans la
cavité. On observe clairement le passage d'une période où
les atomes sont majoritaitement détectés dans gà une
détection majoritaire dans e, révélant l'apparition d'un
unique photon thermique dans une cavité vide. Les détec-
tions atomiques erronées, dues aux imperfections expéri-
mentales, sont éliminées en décidant de npar un vote
majoritaire sur les 8 derniers atomes détectés (figure 3b).
Environ 0.5 s après son apparition, on assite à la disparition
de ce photon, qui a vécu exceptionnellement longtemps, en
l'occurence quatre durées de vie moyenne. Comme pour
tout système qui présente une probabilité de transition,
quelle que soit la durée de l'existence de nos photons, il leur
reste toujours en moyenne une vie à vivre...
Cette expérience révèle, pour la première fois, les sauts
quantiques de la lumière. Ce comportement authentique-
ment quantique se manifeste quand un système isolé est
soumis à des mesures idéales, très fréquemment répétées à
l'échelle de temps de son évolution propre. Il évolue alors
par sauts brusques et aléatoires entre les résulats de mesure
possibles. Cette évolution, par principe aléatoire, est très
différente des prédictions quantiques qui ne s'appliquent
qu'à une moyenne sur un grand nombre de réalisations
individuelles de ces trajectoires quantiques.
Les sauts quantiques ont aussi été observés sur des systè-
mes matériels sondés par la lumière. Un ion unique piégé
émet une fluorescence intense quand on l'illumine par un
laser résonnant sur une des transitions optiques partant de
son état fondamental. La fluorescence s'interrompt brutale-
ment quand l'ion est excité vers un état métastable insensi-
ble au laser. Elle reprend quand il retombe dans son état
fondamental. Les sauts de la fluorescence entre deux
niveaux très différents révèlent les sauts quantiques de l'ion
vers l'état métastable. Le signal de la figure 3 révèle claire-
ment des sauts quantiques, observés cette fois sur la
lumière, sondée répétitivement par des atomes, une situa-
tion duale de celle des ions.
Compter jusqu'à 7
L'expérience précédente ne peut distinguer que les états
à 0 et 1 photon. Deux photons provoquent une rotation de
2πdu dipôle, rendant n=2indistinguable de n=0. En
aménageant le principe de la mesure, nous avons pu l'éten-
dre à des nombres de photons plus grands, de 0 à 7.
Nous réglons 0à π/4. Huit directions finales diffé-
rentes du dipôle sont corrélées aux nombres nde 0 à 7. Un
Voir autrement
Figure 3 – Vie et mort d'un photon. (a) : résultats bruts des détec-
tions atomiques sur un intervalle de temps de 2,5 s. Un atome détecté
dans e(g) est représenté par un trait vertical rouge (bleu). (b) nom-
bre de photons déterminé par un vote majoritaire sur 8 atomes consé-
cutifs. On observe la naissance, la vie et la disparition d'un unique
photon dans la cavité. Reproduit avec la permission de MacMillan
publishers ltd : Nature 446, 297 (2007).
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