© Dominique GEST – FNC RÉSEAU SAGIR OBJECTIFS Le réseau SAGIR est un réseau de surveillance épidémiologique des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France. Sa mission est de surveiller les maladies de la faune sauvage pour mieux agir. Cette surveillance est fondée sur un partenariat entre l’ONCFS, la FNC, les FDC et l’ANSES* depuis 1986. Trois objectifs principaux pour ce réseau : - détecter précocement l’arrivée de nouvelles maladies pour la faune sauvage, surveiller les effets aigus non intentionnels de l’utilisation agricole de produits phytopharmaceutiques sur les oiseaux et mammifères sauvages, caractériser dans le temps et l’espace les maladies des oiseaux et mammifères sauvages à enjeu, pour la santé des populations d'animaux sauvages, ainsi que certaines maladies importantes pour l'homme ou les animaux domestiques. 50 LE FONCTIONNEMENT DU RÉSEAU Récolte des données - Observateurs de terrain ONCFS FDC - L’ONCFS anime le réseau au niveau national Les ITD FDC et ONCFS sont les animateurs à l’échelle départementale Laboratoires spécialisés : - Toxicologie : Vetagro Sup Parasitologie : Uni Reims Histologie : Vetdiagnostics Bactériologie : Anses, Institut Pasteur Analyses laboratoires vétérinaires départementaux Centralisation des données Anses Nancy Analyse et interprétation des données ONCFS / Anses Restitution des résultats ONCFS/ FNC-FDC Au niveau national, le coût du réseau SAGIR est réparti entre les partenaires ONCFS et FDC (collecte des animaux, temps de travail, coût des analyses). En Franche-Comté, ces coûts d’analyses sont pour la plupart financés par les FDC avec le soutien des Conseils Généraux. 51 LES ENQUÊTES DU RÉSEAU Les analyses en région Franche-Comté : quelques résultats Depuis 1993, en moyenne 240 animaux sont récoltés par année puis analysés par le réseau SAGIR en Franche-Comté. Parmi les différentes catégories d’animaux analysés, on distingue celle des ongulés qui comprend le cerf, le chevreuil, le chamois, le daim et le sanglier. Ces espèces représentent en moyenne près de 50% des analyses opérées par année sur la région. On retrouve ensuite les oiseaux avec deux pics d’analyses. L’un en 1998 s’expliquant par une surveillance renforcée dans le cadre du suivi des effets non intentionnels de la bromadiolone* sur la faune sauvage non ciblée (notamment les rapaces) et l’autre en 2006 avec la collecte plus importante de spécimens d'oiseaux dans le cadre du protocole de surveillance de l’influenza aviaire. Evolution annuelle des animaux sauvages de la région Franche-Comté analysés depuis 1993 600 500 400 300 200 100 Ongulés Lièvre et lapin Carnivores Oiseaux 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 0 1993 Nombre d'animaux analysés 700 Divers Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Cette évolution des tendances permet également de rappeler que dans un contexte d'utilisation agricole, la problématique des anticoagulants reste entière et d'intérêt en Franche-Comté. En 1998, dans un contexte de surveillance renforcée, le nombre de cas suspect d'intoxication frôlait les 400. Depuis un traitement à basse densité pour les rongeurs a été mis en place. Concernant les tendances du nombre d’animaux analysés au niveau national et en FrancheComté, le graphique ci-après montre des tendances similaires (pic en 1998 et en 2006). Cependant, on observe un décrochage entre la courbe nationale et celle de la FrancheComté en 2004, année d’épizootie d’EBHS pour le lièvre, qui est une espèce prépondérante dans beaucoup de départements français, mais pas en Franche-Comté. De plus, le pic de 1998 au niveau national est essentiellement dû à l’étude sur la bromadiolone menée dans la région. 52 Nombre d'animaux analysés Évolution du nombre d'animaux collectés en France et Franche-Comté 8000 800 6000 600 4000 400 2000 200 0 0 Nb animaux collectés en France Nb animaux collectés en Franche-Comté Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Répartition par espèce des animaux sauvages analysés en Franche-Comté Grand gibier (2087 analyses) 26,2% 68,3% 4,9% 0,1% Chevreuil Sanglier Chamois 0,5% Cerf élaphe Daim Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Dans la catégorie des ongulés, on observe que le chevreuil est représenté majoritairement avec près de 70% des échantillons analysés, suivis du sanglier avec un peu plus de 25%. Ces résultats sont en partie expliqués par un programme étudiant la mortalité dite anormale du chevreuil (MAC) ainsi que la difficulté à transporter un grand cervidé comme le cerf. 53 Oiseaux (1085 analyses) 4,2% 4,7% 3,8% 3,4% 2,5% 1,9% 6,5% 6,7% 51,7% 14,6% Rapaces Passereaux Pigeons/Tourterelle Corvidés Oiseaux d'eau Divers (Cigogne, Tétraonidés,…) Etourneau Cygnes Hérons Faisans/Perdrix Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Dans certains départements de Franche-Comté, le réseau s’est ouvert aux espèces protégées notamment pour tout ce qui concerne le suivi des effets non intentionnels des pesticides. C’est pourquoi la moitié des analyses en Franche-Comté pour les oiseaux est composée de rapaces (principalement des buses variables). Ceci s’expliquant par le pic de 1998 et l’étude sur les intoxications aux anticoagulants. La lutte non raisonnée contre les campagnols en 1998, basée uniquement sur l’utilisation de bromadiolone, a engendré une mortalité importante de la faune non-cible notamment des prédateurs, tels que les rapaces. Aujourd’hui cette lutte est mise en place dans un cadre précis encadré par un Arrêté Préfectoral avec des contraintes d’utilisation limitant les intoxications non intentionnelles. Carnivores (613 analyses) 5,2% 10,8% 3,6% 1,6% 0,7% 0,3% 77,8% Renard Lynx Blaireau Fouine Chat forestier Martre Putois Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Pour les carnivores, le renard est bien présent avec près de 80% des analyses s’expliquant en partie par la plus grande facilité à trouver et transporter cet animal. Le Lynx observable dans la région représente environ 11% des analyses dont la totalité provient des départements du Doubs et du Jura (analyses menées conjointement avec le réseau Lynx). 54 Principales causes de mortalité diagnostiquées sur les animaux sauvages Les causes de mortalité diagnostiquées sur les animaux sauvages en Franche-Comté 100% Nombre de cas 75% 50% 25% 0% DIVERS CHEVREUIL LIEVRE TRAUMATIQUE BACTERIENNE SANGLIER PARASITAIRE RENARD BUSE VARIABLE INDETERMINEE LAPIN DE GARENNE TOXICOLOGIQUE VIRALE Source : Données issues du Réseau National d’observation ONCFS/FNC/FDC « SAGIR » - Suivi épidémiologique 1993-2011. Lorsqu’un animal mort est collecté par le réseau SAGIR, des analyses sont réalisées afin de connaitre la ou les causes de mortalité. Il est fréquent qu’un animal soit victime de plusieurs causes de mortalités interagissant entre elles. Par exemple, un animal porteur d’une maladie infectieuse le rendant moins agile, pourra être plus facilement victime d’une collision routière. Les causes de mortalités ou les maladies associées sont variées et ont été regroupées par catégories. Les causes traumatiques (collisions, prédations…), sont fréquentes mais probablement sous-estimées car la cause de mortalité peut paraitre évidente et les animaux ne sont alors pas toujours collectés. La plupart des maladies bactériennes (pasteurellose, colibacillose, pseudotuberculose…) sont faciles à diagnostiquer et donc bien représentées. Ce n’est pas le cas des maladies virales, qui demandent des méthodes d’analyses en laboratoire précises et souvent onéreuses. La majorité des cas concerne les lièvres et lapins de garenne où il existe des tests pour l’EBHS chez le lièvre et la VHD chez le lapin. Les causes parasitaires (strongyloses respiratoires ou digestives, oestrose, coccidiose…) sont souvent des facteurs aggravants plutôt que des causes de mortalité directes. La catégorie « divers » inclus des causes de mortalité distinctes des autres catégories (tumeurs, noyade…) ou des causes de mortalité dont la cause n’a pas été identifiée (par exemple pneumonie de cause indéterminée). La proportion des causes de mortalité par espèce varie selon l’espèce considérée. Ainsi, pour la buse variable, la majorité des causes de mortalité constatées (près de 70%) sont d’origines toxicologiques tandis que pour le lapin de garenne, les principales causes sont virales (35%) et bactériennes (25%). 55 En marge La Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) Egalement appelée maladie de la langue bleue ou blue tongue en anglais, la fièvre catarrhale ovine (FCO) est une infection virale touchant principalement les ovins et bovins chez les animaux domestiques, et les ongulés tels que les cerfs, les chevreuils ou encore les mouflons chez les animaux sauvages. Cette maladie est transmise par des insectes piqueurs et entraîne une maladie généralisée qui peut être grave, surtout chez le mouton, avec des hémorragies et des congestions des muqueuses (d’où la langue bleue violacée). En 2008, alerté par l’émergence d’un nouveau sous-type de ce virus (le BTV8) et d’épisodes de mortalité chez les ruminants domestiques, le réseau SAGIR a participé à une campagne d’analyse de FCO sur les ongulés sauvages pour évaluer l’impact éventuel de la maladie dans les populations sauvages. Cette étude a été menée conjointement entre l’ONCFS, certaines Fédérations Départementales des Chasseurs, le laboratoire MERIAL, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail, les Laboratoires Vétérinaires Départementaux ainsi que l’Office National des Forêts. Sur la période 2008-2010, 267 ruminants sauvages ont ainsi pu être testés pour la FCO. Parmi les différentes espèces testées à savoir, Bouquetin, Cerf élaphe, Cerf sika, Chamois, Chevreuil, Daim et Mouflon, seuls 6 Cerfs élaphe se sont avérés positifs à la FCO. Cependant les signes cliniques n’étaient pas des plus évocateurs. La faune sauvage semble donc avoir été peu touchée par ce virus. Les épisodes de mortalité observés chez le Cerf élaphe durant l’hiver 2009-2010 seraient quant à eux la conséquence d’une combinaison entre la forte densité des populations et une faible disponibilité des ressources alimentaires. © Service Départemental 21 ONCFS L’influenza aviaire La grippe aviaire ou l’Influenza aviaire est une maladie très contagieuse des oiseaux domestiques et sauvages due à des virus de la famille des Orthomyxoviridae* qui peuvent toucher d’autres espèces animales, l’Homme y compris. Ces virus sont soumis à des mutations et des réassortiments très fréquents. Dès 2003, le virus H5N1 hautement pathogène a fait l’objet d’une surveillance active afin de prévenir de son apparition depuis les pays étrangers par l’analyse d’écouvillons prélevés sur des oiseaux d’eaux (Anatidés*, Limicoles*, Laridés) capturés ou abattus à la chasse dans plusieurs zones humides françaises. Mais ce 56 n’est que lors de la « crise de l’influenza aviaire » en 2006 que le virus H5N1 HP a pu être détecté dans les Dombes. Ainsi, sur 3426 oiseaux morts analysés, 66 se sont avérés positifs dont 63 en provenance des Dombes. L’espèce principalement touchée fut le cygne tuberculé (80% des cas). L’hypothèse avancée ferait état d’une introduction du virus par des fuligules milouins et d’autres canards migrateurs poussés vers l’Ouest entre Janvier et Février de cette année 2006 par une vague de froid. Concernant les animaux d’élevages, un élevage a été contaminé dans les Dombes avec 63 dindes infectées. Cette épizootie* fut donc à la fois d’une courte durée (2 mois environ) et eut un impact dès plus modéré sur la faune sauvage en se limitant essentiellement dans la région des Dombes. Il faut toutefois rester prudent puisque le virus circule toujours intensément dans les élevages en Asie ainsi qu’en Egypte avec parfois des cas humains. Pendant plusieurs années, les départements de Franche-Comté, comme ailleurs en France, ont déploré des mortalités importantes chez le chevreuil. Le Réseau SAGIR, mobilisé sur ce phénomène, n’avait pas permis de dégager une cause pathologique unique, pouvant expliquer cette « Mortalité Anormale des Chevreuils » (MAC). Seuls le polyparasitisme et la diarrhée semblaient se répéter, sans pour autant être constants et sans autres lésions caractéristiques d’un pathogène particulier. Face à ce tableau peu évocateur et non systématique, plusieurs hypothèses ont été émises sur la présence d’un agent immunodépresseur chez le chevreuil. Ainsi, des maladies comme les pestiviroses et l’ehrlichiose ont été évoquées. Des études antérieures sur les pestiviroses (dans le Jura notamment) n’avaient pas permis de mettre en évidence la circulation de ce type de virus dans les populations de chevreuils. En revanche, la recherche des anticorps contre Anaplasma phagocytophilum, l’agent de l’ehrlichiose, dans le sang de chevreuils malades dans le Doubs, s’était avérée positive. Une étude a donc été lancée pour savoir si l’ehrlichiose pouvait être en cause dans la MAC. L'étude consistait à récolter et à comparer 2 types de populations de chevreuils : des chevreuils « sains », tirés à la chasse et des chevreuils trouvés malades ou morts. Cette étude a fait l’objet d’une thèse vétérinaire (Portier, 2010), placée sous la direction d’un Comité de Pilotage multidisciplinaire (ENVL*, ONCFS, LVD* 25, LVD 79, LVD 22, LVD 39, GTV Franche Comté, AFSSA / Réseau SAGIR), et co-financée par la Fédération Régionale et les Fédérations Départementales de Franche-Comté ainsi que la Fédération Nationale des Chasseurs (cf. p. 67 Pour aller plus loin). 57 © Dominique GEST – FNC Suivi erhlichiose du chevreuil Les résultats et les discussions ont amené à émettre l'hypothèse de conclusion suivante : un pathogène peu virulent, différent de celui trouvé chez le bovin domestique, qui circule sur une grande partie des chevreuils mais qui peut, en tant qu’agent immunodépresseur, concourir sous certaines conditions à leur affaiblissement et leur incapacité à se défendre face à des agents habituellement peu pathogènes, contre lesquels un animal en bon état est capable de réagir. Etude de la Leptospirose chez le ragondin sur la Basse Vallée de L'Ognon © Dominique GEST – FNC La leptospirose est une maladie due à un groupe de bactéries, les leptospires qui peuvent provoquer une maladie chez de nombreux mammifères et chez l’Homme. Les ragondins, comme de nombreux autres rongeurs, sont en règle générale des porteurs sains de la maladie. La Fédération Régionale des Chasseurs de Franche-Comté s’est associée à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon pour réaliser une étude sur la contamination par la leptospirose dans la Basse Vallée de l’Ognon. Cette étude a pour objectif d’estimer la contamination des ragondins par les leptospires et d’identifier les facteurs de risques pour les populations humaines ou animales. Elle a aussi pour but de déterminer de quel(s) type(s) de leptospires (« sérogroupes ») pourraient être porteurs les ragondins. La connaissance de ces « sérogroupes » est intéressante pour la définition de nouveaux vaccins (humains et animaux). Durant une thèse (Vein, 2011), des prélèvements ont été effectués sur 50 ragondins en 2008 et 25 lors de la session de 2009. Les premiers résultats montrent que 66% des sérums sont positifs à la leptospirose, ce qui indique le passage de la bactérie mais pas forcément une contamination actuelle. Les sérogroupes retrouvés sont ceux qui représentent les groupes les plus pathogènes pour l’Homme et le chien (Australis, Icterohemorrhagiae notamment). 58 En Franche-Comté, les départements du Doubs et du Jura ont une agriculture locale orientée vers la production laitière et la fabrication de fromage de qualité labellisée A.O.C. Les pratiques actuelles de culture de l’herbe sur les pâtures et les prairies de fauche favorisent la présence de campagnols. Ce rongeur, gros consommateur de racines et des parties herbacées de nombreuses espèces prairiales, occasionne des dégâts importants sur les exploitations agricoles lors des épisodes de pullulation. Outre les dommages financiers engendrés, le campagnol terrestre est également le principal réservoir de l’échinococcose alvéolaire. Pour contrer ce rongeur, une lutte curative, essentiellement chimique, à base d’appâts empoisonnés à la bromadiolone* a été mise en place dans les années 90. Cependant, cette lutte a engendré un fort taux de mortalité en 1998 de la faune sauvage non cible, remettant en cause la méthode curative. L’aspect sociologique du problème, c’est-à-dire les effets économiques par la destruction des prairies, et environnementaux (animaux intoxiqués à la bromadiolone), a conduit les acteurs concernés (agriculteurs, chasseurs) à se mettre autour d’une table. Aujourd’hui on note une meilleure utilisation de la bromadiolone : lutte à basse densité et associée à d’autres méthodes de lutte raisonnée (lutte par piégeage, modification des itinéraires techniques, lutte écologique). Depuis les années 2000, on dénombre moins de cadavres d’animaux intoxiqués à la bromadiolone en Franche-Comté. Le plan d’actions est étendu à 581 communes dans les départements du Doubs et du Jura. 59 © Charlette CHANDONÉ– FRC - FC La lutte contre le campagnol terrestre