Mai | Juin 2017 MERKUR 3
ÉDITO
MERKUR Mai | Juin 2017
tarifaires aux frontières, les règles de circu-
lation des citoyens, l’évaluation de conformité
des biens importés, le futur modèle de coo-
pération en matière d’échange de services
financiers, l’équivalence réglementaire, la
réglementation du trafic aérien, le maintien
du fameux « level playing field », etc. Bref, la
tâche des négociateurs s’annonce immense.
Or, un échec des négociations n’est une option
viable ni pour l’Europe, ni pour le Royaume-
Uni, car il engendrerait une période d’incer-
titude totale, qui toucherait non seulement
les citoyens, mais également les entreprises.
Le tonitruant entrepreneur britannique Richard
Branson a d’ores et déjà annoncé que l’indus-
trie du voyage britannique risque des pertes
de plusieurs centaines de millions de livres
en l’absence d’un accord assurant un accès
libre ou quasi libre au marché commun euro-
péen (lire notre interview page 80).
Quel que soit le résultat des négociations,
il n’y a aucun doute sur le fait que celui-ci va
largement impacter le Luxembourg, dont l’éco-
nomie repose pour l’essentiel sur le libre-
échange avec ses très nombreux partenaires
commerciaux. En 2016, 83,3 % de la croissance
économique luxembourgeoise provenait du
commerce extérieur. Le Grand-Duché est
actuellement la 6
e
destination d’exportation
des biens émanant du Royaume-Uni. Et même
si le Luxembourg dispose d’un bon nombre
d’atouts pour accueillir de nouveaux inves-
tisseurs dans le sillage de la sortie britannique
de l’UE, le pays n’a rien à gagner d’un Brexit
mal négocié, qui se traduirait par une réintro-
duction de tarifs douaniers et l’éventuelle mon-
tée consécutive de nouveaux « nationalismes
économiques ». Le divorce devant être
consommé, préférence devra être donnée à
un accord à l’amiable, qui respecte les valeurs-
clés et principes fondamentaux sur lesquels
le projet européen s’est construit. ●
E
n annonçant des élections législatives
anticipées pour le 8 juin, la Première
ministre britannique Theresa May a pris tout
le monde par surprise. Pourtant, sa décision
est logique et pragmatique. La Première
ministre compte, en effet, profiter d’une
opposition largement affaiblie et d’une popu-
larité propre élevée pour renforcer sa majo-
rité à la Chambre des Communes et entamer
les négociations sur le Brexit dans une posi-
tion de force, qu’elle espère légitimée par
une victoire et un mandat électoral clairs.
Contrairement à ce que l’on pourrait
craindre, une probable victoire retentissante
de son parti conservateur aux élections du
8 juin ne serait pas forcément de mauvais
augure pour les négociations sur la sortie du
Royaume-Uni de l’Union européenne. En
renforçant sa majorité, la Première ministre
britannique serait moins dépendante du sou-
tien de l’aile radicale des « Brexiteers », qui
revendiquent une position dure et sans com-
promis dans les négociations avec l’UE-27.
Cette marge de manœuvre renforcée pour-
rait - du moins en principe - permettre à
Theresa May de faire fi des positions les plus
extrêmes dans son camp politique, et d’ou-
vrir ainsi le chemin au bon sens et aux conces-
sions qui seront nécessaires, de part et d’autre,
pour pouvoir espérer trouver un compromis
acceptable des deux côtés de la Manche.
Par son choix d’opter pour un « hard
Brexit », et donc pour une sortie du marché
unique, le gouvernement britannique entend
faire tabula rasa de ses engagements envers
l’UE et négocier un accord qui soit aussi favo-
rable que possible pour le Royaume-Uni.
Or, l’UE-27 et son négociateur en chef, Michel
Barnier, ont déjà annoncé qu’il n’y aura pas
de pourparlers sur la future relation avec le
Royaume-Uni avant que les conditions d’une
sortie propre n’aient été fixées, ce qui
implique notamment de « solder les
comptes » et donc, pour le candidat sortant,
de s’acquitter des engagements pris en
matière de contribution financière aux divers
programmes européens. Ces engagements,
conformément au cadre financier plurian-
nuel 2014-2020, s’élèveraient à quelque 50
à 70 milliards d’euros, un montant qui pour-
rait peser très lourd dans l’opinion publique
outre-Manche face aux quelques milliards
d’euros par an que les Britanniques récupé-
reront en cessant de contribuer au budget
européen (et ce, abstraction faite d’une pos-
sible moins-value économique suite à la sor-
tie du marché unique).
Les négociations risquent donc de s’enli-
ser avant même que l’on puisse parler des
sujets qui comptent vraiment, tels que les
nouvelles conditions d’accès au marché unique,
avec l’éventuelle réintroduction de barrières
ÉDITO
HARD BREXIT,
SOFT LANDING?
Patrick Ernzer
Rédacteur en chef
Quel que soit le résultat des négociations du Brexit,
il n’y a aucun doute sur le fait que celui-ci
va largement impacter le Luxembourg.