Médecine d'Afrique Noire : 1990, 37 (10)
I - INTRODUCTION
Le problème du cancer en Afrique, a été longtemps sous
estimé par manque de moyens d’investigations cliniques
suffisants et surtout à cause de la pression exercée par les
maladies transmissibles et carentielles sur les services de
santé. Au Burundi, peu de travaux ont été consacrés aux
cancers. Les plus récents (14) se sont tout d’abord intéres-
sés au cancer primitif du foie, de diagnostic facile. Depuis
10 ans nous disposons d’un service d’endoscopie digestive,
ce qui a permis la réalisation d’études ponctuelles sur les
cancers de l’estomac (16-18) mais aucune étude ne situe
l’importance des cancers digestifs au Burundi.
Notre objectif est de tracer les grandes lignes des cancers
digestifs au Burundi, de situer leur importance par rapport
aux autres cancers, à partir des résultats d’un enregistre-
ment actif de tous les cancers réalisé à Bujumbura pendant
une période de deux ans.
II - MATERIEL DE METHODES
De Janvier 1988 au 31 Décembre 1989, nous avons
enregistré tous les cas de cancers admis dans les quatre
hôpitaux de Bujumbura totalisant une capacité d’accueil de
1032 lits. Les malades recrutés sont des Burundais ou des
étrangers résidant au Burundi depuis au moins 5 ans.
L’enregistrement a été codé selon la nomenclature de la
classification internationale des maladies - oncologie (CIM
- 0) édition 1980 à partir des fiches d’un “registrar”. Nous
avons veillé à éliminer les enregistrements multiples.
III - RESULTATS
III.1 Importance des cancers digestifs au Burundi
Sur 395 cancers enregistrés en deux ans, 145 soit 37 % ont
une localisation digestive : 111 cas chez l’homme (76,5 %).
34 cas chez la femme (23,5 %). Le sex ratio est de 3,2/1.
Les cancers digestifs occupent la première place de tous les
cancers (37 %) suivis par les cancers des organes génitaux
(22 %) puis par les localisations os, peau, sein (15 %) (tab 1).
LES CANCERS DIGESTIFS AU BURUNDI
Premiers résultats d’une enquête menée à Bujumbura
P. KADENDE*, D. ENGELS**, J. NDORICIMPA**, E. NDABANEZE*, D. HABONIMANA*,
G. MARERWA***, V. BIGIRIMANA***, L. BAZIRA****, P. AUBRY*
* Département de Médecine Interne CHU Kamenge.
** Ministère de la Santé Publique. Projet Bilharziose.
*** Service d’Anatomie Pathologique CHU Kamenge.
**** Département de Chirurgie CHU Kamenge.
RESUME
Sur 395 cancers enregistrés de Janvier 88 à Décembre
1989, 145 soit 37 % ont une localisation digestive :
111 cas chez l’homme (76,5 %), 34 cas chez la femme
(23,5 %). Sex ratio de 3,2/1.
Les cancers digestifs occupent la pre m i è re place de
tous les cancers.
Le cancer de l’estomac représente 14 % de tous les
cancers et 38,5 % de cancers digestifs. L’âge moyen
des malades est de 55,1 ans, le sex ratio de 1,6/1 : 92 %
des malades sont de niveau socio-économique bas. La
localisation antrale est la plus fréquente (53,5 %). Les
formes ulcéro-végétantes et ulcéro - i n f i l t r a n t e s
représentent 83 %. L’ a d é n o c a rcinome se re t ro u v e
dans 78 %.
Le carcinome hépatocellulaire représente 13,9 % de
tous les cancers et 38 % des cancers digestifs. L’ â g e
moyen des malades est de 41,6 ans. Le sex ratio de 5/1.
Les classes socio-économiques défavorisées sont les
plus touchées. Des stigmates d’infection par le VHB
sont retrouvées dans 73,8 %.
La fréquence relative des cancers colorectaux est
e n c o re bas, (3,54 %), 11/14 sont accessibles à la
coloscopie gauche dont 8/14 à la rectosigmoïdoscopie.
Les cancers digestifs au Burundi présentent deux
caractéristiques :
. la grande fréquence du cancer de l’estomac et du
carcinome hépatocellulaire et la faible fréquence
des autres localisations
. leur gravité, liée essentiellement au retard de
diagnostic.
Mots-clés : Cancers digestifs, Burundi, cancers de
l’estomac, carcinome hépato-cellulaire, cancers colo-
rectaux.