actualité, info en marge Bertrand Jordan, biologiste moléculaire et le Verbe de l’Evangile selon Jean «Printemps 1965. La vieille 2 CV – ma première voiture – s’époumone sur un faux plat, dans la longue ligne droite qui mène de Meyrin à Genève. J’ai 25 ans, je termine un doctorat de physique sur «La production des particules dans les collisions proton-proton à 19,6 GeV/c», au sein d’une équipe travaillant au grand accélérateur de particules du CERN. Depuis quelques mois, j’ai pris cons­ cience que ce type de recherche ne me con­ vient qu’à moitié, que ce travail ne correspond pas vraiment à mes aspirations. Certes, on y emploie des techniques de pointe : j’ai fait mes débuts en informatique, alors dans ses prémices, et dans bien d’autres secteurs (électronique, calculs de mécanique quantique…) ; certes, l’ambiance du groupe dans lequel je travaille est très sympathique, et la vie de "fonctionnaire international" à Genève tout à fait agréable. Mais la physique des par­ ticules a déjà un côté Big Science affirmé (cela ne s’est pas arrangé depuis), avec des équi­ revue de presse Vers une autorisation du cannabis comme remède La Suisse pourrait autoriser un médi­ cament à base de fleurs de cannabis (Cannabis flos) pour soulager les douleurs des personnes atteintes de sclérose en plaques, d’un cancer ou du sida, notamment. Par 123 voix contre 39, le Conseil national a ac­ cepté mardi une motion de Margrit Kessler (PVL/SG) demandant d’étu­ dier la question. En Suisse, les personnes souffrant de douleurs chroniques préfèrent sou­vent se procurer du cannabis de manière illégale tant les thérapies autorisées sont compliquées à obte­ nir et chères, a souligné la Vert’libé­ rale. Les caisses maladie ne sont pas obligées de rembourser les prépara­ tions à base de cannabis, puis­qu’elles ne figurent pas sur la liste des remè­ des pris en charge. Or, un traitement mensuel coûte entre 200 et 2000 francs par mois. Le cannabis à l’état naturel serait plus efficace que celui de synthèse, a fait valoir la Saint-Gal­ loise, qui s’est défendue de défen­dre la libéralisation d’une drogue. Une minorité emmenée par Andrea Geissbühler (UDC/BE) s’est oppo­ sée à toute ouverture. «Le cannabis, c’est comme la roulette russe», a-t- 1318 54_55.indd 1 pes nombreuses dans lesquelles le rôle de chaque chercheur s’apparente à celui d’un petit engrenage dans une grosse machine, et une coupure presque totale entre les expérimentateurs et les théoriciens. Bref, je me sens motivé pour la recherche, mais une recher­ che dans laquelle je puisse moi-même interpréter mes expériences, en réaliser plusieurs chaque mois, et où je puisse espérer que mon travail et ma réflexion jouent un rôle dans le développement de la science.» Voilà, dira-t-on, les propos d’un jeune idéa­ liste ou d’un jeune orgueilleux. Ou des deux. C’est avant tout le début d’un livre au titre à consonance biblique1 qui nous parle d’un demi-siècle de science génétique. Ce sont ceux de Bertrand Jordan, physicien nucléaire reconverti à la biologie aussitôt après avoir soutenu sa thèse, en 1965. Un homme qui a traversé ce qui restera sans doute comme une forme d’avènement de la science génétique. Quittant la physique alors déjà Big Science, il elle fait valoir en faisant la liste des effets négatifs potentiels. Et de con­ tester tout nouveau pas vers une libé­ ralisation de stupéfiants. La prescription de médicaments à base de cannabis est possible en Suisse sur autorisation exception­ nelle. Une dizaine est délivrée chaque semaine et la tendance est à la haus­ se, a déclaré Alain Berset. La Suisse n’autorise pas pour l’heure les traitements médicaux à base de cannabis à l’état naturel, au grand re­ gret des médecins traitants, a rappelé le conseiller fédéral. En revanche, des Etats comme les Pays-Bas, l’Allema­ gne et le Canada ont autorisé un tel médicament. Son admission en Suisse pourrait per­mettre d’abaisser les coûts de mé­ dication pour le traitement de cer­ taines maladies. Le Conseil fédéral est prêt à commander une étude cla­ rifiant les questions scientifiques, méthodologiques et juridiques liées à un tel remède. Le Temps du 3 juin 2015 La Poste, fer de lance de la cybersanté La Poste n’assistera pas passivement au développement de la cybersanté. Elle a annoncé mardi à Berne qu’elle est entré dans une génétique qui, un demisiècle plus tard, l’est également devenue. Il n’a pour autant jamais regretté la décision prise sur la longue ligne droite qui mène de Meyrin à Genève, de Genève à Meyrin. Comment Bertrand Jordan pourrait-il avoir des regrets ? Il a, résume son quatrième de cou­ verture, «participé à l’extraordinaire aventure de la biologie moléculaire, encore balbutiante dans les années 1960, mais qui a complètement révolutionné les sciences du vivant au cours des décennies suivantes». Acteur, mais aussi observateur et témoin de ces innombrables avancées, grand vulgarisateur (dans le revue franco-québécoise Médecine/Scien­ces), auteur d’une dizaine de livres destinés au grand public portant sur différents aspects de cette nouvelle biologie, Bertrand livre au­ jourd’hui un récit personnel, enrichissant et sans langue de bois de «sa vie avec l’ADN». Son livre n’est en rien un livre prétendant livrer une histoire exhaustive de la biologie moléculaire, c’est une illustration de son développement, un éclairage des coulisses du spectacle donné par les leaders et maîtres de cette aventure toujours présentée comme triom­phante. Bertrand Jordan prend son lecteur par la main, facilite le pèlerinage avec des référen­ s’associait avec médecins et phar­ maciens pour développer sa straté­ gie en la matière. L’ enjeu est d’importance. En Suisse, le secteur de la santé représente 35 000 institutions, 68 milliards de francs de coûts et surtout 300 mil­ lions de documents circulant annuel­ lement. Ordonnances, traitements, analyses de laboratoire, admissions dans un hôpital, transferts d’un éta­ blissement à l’autre : toute la pano­ plie administrative est potentiellement concernée. Ce nouveau marché aiguise d’autant plus les appétits qu’il prendra vérita­ blement son essor avec l’introduction du dossier électronique du patient, actuellement en discussion au parle­ ment. Avec ce système, le patient aura accès à son dossier médical numérisé et pourra le mettre à dispo­ sition des professionnels de la santé qui le soignent. La Poste s’y intéresse car il faudra bien organiser le transfert d’informa­ tions. Elle y voit un créneau pour com­ penser la diminution de la distribution traditionnelle. Mais elle n’est pas la seule à suivre avec grand intérêt l’évo­ lution du projet de loi et le dévelop­ pement de la cybersanté en Suisse. Swisscom aussi compte se profiler dans ce domaine, ainsi que d’autres entreprises privées spécialisées dans la gestion de données médicales ou la communication électronique sécu­ risée. Reste à savoir qui occupera la première place. Plusieurs cantons mènent déjà des projets de cybersanté. En 2009, le géant jaune a développé son premier projet pilote de cybersanté en colla­ boration avec le canton de Genève. Aujourd’hui, sa plateforme Vivates est aussi utilisée dans les cantons de Vaud, du Tessin et bientôt d’Argovie. Modulable, elle permet aux acteurs de la santé de travailler en réseau autour d’un patient et d’échanger des données relatives à son cas. Un pas de plus vient ainsi d’être fran­ chi avec la conclusion d’un partena­ riat avec Health Info Net, le réseau numérique utilisé par 85% des cabi­ nets médicaux, et Ofac, association professionnelle regroupant 70% des pharmaciens. Ces deux importants acteurs de la santé vont rejoindre la plateforme Vivates, ce qui facilitera encore les échanges et les syner­ gies. (…) Magalie Goumaz Le Temps du 3 juin 2015 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 juin 2015 08.06.15 10:42 agenda De quoi peut-on guérir avec l’éducation thérapeutique du patient ? 54e séminaire de l’Ecole de Genève Du samedi 20 au mercredi 24 juin 2015 Zinal, Hôtel Europe Samedi 20 juin 16 h 00 Grandir avec une maladie chronique, avec une ETP nouvelle génération, A. Golay 17 h 00 Une «guérison», un processus para­ doxal avec une maladie chronique, P. Barrier Dimanche 21 juin 8 h 30 Grandir avec une maladie, A. Golay Ateliers : De quoi peut-on guérir ? • Une nouvelle norme • Elargir le concept d’ETP 15 h 00 Elargir ma perception de la santé, A. Lasserre Moutet et C. Haenni Chevalley Atelier : Expérimenter une métaphore de la santé Lundi 22 juin 8 h 30 Déconstruire des conceptions pour recons­truire, G. Lagger et C. Joly Atelier : Impact des conceptions sur ma pratique physicien devenu généticien moléculaire fait le tour du propriétaire. Et force est bien de constater que les perspectives sont nettement plus larges que les acquis. Bertrand Jordan souligne qu’en 2015 la mise en œuvre d’une pratique médicale guidée par les caractéristiques génétiques n’est réellement effective que pour deux domaines de la médecine : la prise en compte de réactions individuelles à D.R. ces bibliographiques qui s’imposent, et le conduit à la rencontre de quelques apôtres. Ce sont aussi les joies et les déceptions d’une vie non pas de moine, mais bien de chercheur : une vie professionnelle entièrement consacrée à l’ADN, mémoire et projet, fil de la Vie. Un ADN dont il estime, après bien d’autres, que l’on peut dire, comme pour le Verbe de l’Evangile selon Jean : «Toutes cho­ ses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui». Où l’on comprend ainsi, croyant ou pas, que ce n’est pas une mince affaire que cette double hélice descendant vers les sombres enfers et montant vers des paradis incertains. Cet ADN qui envahit notre quotidien. Cet ADN, quasiment inaccessible quand la 2CV s’époumonait et qui est désormais ubiquitaire, signature du vivant comme il peut l’être des crimes de sang. Cet ADN creuset de toutes les ambitions marchandes, généalogiques et prophétiques. Cet ADN qui tarde, toutefois, à entrer de plain-pied dans le champ de la thérapeutique. C’est précisément cet échec relatif (la thérapie génique est bien loin des prophéties faites il y a deux décennies) qui intéresse, autant que le chemin parcouru pour y parvenir. De ce point de vue, le treizième (hasard ou fatalité ?) chapitre de cet ouvrage sur le Verbe est essentiel. Ce chapitre est titré : «Une médecine enfin personnalisée ?». «Difficile, ces jours-ci, d’ouvrir une revue médicale sans être confronté au terme de "médecine personnalisée" observe Bertrand Jordan. Ce n’est pas le seul : on parle souvent de "méde­ cine prédictive", et aussi de "médecine de précision" ou même de "médecine P4" (pour "prédictive, préventive, personnalisée et par­ ticipative"). Ce que recouvrent ces expressions, c’est l’espoir de traitements qui soient réellement adaptés au malade et à sa maladie, grâce aux nouvelles possibilités d’analyse portant tant sur le bagage génétique du patient que sur l’agent pathogène (bactérie, virus) ou le dérèglement (tumeur cancéreuse) qui l’affecte. Selon une autre formulation très courante, la médecine personnalisée, c’est le bon traitement, pour le bon malade, au bon moment… Sans aucun doute, c’est le sens dans lequel évolue actuellement la prise en charge des affections, du moins dans les pays riches. Mais où en est-on réellement ?» Où en est-on réellement, cinquante ans après ? Dans son treizième chapitre, l’ancien certains médicaments et, surtout, l’oncologie et le traitement des cancers. Pour l’heure, la situation laisse pressentir une évolution profonde de la pratique médicale, de l’organisation hospitalière et de la dynamique industrielle pharmaceutique. Le décryptage individuel de nos ADN sonne-t-il le glas du concept blockbustérien , lui qui a fait la fortune sinon la gloire de Big Pharma ? Le quatorzième chapitre n’est pas le moins intéressant, qui clôt cette autobiographie hors 15 h 00 Rechercher les ressources du patient, Z. Pataky, A. Golay et N. de Tonnac Atelier : Comprendre ce que vit le patient dans sa vie au quotidien Mardi 23 juin 8 h 30 Accompagner un patient avec une poly­ pathologie, F. Sittarame et M. Chambouleyron Ateliers : Le soignant «généraliste» en ETP • Le proche aidant 13 h 00 Une mise en pratique : quel apprentis­ sage ? Quel est son projet mobilisateur ? G. Lagger Mercredi 24 juin 8 h 30 Comment appliquer dans ma pratique quotidienne ? A. Golay et A. Lasserre Moutet Atelier : J’aimerais transmettre… Renseignements : Mme N. Flores Service d’enseignement thérapeutique pour mala­dies chroniques (SETMC) HUG – Villa Soleillane Ch. Venel 7, 1206 Genève Tél. 022 372 97 26 – Fax 022 372 97 15 [email protected] du commun. L’auteur confesse être frappé par le divorce entre science et société ; divorce maintenant patent et qui, dans certains domaines, lui apparaît irréversible. Gattaca, toujours lui, n’est pas loin. Cinquante ans après, où est la 2CV de Meyrin ? «Je n’ai ni site internet ni blog, je ne suis pas sur Facebook et n’utilise pas Twitter… Technophile autrefois, parmi les premiers à écrire directement à l’ordinateur (en 1990, sur un portable Toshiba doté d’un dis­ que dur de vingt mégaoctets…) et à accéder à internet, je suis aujourd’hui très méfiant face à tous ces gadgets qui nous observent et qui nous pistent pour le plus grand profit de multiples commerçants. Mais je devrais sans doute faire un effort pour contribuer aux quelques sites fiables qui fournissent des informations scientifiques de bonne qualité (…) J’ai bien conscience de ma chance, et espère que ce livre, témoin d’un parcours personnel à travers la révolution connue par la biologie en quelques décennies, aidera à comprendre l’évolution de cette science, à envisager de manière réaliste ses retombées prochaines, et à faire le tri parmi les promesses parfois inconsidérées dont elle a fait l’objet.» L’auteur sait qu’avec le Verbe, tous les espoirs sont permis. Jean-Yves Nau [email protected] 1 Jordan B. Au commencement était le Verbe, une histoire personnelle de l’ADN. Les Ulis : Editions EDP Sciences, 2015. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 10 juin 2015 54_55.indd 2 1319 08.06.15 10:42