1318 Revue Médicale Suisse
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10 juin 2015
actualité, info
Bertrand Jordan, biologiste moléculaire
et le Verbe de l’Evangile selon Jean
«Printemps 1965. La vieille 2 CV – ma pre-
mière voiture – s’époumone sur un faux plat,
dans la longue ligne droite qui mène de
Meyrin à Genève. J’ai 25 ans, je termine un
doctorat de physique sur «La production des
particules dans les collisions proton-proton
à 19,6 GeV/c», au sein d’une équipe travail-
lant au grand accélérateur de particules du
CERN. Depuis quelques mois, j’ai pris cons-
cience que ce type de recherche ne me con-
vient qu’à moitié, que ce travail ne corres-
pond pas vraiment à mes aspirations. Certes,
on y emploie des techniques de pointe : j’ai
fait mes débuts en informatique, alors dans
ses prémices, et dans bien d’autres secteurs
(électronique, calculs de mécanique quan-
tique…) ; certes, l’ambiance du groupe dans
lequel je travaille est très sympathique, et la
vie de "fonctionnaire international" à Genève
tout à fait agréable. Mais la physique des par-
ticules a déjà un côté Big Science affirmé (cela
ne s’est pas arrangé depuis), avec des équi-
pes nombreuses dans lesquelles le rôle de
chaque chercheur s’apparente à celui d’un
petit engrenage dans une grosse machine, et
une coupure presque totale entre les expéri-
mentateurs et les théoriciens. Bref, je me sens
motivé pour la recherche, mais une recher-
che dans laquelle je puisse moi-même inter-
préter mes expériences, en réaliser plusieurs
chaque mois, et où je puisse espérer que mon
travail et ma réflexion jouent un rôle dans le
développement de la science.»
Voilà, dira-t-on, les propos d’un jeune idéa-
liste ou d’un jeune orgueilleux. Ou des deux.
C’est avant tout le début d’un livre au titre à
consonance biblique1 qui nous parle d’un
demi-siècle de science génétique. Ce sont
ceux de Bertrand Jordan, physicien nucléaire
reconverti à la biologie aussitôt après avoir
soutenu sa thèse, en 1965. Un homme qui a
traversé ce qui restera sans doute comme une
forme d’avènement de la science génétique.
Quittant la physique alors déjà Big Science, il
est entré dans une génétique qui, un demi-
siècle plus tard, l’est également devenue. Il
n’a pour autant jamais regretté la décision
prise sur la longue ligne droite qui mène de
Meyrin à Genève, de Genève à Meyrin.
Comment Bertrand Jordan pourrait-il avoir
des regrets ? Il a, résume son quatrième de cou-
verture, «participé à l’extraordinaire aventure
de la biologie moléculaire, encore balbutiante
dans les années 1960, mais qui a complète-
ment révolutionné les sciences du vivant au
cours des décennies suivantes». Acteur, mais
aussi observateur et témoin de ces innom-
brables avancées, grand vulgarisateur (dans
le revue franco-québécoise Médecine/Scien ces),
auteur d’une dizaine de livres destinés au
grand public portant sur différents aspects
de cette nouvelle biologie, Bertrand livre au-
jourd’hui un récit personnel, enrichissant et
sans langue de bois de «sa vie avec l’ADN».
Son livre n’est en rien un livre prétendant
livrer une histoire exhaustive de la biologie
moléculaire, c’est une illustration de son dé-
veloppement, un éclairage des coulisses du
spectacle donné par les leaders et maîtres de
cette aventure toujours présentée comme
triom phante.
Bertrand Jordan prend son lecteur par la
main, facilite le pèlerinage avec des référen-
en marge
revue de presse
Vers une autorisation du
cannabis comme remède
La Suisse pourrait autoriser un médi-
cament à base de fleurs de cannabis
(Cannabis flos) pour soulager les
douleurs des personnes atteintes de
sclérose en plaques, d’un cancer ou
du sida, notamment. Par 123 voix
contre 39, le Conseil national a ac-
cepté mardi une motion de Margrit
Kessler (PVL/SG) demandant d’étu-
dier la question.
En Suisse, les personnes souffrant
de douleurs chroniques préfèrent
sou vent se procurer du cannabis de
manière illégale tant les thérapies
autorisées sont compliquées à obte-
nir et chères, a souligné la Vert’libé-
rale. Les caisses maladie ne sont pas
obligées de rembourser les prépara-
tions à base de cannabis, puis qu’elles
ne figurent pas sur la liste des remè-
des pris en charge. Or, un traitement
mensuel coûte entre 200 et 2000
francs par mois. Le cannabis à l’état
naturel serait plus efficace que celui
de synthèse, a fait valoir la Saint-Gal-
loise, qui s’est défendue de défen dre
la libéralisation d’une drogue.
Une minorité emmenée par Andrea
Geissbühler (UDC/BE) s’est oppo-
sée à toute ouverture. «Le cannabis,
c’est comme la roulette russe», a-t-
elle fait valoir en faisant la liste des
effets négatifs potentiels. Et de con-
tester tout nouveau pas vers une libé-
ralisation de stupéfiants.
La prescription de médicaments à
base de cannabis est possible en
Suisse sur autorisation exception-
nelle. Une dizaine est délivrée chaque
semaine et la tendance est à la haus-
se, a déclaré Alain Berset.
La Suisse n’autorise pas pour l’heure
les traitements médicaux à base de
cannabis à l’état naturel, au grand re-
gret des médecins traitants, a rappelé
le conseiller fédéral. En revanche, des
Etats comme les Pays-Bas, l’Allema-
gne et le Canada ont autorisé un tel
médicament.
Son admission en Suisse pourrait
per mettre d’abaisser les coûts de mé-
dication pour le traitement de cer-
taines maladies. Le Conseil fédéral
est prêt à commander une étude cla-
rifiant les questions scientifiques,
méthodologiques et juridiques liées
à un tel remède.
Le Temps du 3 juin 2015
La Poste, fer de lance
de la cybersanté
La Poste n’assistera pas passivement
au développement de la cybersanté.
Elle a annoncé mardi à Berne qu’elle
s’associait avec médecins et phar-
maciens pour développer sa straté-
gie en la matière.
L’ enjeu est d’importance. En Suisse,
le secteur de la santé représente
35 000 institutions, 68 milliards de
francs de coûts et surtout 300 mil-
lions de documents circulant annuel-
lement. Ordonnances, traitements,
analyses de laboratoire, admissions
dans un hôpital, transferts d’un éta-
blissement à l’autre : toute la pano-
plie administrative est potentiellement
concernée.
Ce nouveau marché aiguise d’autant
plus les appétits qu’il prendra vérita-
blement son essor avec l’introduction
du dossier électronique du patient,
actuellement en discussion au parle-
ment. Avec ce système, le patient
aura accès à son dossier médical
numérisé et pourra le mettre à dispo-
sition des professionnels de la santé
qui le soignent.
La Poste s’y intéresse car il faudra
bien organiser le transfert d’informa-
tions. Elle y voit un créneau pour com-
penser la diminution de la distribution
traditionnelle. Mais elle n’est pas la
seule à suivre avec grand intérêt l’évo-
lution du projet de loi et le dévelop-
pement de la cybersanté en Suisse.
Swisscom aussi compte se profiler
dans ce domaine, ainsi que d’autres
entreprises privées spécialisées dans
la gestion de données médicales ou
la communication électronique sécu-
risée. Reste à savoir qui occupera la
première place.
Plusieurs cantons mènent déjà des
projets de cybersanté. En 2009, le
géant jaune a développé son premier
projet pilote de cybersanté en colla-
boration avec le canton de Genève.
Aujourd’hui, sa plateforme Vivates est
aussi utilisée dans les cantons de
Vaud, du Tessin et bientôt d’Argovie.
Modulable, elle permet aux acteurs
de la santé de travailler en réseau
autour d’un patient et d’échanger des
données relatives à son cas.
Un pas de plus vient ainsi d’être fran-
chi avec la conclusion d’un partena-
riat avec Health Info Net, le réseau
numérique utilisé par 85% des cabi-
nets médicaux, et Ofac, association
professionnelle regroupant 70% des
pharmaciens. Ces deux importants
acteurs de la santé vont rejoindre la
plateforme Vivates, ce qui facilitera
encore les échanges et les syner-
gies. (…)
Magalie Goumaz
Le Temps du 3 juin 2015
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