1. Biodiversité et continuités écologiques en Île-de-France
SRCE Île-de-France – Tome I : Les composantes de la trame verte et bleue
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1.2. Importance des continuités écologiques pour la
biodiversité
Les espèces, même les moins mobiles, ont besoin de se déplacer. La graine d’une plante ne peut germer à l’exact endroit de la
plante mère : il lui faut trouver une autre place. La majorité des animaux n’ont d’autre alternative que de trouver un territoire
disponible différent de celui de leurs parents. Le cycle de vie de la majorité des êtres vivants implique au moins un
déplacement, sur une plus ou moins grande distance. Cette phase de déplacement s’appelle la dispersion. Elle a
généralement lieu entre la naissance et la première reproduction d’un organisme. Le besoin de trouver un nouveau territoire
n’est pas le seul facteur en jeu : limiter la consanguinité est essentiel, si bien que l’avenir de différentes populations est lié à leur
interconnexion.
Les déplacements ne concernent pas uniquement ceux liés à la dispersion, mais aussi à la migration. De nombreuses
espèces effectuent des déplacements journaliers au sein de leur domaine vital, et beaucoup font une ou deux migrations dans
l’année. Les espèces occupent fréquemment plusieurs types d’habitats complémentaires, exploités de façon successive au
cours de l’année : par exemple beaucoup d’amphibiens se reproduisent dans les mares mais passent le reste de la saison dans
des prairies ou des boisements.
Les capacités de dispersion des différents organismes sont extrêmement variables : de l’ordre de quelques mètres pour
certaines graines, quelques centaines de mètres pour les carabidés, quelques kilomètres pour les amphibiens, plusieurs
dizaines de kilomètres pour certains mammifères. Cette distance est fonction du mode de locomotion, de la taille, et du temps
disponible pour cette étape du cycle de vie. En règle générale, les organismes strictement terrestres et de petite taille
(amphibiens, reptiles, micromammifères, certains invertébrés…) ont des capacités de déplacement bien inférieures aux
animaux de grande taille (grands mammifères) ou aux organismes volants (oiseaux, chauves-souris, papillons, libellules, la
plupart des orthoptères, etc.). Toutefois, au sein d’un même groupe taxonomique, chaque espèce présente des potentialités qui
lui sont propres. Ainsi, la Rainette arboricole peut parcourir jusqu’à 13 km entre un site de reproduction et un site d’hivernage,
tandis que le triton alpestre ne parcourra guère plus d’1 km dans l’année.
Si certaines espèces sont ubiquistes, ou au moins capables de traverser un habitat différent du leur, d’autres ne sont pas
capables de franchir la matrice* séparant deux parcelles de leur habitat. Suivant les espèces, l’obstacle ne sera pas le même.
Les forêts peuvent constituer un obstacle au déplacement des espèces spécialistes des milieux prairiaux par exemple. La
fragmentation et l’isolement des parcelles d’habitat favorables condamnent ainsi une partie des espèces les moins mobiles au
cloisonnement, et à l’extinction à plus ou moins long terme des populations isolées, faute de renouvellement lié à l’immigration
de nouveaux individus.
Les trajectoires de dispersion et de migration des organismes peuvent être très différentes d’une espèce à l’autre, en fonction
du cadre dans lequel elle se déroule.
Pour les espèces végétales et certaines espèces animales (insectes, mollusques terrestres) on ne perdra pas de vue les modes
de dispersion anémochores (par le vent), zoochores (fixé aux animaux) et évidemment anthropochores (directement ou
indirectement par l’homme) qui permettent des dispersions parfois très éloignées des sites d’origine.
Les possibilités de dispersion des espèces dépendent donc de leur taille et de leur mode de déplacement (aérien, aquatique ou
terrestre), mais également de l’organisation des paysages et de la qualité des habitats. Quelques points méritent d’être
retenus :
les espaces naturels vastes, bien conservés et bien reliés les uns aux autres abritent généralement plus d’espèces
animales et végétales que les espaces isolés et dégradés. Ils répondent en effet aux besoins d’un maximum d’espèces,
pour leur alimentation, leurs déplacements et leur reproduction ;
la diversité des habitats naturels ou semi-naturels, constituant ce que l’on nomme des « mosaïques de milieux », est, le
plus souvent, favorable à la biodiversité (association de parcelles variées (cultures, prairies, friches, bois), d’éléments
ponctuels (bosquets, arbres isolés, mares et mouillères) et de linéaires qui relient les espaces entre eux et servent de
couloirs de circulation à la faune (fossés, bandes enherbées, haies, chemins…)) ;
à une échelle plus locale, la fragmentation des milieux perturbe le déplacement des espèces. Ainsi, la raréfaction des
haies, des ripisylves, des pelouses calcaires le long des coteaux ou des zones humides entraine la disparition de micro-
corridors écologiques empruntés par de nombreuses espèces (papillons, amphibiens, petits mammifères terrestres,
chauves-souris...) qui utilisent systématiquement ces linéaires dans leur déplacement.
Par exemple, en l’absence d’obstacle la migration prénuptiale des amphibiens s’effectue généralement en ligne droite
(forte motivation des individus pour la reproduction) tandis que la migration postnuptiale est bien moins linéaire et
tend à sélectionner les couloirs de migrations les plus perméables au déplacement. Les migrations annuelles des
oiseaux migrateurs s’effectuent généralement en ligne droite ou en suivant de grands axes. Au contraire, les phases
de dispersion juvénile et les déplacements journaliers de certains papillons, chauves-souris ou passereaux
s’effectuent le long de structures de guidage (haies, etc.) ou par « sauts » entre fragments d’habitats favorables plus
ou moins éloignés.