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Time to talk...
FOND
Gert Noël
Lorsque quelqu’un se voit diagnostiquer un cancer,
c’est tout un monde qui s’écroule pour lui. Il n’est pas
rare que la personne « décroche » dès l’entretien avec
le médecin et n’arrive plus à écouter ce que celui-ci lui
dit. Les informations sur le pronostic, les traitements et
les examens passent littéralement à la trappe ; la réac-
tion à vif prend toute la place : choc, stupeur ou incré-
dulité. Mais la personne concernée n’est pas la seule,
désormais, à avoir besoin de réconfort et de soutien ; il
y a aussi son entourage proche. D’innombrables ques-
tions se posent au patient et à sa famille qui éprouvent
des angoisses, des sentiments changeants et des
besoins variés. Dans cette situation, la chaleur hu-
maine, la sympathie et la confrontation sans complai-
sance face à ce qui est et ce qui va venir sont vitales.
Or, la communication entre le corps médical, le patient,
les proches et le personnel soignant manque encore
trop souvent d’ouverture et de tact. Les raisons les plus
fréquentes sont le manque de temps et les mécanismes
d’autodéfense du personnel médical, le désespoir et le
silence du patient et de ses proches ainsi que leur peur
d’en demander trop à l’autre.
Ce sont là des situations beaucoup trop souvent vécues tant
par les personnes souffrant d’un cancer ou d’autres maladies
que par leur entourage. Ce fut notamment le cas de Gert
Noël, fondateur de la société NMC, qui reçut le diagnostic
choquant en 1997. Les psycho-oncologues qualifient ce mo-
ment de « perte de repères » ; Gert Noël l’a certes vécu comme
un bouleversement, avec sa famille, mais aussi avec un sang-
froid étonnant. Il a affronté cette situation avec beaucoup de
peurs et d’émotions, mais également avec une énergie et une
envie d’agir intactes. Après son décès en 1998, sa famille a
voulu concrétiser ses réflexions sur l’expérience vécue, avec
la constitution du Fonds Gert Noël. L’objectif de ce fonds est
de davantage centrer la communication entre le patient, les
médecins, le personnel soignant et les proches, sur le patient
lui-même et ainsi d’humaniser davantage les soins. Grâce à
l’amélioration de l’encadrement du malade et de sa famille
dès le moment du diagnostic, il s’agit de rendre la situation
plus supportable, pour que cette phase difficile soit également
empreinte d’espoir et du souci de la qualité de vie. A l’occasion
de la 15e remise des prix depuis la création de ce fonds en l’an
2000, nmc-LIVE s’est entretenu avec Yves Noël, fils du fonda-
teur et président du conseil d’administration du groupe NMC.
Personnellement, qu’associez-vous à la chaleur ?
Yves Noël: Se sentir bien. Le soleil. La chaleur humaine, le senti-
ment de sécurité, l’harmonie. Pour moi, ce terme a des connota-
tions très positives.
Voilà des sentiments qui marquent aussi l’histoire de la
création du Fonds Gert Noël. Comment est née l’idée de
sa constitution ?
Yves Noël: Lorsque mon père a reçu le diagnostic à l’hôpital,
il était effaré. Il n’a même pas entendu la moitié de ce que son
médecin lui a dit et, par la suite, personne ne le lui a expliqué
une seconde fois ; donc, il a dû poser lui-même les questions qui
le travaillaient. Les médecins n’avaient pas de temps ; il n’y avait
pas d’explications écrites. Lors des traitements oncologiques qui
ont suivi, mon père s’est alors retrouvé en présence de patients
taiseux, dans une salle d’attente ornée d’une affiche déprimante
au mur, quelques revues défraîchies … Il a dès lors pris l’habi-
tude d’amener à chaque traitement quelques couques bien de
chez nous et un couteau pour les partager avec d’autres patients.
C’est ainsi qu’il est parvenu à créer dans la salle d’attente une
ambiance où les patients s’ouvraient à nouveau, où ils parlaient
d’autres choses que de leur maladie et rigolaient même parfois
entre eux. Mon père en était arrivé à la conclusion qu’il fallait
faire quelque chose pour humaniser le milieu hospitalier. Après
son décès en 1998, nous nous sommes réunis en famille pour
voir comment concrétiser son vœu. Nous avons décidé de créer le
Fonds Gert Noël. Nous voulons ainsi soutenir des initiatives dans
l’environnement hospitalier pour aider les personnes à se sentir
mieux dans pareille situation: diagnostic d’une maladie grave,
traitement et suivi.
Ensuite, comment avez-vous concrétisé cette décision ?
Yves Noël: Nous nous sommes adressés à la Fondation Roi Bau-
douin, largement reconnue en Belgique. Elle soutient des projets
de citoyens qui s’engagent en faveur d’une meilleure vie com-
mune et gère plus de 400 fonds de ce genre. Elle organise des
appels d’offres, évalue les propositions qui lui sont soumises et
constitue un jury multidisciplinaire indépendant. Dans le cas du
Fonds Gert Noël, ce jury compte des médecins, infirmiers, travail-
leurs sociaux, représentants des patients et psychologues ainsi que
des membres de la famille Noël. Parmi 15 à 20 candidatures par