2A l’écoute des animaux
toutes les photos : P. Challandes
arrivent dans un vol nonchalant.
Une dizaine se retrouvent bientôt
sur le sol, se disputant la nourriture,
battant des ailes, s’élevant dans l’air
de quelques mètres pour retomber
à côté du morceau désiré. Rapide-
ment, le cou se détend et attrape la
manne d’un coup de bec sec et brutal.
Il redresse son encolure, et la tête de
poulet ou le morceau de viande est
avalé dans un simple mouvement de
déglutition. Les hérons viennent faire
ripaille après une journée passée près
de l’eau, à pêcher, ou dans les champs
à chasser. Dans les prés, le héron se
déplace à grandes enjambées et, si
un mulot hors de son trou montre le
museau, il est saisi, non par un coup
d’estoc, mais entre les pinces des
mandibules qui le secouent et l’assom-
ment avant qu’il ne soit avalé. Maître
héron peut aussi se contenter de mets
plus simple : une limace attardée ou
un ver rampant. Lorsque que l’obs-
curité enveloppe le paysage, toute la
troupe regagne les grands arbres dans
des cris assez désagréables, sortes de
coassements durs, rauques et sonores.
La nuit tombée, un silence semble
régner, mais les hérons ne dorment
que d’un œil et, si dans une dernière
balade, je passe à proximité de leur
dortoir, toute la troupe s’envole dans
de grands battements d’ailes, avec
des « fraark, fraark » éraillés lancés en
plein vol. Le matin tôt, ils partent à
la pêche, regagnant la rive du lac ou
le bord du Rhône. Là, sur une pierre
ou un tronc échoué, telle une statue
pétriée, il attendra immobile le pois-
son étourdi qui dans son bec sera saisi
et promptement avalé. Le coup de bec
est redoutable, comme je l’ai appris à
mes dépens.
Un jour d’été, il y a bien longtemps,
des passants ayant aperçu sur leur
chemin un jeune héron tombé du
nid et brutalement attaqué par des
corneilles, vinrent me chercher an
que je les accompagne pour sauver le
jeune héronneau. A mon arrivée, deux
ou trois corneilles s’envolèrent, lais-
sant leur proie couchée sur le anc. Le
héronneau était déjà bien emplumé,
mais les plumes n’avaient pas encore
les beaux reets de celui des adultes.
Sa crête était encore hirsute et, bien
qu’il ait la taille d’un adulte, les
plumes de ses rémiges n’avaient pas
encore totalement poussé. De ce fait,
il ne pouvait encore voler. Il était
certainement tombé d’une branche à
la sortie du nid, chute peut-être pro-
voquée par les corneilles. A première
vue, il avait quelques plaies ouvertes
et sanguinolentes, mais qui ne parais-
saient pas trop graves. Ce qui m’éton-
nait c’est que les parents ne soient pas
là pour le défendre…. Je décidai de
l’emmener avec moi. En prenant soin
de le recouvrir d’une couverture an
de ne pas trop l’earoucher et surtout
pour ne pas recevoir un coup de bec,
comme je l’expliquai aux personnes
qui m’avaient conduit jusqu’à lui...
De retour au parc, je déballai la
victime pour regarder les blessures.
J’expliquai aussi aux sauveurs de
l’oiseau qu’il fallait lui saisir rapide-
ment le cou an de l’empêcher de
se détendre en direction du visage
et des yeux… Je n’avais pas terminé
mon commentaire, qu’inattentif, je
laissai échapper le cou de l’oiseau qui
se détendit comme un ressort et le
bec se planta dans mon front, juste
au-dessus des yeux…Il avait manqué
son but! La blessure saigna beaucoup,
mais je ne le lâchai pas et, constatant
qu’une ou deux blessures aux ailes
et au anc étaient plus profondes, je
décidai de l’emmener chez le vétéri-
naire. Il fut placé dans un carton et un
pansement sur mon front. En arrivant
chez le vétérinaire, l’aide fut erayée
par l’intérieur du carton tout rouge….
de mon sang !
Le héron, cet oiseau majestueux,
hiératique et un brin solennel, se
plait sur les rives de nos lacs et de nos
euves… Et pas seulement : il aime
venir au Parc de Bellevue, se rassasier
des restes de têtes de poulets et de
viande que les fauves et autre carni-
vores n’ont pas terminés.
Là, devant moi, une patte raide chée
en terre, l’autre repliée en équerre, se
dresse un magnique héron, er, au
milieu du parc des sangliers, se restau-
rant du restant de victuailles que mes-
dames les laies n’ont pas terminés….
elles font attention à leur ligne, sinon
l’été venu elles ne pourront enler
leur bikini. Mais notre héron n’est
pas seul! Dans un vol lourd et puis-
sant, un compère survole le champ. Il
semble qu’à sa cadence même, entre
chaque fouettement des rémiges,
que le corps, aux pattes obliquement
pendantes, cède à l’attraction de la
terre. Chaque repliement d’aile donne
l’impression d’être le dernier. Il va se
poser sur le sol, mais brusquement il
change d’idée; ou alors, son compère
lui ayant signié qu’il ne voulait pas
partager son repas, il reprend de la
hauteur en s’appuyant majestueu-
sement sur l’air grâce à ses impres-
sionnants balanciers aux pointes
noires. Il s’élève, et vers les rameaux
les plus hauts du marronnier se laisse
emporter. Il vole sur
place, reconnaît une
branche dégagée, s’y
pose en tendant ses
échasses en avant.
Stabilisé, il replie
ses ailes et observe
le terrain sur lequel
son acolyte se régale
des têtes de pou-
lets délaissées et
dispersées par les
laies. C’est l’heure à
laquelle les hérons
viennent proter
de l’aubaine. Dans
la lumière du jour
tombant, au loin,
annoncés par des
cris encore si faibles
qu’ils semblent pro-
venir d’un ailleurs
presque fabuleux,
d’autres hérons
Le héron errant