liens étroits avec le pouvoir politique, bien que complexes et ambigus17. Ces liens se
resserrent tout particulièrement en périodes de guerre, qui sont généralement productrices
d’un sentiment d’union nationale et d’un regain de patriotisme18. Durant la seconde guerre
mondiale, les réalisateurs répondent à l’appel du Président Roosevelt et produisent des films
de propagande19, tandis que les stars s’engagent dans l’armée (James Stewart, Clark Gable…),
ou partent en tournée remonter le moral des troupes (Marlène Dietrich, Rita Hayworth…)20.
Lors du déclenchement du conflit de Corée, la MPAA (Motion Picture Association of
America), le puissant syndicat des producteurs d’Hollywood créé en 192121, félicite le
Président Truman pour son soutien à la Corée du Sud, et se met au service du gouvernement
et des Nations Unies22. Et dernièrement, après les attentats du 11 septembre, une réunion
rassemble les principaux responsables d’Hollywood et Carl Rove, un proche conseiller de
George W. Bush, afin de définir les différentes manières de servir la cause de l’Amérique
(bandes-annonces, divertissement des troupes stationnées à l’Étranger,…)23.
Pour comprendre ces liens avec le pouvoir, il faut garder à l’esprit qu’Hollywood est une
industrie et, dans la perspective de plaire au plus grand monde et de générer un profit24, a un
penchant naturellement conformiste, tendant à refléter ce qui représente l’idéologie
16 Par « Hollywood », nous visons les principaux studios américains, souvent désignés par le mot Majors, qui
produisent la grande majorité des films fabriqués aux États-Unis et exportés à l’Étranger : Universal, Métro
Goldwyn Mayer, Columbia (Sony Pictures), Paramount, Disney, Dreamworks, Warner Bros, Fox et Orion. Voy.
Jacques Portes, op. cit., pp. 6-10, et pour une approche historique, Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier,
Cinquante ans de cinéma américain, Nathan, édition revue et mise à jour, 1993, pp. XXIII-XLIX.
17 Voy. Jacques Portes, op. cit., p. 11 ; Anne-Marie Bidaud, op. cit., pp. 93-118 ; Alain Masson, « Du
conservatisme à la propagande antinazie », in Alain Masson (dir.), Hollywood 1927-1941. La propagande par
les rêves ou le triomphe du modèle américain, Éditions Autrement, Paris, 1991, p. 241.
18 La guerre du Vietnam constitue à cet égard une notable parenthèse. Comme le souligne Ignacio Ramonet,
« avec le conflit vietnamien, quelque chose change enfin à Hollywood, et l’exception remarquable de Bérets
verts, film chauvin, militariste et raciste, réalisé par John Wayne et Ray Kellog en 1968, ne doit point masquer
une évidence centrale : contrairement à son attitude durant les deux autres guerres d’Asie, cette fois il n’y a pas
eu de films pour soutenir l’engagement américain en Indochine tant qu’il dura. On peut même affirmer que,
durant la période la plus dure de la guerre du Vietnam (1968-1972), les films antimilitaristes et antibellicistes
furent étonnamment nombreux » (Ignacio Ramonet, Propagandes silencieuses. Masses, télévision, cinéma,
Éditions Galilée, 2000, p. 123). Voy également Michael Ryan and Douglas Kellner, Camera Politica. The
Politics and Ideology of Contemporary Hollywood Film, Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press,
1988, pp. 197-206 ; Jean-Michel Valantin, op. cit., pp. 33-37.
19 Par exemple, Frank Capra tourne une série de documentaires intitulés Pourquoi nous combattons.
20 Voy. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, op. cit., pp. 41-43 ; Ralph Willett, « Nation in Crisis :
Hollywood’s Response to the 1940s », in Philip Davies and Brian Neve, op. cit., p. 60 ; Philippe Lombard,
« Tarzan contre les Nazis », http://www.objectif-cinema.com/horschamps/035.php.
21 Il faut remarquer que les trois présidents successifs de la MPAA, William Hays, Eric Johnston et Jack Valenti,
ont tous été par ailleurs membres des administrations républicaine ou démocrate. Voy. Anne-Marie Bidaud, op.
cit., pp. 94-96.
22 Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, op. cit., p. 58. Pour une analyse de la production
cinématographique américaine réalisée pendant la guerre de Corée, voy. Ignacio Ramonet, op. cit., pp. 122-123.
23 Sur les liens entre Hollywood et Washington après le 11 septembre 2001, voy. Samuel Blumenfeld, « Le
Pentagone et la CIA enrôlent Hollywood », Le Monde, 24 juillet 2002.
24 Voy. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, op. cit., p. 164.