juger ou ne pas juger? - Ressources chretiennes

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JUGER OU NE PAS JUGER?
Nous avons souvent entendu rappeler (et rappelé nous-mêmes) qu’il ne fallait pas juger. Cela est
écrit clairement dans le Nouveau Testament. « Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugés. »
(Mt 7.1). Nous avons aussi remarqué que juste après cette injonction, Jésus donne la marche à
suivre pour « ôter la paille de l’œil » de notre frère (Mt 7.5), avant de recommander de « ne pas
donner les choses saintes aux chiens » (Mt 7.6). En Luc 6, l’appel à ne pas juger précède la
question suivante : « Un aveugle peut-il conduire un aveugle? » et encore cette leçon : « Le
disciple n’est pas plus grand que son maître, mais tout disciple accompli devient comme son
maître. » De tout cela, il n’est pas difficile de repérer l’intention du Seigneur : il y a une manière de
juger qui est déplacée et qui va créer beaucoup de difficultés, et une manière de juger qui est
absolument nécessaire. Précisons que le même terme grec est utilisé dans les deux cas.
Une des leçons est celle-ci : il faut une longue préparation personnelle associée à une démarche
collégiale. Cela ressort de l’expérience de Moïse. La précipitation (en Égypte, Ex 2.11-15) a été
catastrophique. Il faudra quarante années d’apprentissage comme berger dans le désert, et
l’avertissement de Jéthro : « Tu ne pourras y arriver seul, choisis des hommes sages qui puissent
juger avec toi. » (Ex 18; voir Pr 3.5, 7).
L’apôtre Paul reprend exactement le même discours qui pourrait avoir pour titre : Devenez adultes!
« Frères, ne soyez pas des enfants pour ce qui est du jugement. Soyez des hommes faits! » (1 Co
14.20). Ici, être un enfant, c’est juger n’importe comment; être adulte, c’est exercer un jugement
fiable. Il y a donc deux écueils à éviter : celui d’agir trop vite, impulsivement, et celui de ne plus
intervenir d’aucune manière… pour ne pas se tromper.
Quand Jésus dit de ne pas juger en Luc 6, il utilise juste après le verbe condamner (v. 37), comme
un synonyme. Paul en Romains 14.3 et 10 associe les verbes juger et mépriser : « Pourquoi jugestu ton frère, pourquoi le méprises-tu, puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal de
Christ? »
Mais quand Jésus ajoute qu’« un arbre se reconnaît à ses fruits » (Lc 6.44), il montre que juger
n’est pas nécessairement mépriser : c’est aussi un discernement élémentaire que chacun est
appelé à exercer.
Enfin, l’Évangile de Jean utilise le verbe juger d’une manière qui peut paraître contradictoire :
« Dieu n’a pas envoyé son Fils pour qu’il juge le monde, mais pour le sauver. » (Jn 3.17). « Celui
qui croit en lui n’est pas jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé. » (Jn 3.18).
Cela situe l’action de juger (se prononcer sur quelqu’un) dans la perspective de Dieu et montre
que, d’une part, il ne faut pas juger, car Dieu seul le peut. Qui suis-je moi pour le faire justement?
D’autre part, si Dieu le peut, c’est donc une action juste et nécessaire qui peut m’être confiée, pour
autant que je sois à ma juste place et puisse agir en son nom.
Romains 13 rappelle que le magistrat — même non chrétien — a reçu cette délégation et cette
autorité pour approuver ceux qui font le bien et châtier ceux qui font le mal.
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Paul dit même que toute action doit pouvoir être jugée dans l’Église : « Ne savez-vous pas que les
saints jugeront le monde? Et si c’est par vous que le monde est jugé, êtes-vous indignes de rendre
les moindres jugements? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? Et nous ne jugerions
pas à plus forte raison des choses de cette vie? […] Ainsi, il n’y a pas parmi vous un seul homme
sage qui puisse prononcer entre ses frères? » (1 Co 6.2-5).
La question n’est donc pas : Faut-il juger ou s’abstenir? La question est : Comment remplacer les
jugements charnels (laxistes ou intransigeants) par des jugements spirituels exercés de la part de
Dieu? L’enjeu, c’est tout simplement la maturité de l’amour dans la communauté chrétienne.
L’application peut se faire aisément à propos de la charge parentale qui est, à bien des égards, un
modèle de référence. Si les enfants doivent « obéir à leurs parents » (Ép 6.1), ceux-ci doivent
constamment juger de ce qu’il faut demander ou exiger : chaque enfant est différent, chaque étape
de sa croissance est particulière. De plus, en cas de désobéissance, les parents devront juger de
la correction appropriée. Nous savons que c’est là une charge aussi délicate qu’importante, qui est
constitutive de l’amour que les parents doivent à leurs enfants. Mais nous nous souvenons
également que l’autorité conférée aux parents a une limite : « Pères, n’irritez pas vos enfants. »
(Ép 6.4). Ainsi, la référence à Dieu tout à la fois justifie l’autorité des parents et y place une limite.
Ainsi en est-il de l’exercice du jugement.
Charles Nicolas, pasteur
Copyright © 2016. Utilisé avec permission.
L’auteur est pasteur réformé, aumônier hospitalier et enseignant itinérant; il demeure à Alès en France.
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