6 Quelques notions de sémantique lexicale

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6 Quelques notions de sémantique lexicale
Une certain nombre de notions relatives à la signification s’appliquent aux mots aussi bien
qu’aux phrases ; en outre, c’est, pour une part au moins, la signification de certains mots qui
est en cause dans les relations de conséquence logique (cf. §4) ; enfin, même s’ils ne sont pas
au centre de cette introduction, les mots sont les éléments de base de la sémantique
compositionnelle. Pour ces raisons, il est utile d’introduire quelques éléments de sémantique
lexicale.
Que le lexique n’est pas une simple liste est confirmé par l’usage de plusieurs relations entre
les mots utilisées depuis longtemps par les linguistes.
Synonymie :
(26) belle, charmante, ravissante
La notion de synonymie repose sur l’idée que l’on peut remplacer un mot par un synonyme
salva veritate, c’est à dire en préservant la vérité de la phrase. Cela permet de définir la
synonymie comme conséquence logique mutuelle. En substance, à qui tient que Marie est
charmante est vrai, il serait impossible de soutenir que Marie est ravissante est faux, et vice
versa, au moins si charmante et ravissante sont considérés comme des synonymes.
Beaucoup pensent que la synonymie parfaite n’existe pas, et qu’il y a toujours de petites
différences de signification entre deux mots d’une même langue, et que cette différence même
est la raison pour laquelle ces deux mots survivent.
Antonymie :
(27) beau/laid, long/court, chaud/froid
La notion repose sur l’idée que deux mots ne peuvent s’appliquer à une seule et même
situation : si Pierre est beau, il n’est pas laid. Elle est fondée sur la notion ensembliste de
complémentation, mais la notion de complémentation ne suffit pas à la définir strictement, du
moins à couvrir tous les usages du terme « antonyme » en linguistique ou dans les
dictionnaires.
Que deux mots couvrent des ensembles complémentaires ne suffit pas à les faire classer
comme antonymes : homme et femme, par exemple, s’appliquent à des ensembles disjoints et
complémentaires dans l’ensemble des humains, mais ne sont pas en général considérés
comme antonymes.
D’autre part, beaucoup de couples d’antonymes ne sont pas strictement complémentaires et
laissent subsister entre eux une « zone grise » dans laquelle ni l’un ni l’autre ne s’appliquent.
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|------------------------------------>
froid
« zone grise »
chaud
Hyperonymie :
(28) Meuble (tabouret, table, lit) ; Arbre (chêne, bouleau).
La relation d’un hyperonyme à ses hyponymes dessine une hiérarchie qui est recoupée par la
relation de conséquence logique. Qui admet pour vraie une phrase doit nécessairement
admettre pour vraie une phrase résultant de la substitution à un mot de cette phrase d’un de
ses hyponymes.
Considérons la hiérarchie (29) :
(29) humain >femme >sportive >nageuse
Dans cette hiérarchie, chacun des termes supérieurs « inclut » ce que dénotent les autres. En
termes de conséquence logique cela se traduit de la manière suivante :
1) Si une phrase positive est vraie, le remplacement d’un mot de cette phrase par un de ses
hyperonymes est une conséquence logique de la précédente.
Si Marie est une nageuse est tenu pour vrai, on doit aussi tenir pour vrai Marie est une
sportive, Marie est une femme, Marie est un (être) humain.
2) S’il s’agit d’une phrase négative, en revanche, le remplacement d’un mot par un de ses
hyponymes est une conséquence logique de la précédente. Si Marie n’est pas une sportive est
tenu pour vrai, on doit aussi tenir pour vrai Marie n’est pas une nageuse; en revanche, Marie
n’est pas un (être humain) n’est pas une conséquence logique.
Humain
Marie est un humain
Marie n’est pas un humain
Femme
Marie est une femme
Marie n’est pas une femme
Athlète
Marie est une athlète
Marie n’est pas une athlète
Perchiste
Marie est une perchiste
Marie n’est pas une perchiste
La négation, en somme, "inverse le sens" des conséquences logiques.
Symétrie :
(30) Pierre resssemble à Marie/Marie ressemble à Pierre.
(31) Pierre est un compatriote de Marie/Marie est une compatritote de Pierre.
Cette relation lexicale indique que si une phrase est tenue pour vraie, celle que l’on obtient en
permutant ses arguments est une conséquence logique de la première, et vice versa. Ces deux
phrases sont donc synonymes, et comme pour tous les cas de ce type, le point intéressant est
de chercher à déterminer ce qui les distingue.
Converse :
(32) Marie a acheté un livre à un amateur./ Un amateur a vendu un livre à Marie.
(33) Marie est la mère de Sarah. /Sarah est la fille de Marie.
Il s’agit ici d’une relation entre expressions verbales telles que si l’une est tenue pour vraie de
deux arguments, l’autre est une conséquence logique après permutation des arguments . Là
encore, un point intéressant sur cette relation très bien représentée en langue (G. Gross, 1989)
est de déterminer ce qui oppose les deux versions.
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