Leçon 1 : Notions d`histoire grecque Fichier

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1. Notions d'histoire grecque
La ligne du temps est une représentation conventionnelle du temps qui s'écoule,
permettant de localiser chaque événement historique selon un ordre de succession
chronologique. L'histoire grecque commence vers 2000 avant J.-C. et se poursuit jusqu'à la
basse Antiquité. L’ère chrétienne (anno Domini) commence en l'an 1 ; Il n'existe pas d'année
0 : au 31 décembre de l'an -1 a succédé le 1er janvier de l'an 1. Les années, les siècles et les
millénaires se comptent à rebours avant J.-C. Les Grecs avaient, eux, d'autres systèmes
chronologiques, où le point de repère n'était bien entendu pas la naissance du Christ, mais par
exemple la date de fondation des Concours olympiques (776/5). Toutes les dates s’entendent
ici avant J.-C.
Arrivée des Grecs en Égée
Apogée des palais
Âge du
Civilisation
mycénienne
mycéniens
bronze
Chute des palais mycéniens
Submycénien
Âges obscurs
Protogéométrique
Géométrique
Âge du
Orientalisant
Cités grecques
fer
Archaïque
Classique
Hellénistique
entre 2100 et 1900
1600-1250
vers 1200
1200 – 1050
1050 – 900
900 – 720
720 – 600
600 – 480
480 – 338
338 – 31
Les premiers Grecs s'installent en Grèce aux alentours de 2000 avant J.-C. et inaugurent
la brillante civilisation dite « mycénienne » (du site éponyme de Mycènes, fouillé dans les
années 1870 par H. Schliemann), qui connaît son apogée entre les XVIe et XIIIe siècles. Celle-ci
occupe tout le Sud de la péninsule balkanique. La vie s’organise principalement autour de
palais, citadelles fortifiées et siège du pouvoir central de chacun de ces royaumes. Parmi ces
palais, on compte bien entendu Mycènes, mais aussi Pylos, Thèbes et Tirynthe. La société
s’organise selon une hiérarchie très stricte à structure pyramidale : à la tête de chaque
royaume, un monarque (wa-na-ka), accompagné d’une administration palatiale très
hiérarchisée aux multiples fonctionnaires.
Il s'agit d'une civilisation incontestablement grecque : des milliers de tablettes en argile
crue ont été découvertes dans les palais de Thèbes et de Pylos ; elles sont rédigées dans un
grec primitif, transcrit dans une forme d’écriture, le linéaire B, empruntée aux Crétois. La
civilisation minoenne (ainsi nommée par Arthur Evans au début du XXe siècle par référence
au roi légendaire Minos) qui s’est développée en Crète aux 3e et 2e millénaires n'est pas, en
revanche, une civilisation grecque. Leur langue, transcrite en linéaire A, est toujours nondéchiffrée à ce jour ; il est toutefois certain qu'il ne s'agit pas de grec. Vers 1425, les Grecs
conquièrent la Crète et y installent leur civilisation.
Vers 1200, la civilisation mycénienne s'écroule et les palais connaissent partout une série
de destructions massives. Les causes de cette catastrophe – qui ne fut pas aussi brutale et
totale qu'on ne la dite – restent très discutées. On n'entrera pas dans le débat, pour se contenter
de rappeler les conséquences de cette chute des palais.
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A. De la chute des palais à la fin des âges obscurs (1200-800)
On assiste au cours des XIIe et surtout du XIe siècle, à une raréfaction des vestiges
archéologiques conservés, qui laissent penser à une période de dépeuplement et de replis sur
elles-mêmes des populations. La maîtrise de l’écriture disparaît. C'est la période que l'on
appelait jadis les « Âges obscurs ». Leur obscurité a toutefois grandement régressé au cours
des dernières décennies grâce aux nombreuses découvertes archéologiques. Celles-ci
montrent qu'il s'agit au contraire d'une période de grands changements, qui préparent à
l'émergence des cités-États du 1er millénaire. Peu à peu, à partir du Xe siècle, les Grecs – et en
particulier les Eubéens – se tournent à nouveau vers la mer et vers l'Orient, puis, à partir du
IXe siècle, vers l'Occident et l'Italie. Les vestiges archéologiques des Xe et IXe siècles sont
plus nombreux et plus impressionnants. La céramique retrouve une qualité inégalée depuis
deux siècles, tandis que des importations orientales font à nouveau leur apparition dans les
tombes. Au VIIIe siècle, une nouvelle forme d’écriture, l’alphabet, est empruntée aux
Phéniciens (moyennant l’ajout des voyelles) pour transcrire à nouveau le grec.
Que se passe-t-il au niveau social ? La société mycénienne était une société très
hiérarchisée, avec à sa tête un monarque (wa-na-ka). Lorsque les palais s'écroulent, la
communauté est comme décapitée : toute la hiérarchie palatiale disparaît dans les troubles de
la fin du XIIIe siècle. Restent alors de petits groupes d'individus, menés par un personnage qui
s'appelait en grec mycénien qa-si-re-u et en grec homérique basileus. À la chute des palais, la
vie collective se recentre sur ces petits noyaux isolés et autour de ces personnages qui
acquièrent peu à peu une grande importance sociale. C'est cette société des « siècles obscurs »
que décrivent les poèmes homériques.
On regroupe sous ce terme deux poèmes, l'Iliade et l'Odyssée, respectivement de 15 000
et 12 000 vers, dont la tradition antique attribue la composition à un aède (poète) aveugle du
nom d'Homère. On pense aujourd'hui qu'il s'agit de deux poèmes transmis au cours des siècles
par la tradition orale et dont la composition s'est fixée dans le premier quart du VIIe siècle.
L'Iliade raconte la colère d'Achille, alors que l'armée achéenne assiège la ville de Troie ;
l'Odyssée raconte le retour d'Ulysse dans sa patrie Ithaque. Les poèmes homériques seront mis
par écrit pour la première fois à Athènes vers le milieu du VIe siècle.
Ces poèmes décrivent une société constituée de petits groupes ; à la tête de chacun de
ceux-ci se trouvent un ou plusieurs basileis. Lors de certaines occasions, comme dans le cas
d'une expédition militaire lointaine, ces groupes décident, à travers la personne de leur chef,
de mettre leur force et leurs ressources en commun. Une place et un rang bien déterminés sont
assignés à chacun dans la communauté en fonction de son courage guerrier, de son âge, de sa
généalogie, de son éloquence, de sa beauté et de sa force, mais la hiérarchie sociale est souple
et la mobilité sociale importante d'une génération à l'autre.
B. L'époque archaïque (800-480)
Peu à peu, le rapprochement des communautés isolées des « âges obscurs » s'intensifie.
Des communautés plus importantes se forment par regroupement (ou synœcisme) et
commencent à organiser peu à peu leur vie en commun. Ce processus, qui prit plusieurs
siècles, est celui de la formation des cités grecques.
1. La cité (polis) est une forme d'organisation politique, sociale, religieuse et culturelle
tout à fait originale dans l'histoire des civilisations. Elle est fondée sur deux principes :
• celui de la mise en commun des prérogatives précédemment du ressort des petits
groupes, afin que la communauté tout entière en assume collectivement la responsabilité ;
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• celui de la répartition de l'autorité politique et du prestige social entre ses membres.
La cité est composée d'une ville (asty) et d'un territoire (chôra) ; mais c'était d'abord et
avant tout une communauté humaine. La cité a deux caractéristiques essentielles : elle est
censée être libre (c'est-à-dire non soumise à une autorité extérieure) et autonome (c'est-à-dire
qu'elle se gère par ses propres lois). Au Ve siècle, le monde grec se composait d'environ 1 000
cités, bien entendu de dimension et d'importance variable. La cité moyenne couvrait un
territoire d'environ 100 km2. Athènes (2 600 km2) et Syracuse (4 700 km2) sont des cités
gigantesques ; en revanche, la petite île de Kéos (173 km2) abritait 4 cités.
La population d'une cité se compose de citoyens et de non-citoyens, eux-mêmes répartis
entre esclaves et étrangers. La proportion de ces deux ensembles fluctua selon les cités et
selon les époques ; elle était le plus souvent de l'ordre de 1/10 – 9/10. Parmi les citoyens, on
distinguait par ailleurs les citoyens actifs (mâles adultes) et les citoyens passifs (femmes,
enfants et adolescents). Les principes de mise en commun des prérogatives communautaires et
de répartition de l'autorité politique ne concernaient et ne bénéficiaient qu'aux seuls citoyens
actifs.
Entre cités voisines, périodes de paix et d'hostilité armée se succèdent, en particulier pour
le contrôle de certaines parties du territoire. Les cités sont indépendantes et autonomes et il
n'y a guère de sentiment d'appartenance commune à une même culture/civilisation.
2. L'une des caractéristiques essentielles de la civilisation grecque est la mobilité. Les
Grecs parcourent inlassablement les mers et n'hésitent jamais à s'installer dans de nouvelles
contrées.
— Les Grecs parcourent les eaux de la Méditerranée pour commercer. Il s'agit d'abord,
aux Xe et IXe siècles, d'un échange (praxis), où les biens acquis possèdent une valeur
symbolique importante et servent à établir le prestige de leurs possesseurs au sein de la
communauté. Il est pratiqué par des individus qui cherchent à établir leur autorité sur leur
communauté. Ces échanges cèdent pour l'essentiel la place, à partir du VIIIe siècle, à un
véritable commerce spécialisé, qui a pour but le profit matériel. Ce commerce s'appelle
l’emporia (ἐµπορία). Celui-ci est pratiqué de manière continue par des marins spécialisés, qui
vivent de leur activité commerciale. Ces marins peuvent commercer avec les populations
méditerranéennes dans des établissements portuaires nommés emporia (pl. ἐµποριά, sg.
ἐµποριόν, cf. Emporion = Ampurias). Ce sont des comptoirs commerciaux placés sous
l'autorité des populations locales. Exemple : Al-Mina, Naucratis. Ce commerce spécialisé se
développe néanmoins considérablement avec la fondation des colonies et de l'intense trafic en
hommes et en biens que l'établissement de ces nouvelles communautés génère.
— À partir du VIIIe siècle, les Grecs (Eubéens, Corinthiens, Spartiates, Grecs de l'Est)
fondent de nombreuses colonies (apoikiai) dans toute la Méditerranée et en Mer Noire. Une
colonie est une nouvelle cité, fondée par une ou plusieurs métropoles. À la différence des
colonies modernes, les apoikiai grecques étaient des cités libres et autonomes, qui
n'entretenaient donc pas de lien de dépendance politique avec leur métropole. Elles gardaient
néanmoins généralement avec celle-ci des relations économiques et religieuses privilégiées.
Plusieurs raisons, parfois concomitantes, ont pu inciter les Grecs à quitter leur cité pour en
fonder une autre :
•
•
activités commerciales : transformation progressive en colonie d'un point de
débarquement des marins commerçant avec les populations locales.
famine, surpopulation, manque de terres cultivables : ex. Théra qui fonde vers 640
Cyrène.
3
•
dissension interne : lorsque l'intégration des différents groupes participant à la cité
n'est ni parfaite ni équitable, des dissensions naissent entre le groupe au pouvoir et
le groupe lésé. Ces conflits, souvent d'ordre personnel entre grands personnages,
ont poussé certains individus à quitter leur cité, en emmenant leurs compagnons, et
à tenter leur chance ailleurs, en fondant une nouvelle cité, qu'ils espèrent moins
inégale que celle qu'ils quittent.
La colonisation grecque concerne de nombreuses régions de Méditerranée septentrionale
(mais aussi la Cyrénaïque, sur les côtes africaines) et tout le pourtour de la Mer Noire. Les
principales implantations grecques ont lieu, dès le VIIIe siècle, en Méditerranée occidentale :
en Grande Grèce (le Sud de la péninsule italienne), en Sicile, dans le sud de la France
(Marseille est fondée vers 600). À l'occasion de ces circulations, les Grecs rencontrent
d'autres peuples et d'autres cultures : phénicienne, égyptienne, ibérique, celte, étrusque,
italique. La méditerranée est avant tout un espace de circulation : la mer ne sépare pas les
hommes, elle leur permet de se rencontrer. De ces rencontres, les Grecs ont retiré de multiples
richesses, matérielles (métaux, céramique, emprunts artistiques) et culturelles (alphabet, cultes
orientaux). Les autres peuples leur ont par ailleurs emprunté une partie de leur patrimoine
culturel : les Étrusques par exemple se sont montrés particulièrement friands d'objets grecs.
C. L'époque classique (480-338)
Bien que les Grecs aient rencontré depuis très longtemps aux quatre coins de la
Méditerranée des populations étrangères, l'époque classique est très certainement celle où ils
ont réellement pris conscience de leur identité de Grecs, où ils ont esquissé véritablement la
notion de civilisation grecque. Cette prise de conscience est le résultat d'un traumatisme
profond : l’affrontement avec les Perses lors des deux guerres médiques (Mèdes = Perses).
L'empire achéménide (perse) se forme vers le milieu du VIe siècle à travers les conquêtes
de Cyrus le Grand. De leur fief, situé en Iran, les Perses conquièrent rapidement tout le
Proche-Orient : l'Anatolie (les cités grecques d'Asie Mineure tombent sous leur contrôle dans
les années 540, à la suite de la prise de la capitale lydienne, Sardes en 547/6), la Phénicie et
l'Égypte font désormais partie de leur possession. L'extension naturelle de leur empire les
pousse à conquérir les îles grecques de l'Égée.
1. Première guerre médique : Au cours de l'année 490, les Perses du roi Darius Ier
poussent leur expédition en Égée jusqu'en Eubée, qu'ils soumettent sans difficulté, et décident
d'attaquer Athènes. Les Perses, menés par Datis, débarquent à Marathon ; les Athéniens,
menés par Miltiade, appellent les autres Grecs à leur secours et vont à la rencontre des Perses.
Seul un contingent de 1 000 Platéens vient leur prêter mains fortes, tandis que les Spartiates
arrivent trop tard pour la bataille. Le choc a lieu entre les deux armées. Les Grecs sont très
nettement inférieurs en nombre aux Perses. Pourtant, c'est une victoire éclatante : 192
Athéniens tombent au combat, tandis que c'est un désastre pour les Perses, qui sont obligés de
fuir et de rembarquer sur leurs navires. Du côté perse, cette défaite devant Athènes n'est en
rien désastreuse. Leurs objectifs premiers ont été atteints et la mainmise finale sur Athènes
n'était finalement qu'un bonus. Du côté athénien en revanche, ce fut une grande victoire et
Athènes se pose désormais en défenseur de la Grèce tout entière.
2. Seconde guerre médique : En Perse, Xerxès succède bientôt à son père et prépare une
nouvelle offensive. En 480, il entame une campagne contre les Grecs en passant par le Nord.
Il dispose d'une armée de 150 000 hommes et d’une flotte de 600 trières. Un contingent de
Spartiates, mené par le roi Léonidas, tente de les stopper aux Thermopyles, qui constituent la
seule voie de passage entre la Grèce du Nord et la Béotie. Le verrou ne tient pas très
longtemps, mais laisse le temps aux Grecs de se réfugier dans le Péloponnèse et de fortifier
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l'Isthme de Corinthe. Athènes est abandonnée et bientôt saccagée par les Perses. C'est un
traumatisme. Les Athéniens, menés par Thémistocle, décident de se retrancher sur leurs
trières et d'affronter les Perses sur mer. La bataille de Salamine est à nouveau un succès
athénien. La flotte perse est en déroute et Xerxès rentre en Asie. Il laisse son général
Mardonios en arrière, avec le soin de poursuivre l'offensive terrestre. En 479, l'armée perse est
vaincue à Platées et doit se replier définitivement.
Les guerres médiques nous sont racontées par Hérodote.
3. Conséquences :
(1) Pour la première fois, de très nombreuses cités grecques ont été menacées par un
adversaire commun, qui plus est étranger. La notion de barbare s'esquisse progressivement au
cours du Ve siècle ; réciproquement, c'est aussi la prise de conscience d'une identité grecque
commune par-delà la multiplicité des cités grecques. Auparavant chaque Grec était un
étranger dans toutes les cités qui n'étaient pas la sienne. Désormais s'esquisse le sentiment
d'une appartenance commune à une même civilisation, même si chaque cité demeure un État à
part entière.
(2) La situation d'Athènes se trouve modifiée par rapport au reste du monde grec. Les
victoires de Marathon et de Salamine nourrissent chez ses citoyens un orgueil croissant.
Malgré sa présence valeureuse aux Thermopyles et à Platées, Sparte n'a pas toujours fourni le
soutien que l'on pouvait attendre d'elle. Fort de ses succès, Athènes forme en 478 la ligue de
Délos et se place à la tête des cités de l'Égée pour prévenir d'un éventuel retour des Perses.
4. On appelle « ligue » une confédération de cités qui se placent sous l'hégémonie de
l'une d'entre elles. Les cités sujettes perdent alors leur liberté, mais bien souvent aussi leur
autonomie. Athènes impose un tribut aux cités de la ligue pour la construction et l'entretien
d'une flotte. Elle leur impose également d'adopter ses lois et son système politique. Les
rébellions sont sévèrement matées. La démocratie athénienne est indissociable d'une politique
impérialiste.
La constitution de ligues n'est pas un fait entièrement nouveau. L'époque archaïque avait
déjà connu diverses ligues, mais le phénomène s'accentue à partir du Ve siècle. À côté de la
ligue de Délos, Sparte se place à la tête des cités péloponnésiennes. La rivalité entre les deux
blocs va croissante au cours du Ve siècle et l'affrontement finit par avoir lieu. La guerre du
Péloponnèse (431-404) marque de dures années de privation pour les Athéniens : l'Attique est
ravagée périodiquement par l'armée spartiate. Périclès, qui mène alors sa cité, ordonne aux
Athéniens de se retrancher à l'intérieur de l'enceinte de la ville. La surpopulation et la famine
entraînent rapidement le développement de la peste, dont Périclès fut l'une des premières
victimes. La guerre se prolonge, avec diverses trêves, durant près de 30 ans et se termine par
la défaite d'Athènes en 404. Humiliée par Sparte, elle est obligée d'abattre ses murailles – les
« Longs murs » – qui avaient constitué sa seule défense face aux invasions spartiates.
La guerre du Péloponnèse nous est racontée par Thucydide.
5. L'hégémonie construite progressivement par Sparte change pour un moment l'équilibre
des forces en Grèce. Les trois premiers quarts du IVe siècle seront marqués par une fluctuation
constante des forces en présence et par une dissension croissante entre les Grecs. Les cités ne
sont plus les seules à s'opposer. La lutte pour la première place en Grèce se fait entre diverses
ligues, elles-mêmes dominées par une cité hégémonique.
Peu à peu, Athènes relève la tête, reconstruit ses Longs murs et reconstitue une flotte sous
les ordres de Conon. Une seconde confédération maritime est instituée en 377 et regroupe la
plupart des cités insulaires et les villes grecques de la côte thrace. Le but de cette alliance
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était, selon les mots du décret, « de contraindre Sparte à laisser les Grecs vivre en paix dans la
liberté et l'autonomie », non plus de s'opposer aux Perses. Athènes promet de ne plus
commettre les mêmes erreurs. En réalité, elle reproduit exactement le même schéma que la
première ligue de Délos, en assujettissant ses cités alliées. C'est le renouveau d'une politique
impérialiste.
Dans cette lutte entre superpuissances, Thèbes va jouer pour un moment un rôle décisif.
Révoltés contre la tutelle spartiate, les Thébains, menés par Épaminondas, obtiennent une
écrasante victoire sur les Spartiates à Leuctres en 371. Dans la foulée, Épaminondas s'empare
de la Thessalie. Il libère également la Messénie (fondation de Messène) et l'Arcadie
(fondation de Mégalopolis) de la tutelle spartiate. Sparte est mise à terre et la rivalité se joue
entre Athènes et Thèbes.
6. La dissension constante entre les Grecs profite grandement à Philippe II de Macédoine,
qui s'impose progressivement à eux comme le chef d'une puissance dominante. Il intervient
d'abord de plus en plus fréquemment dans les affaires de Grèce centrale, en particulier en
prenant place dans le conseil amphictyonique qui préside aux intérêts du sanctuaire de
Delphes. Entre 346 et 340, les relations se détériorent entre Athènes et la Macédoine. Le
grand adversaire de Philippe est à Athènes l'orateur Démosthène, qui comprend le danger que
constitue la montée en puissance de la Macédoine. L'affrontement a lieu en 338 à Chéronée
(Béotie). Philippe écrase les Athéniens et inflige une sévère défaite aux Thébains. Le reste de
la Grèce s'incline devant son nouveau maître.
Les relations nouvelles entre le roi de Macédoine et les vaincus sont fixées lors d'un
congrès de représentants de tous les États grecs à Corinthe en 338/7. Il s'agit d'une paix
commune qui regroupe les Grecs au sein d'une ligue, la Ligue de Corinthe, dont Philippe est
choisi pour chef. Les cités contractantes sont déclarées libres et autonomes ; la paix sur terre
et sur mer est garantie. C'est donc un coup d'arrêt donné à toute l'agitation revendicatrice qui
secouait les cités depuis plusieurs décennies. Bien entendu, la servilité est imposée à l'égard
des vœux de l'hégémôn.
D. L'époque hellénistique (338-31)
Philippe II n’eut guère le temps de profiter de sa victoire. En 336, il est assassiné et son
fils Alexandre lui succède. Faisant éclater les limites de la civilisation grecque, Alexandre se
lance en 333 à la conquête de l’Empire perse vacillant. Il bat Darius III et conquiert toutes les
provinces perses, de l’Anatolie à l’Indus en passant par l’Égypte. À sa mort en 323 à
Babylone, il laisse à ses successeurs – les diadoques – un vaste territoire, qu’ils se partagent
bientôt tout en prenant chacun le titre royal. L’unité rêvée par Alexandre est consumée dès la
fin du IVe siècle et des rivalités naissent pour le partage des dépouilles de son vaste empire.
La Macédoine, la Grèce continentale et le Nord de l’Asie Mineure reviennent à Antigone le
Borgne, qui inaugure la dynastie des Antigonides. La Syrie et toute la partie orientale des
conquêtes d’Alexandre reviennent à Séleucos, qui inaugure la dynastie des Séleucides.
L’Égypte revient, quant à elle, à Ptolémée, qui inaugure la dynastie des Lagides, dont la
dernière représentante, bien connue, n’est autre que Cléopâtre. Quelque temps plus tard,
profitant d’une latence du pouvoir en Asie Mineure, Philétairos, général de Lysimaque, établit
une quatrième entité autour d’une nouvelle capitale, Pergame ; ses successeurs formeront la
dynastie des Attalides.
L’histoire politique du monde hellénistique prend la forme d’une rivalité constante entre
ces quatre royaumes, jusqu’à l’arrivée des armées romaines dans le bassin égéen. Dès le IIe
siècle, Rome intervient militairement dans les affaires de Grèce. Par une série de victoires
consécutives (Flamininus à Cynoscéphales en 196, Paul Émile à Pydna en 168, Pompée en
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Orient entre 67 et 62, Octave à Actium en 31) et grâce au don de son royaume à Rome par
Attale III en 133, les Romains prennent pieds en Grèce, créent de nouvelles entités
administratives (provinces d’Achaïe et de Macédoine en 146, d’Asie en 129, de Syrie en 64,
d’Égypte en 30, etc.) et remplacent la tutelle jusqu’alors exercée par les royaumes sur les cités
grecques, mais ne changeront que très peu de chose à leur organisation.
L’une des constantes de la période demeure en effet la permanence des vieilles cités
grecques et la création, par Alexandre et ses successeurs, de très nombreuses poleis dans les
vastes espaces indigènes conquis. Dans tous ces territoires, la pensée grecque, le modèle de la
polis, sans compter la langue grecque deviennent la norme, de la côte d’Asie Mineure à Aï
Khanoun (Afghanistan), en passant par Alexandrie. Bien que la population reste indigène, ces
royaumes sont administrés par des Grecs selon des modèles culturels importés de la « mère
patrie ». Après la vague de colonisation archaïque, l’époque hellénistique est certainement
celle de la plus vaste extension de la civilisation grecque. Même l’arrivée des Romains ne
changera que très progressivement la donne, le grec restant la langue parlée et écrite dans la
plupart des cités orientales de l’Empire romain.
Dans ce contexte, de nouveaux centres culturels rivalisent et bien souvent surpassent les
anciens cœurs de la civilisation grecque. Athènes perd ainsi son hégémonie culturelle – après
avoir perdu son hégémonie politique – à la faveur d’Alexandrie et de Pergame. La première
accueille le Musée, institut de recherche pour les érudits de la cour lagide, et met à leur
disposition une Bibliothèque, qui met un point d’honneur à posséder des copies du plus grand
nombre d’écrits. C’est du reste à la cour attalide qu’est inventé le parchemin, qui révolutionne
le traditionnel archivage sur papyrus. Au niveau artistique, ces deux capitales, mais aussi un
centre comme Rhodes, sont des foyers importants de production statuaire et hébergent, sous le
patronage des rois (et non plus seulement des cités), des ateliers réputés à travers toute
l’Égée… et de plus en plus souvent jusqu’à Rome.
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