valeurs de la République. Une religion pourtant pratiquée et vécue de manière paisible, en
France, par l’immense majorité de ses fidèles. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir l’origine
fantasmatique d’un tel ressenti, entretenu précisément par ces dérives médiatiques que je viens
d’évoquer.
La limite a été franchie ces dernières semaines.
Robert Ménard et Christine Tasin, ignoble coup double
Le prologue s’est joué le 17 février, sur la chaîne de la TNT Numéro 23, lors d’un débat intitulé
"L'islam est-il soluble dans la République". Invité à commenter le sondage du "Monde", le
journalist e Robert Ménard, qui anime le site Boulevard Voltaire, a réfuté toute distinction
critique entre islam et islamisme. Au moins, les choses sont claires, c'est bien une religion en
tant que telle qui est visée… au nom de la laïcité, qui pourtant garantit la liberté de culte :
"C'est une religion dont [les Français] voient aujourd'hui qu'elle est agressive, dont ils voient
aujourd'hui qu'elle est conquérante, dont ils voient aujourd'hui que bon nombre d’acteurs sont
des gens qui leur font peur (…) oui, les gens en ont marre ! (…) c'est pas une religion
sympathique ! Je regrette, mais Mahomet, c'est pas un prophète sympathique ! Le Christ ,
quand il plaide pour l’amour, ça me parle plus qu’un type qui fait la guerre et qui à peu près, dans
la deuxième partie de sa vie, a tué bon nombre de gens (…) cet islam, il vient nous bouf fer
notre oxygène !"
Simple dérapage verbal, excusable par l’ambiance un peu "chaude" de certains plateaux télé ?
Quelques jours plus tard est paru un article sur Boulevard Voltaire, précis, réfléchi, validé par la
direction du site. Un véritable programme, pour les années à venir, qui fait froid dans le dos :
"Que faire des musulmans une fois le Coran Interdit ?" Oui, interdire le Coran. Après tout, si
c'est notre oxygène qui est en jeu…
Mais Christine Tasin, l’auteure de cet article, ne s’en tient pas là. Car elle rêve de la France
comme d’un pays "où disparaîtra toute visibilité de l’islam, le voile, le kami, l’abat tage rituel, les
boucheries halal, les prénoms musulmans, les mosquées…". Les musulmans n’auront d’autre
choix, dit-elle, que de se soumettre, ou de partir. L’article est d’ailleurs illustré d’un panneau vert
et blanc, une flèche et un mot, indiquant… la sortie.
Et si les musulmans ne se soumettent pas ? Pas de faiblesse ! "Il faudra faire savoir que
l’armée, dépêchée à chaque menace, n’hésitera pas à tirer dans le tas. C’est terrible, mais il n’y
aura pas d’autre solution pour calmer le jeu et imposer notre loi". Oui, "tirer dans le tas", vous
avez bien lu.
Madame la Ministre, vous ne pouvez pas rester inactive
Cet article hallucinant, qui dépasse tout ce que l’on pouvait imaginer en matière d’incitation à la
discrimination, à la haine raciale et religieuse, circule depuis deux mois sur les réseaux sociaux
[1]. Il n’a cependant fait l’objet d’aucune polémique, d’aucune protestat ion off icielle, d’aucune
action des associations antiracistes, auxquelles je l’ai pourtant signalé.
Madame la Ministre, il serait impensable, face à une infraction aussi haineuse et caractérisée
que vous demeuriez inactive, et que vous ne donniez pas pour instruction immédiate à vos
services d’engager des poursuites cont re l’auteur de cet article et les responsables du site qui
l’a publié. Si un cas aussi grave n’est pas sanctionné aujourd'hui, lequel pourra l’être demain ?
Charles Péguy disait qu’il est pire qu’une âme perverse. C'est une âme habituée.
[1] Il a notamment fait l’objet d’un article sur le blog d’Alain Gresh, qui s’est précisément étonné
de l’absence totale de réactions médiatiques : http://blog.mondediplo.net/2013-04-16-Tirer-
dans-le-t as-De-l-avenir-des-musulmans-en