CAS CLINIQUE
Figure 4.
Condyle interne
du fémur piégé
par la capsule.
Figure 5.
Réinsertion
du ligament
collatéral interne
après réduction
de la luxation.
Figure 6.
Radiographies
du genou de face
et de profil après
la réduction. La Lettre du Rhumatologue • N° 361 - avril 2010 | 35
Les suites opératoires sont simples, avec un nouveau “testing”
ligamentaire réalisé au 15e jour (juste avant l’ablation des fils)
qui ne montre pas d’anomalie. L’attelle plâtrée est retirée à la
4e semaine, puis le patient commence la rééducation. Au 4e mois,
il est très satisfait et a un genou indolore, parfaitement stable,
avec une légère limitation de la flexion (0-135°).
Discussion
Les luxations du genou sont des lésions post-traumatiques excep-
tionnelles dont l’incidence varie de 0,001 % à 0,004 % selon
Hoover (1, 2). Leurs étiologies sont dominées par les accidents
de la voie publique et les traumatismes violents à haute énergie.
Classiquement, au XIXe siècle, ces luxations du genou étaient
classées par Malgaine, en fonction du déplacement de l’extrémité
supérieure du tibia, en 4 variétés : antérieure, postérieure, latérale
et médiale, mais Conwell et Alldredge (3) puis Kennedy (4) ont
ajouté une 5e variété, qu’ils nomment “luxation rotatoire”. Cepen-
dant, la réalité n’est pas aussi schématique, car le déplacement du
tibia se fait souvent dans les 2 plans, frontal et sagittal, la variété
antérieure restant la plus fréquente selon Green et Allen (5).
La gravité immédiate de ces luxations est liée à la survenue de
complications vasculaires par élongation, contusion (intima) ou
rupture. Leur taux est de l’ordre de 32 % pour Green (5). Elles
imposent un examen vasculaire systématique du membre en
pré- et en post-réduction, avec une artériographie au moindre
doute (6). Les complications nerveuses, en particulier l’atteinte
du nerf sciatique poplité externe par étirement, sont en relation
directe avec l’importance du déplacement. Ces lésions nerveuses
néces sitent une surveillance clinique, avec une analyse de la
progression du signe de Tinel pendant les 3 premiers mois, délai
au terme duquel une exploration chirurgicale avec éventuelle
greffe nerveuse est légitime en cas de non-amélioration (2).
Les lésions ligamentaires sont constantes, mais leur topo graphie
est variable et dépend du type de luxation. On peut avoir une
atteinte isolée du ligament croisé antérieur (7), du ligament croisé
postérieur (8), ou de 1 ou des 2 haubans latéraux (9). Le plus
souvent, plusieurs ligaments sont atteints en même temps. Un
bilan lésionnel doit être réalisé systématiquement sous anesthésie
générale après réduction (10, 11) et éventuellement complété par
des radiographies dynamiques (12, 13). Des complications osseuses
ou ostéochondrales et des lésions de l’appareil extenseur doivent
aussi être recherchées systématiquement.
L’irréductibilité dans les luxations latérales conduit systémati-
quement à une réduction chirurgicale. Elle est liée à l’incarcé-
ration du ligament collatéral médial (désinséré ou déchiré) dans
l’interligne articulaire (14, 15) ou, comme chez notre patient,
à l’incarcération du condyle fémoral interne dans une brèche
capsulaire “buttonholled” (16). Ces incarcérations peuvent être
suspectées dès l’inspection du genou si une dépression cutanée
en regard de l’interligne médial est constatée, faisant craindre
alors l’irréductibilité.
dans une brèche de la capsule articulaire (figure 4). Après un
lavage abondant, la capsule est remise en place par une spatule,
ce qui facilite la réduction. Puis la réinsertion du ligament latéral
interne est effectuée par des points transosseux à l’aide d’un fil
résorbable, après avoir perforé l’os avec une mèche au niveau de
son insertion (figure 5).
Le “testing” ligamentaire peropératoire, comprenant le test de
Lachman à 20°, la recherche des tiroirs antérieur et postérieur
à 90°, la recherche de laxité latérale externe et la recherche de
ressaut, se révèle normal.
L’intervention se termine par la mise en place d’un drain de Redon
aspiratif avec une attelle postérieure d’immobilisation. Les radio-
graphies postopératoires confirment la réduction (figure 6).