
sion ou la diminution des facultés cognitives seront recherchés.
Une évaluation des causes potentielles, de la comorbidité et,
plus globalement, de la qualité de vie, sera entreprise.
La fatigue peut aussi être mesurée directement par le malade
(autoquestionnaire) au moyen d’échelles comme l’échelle de cota-
tion verbale (de “pas du tout” à “énormément”), l’échelle visuelle
analogique, ou l’échelle numérique (de 0 à 4). Ces moyens sont
considérés comme simples, rapides, reproductibles et fiables.
Dans le cadre d’évaluations plus poussées de la fatigue ou de
la qualité de vie, des questionnaires plus spécifiques ont été
élaborés. Les principaux sont le FAQ (Fatigue assessment
questionnaire) ou le MFI (Multidimensional fatigue inventory)
ou le PFS (Piper fatigue scale). Il existe des questionnaires
plus généraux d’évaluation de la qualité de vie comportant des
items sur la fatigue. Citons l’EORTC QLQ-C30, le Core qua-
lity of life scale, ou le FACT-G (Functionnal assessment of
cancer therapy scale). Le choix d’une échelle plutôt qu’une
autre dépend du type de l’étude.
TTRRAAIITTEEMMEENNTT
Un diagnostic étiologique sera avant tout entrepris, à la
recherche d’une cause organique, psychique ou mixte.
Toute cause organique décelée sera traitée : renforcement du
traitement antalgique, correction des troubles métaboliques,
modification des médicaments en cas de fatigue iatrogène,
apports nutritionnels adaptés, prescrits par un nutritionniste en
cas de malnutrition. La prise en charge de l’anémie mérite une
attention particulière. Une approche classique est la transfusion
de culots globulaires si le taux d’hémoglobine plasmatique est
inférieur à 8 g/dl, sauf en cas de pathologie cardiaque ou pulmo-
naire sous-jacente (taux d’hémoglobine plasmatique inférieur à
9 g/dl). Le traitement par injection sous-cutanée d’EPO semble
être prometteur : l’EPO améliore les indices de qualité de vie de
façon reproductible, indépendamment de la réponse tumorale, et
elle diminue le nombre de transfusions nécessaires. Elle
n’engendre pas d’effets secondaires (11). En pratique, l’EPO
doit être débutée quand le taux d’hémoglobine plasmatique est
inférieur à 10 g/dl. L’hémoglobinémie cible doit se situer entre
11,5 à 12 g/dl. Le délai de réponse est de cinq semaines. Il est
conseillé de commencer le traitement à la posologie de 150
UI/kg 3 fois par semaine, et d’augmenter jusqu’à 300 UI/kg en
fonction de l’hémoglobinémie. Avec ce protocole, on observe
une remontée de l’hémoglobinémie dans 60 % des cas, une
faible érythropoïétinémie avant traitement étant un facteur de
bon pronostic de réponse (12). Cependant, les indications et la
durée optimale de prescription d’EPO restent encore à préciser.
Si une origine psychologique est suspectée, on s’aidera si pos-
sible de l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre, afin de
juger du bien-fondé d’un traitement médicamenteux hypno-
tique, anxiolytique, voire antidépresseur.
Si aucune cause n’est trouvée, un traitement symptomatique
peut être mis en œuvre. Des mesures non médicamenteuses
peuvent apporter une amélioration : exercices physiques pro-
gressifs adaptés à chaque malade, modifications des habitudes
de repos et d’activité, thérapeutiques cognitives (réduction du
stress, méthodes de relaxation), hygiène du sommeil (heures
d’endormissement et de réveil fixes, “rituels du sommeil”). Des
traitements médicamenteux ont été proposés : psychostimulants
(méthylphénidate ou dextroamphétamine), corticostéroïdes à
faible dose (dexaméthasone et prednisone), inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine et amantadine. Aucun de ces traite-
ments n’a, pour l’instant, été évalué dans le cadre d’essais cli-
niques contrôlés, et leur activité n’est pas confirmée.
CCOONNCCLLUUSSIIOONN
La fatigue se trouve un peu dans la situation de la douleur au
début des années 80 : symptôme fréquent retentissant de façon
importante sur la qualité de vie, de physiopathologie obscure,
d’étiologie variée, avec un arsenal thérapeutique limité et mal
codifié. L’intérêt qu’elle suscite chez les cancérologues semble
augmenter ces dernières années. Une recherche réalisée dans la
base de données Medline avec les mots “fatigue et cancer”
retrouve 248 références, alors qu’il n’en existait que 72 dix ans
plus tôt. Les études publiées sont surtout descriptives, présen-
tant la fatigue liée au cancer, mais aussi celle en cours de trai-
tement ou quelque temps après. De nouveaux instruments de
mesure de la fatigue intégrant ses composantes multifacto-
rielles se développent. La connaissance des mécanismes
physiopathologiques de la fatigue reste très limitée. Les publi-
cations qui étudient les traitements de la fatigue restent rares. Il
y a donc un besoin urgent de programme de recherche dans
tous ces domaines. ■
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MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 2 - mars/avril 2001