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1. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LES PROBLEMATIQUES DE L'EAU
Dominique Lorrain. Quand on regarde la problématique de l’eau à la  fin des années  1990
(Marrakech, 1997) le thème des pauvres était dominant : 1,1 milliard d’habitants de la planète
n’ont  pas  accès  à  l’eau  potable  et  2,6  milliards  n’ont  pas  d'assainissement.  Le  jugement
s'énonçait alors en termes de justice sociale. Ce qui frappe est de voir émerger, depuis trois-
quatre ans, une autre thématique, celle du réchauffement climatique. L’argument est différent :
ce n’est plus seulement un problème de justice sociale, c’est un problème mondial. Si  nous
continuons comme cela nous allons connaître des bouleversements considérables avec une série
d’effets en cascade qui vont rétroagir sur la société, le gouvernement des villes et les équilibres
politiques : des inondations, des sécheresses, des populations déplacées en grande masse. Par
rapport à cela que peut-on dire sur l’état de ces questions et sur la réalité de ces menaces ?
Ensuite  une  autre  question  :  alors  que  sur  beaucoup  de  choses  on  a  raisonné  globalement,
comment peut-on passer de la vision planétaire à son positionnement régional ou local ?
Ghislain de Marsily : Je ne suis pas climatologue, donc ce que je vais vous dire, c’est ce que
j’en ai compris auprès des collègues qui s’y intéressent. Nous avons actuellement à l’Académie
des Sciences un nouveau groupe de travail intitulé : « Démographie, climat,  et  alimentation
mondiale ». Il fait suite au groupe sur « Les eaux continentales, 2006 ». En deux mots, sur la
réalité  des  changements  climatiques, les  climatologues  entre  eux  sont  absolument  unanimes
pour dire qu’il y a quelque chose qui se passe : on le voit, on le constate et les modèles le
prédisent. Les prédictions sont faites à partir de modélisations qui sont malheureusement d’une
faible précision, si bien que les climatologues sont satisfaits quand au niveau des pluies (je parle
des pluies car les prévisions d’évolution des températures sont plus fiables), les 15-20 modèles
mondiaux  utilisés  par  le  Groupe  d’experts  intergouvernemental  sur  l’évolution  du  climat
(GIEC) créé en 1988 donnent le même signe de variation au même endroit. Par exemple, si on
regarde les cartes pour la zone méditerranéenne, ces latitudes-là sont des zones qui devraient
souffrir, avec des diminutions des précipitations. Tous les modèles le montrent à peu près mais
de manière peu précise, les amplitudes conduisant à être extrêmement prudent. Ils disent : oui,
c’est  probable.  Est-ce que  ça  va  être  10,  15  ou  20  %  en  moins ?  en  fait  on  ne  le  sait  pas
vraiment. Si on leur demande : « dans combien d’années serez-vous en mesure non seulement
de donner des signes mais aussi des amplitudes ? » ils disent dix, quinze ans. Par conséquent, ce
n’est pas un problème qu’on va résoudre demain. C’est quand même compliqué et difficile à
résoudre. Aujourd’hui, on est ainsi obligé de prendre des décisions malgré l’absence de résultats
fermes et définitifs.
Par exemple, si on regarde un diagramme avec une distribution des pluies en fréquence,
la courbe représente la précipitation mondiale enregistrée, entre le pôle nord,  le pôle sud  et