fatigue et cancer

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FATIGUE ET CANCER
Jeudi 28 Novembre 2013
Marie-Agnès BY
Cas clinique n°1
Mme G. 40 ans
Secrétaire administrative
Mariée, 2 enfants âgés de 12 et 8 ans
Pas d’intoxication alcoolo tabagique
Très sportive: gymnastique, natation….
52 kg pour 1m65
OMS=0
Autopalpation d’un nodule du sein droit
mammo-echo: opacité spiculée du quadrant supéro externe de
34X25mm
microbiopsie: carcinome canalaire infiltrant de grade 2, RE 2/6,
RP 6/6, HER211/4/10: tumorectomie + curage axillaire
RCP: chimiothérapie adjuvante puis radiothérapie puis
hormonothérapie
A reçu 6 cycles de chimiothérapie: 3 FEC 100 et 3 taxotère
plutôt bonne tolérance du traitement:
- pas de toxicité hématologique
- légère toxicité digestive: nausées gérées par trt
symptomatique quelques douleurs abdominales
- alopécie complète
- asthénie surtout en fin de traitement à partir de la 4ème
cure
- a arrêté son activité professionnelle pendant le
traitement mais pratiquait régulièrement du sport
Consultation 1 an après la fin de la radiothérapie:
- a repris son travail à mi-temps
- décrit des troubles de l’attention, distractibilité…
- poursuit son activité sportive
Définition
asthénie: sensation subjective de fatigue anormale, sans cause
immédiate ( absence d’effort ou effort minime) non améliorée
par le repos et cliniquement significative.
physique: asthénie prédominant le soir ou en fin d’aprèsmidi
psychique: asthénie prédominant le matin et souvent
accompagnée de symptômes de la lignée psychopathologique
« Je ne me souviens pas d’avoir été
épuisé après une longue journée de
travail »
« Parfois, j’avais un coup de pompe
après le repas mais cela ne durait pas »
Epidémiologie
Fréquence de la fatigue:
80% des patients atteints de cancer
60 à 100% expérimentent une fatigue au cours de leur
prise en charge, dont 50% dès le début de la prise en
charge
80% rapportent une fatigue persistante à distance du
traitement. 17 à 38% décrivent une fatigue sévère après la
fin du traitement
Un DEPISTAGE systématique de la fatigue en cancérologie
est nécessaire, même en l’absence de plainte
Physiopathologie
Très complexe, et non élucidée
Apparition d’un hypercatabolisme musculaire et d’un
hypoanabolisme
Inflammation chronique: augmentation du taux de
cytokines ( TNF, IL-1, IL-2 et IL-6)
Perturbation du nycthémère et du rythme du sommeil
(rôle de l’EGFR, taux de cortisol et de sérotonine)
Perturbation des différents contrôles de l’axe
hypothalamo-hypophysaire
Décrire sa fatigue pour une meilleure prise en
charge
Peu de plaintes de la part des patients
Apprendre à reconnaitre les symptômes de la fatigue pour
adapter son mode de vie
Pas d’outil de mesure standard
Différents questionnaires:
échelle de fatigue révisée de Piper 1998
questionnaire de l’INCA
questionnaire FACT-F
EVA de la fatigue
Echelle de fatigue révisée de Piper (1998)
Quatre dimensions:
la dimension comportementale/sévérité: (mesure
l’intensité de la fatigue et son impact sur les activités
physiques et sociales) 6 items
la dimension affective: (mesure le ressenti du patient
concernant sa fatigue) 5 items
la dimension sensorielle: ( mesure les caractéristiques et
nature de la fatigue éprouvée par le patient) 5 items
la dimension cognitive/humeur: ( mesure l’impact de la
fatigue sur la cognition et l’humeur) 6 items
Diagnostic, évaluation de la fatigue
Le malade se plaint de fatigue
Oui
Interrogatoire, examen clinique
- facteurs aggravants ( douleur,
dyspnée, nausée…)
- éléments d’orientation
- évaluation de la fatigue
Fatigue importante
avec retentissement
sur la vie quotidienne:
- faire un bilan
Non
Rechercher une fatigue, car
absence fréquente de plainte
spontanée
Fatigue peu invalidante:
- surveillance
- réévaluation à la
prochaine Cs
Prise en charge: cancer en rémission
Bilan:
interrogatoire, examen clinique
éliminer une rechute
bilan de 1ère intention: NFS, iono, albumine, calcémie,
glycémie
bilan 2ème intention: Mg2+, TSH, cortisol, vitamine D, CPK,
bilan hépatique, radio pulm, écho abdomino-pelvienne….
Causes de la fatigue: maladie considérée en
rémission
Eliminer une rechute
Sd de déconditionnement physique ou désadaptation à
l’effort
Séquelles ou complications des traitements
Autres:
• asthénie d’origine psychique
• asthénie d’origine infectieuse
• asthénie neurologique
• asthénie hématologique
• asthénie d’origine digestive
• asthénie d’origine toxique, iatrogène
TRAITEMENT SPECIFIQUE DE LA CAUSE
Cas clinique n°2
Mr P. 70 ans,
retraité, ancien instituteur
marié, vit avec son épouse âgée de 72 ans
maison à la campagne avec extérieurs
pas d’aide au domicile
75 kg pour 1m72
Diagnostic en 2010 d’un adénocarcinome de la prostate avec
métastases osseuses devant des lombalgies
- traitement antalgique
- biphosphonates
- hormonothérapie
2012: progression osseuse et apparition de métastases
ganglionnaires
Mise en place d’une chimiothérapie par taxotère (1 cycle
toutes les 3 semaines)
Cycle n°5 de taxotère le 4/4/12:
bonne tolérance des traitements
douleurs stables sous oxycontin 20mg*2/j, oxynorm 5mg
si besoin, lyrica 50mg*2/j
appétit bon, poids stable
fatigue: ne peut plus faire son jardin, sieste tous les jours
de 1 à 2 heures
Prise en charge: cancer évolutif en cours de
trt
Bilan à adapter en fonction de l’état du patient:
interrogatoire, examen clinique
examens de 1ère intention: NFS, iono, Ca2+, albumine,
glycémie
examens de 2ème intention: selon le contexte: RP, echo,
TDM, bilan biologique (TSH, vit D, bilan hépatique…)
Causes de fatigue: cancer évolutif en cours de
trt
le cancer
• anémie
• infection
• syndrome paranéoplasique endocrinien ou métabolique
• dénutrition
dépression
traitements
• traitements spécifiques: chimiothérapie, radiothérapie,
chirurgie, thérapie ciblée, hormonothérapie….
• traitements symptomatiques: antalgiques, psychotropes,
gabapentine….
comorbidités
• insuffisance d’organe (cardiaque, respiratoire…),
diabète
douleur chronique
Dénutrition et cancer
Réduction des apports et de la disponibilité des nutriments
• trouble de la déglutition
• douleurs au cours de l’alimentation: mycose…
• anorexie:
- dépression ou anxiété
- tr de l’odorat, ou du goût
• complications des traitements:
- nausées, vomissements
- mucite
- xérostomie
- troubles du transit
Perturbations métaboliques liées à l’interaction hôte/tumeur
• fonte des réserves musculaires et lipidiques
• catabolisme protéique accru
• synthèse hépatique des protéines inflammatoires au dépens
des protéines de l’anabolisme
Prise en charge symptomatique de la fatigue
Rassurer les patients
Ne pas conseiller le repos ou la sieste: un repos trop
important dans la journée peut perturber le sommeil
nocturne
Favoriser des siestes courtes
Poursuite de l’activité professionnelle +/- :
permet de garder un équilibre
permet de ne pas toujours penser à la maladie
possibilité d’adaptation du temps et du poste de travail
rôle du médecin du travail
Favoriser les techniques d’économie d’énergie
Hiérarchiser les objectifs journaliers
Garder l’énergie pour ce qui tient à cœur
Déléguer certaines tâches
Répartir les tâches ménagères sur la semaine
Aménager des pauses dans la journée
Organiser la garde des enfants
Aide à domicile
Intérêt des relations avec les organismes sociaux
Organiser des séjours de répit
L’hospitalisation à domicile
Réhabilitation physique +++
Diminution de 30% du niveau de fatigue quelque soit le
stade de la maladie
Planifier une activité physique dès le début de la prise en
charge
Préconisation d’au moins 30 min, 2 à 5 fois par semaine
Activité physique
Tout mouvement corporel qui produit une augmentation
marquée de la dépense énergétique par rapport à la dépense de
repos.
Ne se réduit pas à la pratique sportive mais inclut les activités
de la vie quotidienne: tâches domestiques, travail, transport,
loisirs…
Activité physique adaptée
Moyen qui permet la mise en mouvement de personnes qui en
raison de leur état physique, mental ou social ne peuvent
pratiquer une activité physique dans les conditions habituelles
Rôle des médecins:
information sur l’intérêt de l’activité physique
encourager sa pratique
dépister les facteurs limitants nécessitant des
investigations complémentaires ou une adaptation spécifique
de l’activité physique (APA):
affection cardiovasculaire ou respiratoire
localisations osseuses, musculaires ou articulaires
troubles neurologiques avec risque de chute
troubles biologiques à risque infectieux ou
hémorragique
plaies
cachexie sévère
=> CERTIFICAT MEDICAL D’APTITUDE
Prise en compte
Du patient: ses craintes (douleur, blessure, fatigue), ses
capacités physiques, ses préférences en matière d’exercice,
son état psychologique, ses attentes
De la maladie: stade, traitement, pronostic
De l’environnement: humain (proches, soignants…) et
technique
=> Accompagner la personne pour qu’elle trouve « son » APA,
« sa » façon de la pratiquer, qu’elle s’inscrive dans ses habitudes
de vie et dans son projet de soins.
Prise en charge nutritionnelle
Evaluation nutritionnelle:
• Clinique: interrogatoire (mode de vie, conditions sociales,
habitus…)
• Poids/taille
• Variation de poids et vitesse d’amaigrissement
• Enquête alimentaire: évaluation de la prise alimentaire
• Biologie: albumine et pré-albumine
Détermination des besoins énergétiques:
• Augmentation de 50% des dépenses chez un patient
atteint d’un cancer
• Besoins énergétiques de bases: 25-35 kcal/kg/jour (70%
glucides, 30% lipides)
Stratégies de prise en charge nutritionnelle
Différentes possibilités:
• pas de dénutrition: surveillance alimentaire
• dénutrition modérée: intervention diet (supplémentations
maison, compléments nutritionnels oraux +/- nutrition
artificielle)
• dénutrition sévère: discussion d’une nutrition artificielle
Dans tous les cas:
• privilégier la voie orale
• réévaluation fréquente
• assurer une bonne hydratation
RESPECTER LE PATIENT, SON CONFORT, SES
DESIRS
Approche médicamenteuse
traitement d’une anémie, hypothyroïdie
traitement de la douleur
pas d’intérêt des corticoïdes, progestatifs, L Carnitine pas
rapport à un placebo
intérêt potentiel du Guarana
intérêt non confirmé des amphétamines, du Ginseng
inclusion dans des protocoles
Anémie et fatigue
Etiologies multiples:
• traitements spécifiques du cancer
• carence martiale
• inflammation chronique
• causes périphériques: hémorragie, hémolyse, insuffisance
rénale
• causes médullaires: infiltration tumorale, myélodysplasie
Prise en charge
• supplémentation vitaminique
• EPO
• transfusions de concentrés globulaires
Approche psychologique
favoriser la verbalisation
rechercher des symptômes de dépression
intervention du psychologue si impact sévère sur la vie
quotidienne, la qualité de vie
se sentir mieux dans son corps (socio-esthétique, kiné,
activité physique…)
Conclusion
symptôme très fréquent en oncologie
peu évoqué ou abordé
impact important sur la qualité de vie
peu de ressource médicamenteuse
Prise en charge globale
Intérêt de l’information des patients, soignants et de
l’entourage
MERCI DE VOTRE ATTENTION
Références
•Velthuis MJ, Agasi-Idenburg SC, Aufdemkampe G, Wittink HM. The effect of physical exercise on
cancer-related fatigue during cancer treatment: a meta-analysis of randomised controlled trials.
Clin Oncol (R Coll Radiol)2010; 22(3):208-21.
•Schmitz KH, Courneya KS, Matthews C, et al. American College of Sports Medicine roundtable
on exercise guidelines for cancer survivors. Med Sci Sports Exerc 2010; 42(7):1409-26.
•Cramp F, Daniel J. Exercise for the management of cancer-related fatigue in adults. Cochrane
Database Syst Rev 2008(2):CD006145.
•Mustian KM, Sprod LK, Palesh OG, et al. Exercise for the management of side effects and
quality of life among cancer survivors. Curr Sports Med Rep 2009;8(6):325-30.
•National Comprehensive Cancer Network (NCCN). Cancer-related fatigue (2010).
http://www.nccn.org/professionals/physician_gls/f_guidelines.asp (septembre 2010)
•Minton O, Richardson A, Sharpe M, Hotopf M, Stone
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