HATE
Un projet de Laetitia Dosch
Création 2018
Production : Viande Hachée des Grisons &
Viande Hachée du Caire
COMMANDE À L’AUTEUR
C'est une commande d’un texte dans le cadre d‘un duo avec un
cheval. Ce n‘est pas un dialogue, mais deux monologues, celui
de la femme, puis le monologue final du cheval.
Le premier fait un peu plus d'une quarantaine de minutes, et
pourra être adressé autant au public qu’au cheval, qu'à soi-
même.
Le deuxième est d’environ 15 minutes, et sera clairement
adressé au public par le cheval, cheval qui aura le corps
inanimé de la femme sur son dos.
Le monologue de la femme devra exprimer des sentiments
honteux, secrets, comme à un journal, mais de manière
poétique ; ce sera un témoignage intime qui mettra en lumière
ce qu’il y a de pire en soi, d‘immoral.
Il y sera question de la bestialité de la nature humaine, de
sa violence, envers soi et envers les autres, de la douleur.
Ce sera un texte nocturne sur la possession et la dépossession
à plusieurs échelles, que ce soit dans la cruauté des rapports
amoureux que dans les rituels d’humiliation qui sont imposés
par le simple fait d’être femme ou employée, la destruction
et l’autodestruction de l’homme engendrées par notre système
à travers la compétition, la course à la consommation et à la
productivité, la destruction de la nature, bref, il parlera
de cette pulsion qui pousse l'homme à dominer ce qui
l’entoure, jusqu‘à l'écrasement.
Mais il ne s‘agit pas ici de donner des leçons, il est plus
question d'introspection, de fouiller dans son expérience,
dans sa douleur, sa propre cruauté, pour y partager la
connaissance intime qu’on en a. Ce monologue sera écrit à la
première personne du singulier.
Pour la forme, il faudra trouver un style qui ait quelque
chose de bestial, en reprenant des formes de la culture pop,
soit, selon les moments :
- un phrasé s’apparentant au Rap, des litanies rythmiques
proches d’Eminem ou de Kanye West, qui pourront être
interprétées au rythme du triple galop du cheval.
- une écriture parfois très imagée, onirique et douce dans sa
forme, avec l’usage de métaphores ou d’images bibliques par
exemple, qui contrasterait avec la virulence du fond, comme
on peut les trouver dans certains textes de Rodrigo Garcia ou
Angélica Liddell.
- la recherche d‘une forme de stand up qui soit proche de
celle de Louis CK, dans le sens le comique chez lui touche
à la fois à un endroit monstrueux et existentiel, en passant
par des exemples intimes.
Ce sont toutes trois des formes qui permettent de transformer
une violence réelle en violence poétique et de la transcender.
Il faut trouver un style d'expression qui nous donne à voir
en ce personnage féminin un monstre, par la violence de son
humour, de sa douleur, de sa lucidité, et de sa poésie
langées. Un personnage qui est toujours trop, ou trop
distant, ou trop impliqué, qui a quelque chose d‘animal,
d’hors limites et de glaçant.
L‘écriture se fera en grande partie avant les répétitions,
mais sera évolutive jusqu’à la première, en fonction du
matériel physique trouvé avec le cheval.
Le monologue du cheval sera adressé au public, il sera une
sorte de numéro de stand up du point de vue du cheval, il
parlera de l’homme, de l'humain.
Par point de vue du cheval, je veux dire l’animal mais aussi
ce qu’il représente : la nature, le temps… C’est le porte-
parole de quelque chose de plus grand que nous. Comme la Terre
nous survivra, le cheval nous survit, et il a un humour
ravageur.
LETTRE DE MOTIVATION
L'envie de ce spectacle est née de deux idées :
La première est venue en travaillant sur Les Corvidés avec
Jonathan Capdevielle pour les Sujets à Vif à Avignon, j’ai
développé une écriture plus intime et secrète, à la première
personne du singulier. Dans mes précédents spectacles, il
était question de personnages, mon point de vue était caché
derrière eux, comme sous-jacent et j’ai ressenti l’envie de
mettre ce point de vue au premier plan, comme dans un journal
et d’en faire une sorte de chant.
En faisant ça, philosophiquement parlant, j’ai été étonnée
que cette noirceur fasse rire le public, mais surtout qu’elle
me paraisse infinie, sans espoir, sans limite, se ramifiant
en sujets très différents, traduisant une conception très
noire de la vie, qui n'est pas tout à fait la mienne.
Je cherchais une forme qui puisse contrebalancer, et amener
un certain espoir.
Quelques mois plus tard, en tournant dans un western aux
Etats-Unis, j’ai été amené à travailler avec un cheval. Tout
à coup, tout faisait sens : la beauté de l’animal, sa
complexité de comportement, le calme et l’attention
nécessaires pour entrer en relation avec lui abolissaient la
noirceur et me ramenaient vers quelque chose d’essentiel.
J’ai donc eu envie de faire ce duo avec un cheval, afin
d’opposer ces deux forces, la noirceur de la pensée d'une
sorte de monologue intérieur qui se questionnerait sur soi et
sur l'époque, avec la profondeur et la richesse de la relation
qui se construirait avec l'animal.
En parallèle d'un texte qui parle avec virulence de domination
ou d'asservissement, je voudrais construire un rapport
d'égalité avec lui. Je ne serai que rarement sur son dos ;
plutôt à pied, dans des relations chorégraphiques qui
traduiraient une complicité, comme si nous avions créé ce
spectacle à deux, ou que nous étions deux images d'une même
entité.
Je serai tantôt proche du bestial par la nature du texte aussi
bien dans son fond que dans sa forme, par l'attitude physique,
travaillant parfois sur la gestuelle de la guenon, tantôt lui
pourra être dans des sentiments humains parfois rassurants,
parfois inquiétants.
Le texte sera parfois appuyé par le comportement du cheval.
Travailler avec cet animal, c'est aussi se servir de l'univers
métaphorique qu'il véhicule dans nos imaginaires : un cheval
qui traverse la piste au galop peut représenter la course du
temps, un cheval qui rue représente la sauvagerie, il peut
aussi incarner l'être aimé selon le texte et le rapport
chorégraphique qu'on établit avec lui.
Il y a donc deux dimensions dans ce spectacle, l'une onirique
de l'ordre de l'espace mental qui permet de placer la crudité
du texte dans un espace non réaliste, qui a à voir avec
l’enfance et puis il y a la dimension plus concrète du jeu,
de deux partenaires faisant un spectacle ensemble, d'un
présent. Il peut y avoir de faux accidents, ou des moments de
complicité qui interromperont le spectacle.
Je commence à travailler avec l'équipe hippique de Shanju à
Lausanne, qui cherche de nouvelles manières de "dresser" les
chevaux.
Le texte par contre sera écrit indépendamment de ce processus,
c'est une plongée dans mes peurs et le regard assez noir que
je porte sur ce qui m'entoure.
Les répétitions pourtant feront surement naître de nouveaux
désirs dans l'écriture, modifiant sans doute le texte.
Laetitia Dosch
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