Etude des phénomènes à l`origine du vieillissement des aciers pour

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N°ordre 2001ISAL0072
Année 2001
THESE
Présentée
DEVANT L’INSTITUT DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON
Pour obtenir
LE GRADE DE DOCTEUR
FORMATION DOCTORALE : Génie des matériaux
ECOLE DOCTORALE : Matériaux de Lyon
Par
Nicolas LAVAIRE
(Ingénieur de l’Institut des Sciences et Techniques de Grenoble)
Etude des phénomènes à l'origine du vieillissement des aciers
pour emballage à "Ultra Bas Carbone" (ULC):
Apport du Pouvoir Thermo-Electrique à la caractérisation des
états microstructuraux.
Soutenue le 20 décembre 2001
Jury Mmme
André Pineau
Rapporteur
Pierre Auger
Rapporteur
Jean Luc Christen
Véronique Sardoy
François Gobin
Roger Fougères
Véronique Merlin
Directeur de thèse
THESE de Doctorat
Etude des phénomènes à l'origine du vieillissement des
aciers pour emballage à "Ultra Bas Carbone" (ULC):
Apport du Pouvoir Thermo-Electrique à la caractérisation des états
microstructuraux.
Nicolas LAVAIRE
SOMMAIRE
Abréviations utilisées
INTRODUCTION
I. GENERALITES
I.A.
Les aciers plats au carbone pour emboutissage
12
18
18
I.A.1. Introduction
18
I.A.2. La fabrication des aciers plats au carbone
19
I.B.
Les aciers pour emballages
21
I.B.1. Généralités
21
I.B.2. Recuit et relaminage des APE ULC
21
I.B.3. propriétés mécaniques et rhéologiques des APE
22
I.C.
Etats du carbone et de l’azote dans les aciers extra-doux
I.C.1. Systèmes Fe-C et Fe-N
24
I.C.1.a) diagrammes d’équilibre
24
I.C.1.b) Les carbures de fer
26
I.C.1.c) les nitrures de fer
27
I.C.2. Aciers extra-doux
I.D.
24
29
I.C.2.a) Nitrure d’aluminium: AlN
29
I.C.2.b) Interactions substitutionnel-interstitiel
29
I.C.2.c) Les atmosphères de Cottrell
30
I.C.2.d) Ordre ou atmosphères de Snoek
31
I.C.2.e) Ségrégation aux joints de grains
32
Déformation dans un acier bas carbone
33
I.D.1. Génération de nouvelles dislocations : Sources de dislocations
33
I.D.2. Sous-structure de dislocations
33
I.D.3. Densité de dislocations
34
II.
LE VIEILLISSEMENT DANS LES ACIERS BAS CARBONE
36
II.A.
Introduction
36
II.B.
Le vieillissement après trempe
38
II.C.
Le vieillissement après écrouissage
41
II.C.1.
Généralités et définition
41
II.C.1.a) Signature du vieillissement après écrouissage
41
II.C.1.b) Le Bake Hardening
42
II.C.1.c) L’Aging Index
42
II.C.2.
Théorie du vieillissement après écrouissage
43
II.C.3.
Mécanismes du vieillissement après écrouissage
45
II.C.4.
Effet de la température – Equivalences temps-température
49
II.C.5.
Effet de la quantité d’interstitiels sur le vieillissement
50
II.C.6.
Effet de la déformation
52
II.C.6.a) Taux de déformation
52
II.C.6.b) Mode de déformation
52
II.C.6.c) Effet d’un vieillissement entre 2 déformations
54
II.C.7.
II.D.
Influence de la taille de grains
Discussion
III. TECHNIQUES EXPERIMENTALES
54
55
58
III.A. Le frottement interne (FI): mesure du pic de Snoek et dosage du carbone et de l’azote
en solution dans des aciers extra-doux
58
III.A.1.
Généralités
58
III.A.2.
Aspects théoriques
59
III.A.2.a) Relaxation de Snoek
59
III.A.2.b) Cinétique de la relaxation:
60
III.A.2.c) Intensité de la relaxation
61
III.A.2.d) Forme du spectre de FI
62
III.A.3.
Cas des systèmes Fe-C, Fe-N et Fe-M-C-N
63
III.A.3.a) ∆H et Tm du carbone et de l’azote dans le fer alpha
63
III.A.3.b) Dosage par mesure du frottement interne
64
III.A.3.c) Influence de la composition chimique
64
III.A.4.
Mesure du frottement interne
III.A.4.a) Appareil de mesure : pendule de torsion, mesure du décrément logarithmique
71
71
III.A.5.
Préparation des échantillons
73
III.A.6.
Correction en fréquence des spectres
73
III.B. Le Pouvoir ThermoElectrique (PTE)
73
III.B.1.
Effets thermoélectriques
73
III.B.1.a) L’effet Peltier
74
III.B.1.b) L’effet Thomson
74
III.B.1.c) L’effet Seebeck
75
III.B.1.d) Le PTE absolu des métaux purs
76
III.B.2.
La mesure du PTE
77
III.B.3.
Le PTE du fer pur et des aciers peu alliés
78
III.B.3.a) Le PTE du fer pur
78
III.B.3.b) Influence des solutés : règle de Gorter et Nordheim
79
III.B.3.c) Effet des dislocations
82
III.B.3.d) Effet des précipités
82
III.B.3.e) Effets d’autres défauts
83
III.B.3.f) Conclusion et nomenclature
83
III.C. La microscopie électronique à transmission et l’analyse chimique
III.C.1.
85
préparation des échantillons
85
III.C.1.a) lames minces
85
III.C.1.b) répliques directes
86
III.C.2.
Microscopie
86
III.C.3.
Microanalyse (EDS)
87
III.D. Les traitements thermiques
87
III.D.1.
préparation des échantillons
87
III.D.2.
traitements isothermes
87
III.D.2.a) en bains
87
III.D.2.b) fours
88
III.E. Les essais mécaniques
89
III.E.1.
dureté Vickers (Hv)
89
III.E.2.
essais de traction
89
III.F. Aciers étudiés
90
III.F.1.
Détails de fabrication et de préparation
90
III.F.2.
Compositions chimiques et coefficients PTE
93
IV. MISE AU POINT D’UNE METHODE DE DOSAGE DES ATOMES
INTERSTITIELS ACTIFS VIS A VIS DU VIEILLISSEMENT
94
IV.A. Dosage par frottement interne
IV.A.1.
Introduction
IV.A.2.
Influence de la texture et de la composition sur la relation [C] = KC.
94
94
max
94
IV.A.2.a) Aciers étudiés et traitements thermiques
94
IV.A.2.b) Effet de la texture sur KC
95
IV.A.2.c) Effet du manganèse sur le coefficient KC
97
IV.A.2.d) Discussion
101
IV.A.2.e) Conclusion
102
IV.A.3.
Cas du système Fe-Mn-C-N
102
IV.A.3.a) Procédure expérimentale
102
IV.A.3.b) Résultats et discussion - déconvolution métallurgique
103
IV.A.3.c) Déconvolution "mathématique"
105
IV.A.3.d) Conclusion
106
IV.B. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage par mesure du PTE :
Proposition d'une méthode de dosage de C et N libres
107
IV.B.1.
Introduction
107
IV.B.2.
Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage d’un acier ULC brut de recuit
108
IV.B.2.a) Variation du PTE d'un acier ULC avec la déformation - corrélation avec la dureté
108
IV.B.2.b) Evolution du PTE pendant le vieillissement après écrouissage d'un acier ULC et sa
signification
110
IV.B.2.c) Discussion en vue du dosage
IV.B.3.
112
Validation des critères pour le dosage des atomes interstitiels libres par PTE
IV.B.3.a) Effet de l’écrouissage sur la cinétique de vieillissement
IV.B.3.b) Relation entre la quantité d’interstitiel qui ségrègent et
113
113
Sa,max
IV.B.3.c) Conclusion
IV.C. Dosage du carbone et/ou de l’azote libre par PTE après écrouissage
115
117
118
IV.C.1.
protocole expérimental
118
IV.C.2.
Capacité du dosage
119
IV.C.3.
Séparation du carbone et de l’azote
121
IV.C.4.
Comparaison avec le dosage par frottement interne
122
IV.C.4.a) Cas du carbone
122
IV.C.4.b) Cas de l’azote
124
IV.C.5.
Discussion
125
IV.C.6.
Origine des atomes de carbone libre « invisibles »
126
IV.C.6.a) Dissolution d’amas ou de précipités cohérents du fait de l’écrouissage
126
IV.C.6.b) Remise en solution d’atomes de carbone initialement piégés sur des dislocations ou
aux joints de grains
126
IV.C.6.c) Interaction avec des éléments substitutionnels
130
IV.C.6.d) Conclusion
132
IV.C.7.
Discussion sur l’apport de l ‘utilisation de la mesure du PTE et du dosage par PTE pour
l’étude du vieillissement
IV.C.8.
Conclusion
132
133
V.PRECIPITATION DANS LES ACIERS ULC - DESCRIPTION DE L’ETAT BRUT
DE RECUIT : BILAN DES INTERSTITIELS ACTIFS VIS A VIS DU
VIEILLISSEMENT APRES ECROUISSAGE
136
V.A.
Introduction
136
V.B.
L'état brut de recuit
137
V.B.1.
Prélèvements et conservation
137
V.B.2.
Effet d’un traitement de remise en solution suivi d’une hypertrempe
137
V.B.3.
Conclusion
138
V.C.
Précipitation après hypertrempe dans les aciers ULC au cours d’un revenu isotherme
effectué entre 20 et 270 °C
138
V.C.1.
Introduction
138
V.C.2.
Effet des carbures de fer sur le PTE de l’acier
139
V.C.3.
Protocole expérimental
139
V.C.4.
Résultats expérimentaux
140
V.C.5.
Ségrégation aux joints de grains
143
V.C.5.a) Modèle
143
V.C.5.b) Quantité de carbone ségrégé aux joints de grains
143
V.C.5.c) Effet de la taille de grains
145
V.C.5.d) Effet de la ségrégation du carbone aux joints de grains sur les caractéristiques
mécaniques en traction
V.C.5.e) Analyse d’un joint de grains en sonde atomique tomographique (SAT)
146
148
V.C.6.
Précipitation du carbone dans les aciers ULC
150
V.C.7.
Ebauche d’un diagramme TTP après remise en solution totale du carbone
153
V.D.
Dosage par PTE du carbone et de l’azote libres dans les aciers ULC
155
V.D.1.
Introduction
155
V.D.2.
Détermination de l’état [C]*
155
V.D.2.a) Rappel
155
V.D.2.b) Carbone libre en équilibre à 270 °C, quantité [C]*
156
V.D.2.c) Conséquences pour le dosage et l’étude du vieillissement
159
V.D.3.
V.E.
Application au dosage du carbone et de l’azote dans nos nuances d'aciers ULC
160
Bilan des interstitiels actifs vis à vis du vieillissement dans un acier ULC : Etat de
l’acier ULC brut de recuit
VI. VIEILLISSEMENT APRES ECROUISSAGE D’ACIERS ULC
162
166
VI.A. Introduction
166
VI.B. Cinétiques de ségrégation des interstitiels libres sur les dislocations
167
VI.B.1.
Introduction
167
VI.B.2.
Effet de la quantité initiale d’interstitiels libres
167
VI.B.3.
Cinétiques de vieillissement du carbone et de l’azote
168
VI.B.4.
Effet du taux de déformation sur la cinétique de ségrégation des interstitiels
171
VI.C. Quantité d’interstitiels ségrégés
174
VI.C.1.
Densité des atmosphères de Cottrell
174
VI.C.2.
Détermination directe par PTE des quantités de C et N ségrégés
175
VI.C.3.
Modèle énergétique
178
VI.C.4.
Conclusion
182
VI.D. Effet du vieillissement sur les propriétés mécaniques
183
VI.D.1.
Remarques préliminaires concernant la mesure de dureté
183
VI.D.2.
Evolution de la dureté au cours de l’écrouissage
184
VI.D.3.
Evolution de la dureté au cours du vieillissement
185
VI.D.4.
Effet de la quantité d’interstitiels libres sur la variation de dureté observée au terme du
vieillissement
187
VI.D.4.a) Résultats bruts
187
VI.D.4.b) Hva,max au regard de [C + N]ségrégé
188
VI.D.4.c) Influence de la déformation sur l’efficacité des interstitiels
190
VI.D.5.
Conclusion
VI.E. Effet de l’ancrage des dislocations par les interstitiels
191
192
VI.E.1.
Introduction
192
VI.E.2.
Durcissement par solution solide du carbone et de l’azote
193
VI.E.2.a) Eléments bibliographiques
193
VI.E.2.b) Effets du carbone en solution solide sur la dureté Vickers
193
VI.E.2.c) Effet de l’azote sur la résistance mécanique
195
VI.E.3.
Durcissement lié à l’ancrage des dislocations
VI.F. Comportement à la déformation d’aciers vieillis
195
198
VI.F.1.
Introduction
198
VI.F.2.
Déformation d’un état vieilli après écrouissage
199
VI.F.2.a) Préparation des échantillons
199
VI.F.2.b) Comportement à la redéformation
200
VI.F.3.
Diagramme PTE-dureté
202
VI.F.3.a) Schéma en 1 passe
202
VI.F.3.b) Schéma en 2 passes
203
VI.F.4.
Interprétation du diagramme PTE-dureté
205
VI.F.4.a) définitions
205
VI.F.4.b) Schéma en 1 passe
206
VI.F.4.c) Schéma en 2 passes
207
VI.F.4.d) Consolidation déduite de l’analyse PTE-Hv
211
VI.F.4.e) Désancrage des dislocations – Remise en solution des interstitiels
212
VI.F.5.
Conditions de dissolutions de précipités lors de la déformation
213
VI.F.6.
Aspect pratique de la double réduction en 2 passes
215
VI.G. Conséquences du vieillissement d’aciers ULC sur les caractéristiques de traction218
VI.G.1. Comparaison Hv – Rm
219
VI.G.2. Evolution des caractéristiques de traction au cours du vieillissement
219
CONCUSION GENERALE
Références bibliographiques
ANNEXES
220
Abréviations utilisées
BH
Bake Hardening
AI
Aging Index
IF
Interstitial Free Steel
ULC
Ultra Low Carbon (acier Ultra Bas Carbone)
FI
Frottement Interne
PTE
Pouvoir ThermoElectrique
DR
Double Réduction
SP
Skin Pass
δ
décrément logarithmique, mesure du frottement interne
ρ
résistivité électrique
Ki
coefficient d’influence de l’élément i sur le pic de Snoek (i = C ou N)
Pi
coefficient d’influence du soluté i sur le PTE (i = C ou N)
p
paramètre de maille du fer
Λ
densité de dislocations
εeq
déformation équivalente
φ
taille de grain
Di
coefficient de diffusion de l’élément i dans le fer alpha
k
constante de Boltzmann
R
constante des gaz parfaits
b
vecteur de Bürgers
S*
pouvoir thermoélectrique absolu
S
pouvoir thermoélectrique par rapport au fer pur
∆S
pouvoir thermoélectrique par rapport à une référence donnée
S{X}
pouvoir thermoélectrique par rapport au fer pur d’un acier à l’état X
∆SX
variation de PTE de l’acier entre un état initial et un état X
Hv
dureté Vickers
Hv{X}
dureté Vickers d’un acier à l’état X
∆HvX
variation de dureté de l’acier entre un état initial et un état X
X=
a
état vieilli
a, max
état vieilli totalement (fin de ségrégation des interstitiels)
p
état précipité
ε
état écroui
bRC
état brut de recuit continu
Rm
charge à rupture
ReL
limite d’élasticité basse
ReH
limite d’élasticité haute (crochet de traction)
Ag%
allongement réparti
A%
allongement à rupture
[C]libre
fraction massique de carbone libre (idem pour N ou C+N)
[C]total
fraction massique de carbone total (idem pour N ou C+N)
[C]ségrégé
fraction massique de carbone ségrégé (idem pour N ou C+N)
INTRODUCTION
Les aciers pour emballage (APE) représentent pour les aciéristes une part importante du
marché des produits plats. Les exigences spécifiques des fabricants et utilisateurs
d’emballages (faibles épaisseurs, résistance mécanique, fortes cadences de production,
formes de plus en plus complexes...) conduisent les aciéristes à développer de nouvelles
nuances d'aciers aux caractéristiques optimisées et garanties afin de répondre aux
impératifs industriels et commerciaux.
Traditionnellement les nuances utilisées dans le domaine de l'emballage étaient des
aciers calmés à l'aluminium contenant de l'ordre de 50.10-3 % de carbone. Parmi les
nouvelles nuances développées au cours de ces dernières années, notamment pour les
applications boites boissons et boites alimentaires en 2 pièces, les aciers "ultra bas carbone"
dégazés sous vide (ULC pour Ultra Low Carbon) occupent une place importante.
Les particularités des ULC résultent du contrôle strict de leur composition chimique et de
leurs teneurs en carbone inférieures à 6.10-3 %. Cela permet d'optimiser et de garantir leurs
propriétés mécaniques pour leur mise en forme par emboutissage, et en outre leur passage
par la filière de recuit continu est facilité puisque le traitement de "survieillissement",
indispensable pour limiter les phénomènes de vieillissement avec et sans écrouissage des
nuances traditionnelles, n'est plus nécessaire.
En effet un comportement commun à la plupart des nuances d'aciers pour emboutissage
tient dans les phénomènes de vieillissement susceptibles de se produire durant le stockage
avant mise en forme des produits, phénomènes se traduisant essentiellement par une
augmentation de la résistance mécanique associée à une perte de ductilité et par la
réapparition de déformations hétérogènes lors de la mise en forme ultérieure conduisant à
des défauts d’aspect voir à une rupture par striction.
En l'absence de déformation préalable il peut se développer un vieillissement associé
essentiellement à des phénomènes de précipitation impliquant des éléments mobiles à la
température ambiante et donc ne pouvant concerner que la formation de carbures et/ou de
nitrures de fer dans des nuances contenant des teneurs en interstitiels libres relativement
élevées (> à 5 10-3 %).
Par contre après un écrouissage, ce qui est le cas de la plupart des tôles qui sont
relaminées à froid pour éliminer les déformations inhomogènes (Skin-Pass, SP) ou
augmenter les propriétés mécaniques (Double Réduction, DR), il peut aussi se produire un
vieillissement lié à l’ancrage des dislocations par les éléments interstitiels (carbone et/ou
azote) susceptibles de diffuser vers celles-ci.
Ce dernier phénomène très général occupe une grande place dans le développement et
le choix d’une métallurgie pour une application donnée. Il peut être préjudiciable à la mise en
forme finale (déformation inhomogène conduisant à des défauts de surface, aciers plus
difficiles à emboutir...), mais aussi se révéler utile afin d’améliorer la résistance de l’acier
après mise en forme (aciers à Bake Hardening dans l’industrie automobile par exemple)
Si les phénomènes de vieillissement ont beaucoup été étudiés dans les années 50-60 sur
des aciers bas carbone (« effervescents » ou « calmés aluminium »), les nouvelles
métallurgies utilisées ne permettent pas systématiquement d’extrapoler les résultats d’alors
au cas des aciers ULC. Ceci est vrai notamment en ce qui concerne la précipitation après
trempe des carbures et des nitrures étant données les faibles sursaturations dans les ULC,
ainsi que pour l’estimation de la quantité d’interstitiels (carbone et/ou azote) en solution
solide après recuit, paramètre important quant à l’amplitude de l’évolution des propriétés
mécaniques liée au vieillissement.
En ce qui concerne les données de la littérature, il apparaît des résultats très divergents
en ce qui concerne l'amplitude des effets observés et la quantité de carbone estimée en
solution solide, ce dosage étant réalisé principalement par des mesures de frottement
interne. Dans les aciers ULC, la présence simultanée de carbone et d’azote en solution
solide ne rend que plus délicate le dosage de ces deux éléments ainsi que l’étude du
vieillissement car on ignore l’existence d’éventuels effets de compétition ou de synergie sur
les mécanismes du vieillissement. Enfin, le comportement lors d'une déformation ultérieure
d’un acier déjà écroui et vieilli n’a été que très peu étudié, alors que c’est le chemin
thermomécanique habituel des aciers pour emballage qui peuvent être relaminés à froid de
quelques dizaines de % après recuit ("double réduction") avant d'être revêtus d'un verni
devant subir un traitement de cuisson avant la mise en forme du produit.
L’objectif de ce travail est de tenter d'apporter une réponse à ces questions à partir de
l’étude du vieillissement et de ces conséquences sur des aciers ULC industriels brut de
recuit continu. Pour ce faire, nous avons choisi de mener notre travail autour de deux
principales thématiques :
• Définir quel est l’état métallurgique d’un acier ULC après recuit continu ; plus
particulièrement en ce qui concerne les états du carbone et de l’azote, afin de déterminer
quelles fractions de ces atomes sont susceptibles de participer au vieillissement lors
d’étapes ultérieures. Les cycles de recuit continu étant difficiles à simuler et variant d’une
installation à une autre, nous avons choisi d’étudier la précipitation isotherme (T < 300°C)
à partir d’un état trempé. Par extrapolation, nous décrirons l’état microstructural après
recuit et serons capables de prévoir une éventuelle précipitation lors des traitements
thermiques ultérieurs.
• Le deuxième thème autour duquel s’articulent nos travaux concerne le vieillissement
après écrouissage à proprement parler. Il s’agira de définir les paramètres pertinents
permettant de prévoir et de contrôler le vieillissement afin d’en tirer le maximum de gain
en terme de propriétés mécaniques sur les aciers ULC avant mise en forme. Nous nous
intéresserons aux paramètres cinétiques (temps et température de vieillissement) ainsi
que métallurgiques (quantité d’interstitiels « libres », taux d’écrouissage...). L’effet d’une
déformation ultérieure au vieillissement initial sera également étudié.
Si diverses techniques expérimentales ont été utilisées pour ce travail (frottement interne,
examen micrographique, essais mécaniques...), la technique majeure est la mesure du
Pouvoir Thermoélectrique (PTE). Nous verrons dans quelle mesure cette technique s’est
révélée avantageuse par rapport au frottement interne pour la détermination de la quantité
d’interstitiels en solution solide, mais également pour décrire l’état d’écrouissage et/ou de
vieillissement des aciers étudiés.
Le mémoire se décompose en six chapitres.
Dans le chapitre 1, il s’agit de faire une revue bibliographique générale sur les aciers plats
bas carbone et sur les états du carbone et de l’azote dans ces aciers.
Le chapitre 2 est lui consacré à un résumé de la bibliographie existante sur le
vieillissement d’aciers bas carbone après trempe et après écrouissage.
Le chapitre 3 décrit les techniques expérimentales de traitements thermomécaniques et
de caractérisation. La mesure du frottement interne et celle du pouvoir thermoélectrique font
l’objet d’une revue bibliographique.
Dans le chapitre 4 sont montrées les limites du dosage des interstitiels en solution solide
par la mesure du frottement interne et la pertinence de l’utilisation du PTE pour ce dosage.
Une nouvelle méthode est proposée ce qui amène à reconsidérer la relation de
proportionnalité entre la quantité de carbone susceptible de ségréger sur les dislocations
(admise comme étant le carbone présent en solution solide) et le maximum du pic de Snoek.
Le chapitre 5 répond à la première thématique et est conclu par la description précise des
populations de carbone et d’azote rencontrées dans un acier ULC, de leur occurrence à l’état
recuit et de leur caractère actif ou non vis à vis du vieillissement après écrouissage.
Le chapitre 6 fait état des résultats acquis sur le vieillissement après écrouissage et
propose des interprétations. Ces résultats se distinguent nettement de ce qui est
généralement admis et font la démonstration de la pertinence de la mesure du Pouvoir
ThermoElectrique qui, associée à la caractérisation mécanique, permet d’appréhender de
manière originale les mécanismes du vieillissement et leurs conséquences lors de
déformations ultérieures.
Enfin, une conclusion générale est consacrée au bilan des résultats de la thèse et de
leurs interprétations. Des perspectives sont avancées pour la suite à donner à ces travaux.
18
I.
Généralités
I.A.
Les aciers plats au carbone pour emboutissage
I.A.1. Introduction
Les aciers plats se divisent en plusieurs catégories définies principalement par leurs
caractéristiques dimensionnelles (essentiellement l’épaisseur) conditionnées par l’utilisation
finale du produit. Ainsi, on peut distinguer les plaques (e > 10 mm) des tôles (e < 3 mm).
Cette dernière catégorie est amenée à être mis en forme par des procédés tels que
l’emboutissage (même si ce procédé n’est quelquefois qu’une étape intermédiaire dans le
processus de fabrication), procédé extrêmement répandu dans des secteurs d’activités
comme l’automobile, les biens électroménagers et l’emballage. L’emboutissage exige du
matériau une capacité à subir des déformations telles que les aciers concernés
appartiennent à la famille des aciers extra-doux (C < 0,1 %). Dans cette famille, on distingue
encore des sous familles identifiées par leur teneur en carbone :
• Aciers bas carbone (Low Carbon, LC) avec 0,02 % < C < 0,08 %
• Aciers très bas carbone (Extra Low Carbon, ELC) avec 0,006 %< C < 0,02 %
• Aciers ultra bas carbone (Ultra Low Carbon, ULC) avec 0,002 % < C < 0,006 %
• Aciers super ultra bas carbone (Super Ultra Low carbon, SULC) avec C < 0,002 %
Les métallurgistes ont l’habitude de désigner leurs produits par des qualités
correspondant à leurs propriétés (mécaniques, résistance à la corrosion...) qui permettent à
leurs clients de les identifier. Ces qualités sont obtenues à partir de métallurgies différentes
et en adaptant les conditions de fabrication. Ces métallurgies s’identifient souvent à partir
d’une des caractéristiques de leur composition chimique. On trouve par exemple :
• les aciers calmés à l’aluminium (Al killed), bas carbone, ULC …
• les aciers sans interstitiels au titane (IF-Ti)
19
• les aciers bas aluminium renitrurés
• …
Finalement, la qualité visée conditionne le type de métallurgie et la filière de fabrication
(recuit base ou continu …). Malgré tout, la fabrication d’aciers plats passe par différentes
étapes qui sont données dans la partie suivante.
I.A.2. La fabrication des aciers plats au carbone
Le process d’élaboration des aciers plats est schématisé sur la Figure I-1. On y retrouve
les différentes étapes principales :
Usine à chaud
• Métallurgie primaire : obtention de la fonte puis de l’acier
• Métallurgie
secondaire :
mise
à
nuance
(décarburation,
ajouts
d’éléments
métalliques...)
• Coulée continue : solidification du métal en brames (épaisseur d’environ 200 mm)
• Laminage à chaud : diminution de l’épaisseur (200 mm à quelques mm), contrôle de la
taille des grains et de la texture
• Bobinage à température + ou - élevée : contrôle de la précipitation du carbone (Fe3C),
de l’azote (AlN) ou autres (TiC …).
Usine à froid
• Laminage à froid : mise à l’épaisseur (quelques 10èmes de mm)
• Recuit base (en bobine) ou continu (au défilé) : recristallisation totale avec contrôle de
la taille, de la morphologie du grain et de la texture. Contrôle de la quantité d’interstitiel
en solution (précipitation du carbone par “ survieillissement ” en recuit continu)
• Skin Pass (SP) ou Double Réduction (DR) : laminage à froid de 1 à 2 % pour effacer le
palier de traction dans le cas du SP, ou de 5 à 50 % pour augmenter la résistance
mécanique dans le cas de la DR.
• Revêtement : dépôt d’une couche superficielle de protection contre la corrosion (Sn,
Cr, Zn…)
20
Figure I-1 : schéma d’une usine intégrée. Process d’élaboration de l’acier.
usine à chaud
usine à froid (Sollac Atlantique – Mardyck)
21
I.B.
Les aciers pour emballages
I.B.1. Généralités
La catégorie des Aciers Pour Emballages (APE) est celle des aciers utilisés pour le
conditionnement de produits alimentaires ou non. Elle comporte trois types de produits :
• le fer noir (acier non revétu)
• le fer blanc électrolytique (étamé)
• le fer chromé (Tin Free Steel, TFS)
Ces produits se déclinent en différentes qualités mais le sigle APE met l’accent sur
l’utilisation finale du matériau : l’emballage.
Ce qui distingue les APE des « tôles » utilisées dans l’industrie automobile sont leurs
caractéristiques dimensionnelles (épaisseurs inférieures à 0,3 mm), leurs propriétés
mécaniques et leur aptitude à répondre aux impératifs industriels et commerciaux (forte
cadence de production, formes complexes). Une application répandue des APE est la
réalisation de boites en 2 parties (le corps et le couvercle) dont les applications sont
essentiellement les boites boissons et certaines boites alimentaires. Si les procédés de mise
en forme sont complexes (boites embouties-réembouties, Draw and ReDraw: DRD, et
embouties-repassées, Drawing and Wall-Ironing: DWI) l’emboutissage est toujours utilisé.
La qualité de l’acier utilisé est différente qu’il s’agisse du corps ou du couvercle de la boite
et les aciers ULC constituent une famille qui satisfait bien au exigence de ce type
d'emballage.
I.B.2. Recuit et relaminage des APE ULC
Parce que la diminution de la quantité de carbone dans l'acier conduit à conférer une
bonne aptitude à l'emboutissabilité [HUT84a,b][USH94], les aciers ULC recuit en continu
sont utilisés pour des application APE. La faible concentration en carbone total conduit à
rendre inutile l'étape de survieillissement destinée à réduire la quantité de carbone en
solution dans les bas carbone pour les rendre moins susceptibles au vieillissement. L'acier
est donc recuit en continu à des températures d'environ 700 °C et refroidi rapidement
(quelques dizaines de degrés par seconde) avant d'être bobiné à une température inférieure
à 100 °C.
L'acier recuit est ensuite relaminé à froid, on parle de simple ou de double réduction (SR
ou DR). L'objectif de ce relaminage est de supprimer l'effet du vieillissement (SR déformation
22
d'environ 1 % semblable au skin pass) ou conférer à l'acier l'épaisseur visée et accroître ses
caractéristiques mécaniques (DR, relaminage jusqu'à des taux d'allongement de 5 à 40 %).
Après double réduction, les caractéristiques de traction sont une résistance mécanique
importante (de 400 à 700 MPa) et une ductilité faible (allongement à rupture de quelques %
voir moins). Malgré cela, l'acier présente encore une aptitude à l'emboutissage. Ce sont
effectivement d'autres propriétés rhéologiques qui conditionnent aussi cette aptitude.
I.B.3. propriétés mécaniques et rhéologiques des APE
Les propriétés mécaniques exigées pour des aciers emboutis sont parfois contradictoires.
Il faut en effet que la mise en forme soit la plus aisée possible, donc que le matériaux soit
ductile (limite élastique faible et allongement à la rupture élevé), et que la tenue mécanique
de l’objet final soit la plus élevée possible. Cette dernière exigence est en partie réalisée par
un traitement de vieillissement (lors de la cuisson des peintures, des vernis ou pendant
l’appertisation) détaillé dans le chapitre II. Mais il existe d’autres caractéristiques qui
définissent l’aptitude à l’emboutissage. Même s’il existe des essais dédiés à la mesure de
cette aptitude (essai Jovignot pour l’aptitude à la déformation par expansion, et essai Swift
pour l’aptitude à la déformation par rétreint), elle peut être déduite à partir d’essais de
traction. On en tire les caractéristiques suivantes :
L’allongement uniformément répartie εs ou Ag% qui caractérise la capacité d’allongement
du métal avant striction et par conséquent la capacité à l’expansion du métal. La striction
apparaît quand une augmentation de la déformation ne produit plus d’augmentation de la
charge supportée par l’éprouvette. En considérant que la déformation se fait à volume
constant, on peut écrire qu’à l’apparition de la striction1 :
dσ
= σ et qu’en ce point la déformation s’écrit εs
dε
( I-1)
Comme on décrit souvent la courbe de traction d’un acier extra-doux par une relation
d’Hollomon, σ = k.εn où n est le coefficient d’écrouissage, l’équation (I-1) donne alors :
n = εs
Dans la littérature, on retrouve souvent une confusion entre ces deux termes.
εs ou n sont des indicateurs de la ductilité de l’acier et l’aptitude à la déformation par
expansion est d’autant meilleure que n est élevé.
Le coefficient d’anisotropie de déformation r ou coefficient de Lankford représente
l’aptitude du matériau à résister à l’amincissement. Plus r est élevé, meilleure est l’aptitude
1
La contrainte et la déformation évoquées ici sont les valeurs vraies qui se déduisent des valeurs
conventionnelles σC et εC par les relations σ = σC.(1+εC) et ε = ln(1+εC)
23
au rétreint. Il se calcule en faisant le rapport entre la déformation en largeur et en épaisseur
pour une déformation en traction donnée.
r=
εw
εe
où εw est la déformation en largeur et εe la déformation en épaisseur. En pratique, la
mesure précise de εe est difficile sur des tôles minces. On utilise alors la loi de conservation
de volume qui donne εe = -εL - εw où εL est la déformation en longueur de l’éprouvette.
Du fait de la texture, le coefficient r, comme les autres caractéristiques, varie dans le plan
de la tôle. On détermine couramment 3 coefficients r pour des éprouvettes prélevées à 0°,
45° et 90° de la direction de laminage et on calcule le coefficient d’anisotropie moyen dit
“ normal ”
r=
r0 + 2.r45 + r90
4
et un coefficient dit “ d’anisotropie plane ” défini par
∆r =
r0 + r90 − 2.r45
2
qui mesure en principe la tendance d’une tôle à donner un embouti sans former de
cornes.
Le process de fabrication des aciers pour emboutissage doit optimiser ces
caractéristiques car c’est toute la « route métallurgique » qui définit les propriétés finales de
l’acier.
24
I.C.
Etats du carbone et de l’azote dans les aciers extra-doux
I.C.1. Systèmes Fe-C et Fe-N
I.C.1.a)
diagrammes d’équilibre
Les diagrammes d’équilibre de ces deux systèmes sont donnés sur la Figure I-2 et la
Figure I-3.
Figure I-2 : Diagramme de phase du système Fe-C
Figure I-3 : Diagramme de phase du système Fe-N
25
Etant données les concentrations en carbone et en azote dans les APE (C < 0,1 % et N <
0,05 %), nous ne nous intéressons qu’aux parties extrêmes gauches de ces diagrammes.
La phase alpha (ferrite) correspond à la structure cubique centrée du fer dans laquelle le
carbone et l’azote en solution solide occupent les sites interstitiels octaédriques de la maille.
Ces deux éléments occupent donc les mêmes sites mais très peu d’études ont été réalisées
sur des systèmes Fe-C-N et aucune ne met en évidence l’influence d’un élément sur la
solubilité de l’autre. Lorsque la solution solide est sursaturée (après trempe par exemple),
elle tend à se décomposer en une ferrite moins riche en carbone et/ou azote et en carbures
et/ou nitrures de fer.
température en °C
0,00
[C] en at. %
0,05
0,09
0,00
900
900
800
800
700
700
600
600
500
500
400
400
[BEN87]
[CHI72]
[DIJ49]
[STA49]
[DIC29]
300
200
100
0,00
0,01
[C] en poids %
(a)
0,02
[N] en at. %
0,20
[BOR85]
[THO55a]
[DIJ49]
[BOR50]
[AST54]
[PAR50]
300
200
100
0,00
0,40
0,05
[N] en poids %
0,10
(b)
Figure I-4 : Solubilité du carbone (a) et de l’azote (b) dans la ferrite tirée des mesures de la littérature
Des études expérimentales ont été entreprises depuis de nombreuses années afin de
connaître la solubilité du carbone, et de l’azote, aux températures basses et modérées. Il
s’agissait en général d’étudier la diminution de la quantité de carbone ou d’azote, en solution
solide, pendant la décomposition de la ferrite sursaturée en carbone ou en azote. Les
techniques de mesure les plus utilisées ont été le frottement interne [DIJ49][WER49],
l’analyse chimique [STA49], la résistivité électrique [DIC29] et le pouvoir thermoélectrique
26
[BEN85] [BOR93]. Les valeurs de solubilité sont assez dispersées d’un auteur à l’autre
(Figure I-4).
Les études concernants la précipitation à des températures inférieures à 400°C dans des
aciers extra-doux montrent que les solutions solides Fe-C et Fe-N se décomposent en
plusieurs stades. Ces stades correspondent à la précipitation de carbures ou nitrures de fer
de différentes natures et dont certains sont métastables. Ils sont répertoriés dans les parties
suivantes.
I.C.1.b)
Les carbures de fer
En fonction de la température de revenu, 4 différents types de carbures seraient
susceptibles de se développer dans la ferrite sursaturée en carbone.
La cémentite d’équilibre Fe3C
C’est la cémentite grossière qui se développe à haute température (T > 450°C) dans des
aciers suffisamment chargés en carbone. Elle se développe préférentiellement aux joints de
grains de ferrite (Figure I-5). Sa structure est orthorhombique et elle est incohérente.
La cémentite intragranulaire θ, Fe3C’ dite encore cémentite « dendritique »
De même composition que la précédente, elle s’en distingue par sa morphologie, son
caractère semi-cohérent et le domaine de température à laquelle elle peut apparaître (100
°C < T < 400°C). Elle se forme directement dans un domaine de température supérieure à
200°C mais on constate sont apparition même aux basses températures, T = 150°C
[WEL66], T = 125°C [RAY82], T = 43°C [WER49] au bout d’un temps de traitement long et
après ou simultanément à l’apparition de carbures ε [BUT66][BRA93].
Sa structure est orthorhombique. La croissance de Fe3C’ se fait dans le plan {110} suivant
la direction <111> [LES61b][BUT66], sous la forme de dendrites (Figure I-6). Les sites de
germination de Fe3C’ sont fonction de la température. A haute température, Fe3C’ croît sur
les dislocations (ou plutôt dans le champ de déformation de ces dernières) et on retrouve
des dendrites de Fe3C’ dans la matrice pour des températures de précipitation inférieures à
350 °C.
Le carbure ε
Le carbures ε est cohérent et métastable. Il apparaît pour des températures allant de
l’ambiante à 250°C. Ce carbure se développe pendant le recuit et le vieillissement des aciers
et n’est pas un stade intermédiaire nécessaire à la formation de la cémentite Fe3C’
[LAN68][GAW85] [ZHU96a]. La structure du carbure ε n’est pas décrite précisément. Il serait
isomorphe de Fe8N car comme ce dernier, il se développe sous la forme de disques
27
croissant dans les plans {100}α [LEI61] [BUT66][JAC73][BEN85,88] (Figure I-7). Hale et
McLean [HAL63] montrent que ces disques sont formés de lamelles parallèles à <100> dans
le plan {100}α.
Le carbure basse température (Low Temperature Carbide: LTC [ABE81])
Il se développe pour T < 80°C [ABE84a]. Ce carbure apparaît dans les aciers trempés.
Reprenant les travaux de Vyhnal et al. [VYN72], Abe fait l’hypothèse que les sites de
germination des LTC sont des paires lacune-carbone, les lacunes étant en sursaturation
dans un acier trempé. Il apparaît malgré tout que la densité mesurée de carbures ne soit pas
en accord avec celle de lacunes déduite de la température de trempe.
Le durcissement important des aciers dans lesquels se développe le LTC (chapitre II)
semble indiquer que les contraintes de cohérence avec la matrice sont beaucoup plus
importantes que dans le cas de carbures ε ou Fe3C.
Brahmi [BRA93] propose que les LTC sont en réalité de fins précipités de ε qui
développent de fortes contraintes de cohérence avec la matrice qui tendent à s’estomper
avec la croissance des précipités. En fait, Zhu et al. [ZHU96a] sembleraient montrer que les
cinétiques de précipitation et de redissolution des carbures basses températures confirment
l’existence de trois types de carbures indépendants dans le domaines 40-350°C.
I.C.1.c)
les nitrures de fer
Comme le montre le diagramme de phase (Figure I-3) la solubilité de l’azote dans la
ferrite est plus importante que celle du carbone. De la même manière que pour Fe-C, on
connaît assez mal la solubilité de N dans le domaine des basses températures dans les
alliages très dilués. Il semble que dans le fer α, l’azote en solution solide peut être en
équilibre avec deux nitrures.
Le nitrure γ’ Fe4N
Il est incohérent et présente la structure de l’austénite où les atomes d’azote occupent un
quart des sites octaédriques et seraient disposés de manière ordonnée de façon à minimiser
l’énergie de déformation et de répulsion mutuelle entre atomes d’azote. Ce nitrure n’apparaît
que pour les teneurs en azote relativement élevées.
Le nitrure métastable α’’ Fe8N
Il est métastable et cohérent. Il apparaît dans des solutions Fe-N sursaturées pour des
températures inférieures à 250°C [DIJ49][WER49] ou lors de la décomposition de la
martensite [JAC50][JAC73][TAN97]. Sa structure se présente sous la forme d’une
supermaille composée de 8 (2x2x2) mailles élémentaires cubiques centrées distordues. La
croissance de α’’ se fait sous la forme de disques parallèles aux plans {100}α [JAC73].
28
Les atomes de fer ont le même arrangement que dans le fer-α, aussi l’énergie d’activation
de germination de α’’ est moins importante que dans le cas du nitrure Fe4N.
Figure I-5 : Cémentite intergranulaire aux joints de grains (MEB).
Figure I-6 :Morphologie de la cémentite intra-granulaire θ
Figure I-7 : Carbure ε dans un acier bas carbone vieilli 28 heures à 100°C [BEN88]
(MET).
29
I.C.2. Aciers extra-doux
Dans les aciers extra-doux, la présence d’éléments d’alliage et de défauts amène à
considérer d’autres situations pour les atomes de carbone et d’azote que celles vues plus
haut dans le cas du fer pur.
I.C.2.a)
Nitrure d’aluminium: AlN
L’aluminium est un élément que l’on retrouve dans toute les métallurgies et dont la teneur
varie en fonction de son rôle dans l’acier (calmage de l’acier, contrôle de la texture en recuit
base). Par exemple, dans les aciers bas carbone, on élimine le vieillissement du à l’azote en
ajoutant suffisamment l’aluminium afin de précipiter l’azote sous la forme de nitrure
d’aluminium AlN.
Sous sa forme stable, l’AlN est hexagonal de structure wurtzite [JAC73]. A condition
d’avoir de l’aluminium en excès, la solubilité de l’azote en équilibre avec le nitrure
d’aluminium est très faible dans les aciers extra-doux [LES54]. La cinétique de précipitation
d’AlN dans la ferrite dépend bien entendu de la vitesse de diffusion de l’aluminium et c’est
pourquoi cette précipitation ne se manifeste qu’à des températures supérieures à 500 °C.
I.C.2.b)
Interactions substitutionnel-interstitiel
Des atomes en position de substitutionnels (Mn, Al, Ti, P …) sont toujours présents dans
un acier même faiblement allié. Qu’ils s’agissent d’éléments résiduels ou d’éléments d’alliage
(déterminant les propriétés et le comportement de l’acier), ils peuvent être considérés
comme des défauts, qui sont susceptibles d’interagir avec les atomes interstitiels. Cette
interaction est de nature chimique, électronique ou élastique et pourra conduire à la
modification du comportement des interstitiels impliqués. C’est le cas notamment en ce qui
concerne la précipitation de l’azote en présence de manganèse. Dans des systèmes Fe-MnN, il a été montré expérimentalement que la présence de Mn retarde la précipitation des
nitrures de fer [DAH75][LAN68]. Cet effet est interprété comme étant la conséquence d’une
forte interaction entre les atomes d’azote et les atomes de manganèse. Les atomes d’azote
concernés sont mobiles mais restent piégés autour des atomes ou des paires d’atomes de
manganèse. Cette interprétation est déduite de l’analyse du spectre de frottement interne de
l’azote en présence de manganèse (voir chapitre III).
De la même manière, l’existence de dipôles Mn-C à haute température est avancée par
de nombreux auteurs [ABE81, 84a][HUT84][SON89] et semble avoir une influence sur la
recristallisation de la ferrite. L’existence de ces dipôles est également envisagée pour
interpréter l’effet du manganèse sur l’amplitude du pic de frottement interne du carbone
[SON89]. La partie III.A fait état de certaines observations expérimentales dans des
systèmes Fe-Mn-C.
30
I.C.2.c)
Les atmosphères de Cottrell
Cottrell et Bilby [COT49] sont les premiers à proposer une explication sur le retour du
crochet élastique sur les courbes de traction des aciers. Ils établissent un modèle suivant
lequel les atomes interstitiels, pris comme étant des centres de dilatation et mobiles à basse
température, sont attirés vers les dislocations coin par une force motrice qui se déduit du
gain d’énergie élastique du système lorsqu’un atome interstitiel se place dans la zone
distordue d’une dislocation.
Les atomes interstitiels ainsi piégés par le champ de déformation des dislocations forment
les atmosphères de Cottrell.
Si dans leur modèle initial, Cottrell et Bilby décrivent l’atmosphère de Cottrell comme un
filet d’atomes interstitiels sous la dislocation (dans le demi-espace dilaté autour de la
dislocation avec une densité d’un atome par plan traversé par la dislocation) des modèles
théoriques ainsi que des observations expérimentales ont permis de mieux connaître la
distribution des atomes autour d’une dislocation.
En fait, Cottrell et Bilby ne prennent pas en considération le caractère non hydrostatique
de la déformation induite par un interstitiel en position octaédrique. Le défaut créé par la
présence d’un atome dans un site octaédrique est de symétrie tétragonale avec son axe
principal qui est parallèle à une direction de type [001] (voir § III.A). Cochardt et al
développent le calcul dans cette hypothèse [COC55]. La symétrie de la distribution des
atomes interstitiels autour d’une dislocation vis qu’ils déduisent de ce calcul (Figure I-8) est
la même que celle mise en évidence expérimentalement par Wilde à l’aide d’une sonde
atomique tridimensionnelle (OPOSAP) [WIL00].
Cochardt et al calculent l’énergie d’interaction maximale entre un interstitiel et une
dislocation. Ils trouvent 0,75 eV quel que soit le type de la dislocation (coin ou vis) [COC55].
De Hosson [HOS75] élabore un modèle atomistique pour calculer l’interaction entre atomes
de carbone et des dislocations coins ½<111>{110}. Il calcule une énergie d’interaction
maximale de 0,7 eV.
Des déterminations expérimentales de cette énergie de liaison donnent des valeurs moins
importantes, de l’ordre de 0,5 eV ([DIJ49] =>0,45 eV ; [THO55a] => 0,42 eV ; [KAM61] =>
0,5 eV) et c’est souvent cette valeur qui est prise dans l’étude du vieillissement.
L'aspect cinétique de la formation des atmosphères de Cottrell est abordé dans la partie
II.C.
31
Figure I-8 :Energie d'interaction entre un atome de carbone, repéré par la cellule unité en (a), et
une dislocation vis pour les trois type de sites octaédriques (b) [COC55].
Figure I-9 : Energie d'interaction entre un atome de carbone, repéré par la cellule unité en (a), et
une dislocation coin pour les trois type de sites octaédriques (b) [COC55].
I.C.2.d)
Ordre ou atmosphères de Snoek
Schoeck et Seeger [SCH59], partant de l’observation expérimentale que le niveau de la
contrainte du palier de déformation ReL est indépendant de la température dans un domaine
compris entre Tamb et 200°C, introduisent une notion de mise en ordre rapide des interstitiels
dans le champ de déformation d’une dislocation. Comme sous l’effet d’une contrainte
uniaxiale qui distord le réseau, les atomes interstitiels viendraient se loger préférentiellement
dans certains sites devenus plus favorables dans la zone déformée autour d’une dislocation.
Schoeck et Seeger calculent la dimension dans laquelle l’ordre de Snoek apparaît, elle
s’étendrait sur 20.b autour de la ligne de dislocation.
Cette mise en ordre des interstitiels se déroule sur un temps très court car elle ne fait pas
intervenir la diffusion longue distance mais un saut unique des atomes interstitiels dans un
32
site favorable proche voisin. Pendant ce phénomène, la concentration en interstitiel autour
de la dislocation reste constante.
Lorsqu’une dislocation se déplace dans le cristal, les atomes interstitiels présents dans la
zone déformée autour de la dislocation vont se mettre en ordre et diminuer l’énergie du
système. La conséquence en est l’existence d’une force de freinage (force de frottement) qui
s’oppose au mouvement de la dislocation [ROS75].
Aux températures d’usage, la formation des atmosphères de Snoek est très rapide (de
l’ordre de la seconde) et peu durcissante. C’est surtout la formation des atmosphères de
Cottrell où la précipitation en fines particules dispersées qui provoque le vieillissement.
I.C.2.e)
Ségrégation aux joints de grains
Il s’agit en réalité d’un phénomène d’adsorption de soluté par une interface (ici les joints
de grains) mais les métallurgistes utilisent le terme de ségrégation.
La ségrégation du carbone dans les joints de grains a été montrée par de nombreux
auteurs [BAI71][AVI83][SUZ83]. Il semble que la quantité de carbone pouvant ségréger aux
joints de grains est fonction de leur nature (orientation, composition...) mais on peut
néanmoins dégager un comportement moyen :
• La quantité de carbone qui ségrége aux joints de grains augmente avec la quantité de
carbone en solution, toutes choses étant égales par ailleurs [SUZ83][AVI83].
• L’énergie d’interaction entre un atome de carbone et un joint de grains est de l’ordre de
0,5 eV [BAI71].
• D’après certains auteurs, la ségrégation du carbone aux joints de grains est
responsable de l’apparition du crochet de traction et du palier de Lüders liés au
blocage des sources de dislocations aux joints de grains [RUS61] [BAI71][SAK94].
• La ségrégation du carbone provoque la “ déségrégation ” du phosphore sans qu’il y ait
un phénomène de compétition entre ces deux éléments [SUZ83]. L’augmentation de la
température de transition fragile-ductile pour les aciers bas carbone trempés à des
température inférieures à 500°C est une preuve indirecte de la ségrégation du
carbone. Il s’agit effectivement d’un domaine de température à partir duquel le
phosphore (éléments fragilisant) “ déségrége ” des joints de grains à cause de la
ségrégation du carbone. Cependant, le mécanisme de déségrégation n’est pas
clairement établi, mais un phénomène de compétition ne semble pas convenir à
justifier les observations expérimentales.
En ce qui concerne l’azote, aucune étude ne montre la ségrégation de cet élément aux
joints de grains dans le fer alpha lorsqu’il est en faible concentration dans l’acier ( < 0,010
%). Les aciers étudiés par certains auteurs cités plus haut contiennent de l’azote et malgré
tout, ces auteurs ne détectent pas trace de cet élément dans les joints de grains.
33
I.D.
Déformation dans un acier bas carbone
La déformation dans un polycristal de fer se manifeste différemment que dans le cas d’un
monocristal et cela en terme d’évolution de la microstructure et du caractère parabolique de
la courbe de traction quelle que soit la température de l’essai. La présence d’obstacles aux
mouvements des dislocations (joints de grains, précipités, solutés) va influencer le
comportement plastique ainsi que la microstructure de déformation. Nous nous contentons
ici de décrire l’évolution de cette dernière pendant la déformation et ses conséquences sur
les propriétés mécaniques.
I.D.1. Génération de nouvelles dislocations : Sources de dislocations
Dans les métaux cubiques centrés, les sources de dislocations qui sont activées à
température ambiante sont principalement des sources de Frank et Read [FRA50]. Une
forme modifiée de ce mécanisme s’applique aux parties vis, c’est le mécanisme de Koelher
[KOE52]. Il se manifeste quand une dislocation vis passe dans un plan parallèle au plan de
glissement initial par un mécanisme de cross slip. Les 2 segments coins de la dislocation
deviennent alors des points d’ancrage à partir desquels un mécanisme de type Franck et
Read peut se manifester.
I.D.2. Sous-structure de dislocations
D’une manière générale, et à mesure que la déformation augmente, l’organisation des
dislocations dans les grains passe d’une répartition homogène avec l’apparition de quelques
enchevêtrements (jusqu'à 3-5% de déformation à température ambiante), à une répartition
inhomogène sous la forme de cellules de dislocations délimitées par des parois constituées
d’enchevêtrements denses de dislocations (sous joints). Le cœur des cellules de
dislocations sont des zones ou la densité de dislocations est faible (Figure I-10). Une
diminution de la température de déformation ou une augmentation de la vitesse de
déformation
conduisent
à
une
répartition
plus
homogène
des
dislocations
[LES61a,b][RAU97].
La sous-structure de dislocations est également très dépendante du mode de sollicitation.
En traction uniaxiale, les cellules de dislocations se développent sous une forme allongée
avec des parois parallèles à la direction de traction. Cette microstructure est caractéristique
de l’activation d’un seul système de glissement et c’est une structure similaire que l’on
retrouve en laminage. En expansion uniaxiale (emboutissage d’un flan circulaire par un
poinçon à fond plat), la structure est constituée de cellules quasi-équiaxes, conséquence de
glissements multiples [SCH86].
34
Dans des conditions industrielles, l’acier est soumis à une succession de modes de
déformation différents. Dans des conditions similaires, il a été montré que le changement de
mode de déformation donne lieu au développement de la microstructure de dislocations
caractéristique du dernier chargement au détriment de la microstructure formée lors des
déformations ultérieures [SCH86][RAU97].
I.D.3. Densité de dislocations
En fait, quelle que soit la sous-structure développée, il semble que ce soit principalement
la densité de dislocations qui détermine les caractéristiques mécaniques telle que la
contrainte d’écoulement [KEH64][LAN92a,b][RAU97].
La densité de dislocations augmente plus ou moins avec la déformation et dépend de la
composition chimique, de la présence ou non de précipités, de l’orientation cristallographique
[KEH63] et de la taille des grains [CON61]. On distingue en général les dislocations à
l’intérieur des cellules et celles dans les parois des cellules. On note respectivement leur
densité ρi et ρw. Ces deux quantités ne varient pas proportionnellement (Figure I-10 et Figure
I-11). ρi tend vers une valeur limite pour ε > 0,1 alors que ρw ne cesse d’augmenter à mesure
que la taille des cellules diminue (apparition de nouvelles parois dans les cellules) et que les
parois se densifient. Enfin, la taille des cellules se stabilise et les nouvelles dislocations
générées n’interagissent plus avec d’autres dislocations de l’intérieur des cellules mais
viennent directement s’enchevêtrer dans les parois.
35
Figure I-10 : Variation relative des densités de dislocations à l’intérieur des cellules, ρi, et
dans les parois, ρw, en fonction du taux de déformation du fer pur [LAN92b].
Figure I-11 : Variation relative des densités de dislocations à l’intérieur des cellules, ρi, et
dans les parois, ρw, en fonction de la densité totale de dislocations dans le fer
pur [LAN92b].
36
II.
Le vieillissement dans les aciers bas carbone
II.A.
Introduction
Le vieillissement des aciers extra-doux (bas carbone, ULC …) se traduit par la modification
des propriétés mécaniques au cours du temps, à des températures où la microstructure
devrait être stable et par conséquent ne pas intervenir dans l’évolution de ces propriétés. Le
vieillissement est en fait associé à la diffusion des atomes interstitiels comme le carbone et
l’azote qui sont encore très mobiles aux basses températures et qui peuvent donc migrer
vers les dislocations ou se regrouper pour former des petits précipités.
On distingue deux types de vieillissement dans les aciers à matrice ferritique, le
vieillissement après trempe (quench ageing) et le vieillissement après écrouissage (strain
ageing). Le premier est attribué principalement au blocage des sources de dislocations par
les interstitiels et à la précipitation des atomes d’interstitiels sous la forme de particules, alors
que le second est considéré résulter de l’ancrage des dislocations introduites à l’écrouissage
par les atomes interstitiels qui ségrègent autour d’elles (formation des atmosphères de
Cottrell), et éventuellement d’une deuxième étape plus hypothétique consistant à la
formation de particules qui germeraient sur les dislocations, si la quantité d’interstitiels en
solution est suffisante.
Les modifications des propriétés mécaniques au cours du vieillissement sont
principalement un durcissement de l’acier, le développement du palier de traction dit palier
de Lüders, une diminution de sa ductilité ainsi que l’augmentation de la température de
transition fragile/ductile. Les conséquences de ces évolutions peuvent être préjudiciables car
elles dégradent son aptitude à la mise en forme (emboutissage …). Ainsi la réapparition du
crochet de traction et du palier de déformation inhomogène conduit à la formation de
vermiculures (striction localisée), voire à une rupture lors d’emboutissage profond. C’est
pourquoi par exemple on pratique une légère déformation par laminage (le skin pass) après
37
le recuit d’aciers pour tôles automobiles afin d’effacer le palier de traction et éviter ce type de
défaut.
Par contre dans certain cas, le durcissement dû au vieillissement peut être souhaité. On
cherchera alors à le contrôler en le faisant apparaître après mise en forme de l’acier pour
augmenter les performances de la pièce à l’usage. C’est par exemple le cas des aciers dit à
Bake Hardening (BH), qui présentent un gain de limité d’élasticité d’environ 40-50 MPa lors
de la cuisson des peintures après mise en forme. Ce durcissement secondaire conduit à une
amélioration de la résistance à l’indentation des pièces de carrosserie automobile (Figure
Figure II-1 : profondeur de la marque résiduelle suite à l’indentation d’une tôle emboutie en
fonction de la déformation plane de l’embouti. L’acier est testé juste après
l’emboutissage, après 3 ou 7 jours à une température comprise entre 30 et 40 °C et
après la simulation d’un traitement de cuisson des peintures de 20 minutes à 170 °C
[KUR88].
Figure II-2 : relation entre la pression de non retour (Non Reversal Pressure, pression interne audelà de laquelle l’emballage présente une déformation irréversible) et le gain de limite
d'élasticité après vieillissement (mesuré par un test du type BH) d’acier pour emballage
[BRA96].
II-1). La dualité entre les 2 exigences, aciers non vieillissants à l’ambiante, avant mise en
forme, et vieillissants à la cuisson des peintures a conduit les sidérurgistes à développer des
38
métallurgies et des procédés de fabrications spécifiques qui ont fait l’objet de nombreux
travaux.
Les performances des aciers pour emballage peuvent aussi bénéficier du vieillissement
lors de la cuisson des vernis après mise en forme. Après vieillissement on constate ainsi une
augmentation de la résistance à la pression interne (Figure II-2) ainsi qu’au convoyage des
boites chez les conserveurs (utilisateurs de l’emballage en vue de conditionner les produits
alimentaires).
Dans cette partie, nous allons passer en revue les connaissances issues de la littérature en
tentant de dégager les principaux paramètres qui conditionnent le vieillissement des aciers.
Le vieillissement après trempe n’ayant pas d’application industrielle, nous n’en feront qu’une
brève description. De plus, la problématique qui nous est posée diffère des études
concernant le BH des aciers pour automobile (faible quantité d’interstitiels, pas d’azote en
solution, faible prédéformation …). Par conséquent cette revue bibliographique sera plutôt
orientée vers des travaux plus généraux sur le thème du vieillissement après écrouissage,
mais plus proches de nos préoccupations.
II.B.
Le vieillissement après trempe
Le vieillissement après trempe est à rapprocher de la partie du chapitre I qui concernait la
précipitation. Il consiste en effet à un durcissement par formation de particules cohérentes de
faibles dimensions. Ce type de vieillissement se retrouve surtout dans les aciers contenants
une forte sursaturation en interstitiels.
Sur la courbe de traction, on peut identifier deux caractéristiques du vieillissement après
trempe :
-
l’apparition d’un crochet de traction suivi d’une déformation inhomogène de
l’éprouvette appelée palier de traction ou palier de Lüders.
-
le changement de la loi de comportement qui peut se traduire par une augmentation
de la consolidation (augmentation de la dureté et de la charge à rupture avec
diminution de l’allongement à rupture, voir Figure II-3) mais aussi éventuellement par
un adoucissement en cas de survieillissement.
39
contrainte
Ap%
∆Rm
ReH
acier vieilli
ReL
acier trempé
∆σ
Rp0,2
déformation
∆Ag
∆A
Figure II-3 : Courbes de traction d’un acier trempé puis vieilli.
Ap% palier de traction (ou palier de Lüders), ∆σ variation de la limite d'élasticité, ∆Rm
augmentation de la charge à rupture, ∆Ag diminution de l’allongement réparti, ∆A diminution
de l’allongement à rupture
Si l'observation de ces deux manifestations du vieillissement après trempe est souvent
indissociable dans un acier trempé, elles ne proviennent pas pour autant des mêmes
mécanismes.
Le modèle le plus couramment admis pour expliquer l'apparition du crochet de traction est
le blocage des sources de dislocations par les atomes interstitiels au cours du vieillissement.
La réactivation des sources exige alors d’atteindre un niveau de contrainte supérieur à celui
nécessaire à leur activation en l’absence de vieillissement. Lorsque que la contrainte de
déblocage est atteinte localement (dans une zone de concentration de contrainte : défauts,
congés de raccordement), les sources sont activées et émettent des dislocations. La
déformation se propage ensuite dans le fût de l’éprouvette par l'intermédiaire des bandes de
Lüders (allongement inhomogène de l’éprouvette). Lorsque tout le corps de l’éprouvette à
été traversé par les bandes, la déformation est à nouveau répartie dans le fût.
La vérification expérimentale de ce modèle est délicate du fait de la difficulté à identifier et
décrire la nature des sources de dislocations. Russel et al ainsi que Bailon et al associent le
blocage des sources (l’apparition du crochet de traction) à la ségrégation du carbone aux
joints de grains et en déduisent que ces dernières sont localisées aux joints
[RUS61][BAI71a]. En fait, il n’existe pas de résultats expérimentaux qui donnent une
interprétation claire du phénomène d’apparition du crochet de traction dans les aciers
trempés.
L'autre manifestation du vieillissement après trempe, à savoir le durcissement ou
l’adoucissement de l’acier, est le plus souvent associée à la précipitation des atomes
40
interstitiels. Ainsi dans une ferrite sursaturée en carbone, suivant la nature des précipités
formés on observera soit un durcissement (carbures « basse température » ou carbures ε
formés pour T < 100 °C, voir Figure II-4) soit un adoucissement (carbures ε grossiers et
cémentite intragranulaire) de la matrice [KEH63][ABE84]. Ces évolutions sont liées au
caractère cohérent ou non du précipité (qui détermine le comportement du mouvement des
dislocations vis à vis des précipités : cisaillement ou contournement), ainsi qu'à la fraction
volumique et aux dimensions des particules. On peut faire le même type d’analyse pour des
aciers contenant de l’azote en sursaturation [KEH63].
(a)
(b)
Figure II-4 : Vieillissement après trempe d’un acier bas carbone ([C] = 0,046 %, [Mn] = 0,35 %), traité 20
minutes à 700 °C puis trempé dans l’eau [ABE84]
(a) diagramme temps température précipitation (TTP)
(b) cinétiques d’évolution de la dureté Vickers pour différentes températures de vieillissement.
D’une manière générale la température de vieillissement détermine non seulement la
cinétique de précipitation mais également l’amplitude du durcissement en sélectionnant le
type et la dispersion des précipités. Plus la température est faible, plus les précipités sont
cohérents (métastables), petits et finement dispersés, et plus l’amplitude du durcissement
est importante [LES61b][CHO64a][BEN85][ABE84]. Un parallèle avec le système AlCu
(zones GP, θ’, θ’’) semble tout à fait pertinent.
Dans tous les cas, on assiste à un adoucissement par survieillissement qui peut être le
résultat de la coalescence de précipités cohérents dont la taille dépasse la taille critique de
maximum de durcissement, ou éventuellement du passage d’un type de précipité à un autre
plus stable et grossier (ex : Développement de cémentite intragranulaire succédant au
développement des carbures ε [WEL66][ASK67][ABE84][BRA93]).
41
II.C.
Le vieillissement après écrouissage
II.C.1. Généralités et définition
II.C.1.a)
Signature du vieillissement après écrouissage
Le terme vieillissement après écrouissage (strain ageing) est utilisé ici pour désigner
l’évolution des propriétés mécaniques d’un acier extra-doux (bas carbone, ULC …) à basse
température (de l’ambiante à 300 °C) après que celui ci ait été préalablement déformé. Il
s’agit d’un vieillissement statique.
Les évolutions de la loi de comportement caractéristiques du vieillissement d’un acier
doux sont schématisées sur la Figure II-5. Pour un échantillon déformé jusqu’au point P puis
déchargé et aussitôt rechargé, la courbe de traction suit le chemin (1). Si l’échantillon est
vieilli (maintient à une température moyenne pendant un temps suffisant) entre la décharge
et la recharge, la courbe de traction suit alors le comportement (2).
contrainte
A p%
(2)
ReH
∆Rm
ReL
Rpx%
P
∆σ ≡ BH ou AI
(1)
WH
Rp0,2
~ limite
élastique
déformation
prédéformation x%
∆Ag
∆A
Figure II-5 : Courbes de traction d’un acier déformé jusqu’au point P, déchargé, puis rechargé
immédiatement (courbe (1)) ou après vieillissement (courbe (2)).
Ap% palier de traction (ou palier de Lüders), ∆σ variation de la limite élastique (équivalent au
BH ou AI), WH Work Hardening, écrouissage, ∆Rm augmentation de la charge à rupture, ∆Ag
diminution de l’allongement réparti, ∆A diminution de l’allongement à rupture
On observe alors la réapparition du crochet de traction et du palier de Lüders. La
contrainte nécessaire à la plastification de l’éprouvette est la limite élastique haute, ReH, qui
est très sensible aux conditions de l’essai (défauts de l’éprouvette, vitesse de déformation
42
…). La limite élastique basse, ReL, qui peut avoir diverses définitions, est approximativement
la moyenne des contraintes dans le palier. C’est ReL qui est généralement prise pour estimer
le gain de la limite d’élasticité ∆σ dû au vieillissement.
La loi de comportement est également modifiée : l’acier vieilli présente une consolidation
plus importante et une diminution des allongements réparti et à rupture (∆Ag et ∆A)
L’augmentation de la limite d’élasticité et de la courbe de consolidation constitue la signature
universelle du vieillissement après écrouissage.
II.C.1.b)
Le Bake Hardening
L’essai standard de BH a été mis au point2 pour évaluer l’aptitude d’une tôle de
carrosserie automobile à durcir lors de la cuisson des peintures et à présenter ainsi une
meilleure résistance à l’indentation. Il consiste à mesurer l’augmentation de la limite
d’élasticité du métal entre un état de référence, souvent après 2 % de prédéformation en
traction pour simuler l’emboutissage de la tôle, et un état vieilli après un traitement de 20
minutes à 170 °C pour simuler le traitement industriel de cuisson des peintures. Sur la Figure
II-5, le BH est l’équivalent de ∆σ après correction de la variation de section résultant de la
prédéformation :
BH = ReL – (1 + 0,02).Rp2%
Eventuellement cette correction peut ne pas être effectuée:
BH = ReL – Rp2%
mais on intègre alors l’écrouissage de l’acier (Work Hardening) jusqu’à 2 % de
déformation.
Le terme BH est également utilisé dans des études plus générales sur les mécanismes du
vieillissement. Dans ce cas, on appelle BH l’augmentation de la limite d’élasticité (∆σ) au
cours du temps à des températures quelconques. La prédéformation peut être différente de
2 % mais dans ce cas elle est souvent précisée par un indice. On écrira par exemple BH5
pour signifier une prédéformation de 5 %.
Cette mesure est à la base de nombreuses études sur le vieillissement des aciers
(notamment ceux destinés aux carrosseries automobiles) mais qui concernent presque
exclusivement des aciers contenant uniquement du carbone en solution et souvent en faible
quantité ( < 30 ppm).
II.C.1.c)
L’Aging Index
Dans certains cas, les chercheurs préfèrent utiliser la mesure de l’Aging Index (AI) pour
évaluer la susceptibilité d’un acier au vieillissement. Cet essai est réalisé avec la même
2
Norme européenne EN 10002-1, matériaux métalliques, essais de traction, comité européen de
normalisation, 30 p, 1990.
43
philosophie que le BH si ce n’est que la prédéformation est plus importante (de 7 à 10 %) et
le traitement de vieillissement adapté pour atteindre un état de vieillissement concernant
uniquement la ségrégation des interstitiels sur les dislocations (de l’ordre de l’heure à 100
°C).
II.C.2. Théorie du vieillissement après écrouissage
Pour expliquer le retour du crochet de traction dans des aciers déformés, Cottrell et Bilby
sont les premiers à formuler une théorie du vieillissement après écrouissage basée sur la
ségrégation des atomes interstitiels autour des dislocations [COT49]. Ils postulent que la
distorsion élastique du réseau, importante dans le cas d’atomes interstitiels, doit conduire à
une forte interaction avec le champ de contrainte des dislocations. Le mécanisme donné
pour responsable du durcissement des aciers doux, et qui rend compte du comportement de
la limite élastique après vieillissement, est l’ancrage des dislocations par les atomes
interstitiels ségrégés dans le champ de contrainte des dislocations et qui forment alors des
atmosphères de Cottrell (§ I.C.2.c).
Dans le cas d’une dislocation coin, un atome interstitiel doit diminuer la contrainte
hydrostatique induite dans le réseau s’il est dans la région en expansion sous la ligne de
dislocation. En ce qui concerne l’interaction des atomes interstitiels avec des dislocations vis
qui ne produisent pas de contrainte hydrostatique, c’est alors le caractère asymétrique
(tétragonal) de la déformation lié à la présence de l’atome interstitiel dans le réseau du fer
qui doit être à l’origine de l’interaction (voir § III.A.2.a).
Cottrell et Bilby n’ont développé théoriquement que le cas de l’interaction entre des
atomes interstitiels (en particulier le carbone) avec des dislocations coins, ne considérant
que l’interaction hydrostatique. Ils calculent l’énergie d’interaction entre une dislocation coin
et un atome de carbone Eint
E int = ∆v.
G.b 1 + υ sin α
sin α
.
.
= A.
3.π 1 − υ r
r
r ≥ r0
Eint = 0
( II-1)
r < r0
avec
∆v, changement volume dû à la présence de l’atome interstitiel (= 0,78.10-23cm3) ;
G et ν respectivement le module de cisaillement et le coefficient de Poisson ;
b le vecteur de Burgers ;
r et α les coordonnées cylindriques de l’atome par rapport à la ligne de dislocation,
r0 la distance à partir de laquelle le modèle élastique utilisé n’est plus valable (r0 = 2.b).
Dans ces conditions, A est une constante liée aux constantes élastiques du système et
vaut
dans
le
cas
du
[COT49][THO55a][SCH59].
système
fer
carbone
entre
1,5
et
3.10-29
N.mm2
44
L’équation (II-1) indique qu’un atome interstitiel au voisinage de la dislocation coin est
soumis à un gradient de potentiel ∇V suivant r. Sous l’effet de l’agitation thermique et de ce
gradient de potentiel, les atomes de soluté acquièrent une vitesse relative par rapport à la
dislocation qui s’écrit :
⎛ D ⎞
v = −⎜
⎟ . ∇V
⎝ k. T ⎠
( II-2)
où D est le coefficient de diffusion, k la constante de Boltzmann et T la température
absolue.
En faisant les changements de variables adéquats [COT49], l’équation (II-2) nous amène
à écrire l’expression du nombre d’atomes de carbone qui arrivent au temps t par unité de
longueur de dislocation comme :
1
⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞
n( t ) = 3.n0 .⎜ ⎟ .⎜
⎟
⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠
2
3
avec n0 la concentration moyenne d’interstitiels en volume.
On peut alors exprimer le nombre d’atomes ségrégés sur les dislocations par unité de
volume :
1
⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞
N( t ) = 3.n 0 .Λ.⎜ ⎟ .⎜
⎟
⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠
2
3
où Λ est la densité de dislocations.
Ce qui conduit à écrire la fraction q d’atomes de carbone ayant ségrégé sur les
dislocations au temps t comme :
1
⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞
q = 3.Λ.⎜ ⎟ .⎜
⎟
⎝ 2 ⎠ ⎝ k.T ⎠
2
3
( II-3)
où q est proportionnelle à t2/3 si on considère D indépendant de la concentration.
Toutes ces expressions ne sont valables qu’aux premiers instants du vieillissement dans
la mesure où elles ne tiennent pas compte de l’appauvrissement en soluté au voisinage des
dislocations lorsque les atmosphères se forment. Expérimentalement, l’expression (II-3) est
vérifiées par plusieurs auteurs jusqu’à q < 0,5 pour des systèmes FeC et FeN
[COT49][THO55b][HAR51].
Reprenant les résultats de Cottrell et Bilby, Harper a modifié l’équation (II-3) en y
introduisant l’effet de l’appauvrissement en soluté au voisinage de la dislocation [HAR51]. Il
fait l’hypothèse que la vitesse de ségrégation diminue proportionnellement à la fraction de
soluté déjà précipitée (hypothèse de Jonhson Melh) ce qui conduit à écrire :
∂q
= (1 − q).f ( t )
∂t
qui si on la résout avec les conditions aux limites à t = 0 définies par l’équation (II-3)
devient :
45
1
2
⎡
⎛ π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ 3 ⎤⎥
⎢
q = 1 − exp − 2.Λ.⎜ ⎟ .⎜
⎟
2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ ⎥
⎢
⎝
⎣
⎦
( II-4)
Harper montre expérimentalement que cette équation permet une bonne approximation
des résultats expérimentaux pour q < 0,6. Cette expression permet de calculer à posteriori la
densité de dislocations Λ à partir des cinétiques de vieillissement (voir § VI.B.4).
Depuis ces développements théoriques concernant la description des mécanismes de
vieillissement, ce sont surtout des travaux expérimentaux qui ont été réalisés sur ce sujet.
Ces travaux ont conduit à différencier plusieurs stades lors du vieillissement après
écrouissage.
II.C.3. Mécanismes du vieillissement après écrouissage
Si Cottrell et Bilby sont les premiers à proposer une théorie pour rendre compte du rôle des
interstitiels sur le vieillissement après écrouissage, d’autres chercheurs ont réalisé des
études expérimentales afin d’établir les cinétiques et les mécanismes du vieillissement en
fonction des paramètres microstructuraux de l’acier (taille de grain, quantité d’interstitiels
libres, taux d’écrouissage …). Ainsi, Wilson et Russel, inspirés par des études de Hundy et
de Tardiff et al. [HUN56][TAR56], sont à la base de travaux qui servent depuis de référence
pour l’interprétation des manifestations du vieillissement [WIL60a, b]. Leurs travaux sont
résumés ici.
Wilson et Russel ont étudié l’évolution à 60°C des caractéristiques de traction d’aciers
ayant une teneur en interstitiels en solution d’environ 20 ppm, avec des tailles de grains
variables et prédéformés de 4 % en traction (voir Figure II-6).
46
Figure II-6 : Effet du vieillissement à 60 °C sur les caractéristiques de traction d’aciers trempés depuis
200 °C et prédéformés en traction de 4 % ([C+N] en solution de l’ordre de 20 ppm) ayant
différentes tailles de grains [WIL60a].
(1) 50 grs/mm2, (2) 195 grs/mm2 ,(5) 1850 grs/mm2.
A partir de ces évolutions et en prenant en compte une relation de type Hall et Petch3, ils
sont conduits à distinguer 4 stades qu’ils interprètent comme la manifestation de 2
mécanismes différents :
3
La limite basse d’élasticité de l’acier est décrit par une relation empirique qui s’écrit :
σy = σi + ky.d-1/2 avec ky = σd.l-1/2
où σi est la contrainte s’opposant au mouvement des dislocations libres, d est le diamètre des grains
et la constante ky est reliée à la contrainte nécessaire pour transmettre la déformation plastique d’un
grain à un autre. Ici elle dépend de :
•
σd, la contrainte de déblocage des dislocations de leur atmosphère
•
l la distance entre les empilements aux joints (concentrations de contraintes) et la prochaine
source de dislocations dans le grain suivant.
47
1. Durant les 30 premières minutes de vieillissement, on observe le développement du
palier et de la limite d’élasticité sans qu’aucune autre propriété ne soit affectée. Ce
stade est associé à la formation des atmosphères de Cottrell. La taille des grains n’a
pas d’effet significatif et seuls 5 à 10 ppm d’interstitiels semblent suffisant pour saturer
les sites concernés. A ce stade, une redéformation entraîne le désancrage des
dislocations.
2. Le palier se stabilise alors que la limite élastique continue à augmenter.
3. A partir de 150 minutes de vieillissement, la consolidation de l’acier se modifie
(augmentation du coefficient d’écrouissage, de la charge à rupture et diminution de la
ductilité). Les stades 2 et 3 sont associés à la densification des atmosphères suivie du
développement de précipités ou d'amas le long des dislocations, aux points
d’intersection entre les dislocations.
4. Après 20000 minutes de traitement (14 jours) l'observation d'une légère augmentation
de la ductilité ainsi que d’une diminution du coefficient d’écrouissage est interprétée
comme étant le résultat d’un survieillissement (coalescence des précipités formés).
Ces interprétations conduisant à identifier 2 mécanismes, formation d’atmosphère et
précipitation de fines particules, ont été largement reprises dans la littérature pour expliquer
les observations expérimentales faites pour des aciers similaires et notamment sur les
évolutions en 2 stades du BH [ELS93][VAN98][SOL98][DE01] (voir Figure II-7). Le premier
stade est associé à la formation et à la saturation des atmosphères de Cottrell (gain de 20
MPa sur la Figure II-7) et le second à la formation d’amas ou de fins précipités sur les
dislocations. Notons toutefois que la fin du 1er stade de BH (~ 10000 mn à 50 °C) correspond
à un état bien avancé du 3ème stade de Wilson et Russel où ces chercheurs évoquent déjà la
précipitation.
Elsen et al. [ELS93] semblent ainsi se contredire en attribuant l’évolution du coefficient
d’écrouissage lors du 2nd stade au développement de petits précipités cohérents, alors que
c’est durant le 1er stade qu’ils mesurent l’accroissement de la charge à rupture lui même
causé, d’après les même considérations, par la formation de ces précipités (Figure II-7). De
plus, ∆Rm augmente avec la prédéformation alors que l’amplitude de ∆σ pour le 2nd stade
diminue.
Par ailleurs les tentatives pour mettre en évidence l’existence de particules ou précipités
en microscopie électronique à transmission (conventionnelle et haute résolution) ont toutes
conduit à un échec [LES62][KEH63][RUB96][SOL98][DE01] si ce n’est dans des aciers ou la
sursaturation est très importante. Notons qu’aux températures usuelles du BH (~ 170 °C),
aucun précipité durcissant n’est censé se développer (Figure II-4).
Même si elle est très répandue, l’hypothèse de la formation de précipités en tant que
mécanisme à part entière du vieillissement après écrouissage semble donc être en
contradiction avec de nombreux résultats expérimentaux.
48
Figure II-7 : Augmentation de la limite d’élasticité ∆σ (BH) après une prédéformation de 1, 2 ou 5 %
et un vieillissement à différentes températures. La figure en bas à droite représente
l’évolution de la charge à rupture (Rm) dans le même temps [ELS93].
Keh et Leslie ont proposé une autre interprétation des stades associés à la formation de
précipités [LES62][KEH63]. Ils ont formulé l’hypothèse qu’après saturation des atmosphères,
les interstitiels en excès migrent vers les surfaces internes (joints de grains, interfaces
matrices
précipités
…)
qui
constituent
également
des
sources
de
dislocations
(concentrations de contraintes). La contrainte nécessaire à la réactivation de ces sources
augmenterait à mesure que les interstitiels les bloquent, on mesurerait alors l’augmentation
de la contrainte de déblocage (crochet de traction). Les dislocations saturées en interstitiels
dans la matrice (dislocations introduites lors de la prédéformation) constitueraient alors des
obstacles aux mouvements des nouvelles dislocations générées lors du déblocage de ces
sources, ce qui expliquerait l’augmentation de la consolidation dès l’étape de saturation des
atmosphères (1er stade). Cette interprétation est assez proche de celle de Wilson et Ogram
[WIL68] concernant la sensibilité du retour du palier au changement de chemin de
déformation entre la prédéformation et la sollicitation après vieillissement (voir § II.C.6.b).
Wilson ne fait alors plus du tout référence à la précipitation au cours du vieillissement.
Notons que Bergström a aussi montré théoriquement, à partir d’un modèle basé sur les
cinétiques de création / annihilation de dislocations, que des dislocations ancrées dans la
matrice peuvent effectivement conduire à une modification de la consolidation similaire à
celle observée expérimentalement [BER71].
49
Enfin, dans un acier bas carbone trempé depuis 700 °C (contenant environ 120 à 150
ppm de carbone en solution, voir Figure I.4) et déformé de 6 et 10 %, Abe et al montrent
qu’aux temps et températures de vieillissement correspondants au second stade est plutôt
associé un adoucissement de l’acier (diminution de dureté) [ABE82]. Ce qui conduit à penser
qu’une précipitation devrait entraîner une modification de la courbe de consolidation de
l’acier vieilli, ce qui n’est pas observé expérimentalement lors du 2nd stade d’évolution du BH,
mais est observé durant le 1er stade [ESL93][SOL98].
Pour conclure, disons qu’au cours du vieillissement, les mécanismes attribués à l’évolution
des différentes caractéristiques mécaniques ne sont pas clairement établis. Toutefois ; il est
admis par tous que l’origine du vieillissement est bien liée à la ségrégation d’atomes
interstitiels sur les dislocations introduites à l’écrouissage, dans la matrice et concentrées
aux interfaces, pour former des atmosphères de Cottrell et éventuellement des amas, même
si l’existence de ces derniers n’a jamais été mise en évidence et semble pouvoir être
discutée.
II.C.4. Effet de la température – Equivalences temps-température
Dans une revue assez complète (200 références), Baird relate que l’augmentation de la
température de vieillissement (jusqu’à 250 °C) accélère la cinétique de vieillissement sans
pour autant affecter les niveaux de caractéristiques mécaniques atteints au terme du
vieillissement[BAI71b].
L’énergie
d’activation
du
processus
de
vieillissement
est
sensiblement égale à l’énergie de diffusion des interstitiels dans la ferrite comme le laisse
prévoir la théorie de Cottrell et Bilby.
Afin de simuler le vieillissement à température ambiante dans des temps raisonnables,
Hundy a développé l’expression de Cottrell (II-3) et établi une relation qui permet de calculer
un temps t à une température de vieillissement T équivalent au vieillissement d’une durée tr
à la température ambiante Tr [HUN54] :
E ⎛ 1 1⎞
⎛T ⎞
⎛t ⎞
.⎜⎜ − ⎟⎟
log⎜ r ⎟ = log⎜ r ⎟ +
⎝ T ⎠ 2,3.R ⎝ Tr T ⎠
⎝ t ⎠
où E est l’énergie d’activation de la diffusion des interstitiels dans la ferrite et R la constante
des gaz parfaits.
Il a ainsi montré qu'au cours du vieillissement, après des prédéformations en traction ou en
laminage, les évolutions des différentes caractéristiques mécaniques ainsi que celles de la
résistivité (associées au départ des interstitiels de la solution solide vers les dislocations),
satisfont effectivement à cette expression, autant dans le cas du carbone que de l'azote et
cela pour des températures de vieillissement comprises entre l’ambiante et au moins 150 °C.
50
II.C.5. Effet de la quantité d’interstitiels sur le vieillissement
La quantité d’interstitiels susceptible de participer au vieillissement est a priori égale à la
quantité d’atomes en solution. Cette quantité est souvent estimée avant la prédéformation, à
l’état recuit, par la mesure du frottement interne (voir chapitre III). Wilson et Russel
[WIL60a,b] ont montré que pour des teneurs en interstitiels en solution inférieures à 5 ppm,
seules l’augmentation de la limite élastique et l’apparition du palier de traction sont
susceptibles d’intervenir (stade de « ségrégation », formation d’atmosphères, voir Figure
II-8). Aux teneurs plus importantes, la charge à rupture augmente à son tour (stade
« précipitation »). Hundy a constaté le même comportement quand la quantité d’interstitiels
dépasse 18 ppm de carbone ou 8 ppm d’azote [HUN56]. Ce constat expérimental n’est pas
en contradiction avec l’hypothèse excluant la précipitation (§ II.C.3).
Par mesure du BH des chercheurs trouvent des résultats similaires en ce sens qu’il faut une
quantité faible de carbone en solution (< 5 ppm) pour provoquer une augmentation
importante de la limite élastique [BUT62][OKA81,89][HAN84] (Figure II-9). Notons que dans
ces travaux, la quantité de carbone libre est toujours estimée à partir de la mesure du
frottement interne dont le signal est sensiblement affecté par la teneur en éléments
substitutionnels dans la matrice ainsi que par la texture de l’acier (voir chapitre III) ce qui
peut expliquer en partie la dispersion des résultats (Figure II-9 (a)). Enfin, on observe une
saturation de l’augmentation du BH (ou de l’AI) avec la quantité d’interstitiels en solution.
La cinétique de vieillissement (augmentation de la limite élastique et développement du
palier de Lüders) est accélérée par la présence de plus d’interstitiels en solution (Figure II-8)
alors que la cinétique de ségrégation des interstitiels (mesurée par FI [HAR51][THO55b], par
résistivité [DAH54][WIL60a] et par PTE [BER96][CRE97] + chapitre VI) ne semble pas
particulièrement affectée.
Les cinétiques d’augmentation de la charge à rupture et de la dureté ne sont pas
sensiblement affectées par la quantité d’interstitiels libres si ce n’est que ces caractéristiques
n’évoluent pas pour les faibles teneurs en interstitiels (< 10 ppm) ou pour les faibles taux de
prédéformation (< 2 %, Figure II-7).
Ceci doit conduire à différencier la cinétique du mécanisme du vieillissement (diffusion des
interstitiels vers les dislocations, formation des atmosphères voire de précipités) de ces
conséquences macroscopiques (évolutions des différentes caractéristiques mécaniques) qui
sont également sensibles aux paramètres microstructuraux et aux conditions de
caractérisation (ex : sensibilité de la limite d’élasticité ou de la longueur du palier à la vitesse
de traction …)
51
Figure II-8 : Effet de la quantité d’interstitiels en solution sur l’évolution des caractéristiques de
traction au cours d’un vieillissement à 60 °C après une prédéformation de 4 % [WIL60a].
La quantité d’éléments en solution est estimée pour chaque cas à :
(1) 0,014%, (2) 0,0022 %, (3) environ 0,0005 % et (4) moins de 0,0002 %.
(a)
(b)
Figure II-9 : BH ou ∆σ (∆YS) en fonction de la quantité d’interstitiel estimée par frottement interne pour
des aciers de compositions différentes (a) ou de taille de grains différents (b) d’après
[OKA81] et [HAN84].
Enfin, même si l’effet de l’azote seul sur le vieillissement a très peu été étudié, il semble
qu’on ne puisse pas faire de distinction franche entre les effets respectifs du carbone et de
l’azote.
52
II.C.6. Effet de la déformation
II.C.6.a)
Taux de déformation
L’amplitude de la prédéformation avant vieillissement n’a pas un effet très marqué sur les
cinétiques de vieillissement [HUN56][WIL60b][ESL93]. Par contre, l’amplitude des variations
de résistance est très affectée.
Hundy a montré que les accroissements de limite d’élasticité et de longueur du palier
diminuent avec l’augmentation de la prédéformation (par laminage) jusqu’à environ 6-8 %
puis se stabilisent pour les taux plus élevés [HUN56]. Ce constat a été largement confirmé
par les études sur le BH [OKA81][ELS93][RUB96][VAN98][SOL98].
En ce qui concerne le gain de charge à rupture (ou de dureté), ce dernier augmente avec la
prédéformation jusqu’à des taux compris entre 10 et 15 % puis se stabilise [HUN56][BAI71b].
L’origine des comportements distincts entre les différentes caractéristiques mécaniques
n’est pas clairement expliquée si ce n’est par des considérations hypothétiques sur les 2
stades de vieillissement, formation d’atmosphère puis précipitation [HUN56]. Le passage
d’une microstructure homogène de dislocations (pour les faibles taux de déformation) à une
microstructure en cellules (voir § I.D) ou l’accumulation de dislocations aux joints de grains à
mesure que l’écrouissage augmente ne sont jamais cités comme pouvant être à l’origine des
comportements observés. Pourtant, ces évolutions microstructurales doivent certainement
influencer le comportement au vieillissement.
II.C.6.b)
Mode de déformation
Même dans un acier recuit présentant un fort palier (jusqu’à 10 % d’allongement), un faible
taux de déformation (< 3 %) par laminage élimine complètement le palier de traction. C’est
cette propriété qui est utilisée pour effacer le palier des aciers pour tôles automobiles lors de
l’opération de skin pass. Ce comportement est attribué à une répartition inhomogène des
déformations pour les faibles taux de laminage qui peut être schématisée par une alternance
de zones déformées et non déformées dans le cœur et en surface de l’acier
[HUN56][BUT63]. C’est le nombre important de sites de nucléation pour de nouvelles
dislocations qui serait responsable du retard à la reprise de palier au cours du vieillissement.
Le changement de direction de sollicitation a également un impact sur la cinétique de
retour du palier. Wilson et Ogram ont étudiés l’effet d’un changement de direction de
sollicitation dans le cas d’un acier prédéformé en torsion, vieilli puis redéformé dans le même
sens ou dans le sens opposé [WIL68]. L’apparition du palier de traction est largement
retardée pour une sollicitation dans le sens opposé à la prédéformation (Figure II-10) alors
que les cinétiques de vieillissement de la charge à rupture et de la ductilité ne sont pas
53
affectées. Leur interprétation repose sur la nature des sources de dislocations activées lors
de la redéformation. En fait ils ont été amenés à distinguer 2 stades :
Lors du premier stade, les dislocations libres seraient progressivement ancrées par les
interstitiels ce qui provoquerait l’apparition du palier (accroissement de la contrainte de
déblocage) dans l’acier sollicité dans le même sens que celui de la prédéformation. Pour
l’acier sollicité dans le sens opposé, et dans lequel ce ne sont pas les mêmes systèmes de
glissement qui sont activés, les sources de dislocations seraient des amas denses de
dislocations aux joints, autour des quels les atmosphères se développeraient plus
difficilement (forte densité de dislocations et distance de diffusion des interstitiels plus
importante). Leur activation ne serait donc pas affectée au début du vieillissement et on
n'observerait donc pas le retour du palier.
Au deuxième stade, les dislocations ancrées dans la matrice ne seraient plus à l’origine
de la plastification (contrainte de déblocage trop importante) mais quel que soit le sens de
sollicitation, les sources actives seraient celles aux joints de grains. Ces dernières seraient
elles même de plus en plus bloquées. Le palier se développerait alors pour l’acier sollicité
dans le sens opposé et resterait constant pour l’autre jusqu’à ce que les 2 paliers aient le
même comportement. La transition entre ces 2 stades est très sensible à la quantité
d’interstitiels en solution comme le confirme la Figure II-10.
Des chercheurs ont fait le même type d’observation sur des tôles prédéformées par
laminage ou traction dans une direction, et testées après vieillissement dans une direction
parallèle ou perpendiculaire à la direction de prédéformation [OKA89]
Leurs résultats vont plutôt dans le sens de l’hypothèse de Keh et Leslie [LES62][KEH63]
pour justifier le second stade d’augmentation de ∆σ au cours du vieillissement, à savoir une
relaxation des microcontraintes aux interfaces (dislocations aux joints de grains) par les
interstitiels (§ II.3.C).
En ce qui concerne l’effet du vieillissement sur les autres caractéristiques mécaniques, et
notamment la charge à rupture et la dureté, le mode et la direction de déformation n’ont pas
d’effet marqué sur la cinétique et l’amplitude de leurs évolutions au cours et au terme du
vieillissement [HUN56][WIL60a][WIL68].
54
Figure II-10 : Effet de la quantité d’interstitiels en solution (ajustée par la température de trempe) sur le
retour du palier de Lüders d’un acier prédéformé de 5 % en torsion, vieilli à 89 °C et rechargé
en torsion dans le même sens et dans le sens opposé [WIL68].
II.C.6.c)
Effet d’un vieillissement entre 2 déformations
Hundy et Boxall ont montré qu'en appliquant une déformation par incréments, avec un
traitement de vieillissement entre chaque incrément, la résistance finale de l’acier est plus
importante que s'il avait été déformé en une seule étape [HUN57]. Leur interprétation est que
l’augmentation de la consolidation de l’acier au terme du vieillissement conduit à ce que lors
d’une déformation ultérieure, la quantité de dislocations introduites est supérieure à ce
qu’elle serait en l’absence du vieillissement intermédiaire.
Nous verrons dans le chapitre VI que nous arrivons à la même conclusion et que ce
comportement peut être utilisé pour augmenter les caractéristiques mécaniques de l’acier
tout en limitant le taux de déformation total.
II.C.7. Influence de la taille de grains
La taille de grains est connue pour influencer sensiblement l’amplitude du vieillissement et
particulièrement celle de la limite d'élasticité (BH, Figure II-9 (b)) et du palier de traction
[OKA81][HAN84][VAN98][ZHA00a,b][DE01]. Cet effet n’est pas encore clairement compris
car la taille de grains joue également sur beaucoup de paramètres qui conditionnent le BH
55
(quantité de carbone en solution après recuit, écrouissage de l’acier, ségrégation et
précipitation aux joints de grains …). Récemment De a avancé que dans des aciers ULC à
BH, il existerait une taille de grains critique en deçà de laquelle le carbone ségrégé aux joints
de grains participerait au BH en migrant des joints vers les dislocations existant en forte
densité à proximité des joints [DE01].
Par ailleurs l’augmentation de la charge à rupture ou de la dureté au cours du
vieillissement n’est pas affectée par la taille des grains (ex : Figure II-6).
En conclusion nous pouvons dire qu’aucune interprétation de la littérature ne semble
susceptible de décrire l'ensemble des observations expérimentales en ce qui concerne
l'influence de la taille des grains.
II.D.
Discussion
Dans cette revue bibliographique rapide, on sent bien que les mécanismes à l’origine des
évolutions des caractéristiques mécaniques ne sont pas tous clairement établis. Si tous les
chercheurs s’accordent à dire que la formation d’atmosphère autour des dislocations conduit
à augmenter la contrainte nécessaire à leur remise en mouvement (ancrage des
dislocations). Le mécanisme à l’origine de la plastification d’un acier vieilli résiderait pour
certains dans le désancrage de ces dislocations et pour d’autres dans l’activation d’autres
sources de dislocations, les 2 mécanismes pourraient se succéder aux différentes étapes du
vieillissement.
La précipitation de fines particules (amas ou précipités constitués) a été avancée pour
justifier des évolutions de la limite d’élasticité pour les temps de vieillissement longs.
Cependant, même si cette hypothèse est la plus admise, ces précipités n’ont jamais été mis
en évidence expérimentalement. Une autre hypothèse avancée par certains chercheurs est
la relaxation des microcontraintes aux interfaces (précipités, joints de grains, sous joints …)
par la migration à longue distance des interstitiels vers ces zones de microcontraintes. Cette
hypothèse et celle voulant que l’évolution de l’écrouissage de l’acier soit responsable de
l’augmentation de la charge à rupture semblent les plus à même de décrire les observations
expérimentales. Nous verrons au chapitre VI qu’en ce qui nous concerne, nos résultats ne
sont pas compatibles avec la formation de précipités aux dislocations dans les états
complètement vieillis.
En fait, c’est surtout le manque de connaissance quant à la quantité réelle d’interstitiels
participant effectivement au vieillissement et à leur cinétique de ségrégation et/ou
précipitation au cours du vieillissement qui ne permet pas d’aller plus loin sur la
détermination des différents mécanismes. Dans la présente étude, nous essaierons de
56
mettre en évidence que la mesure du pouvoir thermoélectrique devrait certainement
constituer une technique permettant d’accéder à ces informations.
L’accroissement de la limite d'élasticité durant le vieillissement semble être la
caractéristique la plus sensible aux paramètres microstructuraux et aux conditions de l’essai
alors que la charge à rupture (ou la dureté) ne semble sensible qu’au taux d’écrouissage et à
la quantité d’interstitiels en solution, à condition toutefois qu’ils soient suffisamment élevés.
Dans les cas qui nous intéressent, ε > 5 % et [C+N] > 30 ppm, cette condition est largement
dépassée et nous pouvons donc penser que la mesure de dureté peut constituer un bon
indicateur de l’état d’avancement et de l’amplitude du vieillissement.
Enfin d'après les travaux de la littérature, il semble que les effets du carbone et de l’azote
sur le vieillissement ne soient pas différentiables.
57
58
III.
Techniques expérimentales
III.A. Le frottement interne (FI): mesure du pic de Snoek et dosage du
carbone et de l’azote en solution dans des aciers extra-doux
III.A.1. Généralités
La relaxation de Snoek fait référence au saut thermiquement activé d’un atome interstitiel,
sous l’effet d’une contrainte dans les métaux cubiques centrés. l’étude de la relaxation de
Snoek débute par la découverte par Richter en 1938 d’un traînage élastique dans le fer
contenant du carbone. La nature de ce traînage est identifiée par Snoek [SNO41] qui montre
que des matériaux similaires présentent un pic de frottement interne vers la température
ambiante lorsqu’ils sont sollicités à une fréquence d’environ 1Hz. Snoek montre que c’est
bien la présence d’atomes interstitiels, carbone et/ou azote, en solution solide qui est
responsable de ce pic, résultante du comportement anélastique de ces systèmes. Le pic de
frottement interne lié à la présence d’un type d’interstitiel en solution solide est appelé pic de
Snoek. La théorie ainsi que l’expérimentation montrent que dans une matrice pure et sans
défaut, l’intensité de la relaxation est proportionnelle à la quantité d’atomes interstitiels
présent en solution solide. C’est pourquoi la mesure de la hauteur du maximum du pic de
Snoek est utilisée pour la détermination de la quantité de carbone et d’azote en solution
solide dans le fer et par extension, dans les aciers.
Cette partie du chapitre III est particulièrement développée du fait que le frottement
interne est la technique de référence en ce qui concerne la détermination de la quantité
d’atomes interstitiels (C et N) en solution dans les aciers. Naturellement, cette technique a
été utilisée dans la thèse.
59
III.A.2. Aspects théoriques
III.A.2.a)
Relaxation de Snoek
Lorsque les atomes de carbone et d’azote sont en solution solide dans la ferrite, ils
occupent les sites interstitiels octaédriques de la maille cubique centrée. Ces sites sont de
symétrie tétragonale et la distorsion locale du réseau due à la présence de l’atome interstitiel
possède la même symétrie. Le défaut ainsi créé est un dipôle élastique. On définit alors trois
orientations pour le dipôle suivant que l’atome interstitiel occupe des sites X, Y ou Z (Figure
III-1).
Lorsque le système est au repos, les trois positions sont énergétiquement équivalentes et
les atomes interstitiels se répartissent entre ces sites de manière équiprobable. Si
maintenant on applique une contrainte extérieure suivant une direction cristallographique
donnée, le réseau se déforme et on est susceptible de favoriser certains sites. Cette
situation est illustrée sur la Figure III-1 où les sites Z sont favorisés par l’application d’une
contrainte extérieure suivant la direction Z. Sous l’action de l’agitation thermique, les atomes
interstitiels vont alors se distribuer préférentiellement dans ces sites par des sauts vers les
sites Z proches voisins, c’est le saut de Snoek. A la déformation instantanée liée à
l’application de la contrainte extérieure, vient s’ajouter au cours du temps une déformation
additionnelle liée au peuplement des sites Z par les atomes interstitiels (Figure III-1). Si
maintenant on annule la contrainte extérieure, les atomes interstitiels vont alors se
redistribuer de manière équiprobable dans les sites X, Y, Z et la déformation additionnelle va
disparaître. Ce comportement anélastique est donc lié la réorganisation des atomes
interstitiels sous l’effet d’une contrainte extérieure et de l’agitation thermique, c’est la
relaxation de Snoek.
Si on applique une contrainte extérieure cyclique à ce type de système, il apparaît sous
certaines conditions de fréquence et de température un déphasage entre la contrainte et la
déformation caractérisé par un angle de perte Φ. On a alors une dissipation d’énergie ∆W/W
conduisant au frottement interne :
∆W
W
= 2.π. tan Φ = 2.π.Q −1
où Q-1 est l’inverse du « facteur de qualité » des systèmes mécaniques.
d’après le modèle anélastique standard, le frottement interne s’exprime par
Q −1 = ∆.
w.τ
1 + ( w.τ) 2
( III-1)
−1
qui est l’équation d’un pic de Debye et présente un maximum pour w.τ = 1 où Qmax
= ∆ /2. τ
est le temps de relaxation du phénomène physique mis en jeu et ∆ l’intensité de la
relaxation.
60
III.A.2.b)
Cinétique de la relaxation:
La relaxation de Snoek est caractérisée par un temps de relaxation τ qui correspond au
temps moyen de séjour d’un atome dans un site interstitiel. Ce temps de relaxation est relié
σ
σ
Y
Y
Z
X
Z
z [001]
Z
Site interstitiel
Atome de carbone
Y
σ
temps
ε
Y
temps
Atome de Fer
y [010]
x [100]
Figure III-1 : Schéma du saut de Snoek dans une maille distordue sous l’action d’une contrainte. Seuls
les sites premiers voisins de l’atome de carbone sont représentés. Les deux sauts
atomiques schématisés par une flèche pleine et en pointillé sont équiprobables.
à la fréquence de saut atomique ν qui s’écrit:
ν = ν D . exp(
∆S
∆H
)
). exp( −
k.T
k
( III-2)
où νD est la fréquence de Debye, ∆S le gain d’entropie et ∆H l’enthalpie d’activation d’un
saut.
On montre que dans le cas du saut d’un atome interstitiel d’un site octaédrique à un autre
dans un cristal cubique centré, on a τ-1 = 3.ν [NOV72] soit :
τ = τ 0 . exp(
∆H
)
k.T
( III-3)
Le temps de relaxation est donc relié à la fréquence de saut atomique, qui se retrouve
également dans l’expression du coefficient de diffusion d’un interstitiel i dans une matrice
cubique centrée. On peut effectivement montrer que :
Di =
p2
36.τ
( III-4)
avec p le paramètre de maille du réseau cubique.
Le paramètre d’activation qui gouverne τ est le même que celui de la migration atomique.
Pour cette raison, la technique de frottement interne a été utilisée en vue de la détermination
du coefficient de diffusion du carbone et de l’azote dans le fer aux basses températures. Les
résultats sont complémentaires des données issues d’autres techniques expérimentales
61
(traction à hautes températures, profil de concentration dans un barreau...) et sont en bon
accord entre eux.
III.A.2.c)
Intensité de la relaxation
Les résultats exposés ici sont issus de calculs détaillés donnés par Nowik [NOV72].
L’intensité de la relaxation correspondant au saut de Snoek dans le cas de l’application
d’une contrainte uniaxiale est donnée comme le rapport entre la relaxation du module sur le
module.
Soit dans le cas d’une sollicitation en flexion :
∆E 2 1 C. v 0
.(1 − 3Γ ).( λ 1 − λ 2 ) 2
= . .
E
9 E k. T
( III-5)
et dans le cas d’une sollicitation en torsion :
∆G −1 4 1 C. v 0
. Γ.( λ 1 − λ 2 ) 2
= . −1 .
3 G
k. T
G −1
( III-6)
où E est le module d’Young et G-1 l’inverse du module de cisaillement qui s’écrivent dans
le cas d’un cristal cubique :
E = S1111 − [2.(S1111 − S1122 ) − S1212 ].Γ
G −1 = S1212 − 2.[2.(S1111 − S1122 ) − S1212 ]. Γ
Γ est le facteur d’orientation. Γ = α2β2 + β2π2 + π2α2 et α, β et π sont les cosinus directeurs
de la contrainte appliquée par rapport aux axes cristallographiques de la maille,
v0 est le volume atomique moyen,
C est la concentration en défaut,
λ1 et λ2 sont les déformations principales du dipôle élastique créé par l’atome interstitiel,
k la constante de Boltzmann
et T la température absolue.
L’intensité de la relaxation est donc proportionnelle :
• à (λ1 - λ2)2, carré de la différence entre les axes principaux du dipôle élastique et qui
est fonction du type de défaut considéré ;
• à C la concentration en défaut ;
• au facteur d’orientation Γ qui laisse présumer que dans le cas de la mesure de
frottement interne dans un polycristal, la texture de l’échantillon aura un effet sur
l’intensité de la relaxation. L’effet de l’orientation d’un monocristal sur l’intensité de
relaxation a été démontré expérimentalement par Dijkstra [DIJ49] ;
• à l’inverse de la température absolue.
Les équations (III-5) et (III-6) indiquent donc que pour un échantillon donné, l’intensité de
la relaxation est proportionnelle à la concentration de défauts présents. C’est cette
62
propriété qui est retenue pour l’utilisation du frottement interne comme technique de dosage
des atomes interstitiels en solution solide.
III.A.2.d)
Forme du spectre de FI
D’après les équations (III-1) et (III-3), on peut définir une température Tm pour laquelle on
vérifie l’égalité w.τ = 1, on a alors le maximum de frottement interne :
⎡R
⎛ 1
. ln⎜⎜
Tm = ⎢
⎣⎢ ∆H ⎝ w.τ 0
⎞⎤
⎟⎟⎥
⎠⎦⎥
−1
( III-7)
Tm n’est fonction que de la fréquence de sollicitation w car les autres paramètres sont
constants pour un processus donné.
D’après l’équation (III-1), on peut écrire :
Q −1 = ∆.
1
1 + wτ
wτ
= ∆.
∆ 1
∆
1
= .
= . sec h( x )
−x
2 ch( x ) 2
e +e
x
( III-8)
∆H 1
1
.( −
)
R T Tm
soit encore :
avec x =
⎡ ∆H ⎛ 1
1 ⎞⎤
−1
.sec h⎢
.⎜ −
Q −1 ( T) = Q max
⎟⎥
⎣ R ⎝ T Tm ⎠ ⎦
( III-9)
−1
D’après (III-5) et (III-6) on sait que l’intensité de la relaxation (ici Q max
) est proportionnelle
à l’inverse de la température. En pratique, les pendules de torsion utilisés fréquemment pour
la mesure du pic Snoek sont souvent conçus pour fonctionner à des fréquences de l’ordre de
l’Hertz. Or pour des fréquences variant de 0,5 à 2 Hz, la variation relative du maximum du
pic par rapport à celui mesuré pour une fréquence de 1 Hz est de ± 2 %. C’est pourquoi,
dans de nombreuses publications, les auteurs ne retiennent que l’équation (III-9). C’est ce
que nous ferons dans la suite de la thèse.
Un spectre de relaxation permet donc d’apporter une information qualitative sur la nature
du défaut (position de Tm, fonction de la nature de l’interstitiel ou du processus du saut induit
par déformation dans le cas de spectres complexes) ainsi qu’une information quantitative
par la mesure du maximum du pic de frottement interne, proportionnel à la concentration
d’interstitiels en solution, toute chose étant égale par ailleurs.
Dans la pratique, et quand l’alliage comporte plusieurs types d’interstitiels (exemple des
systèmes Fe-C-N et Fe-Mn-C-N), le spectre de relaxation est composé des diverses
contributions élémentaires et s’écrit alors :
⎡ ∆Hi ⎛ 1
1 ⎞⎤
−1
⎜
⎟⎥
.sec
Q −1 ( T) = Q 0−1 ( T) + ∑ Q max,
h
−
⎢
i
i
⎣ R ⎝ T Tm i ⎠ ⎦
(III-10)
63
Q 0−1 (T ) est le bruit de fond, qui représente le frottement interne résiduel (appareil de
mesure, défauts dans l’échantillon, déplacement des parois de Weiss) et qui peut être
fonction de la température.
−1
Q max,
i est l’amplitude maximale du pic de frottement interne, qui est proportionnelle à la
concentration du défaut de type i (espèce chimique et type de site occupé dans les alliages
de type Fe-M-C ou N) à la température Tmi.
∆Hi est l’enthalpie d’activation du saut du défaut i.
On retrouve ce type de spectre dans le système Fe-N-C où dans des ternaires Fe-M-C et
Fe-M-N où un élément en substitution M peut entraîner l’apparition de plusieurs pics
élémentaires du fait de l’existence de sites non équivalents autours des atomes M. C’est le
cas du système Fe-Mn-N ou la présence de Mn en solution fait apparaître des pics
“ anormaux ” sur le spectre de frottement interne qui sont la manifestation de sauts d’atomes
d’azote localisés autours d’atomes de manganèse isolés ou de paires d’atomes de
manganèse.
La première difficulté lorsque l’on rencontre un spectre complexe est de connaître ses
composantes élémentaires afin de le décomposer analytiquement.
III.A.3. Cas des systèmes Fe-C, Fe-N et Fe-M-C-N
III.A.3.a)
∆H et Tm du carbone et de l’azote dans le fer alpha
Les valeurs données ici correspondent à la moyenne des différentes valeurs tirées de la
littérature [WER53b][ENR62b][AOK63c][COU67][RIT67][DEN68] et sont retenues dans ce
travail :
∆HC = 20100 cal/mol = 84000 kJ/mol = 0.87 eV TmC = 40°C = 313K
∆HN = 18500 cal/mol = 77300 kJ/mol = 0.78 eV
TmN = 24°C = 297K
La température du maximum d’amortissement est donné à 1Hz.
Il a été montré que lorsque les deux interstitiels sont présents simultanément en solution
solide, les paramètres thermodynamiques restent les mêmes, le spectre de frottement
interne obtenu étant la résultante de la somme des deux contributions [WER54]. Cela signifie
que la présence d’un interstitiel ne joue pas sur la diffusion de l’autre et vice et versa.
64
III.A.3.b)
Dosage par mesure du frottement interne
Nous avons vu que la relaxation de Snoek se manifeste par un pic sur le spectre de
frottement interne dont la hauteur est proportionnelle à la quantité d’atomes interstitiels en
solution. On peut donc écrire la concentration [i] de soluté i comme :
−1
[i] = K i . Q max,
i
( III-11)
avec Ki un coefficient de proportionnalité qui s’écrit dans le cas d’une sollicitation en
torsion (d’après (III-6)) :
⎡4 1 v0
⎤
K i = ⎢ . −1 .
. Γ.( λ 1 − λ 2 ) 2 ⎥
⎣ 3 G k. T
⎦
−1
( III-12)
Depuis la découverte du pic de Snoek dans l’acier, on a cherché à déterminer les
coefficients KC et KN. Des chercheurs ont étudié l’influence de divers paramètres comme la
taille de grain, la composition chimique et la texture.
Swartz a montré que l’effet de taille de grain supposé par Aoki et al était en fait lié à la
texture [AOK61][AOK63a,b,c][SWA69]. L’effet de la texture sur KC et KN a longtemps été
ignoré ou négligé malgré qu’il soit implicite dans les expressions (III-5) et (III-6). Récemment,
Eloot et al ont calculé théoriquement les coefficients KC et KN pour des orientations
cristallographiques types et ont fait apparaître des variations allant du simple au double entre
les fibres α et φ (voir Tableau III-1)[ELO97a,b]. Néanmoins, il n’existe pas d’étude ou cet
effet est calculé puis vérifié expérimentalement. Le calcul de l’effet de la texture est utilisé
dans la thèse (chapitre IV) et détaillé dans l’annexe 2.
Texture
En torsion
KC du carbone KN de l'azote
fibre α
fibre γ
fibre φ
fibre ζ
aléatoire
0,94
0,94
1,68
1,11
1,14
1,14
1,14
2,04
1,35
1,38
Tableau III-1 : Valeurs de KC et KN pour les composants de texture et les fibres les plus
représentés dans le cas d’aciers à bas carbone laminés puis recristallisés pour
des échantillons prélevés dans le sens de laminage [ELO97a].
III.A.3.c)
Influence de la composition chimique
L’influence de la composition chimique se manifeste de deux manières :
• Apparition de pics “ extraordinaires ”
• Diminution de l’amplitude du pic de Snoek “ ordinaire ”
65
Dans des systèmes Fe-Mn-N, la présence de manganèse conduit à un élargissement et
un étalement du pic de frottement interne de l’azote [FAS51][MEI61]. On a rapidement voulu
décomposer ce spectre en pics élémentaires répondant à l’équation (III-10), chaque pic
correspondant aux sauts d’atomes d’azote depuis ou vers des sites particuliers. Les
variations relatives de la hauteur de ces pics en fonction de la teneur en manganèse ont
amené Nacken et al. à faire l’hypothèse de l’existence de 3 types de sites pour les atomes
d’azote [NAC66]. Des sites normaux où l’atome d’azote se retrouve dans une maille “ pure ”
de fer alpha, les sites Fe-Fe. Des sites “ anormaux ” où l’atome d’azote à un atome de
manganèse proche voisin, les sites Fe-Mn, ou deux atomes de manganèse proches voisins,
les sites Mn-Mn (Figure III-3). D’après Nacken et al., un atome d’azote n’a pas la même
énergie selon le type de site occupé. L’existence de ces 3 types de site doit conduire à 7
types de saut soit 7 pics de frottement interne (Figure III-2). Ces chercheurs montrent que
pour des concentrations en azote assez faibles ([N] < 100ppm), seuls les pics des sauts 1, 2
et 3 sont prédominants. Ils correspondent à des atomes d’azote en position normal, qui
conduisent au pic de Snoek ordinaire, et à des atomes d’azote qui sautent autour d’un atome
ou d’une paire d’atomes de manganèse et conduisent à l’apparition des pics
“ extraordinaires ” dont le maximum est respectivement à plus haute et plus basse
température que celui du pic normal. Cette analyse ainsi que cette décomposition ont été
faites par plusieurs équipes, les paramètres thermodynamiques qui définissent chaque pic
sont donnés dans le Tableau III-2.
Considérant que la distribution des atomes d’azote dans la solution suit une statistique de
Boltzmann, Kruk et al ont calculé l’énergie de liaison entre un atome d’azote et un atome de
manganèse, et entre un atome d’azote et une paire d’atome de manganèse [KRU94]. Ils
trouvent respectivement 0,033 eV et 0,168 eV. Certains atomes d’azote sont donc piégés
dans des sites particuliers, et c’est ce piégeage qui est évoqué pour expliquer le retard à la
précipitation des nitrures de fer en présence de manganèse [FAS54][ENR62a][GLA65].
66
Auteurs
Nacken et al.
[NAC66]
Pics
1
2
Ea (kcal/mol)
14,0
16,2
Ea (kJ/mol)
58,5
67,7
Ea (eV)
0,61
0,70
Tm (°C)
7
26
Tm (K)
280
299
0.5Hz corrigé à 1 Hz
3
4
17,0
19,0
71,1
79,4
0,74
0,82
37
54
310
327
5
6
20,1
23,2
84,0
97,0
0,87
1,01
72
92
345
365
Den Ouden
7
1
25,0
16,0
104,5
66,9
1,08
0,69
116
7
389
280
[DEN66]
1 Hz
2
3
18,6
19,5
77,7
81,5
0,81
0,85
22
34
295
307
4
5
20,0
21,0
83,6
87,8
0,87
0,91
82
132
355
405
Couper et al.
[COU67]
1
2
16,5
18,5
69,0
77,3
0,72
0,80
7
23
280
296
1 Hz
Salzbrenner et al.
3
0
19,5
15,5
81,5
64,8
0,85
0,67
34,5
-0,6
307,5
272,4
[SAL76]
0.5Hz corrigé à 1 Hz
1
2
17,2
18,1
71,9
75,7
0,75
0,79
6,1
20,4
279,1
293,4
Ritchie et al.
[RIT67]
3
1
2
19,5
15,8
16,7
81,5
66,0
69,8
0,85
0,69
0,72
33,4
-8,6
3,3
306,4
264,4
276,3
1.5Hz corrigé à 1 Hz
3
17,5
73,2
0,76
10
283
4
5
18,6
19,3
77,7
80,7
0,81
0,84
24
30,6
297
303,6
Enrietto
1
15,0
62,7
0,65
7
280
[ENR62a]
1 Hz
Moyenne
2
3
1
18,0
21,0
16,0
75,2
87,8
66,9
0,78
0,91
0,69
24
34,5
7
297
307,5
280
1Hz
2
3
18,0
19,3
75,2
80,7
0,78
0,84
24
34
297
307
Tableau III-2 : Paramètres thermodynamiques des pics du système Fe-Mn-N tirés de la littérature. Les
cases grisées marquent les pics prédominants dans les alliages contenant peu d’azote en
solution.
Fe-Fe
2
4
Fe-Mn
5
3
7
6
1
Mn-Mn
Figure III-2 : Schéma des niveaux d’énergie des sites octaédriques ainsi que des sauts possibles d’un
interstitiel entre ces niveaux d’après Nacken et al. [NAC66] . Les numéros des sauts
correspondent à un ordre croissant des températures des maxima des pics.
2
1
2
2
2
Fe
Fe
2
1
1
2
1
1
2
Mn
2
i
2
1
2
Sites octaédriques
ième voisin de Mn
Mn
Sites
octaédriques
Mn-Mn
2
2
Figure III-3 : Sites octaédriques proches voisins d’un Mn et Mn-Mn dans le fer-α.
67
Si l’existence de sites non équivalents est admise, le dosage implique de connaître le
poids de chaque pic vis à vis de la quantité d’azote qu’il représente. A partir de l’étude
d’alliages Fe-Mn-N à différentes teneurs en manganèse, Nacken et al. ainsi que Stephenson
donnent des expressions empiriques à cette fin :
[N]%pds = 4,5.pMn-Fe + 1,27.pFe-Fe + 1,0.pMn-Mn
[NAC66]
[N]%pds = k.(2.33.pMn-Fe + 0.83.pFe-Fe + 0.75.pMn-Mn)
[STE74]
où px est la hauteur du pic représentatif des sites x et k un facteur d’orientation
cristallographique.
Le poids relatif de chaque pic n’est pas le même dans les deux expressions. Toutefois, la
tendance voulant que le poids du pic basse température (sites Mn-Mn) soit nettement
supérieur aux deux autres est retrouvée. Cela signifie que pour une même quantité
d’interstitiels, l’intensité de la relaxation dans le cas d’atomes en site Mn-Mn est plus faible
que dans d’autres sites.
L’effet d’autres substitutionnels sur le spectre de frottement interne de l’azote a peu été
étudié. Notons simplement une étude de Soeno et al qui montrent que le comportement vu
plus haut se retrouve en présence de molybdène (0,5-1% atomique) ou de vanadium (0,25%
atomique) alors que le cobalt et le nickel présent jusqu'à des teneurs de 5% atomique ne
semblent pas avoir d’effet important sur le pic de Snoek de l’azote [SOE67].
En ce qui concerne le carbone, des phénomènes équivalents à ce qui est décrit pour FeMn-N se manifestent dans Fe-Cr-C, Fe-Ni-C et Fe-Al-C [KLE76][LAX61][JAN66a,b]. Mais les
concentrations en substitutionnels sont telles que leur effet semble pouvoir être négligé dans
le cas des aciers très faiblement alliés comme ceux qui nous intéressent dans le contexte de
la thèse. Pour les faibles concentrations en éléments substitutionnels (< 1-2%), de
nombreuses équipes ont constaté la diminution de la hauteur du maximum du pic de Snoek
du carbone en présence de manganèse, silicium, nickel, chrome, cobalt, phosphore,
molybdène ... [GLA65][DEN68][KLE76][SAI89,93][USH93]. Si dans un premier temps, cette
diminution était toujours interprétée comme étant la résultante de la diminution de la
solubilité du carbone [GLA65][DEN68][KLE76], Saitoh et al et Ushioda et al ont montré qu’il
n’en était rien. Leur procédure expérimentale permet de montrer que sans diminuer la
solubilité du carbone (voir Tableau III-3 et Figure III-4) certains éléments en solution solide
ont une influence plus ou moins prononcée sur la hauteur du pic de Snoek du carbone (voir
Figure III-5), toute chose étant égale par ailleurs [SAI89,93][USH93].
Pour expliquer la diminution du maximum de pic de Snoek en présence d’éléments en
solution, ces chercheurs proposent l’existence de “ zones fortement déformées ” autour des
atomes en substitution dues à la différence des rayons atomiques avec celui des atomes de
fer. Les atomes de carbone, distribués au hasard dans la matrice, deviennent “ invisibles ” au
frottement interne s’ils sont situés dans ces zones (Figure III-6). D’après leur hypothèse,
l’effet de masquage des atomes de carbone au frottement interne devrait être d’autant plus
68
important que les rayons atomiques de l’espèce en substitution et du fer sont éloignés. C’est
effectivement ce qu’ils observent expérimentalement [SAI93].
Figure III-4 : Influence du manganèse sur la solubilité du carbone
Elément
Solubilité de C
à 700°C
Mn (0~1%)
0,019%
P (0,08%)
0,028%
Si (0,08%)
0,030%
Co (0~1%)
0,019%
Tableau III-3 : Solubilité du carbone dans le fer à 700°C en présence d’un élément en substitution tirée des
mesures de frottement interne corrélées à des analyses chimiques [USH93].
Ushioda et al. [USH93] font le même type d’observations et d’hypothèse (Figure III-5).
Dans le système Fe-Mn-C, le pic de frottement interne est légèrement élargi vers les hautes
et basses températures alors qu’il est fortement élargi vers les hautes températures dans les
systèmes Fe-P-C et Fe-Si-C. L’élargissement serait alors le résultat de l’addition du pic
normal avec d’autres pics ayant des énergies d’activation différentes, conséquence de
l’existence de sites non équivalents autour des atomes substitutionnels.
Dans le modèle que présentent ces auteurs, une éventuelle interaction entre les atomes
substitutionnels et les atomes de carbone n’est pas considérée. Or, le champ de déformation
que crée l’atome en substitution dans la maille est susceptible d’interagir avec le dipôle
élastique que forme l’atome de carbone en position octaédrique, comme c’est le cas avec le
champ de déformation autour d’une dislocation. De plus, il peut exister des affinités
chimiques entre le substitutionnel et le carbone (ex : Affinité de Mn pour la cémentite,
éléments carburigènes). Dans ces conditions, la proportion d’atomes de carbone
“ masqués ” par l’effet vu plus haut ne serait pas déterminée par le hasard mais par une
statistique de type Maxwell-Boltzmann.
Song et al. [SON89], qui étudient la précipitation du carbone dans un système Fe-Mn-C
par mesure de résistivité électrique et frottement interne, montrent une diminution du pic de
frottement interne avec la teneur en manganèse similaire à celle de Saitoh et al. [SON89]. Ils
69
l’interprètent comme étant le résultat de la formation, pendant la trempe, de dipôles Mn-C qui
se décomposent lors du traitement de vieillissement [ABE84,86]. Selon eux, les atomes de
carbone formant des dipôles ne participent pas au pic de frottement interne. Ils concluent
que si l’on considère que les atomes de carbone en solution solide sont l’addition de ceux
formant les dipôles Mn-C et les atomes isolés (qui participent au frottement interne), la
solubilité du carbone ne varie pas pour une concentration en manganèse allant jusque 1,2%.
Ils l’établissent à 0,017% à 700 °C. Ces résultats sont en accord avec ceux décrits plus haut.
La conséquence pratique des observations expérimentales des études citées plus haut
sur l’utilisation du frottement interne pour le dosage du carbone est de considérer l’effet de la
composition chimique sur le coefficient de proportionnalité KC. D’après leurs résultats, Saitoh
et al donnent KC en fonction de la teneur en manganèse ou en phosphore (Figure III-7).
70
Figure III-5 : Spectre de frottement interne d’échantillons d’aciers bas carbone contenant différents
éléments d’alliage et trempés depuis 700°C.
(a) Mn (b) P (c) Si (d)Co
[USH93]
Fe
Atome substitutionnel
C
Figure III-6 : Schéma du modèle des zones fortement déformé proposé par Saitoh et al et Ushioda et
al [SAI89, 93][USH93].
Figure III-7 : Variation de la constante de proportionnalité KC en fonction de la quantité de
manganèse en solution [SAI89].
71
III.A.4. Mesure du frottement interne
III.A.4.a)
Appareil de mesure : pendule de torsion, mesure du
décrément logarithmique
Pour balayer le spectre de frottement interne Q-1(w.τ), on a le choix entre faire varier la
fréquence de sollicitation ou τ par l'intermédiaire de la température.
Pour des considérations essentiellement expérimentales, le choix de nombreuses équipes
s'est porté sur des appareils de torsion (pendule de torsion) dont la fréquence de
fonctionnement est d'environ 1Hz avec un balayage en température. Ceci conduit à des
maxima d'amortissement aux environs de la température ambiante, limitant ainsi une
précipitation éventuelle des interstitiels durant l'expérience.
Pour des raisons de sensibilité, les pendules de torsion généralement adoptés sont en
oscillations "libres", c'est à dire que la fréquence d'oscillation du pendule n'est pas imposée
mais correspond à la fréquence propre du système constitué par le pendule et l’échantillon.
C’est le cas de l’installation utilisé à l’INSA de Lyon (Figure III-8). La rigidité du pendule, le
frottement interne du fil de torsion et la géométrie des éprouvettes (5x50 mm) imposent de
travailler avec des épaisseurs d’échantillons comprises entre 0,15 et 0,7 mm ce qui est
toujours le cas pour les aciers étudiés dans le cadre de la thèse (voir annexe 2).
L’échantillon constitue l’élément de torsion du pendule. Il est fixé entre deux mors dont
l’un (mors inférieur) est solidaire du bâti du pendule. L’ensemble du pendule est placé sous
une faible pression d’hélium afin d’éviter un trop grand frottement de l’air et d’assurer un
échange de la chaleur par convection. L’atmosphère d’hélium permet également d’éliminer la
condensation d’eau (à basse température) ou l’oxydation (à haute température) de la surface
de l’échantillon pendant la mesure.
La température de l’échantillon est contrôlée par un four entouré d’un cryostat rempli
d’azote liquide. L’ensemble du pendule est équilibré par un contrepoids de masse
suffisamment faible pour ne pas soumettre l’échantillon à un effort de traction notable.
La déformation en torsion est mesurée à l’aide d’un faisceau lumineux qui se réfléchit sur
un miroir solidaire de la tige mobile. Il est ensuite récupéré par deux cellules
photorésistantes dont on extrait le signal différentiel qui est proportionnel au déplacement du
spot lumineux sur les cellules. Dans l’hypothèse de faibles déformations, la déformation dans
l’échantillon est donnée par :
ε=
θ.e
2.L
où θ est l’angle de torsion, e l’épaisseur de l’échantillon dans le cas de plaquette et L la
longueur de l’échantillon. Notons que cette relation n’est valable que dans le cas où e < l 5
avec l, la largeur de l’échantillon.
72
Pour rester dans des conditions strictes de déformation élastique, la déformation ne
dépasse pas quelques 10-4.
Atmosphère He
Contrepoids
Fil de torsion
Tige du pendule
Volant d'inertie
Miroir
Eléctroaimant
Aimant
Mors supérieur
Four
Echantillon
Mors inférieur
+ thermocouple
Azote liquide
Cryostat
Figure III-8 : schéma du pendule de torsion inverse de l’INSA de Lyon.
L’acquisition du spectre consiste en une succession de cycle de mesure. Un cycle de
mesure est composé d’une première partie consacrée au contrôle de l’amplitude de
l’oscillation par un asservissement électromagnétique, la deuxième partie est la mise en
oscillation libre du pendule. On mesure alors le décrément logarithmique de l'amplitude de
l'oscillation qui s'exprime par :
δ=
A
1
.ln( i )
A i+N
N
où Ai est l’amplitude de la ième oscillation.
On peut montrer [NOV72] pour Q-1 petit et par approximation au premier ordre que :
δ ≅ π.Q −1
( III-13)
La température de l’échantillon est mesurée par l’intermédiaire d’un thermocouple logé
dans le mors inférieur du pendule. Une correction entre cette température mesurée et la
température réelle de l’échantillon a été préalablement déterminée expérimentalement et est
systématiquement appliquée pendant les mesures. La reproductibilité de la mesure a été
vérifiée expérimentalement et est inférieure à 0,5 °C sur toute la gamme de température. La
température absolue est considérée connue à +/- 1 °C (voir annexe 1).
73
III.A.5. Préparation des échantillons
Une attention toute particulière est retenue en ce qui concerne l’état de surface des
échantillons. Effectivement, le frottement interne mesuré est surtout représentatif de la
surface de l’échantillon ce qui peut devenir critique lorsqu’on caractérise des tôles fines (voir
annexe 1). On doit donc s’assurer de l’homogénéité de l’échantillon ainsi que de la propreté
de la surface (pas d’oxydes ni de corps gras). Les échantillons, éventuellement polis à
l’acide chlorhydrique (si couche d’oxyde en surface), sont polis chimiquement dans un
solution H2O2-4%HF, rincés à l’acétone et séchés avec précaution.
III.A.6. Correction en fréquence des spectres
Pour comparer différents spectres et effectuer des opérations élémentaires entre eux
(addition, soustraction...), les spectres doivent être ramenés à une fréquence commune.
Dans le logiciel de déconvolution que nous avons développé, une fonction permet de
corriger les spectres en fréquence en utilisant une température de référence et une énergie
d’activation moyenne (voir annexe 1). Cette méthode est très satisfaisante et permet de
réaliser la déconvolution « métallurgique » détaillée dans le chapitre suivant.
III.B. Le Pouvoir ThermoElectrique (PTE)
Les travaux exposés dans la thèse repose en grande partie sur la mesure du pouvoir
thermoélectrique (PTE). Pour cette raison, cette partie du chapitre IV est particulièrement
détaillée.
III.B.1. Effets thermoélectriques
Dans les métaux, il existe trois effets thermoélectriques liés à la variation du potentiel
électrochimique des électrons de conduction, µ , avec la température, la nature des métaux
et l’existence d’un gradient thermique. Il s’agit des effets Peltier, Thomson et Seebeck.
µ = µ − e .V
où µ est le potentiel chimique des électrons de conduction, V le potentiel électrostatique
auquel est porté le métal et e la charge élémentaire de l’électron.
74
III.B.1.a)
L’effet Peltier
Il se manifeste par l’apparition d’une différence de potentiel (ddp) électrostatique
Π AB = V A − VB lorsque 2 métaux A et B de nature différente sont mis en contact à une
température T. C’est la mise en équilibre des potentiels électrochimiques des électrons qui
est responsable de cette différence de potentiel. Il s’établit ainsi :
µ AT = µBT qui peut s’écrire : µ AT − e .V A = µ BT − e .V B
VA
VB
T
A µA
µBT
B
Figure III-9 : Effet Peltier
La ddp est fonction de la température et sa mesure est à la base du principe de mesure
de la température avec les thermocouples.
Π AB est le coefficient de Peltier.
III.B.1.b)
L’effet Thomson
Il se manifeste dans un conducteur soumis à un gradient thermique (Figure III-10). Les
électrons sont alors soumis à 2 forces ; l’une liée au gradient thermique et l’autre au gradient
de potentiel électrochimique des électrons de conduction qui s’écrit :
dµ = µ T + dT − µ T = µ M ' − µ M
Entre les 2 points M et M’ apparaît alors une ddp proportionnelle à dT :
M
M’
T1
T2
T
T+dT
Figure III-10 : Effet Thomson
dV = σ T . dT
où σ T est le coefficient de Thomson.
On définit un deuxième coefficient relatif aux variations de µ avec la température. C’est
le pouvoir thermoélectrique S :
S=
1 dµ
.
e dT
qui donne
∫
µ = e . S.dT
75
Il existe des relations liant les coefficients thermoélectriques entre eux. Elles ont été
démontrées par Thomson et s’écrivent :
Π AB = T.(S A − S B )
T.
s(S A − S B )
= σ TA − σ TB
dT
T
1
∫ T .(σ
S A − SB =
TA
−σ TB ).dT = S AB
0
On définit alors le PTE absolu S et le coefficient de Peltier absolu par
T
S = ⎛⎜ σ T ⎞⎟.dT
⎝ T⎠
0
∫
et
Π = T.S
En pratique, le PTE absolu est déterminé en mesurant le coefficient de Thomson en
fonction de T.
III.B.1.c)
L’effet Seebeck
L’effet Seebeck est une résultante des effets Peltier et Thomson et se manifeste par
exemple dans un circuit tel que celui de la Figure III-11.
Le circuit est composé de deux métaux A et B et présente différents gradients de
température. Aux jonctions entre les conducteurs, on écrit l’effet Peltier sous la forme :
µ AT = µ BT
µ AT + ∆T = µ BT + ∆T
et
et l’effet Thomson par les expressions :
µ A0 − µ AT = e . ∫ S A . dT
T
T
T0
T + ∆T
µ B − µ BT + ∆T = e . ∫ SB . dT
T
T
µ AT + ∆T − µ AT0 = e . ∫
T0
T + ∆T
S A . dT
Ces relations conduisent à prévoir l’existence d’une différence de potentiel aux extrémités
A à T0 qui s ‘écrit :
T + ∆T
V2 − V1 =
∫ (S
B
− S A ). dT
T
soit
SB − S A =
V2 − V1
∆T
76
On peut directement mesurer cette différence de potentiel qui est indépendante de la
forme et de la taille des conducteurs.
L’effet Seebeck est utilisé pour déterminer le PTE relatif ou absolu d’un matériau (B)
lorsque l’on connaît le PTE d’un matériau de référence (A).
T+∆T
T
B
A
V1
T0
V2
T0
Figure III-11 : Schéma de mesure de l’effet Seebeck.
III.B.1.d)
Le PTE absolu des métaux purs
Le PTE absolu S d’un métal est généralement composé en 2 termes Sd et Sg.
S = Sd + Sg
où Sd est la composante diffusionnelle qui résulte de l’effet de la température sur les
électrons de conduction. Sd est une fonction linéaire de la température (Mott et Jones)
Sg est la composante de réseau ou “phonon-drag ” qui est maximale vers T ~ 1/5.θD (θD
est la température de Debye) et devient négligeable pour T > θD. Sg est la manifestation de
l’interaction entre les phonons et les électrons qui se manifeste aux basses températures.
Cette composante apparaît sous la forme d’un pic positif ou négatif selon le métal considéré.
Le PTE d’un métal pur présente donc un pic positif ou négatif à basse température et une
partie linéaire à plus haute température tant qu’il n’y a pas de transformation de phase ou de
transition magnétique. C’est le cas des métaux nobles. Le comportement du PTE des
métaux de transition comme le fer peut être plus ou moins différent du fait de l’existence des
deux bandes de conduction s et d.
Dans le cas d’un alliage, les défauts présents dans la matrice ont une influence sur le
PTE que ce soit en modifiant la composante de réseau ou la composante diffusionnelle.
Dans les parties suivantes, nous ne nous intéressons qu’au cas du fer et des aciers extradoux.
77
III.B.2. La mesure du PTE
Au laboratoire GEMPPM de l’INSA de Lyon ont été développés différents appareils de
mesure du PTE. Dans cette étude, un seul type d’appareil est utilisé qui repose sur le
principe vu dans le paragraphe IV.A.1.c ( Figure III-12).
Figure III-12 : Schéma de l’appareil de mesure du PTE développé à l’INSA de Lyon.
En pratique, l’échantillon est pressé entre 2 blocs d’un matériau de référence (ici un acier
extra-doux stabilisé); l’un étant à la température de T = 15 °C et l’autre T+∆T = 25 °C soit ∆T
= 10 °C. La température de mesure étant la température ambiante soit environ 20°C. Après
mise en équilibre thermique de l’échantillon, la valeur du PTE est directement affichée avec
une résolution de 0,001 µV/K et une incertitude relative de 0,2 %. En pratique, les mesures
sont reproductibles et on assure une dispersion de ± 0,002 µV/K.
Pour s’affranchir des effets de dérive de la mesure et prendre en compte une éventuelle
variation de la température T0 (Figure III-11), un zéro est effectué sur un échantillon témoin.
Le PTE des échantillons étudiés est mesuré par rapport à cet échantillon témoin. Enfin, un
calibrage des amplificateurs est régulièrement effectué en utilisant des échantillons de
référence de PTE relatifs connus. La valeur du PTE d’échantillons ‘’stabilisés’’ est la même
depuis plusieurs années.
78
III.B.3. Le PTE du fer pur et des aciers peu alliés
III.B.3.a)
Le PTE du fer pur
La variation de PTE du fer pur en fonction de la température a été déterminé par Blatt et
al ainsi que par Benkirat [BLA67][BEN85] (Figure III-13).
Figure III-13: Variation du PTE absolu du fer pur en fonction de la température de
mesure [BEN85].
Par rapport à d’autres métaux, le PTE du fer présente des particularités :
•
Un maximum élevé à basse température et dont la position est au-delà de 1/5.θD.
Blatt et al ainsi que Barnard attribuent celle-ci à un important effet magnon-drag qui
s’ajoute au phonon-drag [BLA67][BAR74]. Il serait lié à l’interaction des électrons
avec les ondes de spin.
•
Non linéarité à haute température. Le PTE change brusquement à la transition ferroparamagnétique ainsi qu’à la transformation austénitique.
L’introduction de défauts tels que des solutés ou des dislocations dans la matrice de fer
pur va modifier son PTE et notamment à température ambiante. C’est le cas pour le carbone
et l’azote en solution solide interstitiel ainsi que pour les dislocations introduites par
écrouissage [BEN85][BRA93].
La description théorique de l’effet des défauts précités sur le PTE du fer pur n’est pas
élaborée au point de décrire les comportements observés. Pour cette raison et étant donné
la température de mesure dans notre étude pour laquelle la variation de PTE du fer pur est
linéaire avec la température, il nous paraît raisonnable de considérer que l’effet des défauts
sur le PTE à température ambiante est d’origine diffusionnelle. Cette hypothèse nous permet
79
alors d’utiliser la règle de Gorter et Nordheim qui donne la composante diffusionnelle du
PTE dans le cas d’une solution solide à n éléments d’alliage [NOR35].
III.B.3.b)
Influence des solutés : règle de Gorter et Nordheim
L’influence d’éléments i en solution sur la composante diffusionnelle s’exprime par la
relation de Gorter et Nordheim qui s’écrit :
ρ.∆S =
∑ ρ .s
i
( III-14)
i
où ∆S = Salliage - Smétal pur = S - S0
ρ = ρ0 +
∑ρ
(règle de Mathiessen)
i
ρi = αi . ci
pour les faibles concentrations
ρ0
la résistivité du métal pur
ρ
la résistivité de l’alliage
ρi
la contribution de l’élément i à ρ
si
le pouvoir thermoélectrique spécifique de l’élément i
αi
résistivité spécifique de l'élément i
ci
concentration de l'élément i
L’équation (III-14) peut s’écrire sous la forme :
S − S0 =
∑ ρ .s
ρ + ∑ρ
i
i
0
( III-15)
i
Considérons le cas d’un soluté A unique. L’équation (III-15) s’écrit alors :
S A − S0 =
ρA .s A
ρ0 + ρ A
( III-16)
SA est ici le PTE du métal pur en présence de A seul, soit
∆S A = S A − S 0 =
a. c A
α A .s A .c A
=
ρ 0 + α A . c A b + d. c A
( III-17)
qui peut s’écrire
1
D
=
+B
∆S A c A
( III-18)
L’influence d’un élément A en solution solide sur le PTE de l’alliage n’est pas
proportionnelle à sa concentration et présente une saturation pour les fortes concentrations.
Cette prévision théorique est vérifiée par Brami dans le cas de manganèse en solution solide
dans des aciers extra-doux (Figure III-14). Ce résultat expérimental nous encourage à
80
Figure III-14: Vérification expérimentale de la loi de Gorter et Nordheim dans des aciers extra-doux à
différentes teneurs de manganèse [BRA93].
considérer que les évolutions de PTE observés à 20°C correspondent bien à la composante
diffusionnelle.
Si maintenant on se retrouve avec plusieurs éléments i en solution solide sans interaction
entre eux, on peut tirer des équations (III-15) et (III-17) que :
S A = S 0 + ∑ ∆S i
i
Le PTE SA de l’alliage est donc la somme des différentes contributions des éléments et du
PTE de la matrice pure.
Maintenant on considère le même alliage, dans lequel un élément j est présent en faible
concentration (cj << ci). On peut alors écrire que ρj << Σρi < ρ0 soit que ρ ~ ρ0 + Σρi.
L’équation (III-15) permet alors s’écrire :
S − SA =
ρ j .s j
ρ + ρj
≅
ρ j .s j
ρ
=
α j .s j .c j
ρ
= Pj .c j
( III-19)
avec S le PTE de l’alliage avec l’élément j en solution, et
Pj =
α j .s j
ρ
( III-20)
D’où l’on extrait que l’influence d’un élément j en faible concentration dans la solution
solide peut être caractérisée par un coefficient d’influence Pj qui varie inversement
proportionnellement à la résistivité globale de l’alliage.
La faible solubilité du carbone et de l’azote dans le fer alpha (voir chapitre I) permet de
faire l’approximation de l’équation (III-20) et on obtient ainsi un coefficient d’influence qui
exprime la variation de PTE liée à la présence d’une quantité donnée de carbone ou/et
d’azote en solution. On écrit alors :
81
∆S j = Pj .[j]
( III-21)
où ∆Sj est la contribution de l’élément j (j = C ou N) en concentration [j] au PTE de l’alliage
et Pj le coefficient de proportionnalité que l’on exprimera en µV/(K.10-3%).
Le coefficient de proportionnalité Pj dépend donc de la résistivité globale de l’alliage.
Expérimentalement, les coefficients du carbone et de l’azote ont été déterminés par Benkirat
et Brami pour des aciers extra-doux peu alliés (Tableau III-4). Brami montre par ailleurs la
pertinence de l’utilisation de la règle de Gorter et Nordheim pour corriger le coefficient
d’influence PC dans le cas d’aciers à différentes teneurs de manganèse, cet élément étant
dans son étude le principal responsable de la variation de résistivité par rapport au fer pur
[BRA93].
En fait, on ne peut déterminer le coefficient PC dans un alliage que par l’expérience. Afin
de connaître le coefficient pour un alliage de résistivité différente, on utilise les
conséquences de la relation de Gorter et Nordheim qui s’écrivent :
PC1
=
PC2
ρ2
ρ1
( III-22)
avec PC1 , PC2 les coefficients de proportionnalité et ρ1, ρ2 les résistivités respectives des
alliages 1 et 2. En connaissant PC1 , ρ1 et ρ2, on peut remonter à PC2 .
Dans notre étude, la résistivité des différents alliages n’a pas été déterminée
expérimentalement mais calculée à partir de la relation empirique donnée par Meyzaud et al
qui donne la résistivité d’un acier à 300K en fonction de sa composition chimique et qui
s’écrit4 [MEY74]:
ρ(µΩ/K) = 9,9 + 30.(C+N) + 6.Mn + 12.Si + 14.P - 10.S + 1.Co + 2,9.Ni
+ 5,5.Cr + 2,8.Mo + 1,3.W + 3,3.V + 6,4.Ti + 3,9.Cu + 13.Al
( III-23)
où les concentrations s’expriment en % massique.
Les coefficients d’influences que l’on utilise sont calculés en utilisant les relations (III-22)
et (III-23) et en prenant comme référence les données expérimentales de Brami et Benkirat
(Tableau III-4). Les résultats de ces calculs sont donnés dans la partie III.F.
L’écart qui existe entre les deux valeurs de PN calculés par Benkirat peuvent avoir pour
origine soit une résistivité significativement différente entre les 2 alliages étudiés soit une
imprécision ou une erreur relative sur les mesures de la quantité d’azote effectivement en
solution par la technique d’étalonnage qui est dans ce cas le frottement interne (voir
paragraphe précédent).
4
avec comme limite de validité C, N <0,03% - P, S <0,04% - Ni, Cu <1% - Ti <1,5%
Mn, Si, Co, Cr, V, Al <3% - W <4% - Mo <6%
82
Réf.
[BEN85]
[BRA93]
pour le calcul (*)
PC µV/(K.10-3%poids)
-0,045
-0,040
-0,045
PN µV/(K.10-3%poids)
-0,025 et -0,029
-0,020
-0,025
ρ (µΩ.cm)
11,7
11,5 (11,4)
11,5
Tableau III-4 : coefficients d’influence expérimentaux du carbone et de l’azote sur le PTE d’aciers peu
alliés et leurs résistivités calculées à partir de la relation (III-23). La valeur entre
parenthèse correspond à la résistivité mesurée par Brami.
(*) ce sont ces valeurs que nous utilisons dans nos calculs.
III.B.3.c)
Effet des dislocations
Lors de l’écrouissage, l’introduction de dislocations dans la matrice conduit à une
diminution du PTE du fer à la température ambiante.
Le PTE est également sensible à l’annihilation des dislocations pendant la restauration et
la recristallisation. Notons que lorsque l’on a complètement recristallisé le fer écroui, son
PTE redevient égal à ce qu’il était avant écrouissage [BEN85].
Si on exprime l’effet des dislocations de la même manière que celle des éléments en
solution solide, c’est à dire uniquement avec la composante diffusionnelle, il faut alors
ajouter ρd.sd à la relation (III-14). On écrit alors :
ρ.∆S = ∑ρi.si + ρd.sd
L’effet des dislocations sur la résistivité à température ambiante d’un acier extra-doux est
faible. Cet effet est estimé théoriquement [KAR93] et expérimentalement [MEY74][BRO77] à
environ 1.10-12µΩ.cm-2. En général, on admet que la densité de dislocation dans un acier
fortement déformé (de plusieurs dizaines de %) est de l’ordre de 1010 à 1011 cm-2 soit un effet
relatif sur la résistivité totale du fer de l’ordre du % à température ambiante. Si on se reporte
à ce qui est dit dans le paragraphe précédent, on peut en conclure que l’effet des atomes en
solution sur le PTE est très peu affecté par l’introduction de dislocations. Cela signifie que
les coefficients d’influence Pj restent constants dans le cadre strict de la loi de Gorter et
Nordheim.
III.B.3.d)
Effet des précipités
La présence de précipités peut avoir un effet sur le PTE d’un alliage en rapport avec leur
propre PTE, leur résistivité et leur nature cohérente ou incohérente. On détecte par exemple
leur effet sur le PTE dans des alliages dans lesquels se développent des précipités
cohérents perturbants fortement la matrice comme dans les alliages Al-Cu [PEL84].
Par
extrapolation
et
d’après
les
résultats
expérimentaux
de
la
littérature
[IDN73][ABE81,84a][BEN85][BRA93], les précipités susceptibles de se former dans des
aciers extra-doux n’ont pas ou peu d’effet sur le PTE sauf peut être dans le cas d’une
83
précipitation cohérente qui se développent à des températures inférieures à 70°C (carbures
basse température, voir chapitre I) et dans des états assez fortement sursaturés.
Dans les alliages et les états microstructuraux que nous étudions, l’effet des précipités
pourra être considéré comme négligeable. La variation de PTE observée lors d’un
phénomène de précipitation sera donc directement reliée a la diminution de la teneur en
soluté dans la matrice.
III.B.3.e)
Effets d’autres défauts
L’orientation cristallographique a un effet important sur le PTE d’un cristal pour des
systèmes très anisotropes comme les cristaux hexagonaux (Ti, Zr, Zn). Concernant le fer et
les aciers extra-doux, on détecte un léger effet de la direction de prélèvement dans des tôles
laminées et bobinées. Rien ne permet de dire que cet effet est lié à la texture anisotrope de
la tôle où à l’existence de contraintes internes liées à l’élaboration. Néanmoins, cet effet est
faible et n’affecte pas l’amplitude des variations de PTE dues à la précipitation de carbures
[BER96][CRE97].
Enfin, la littérature ne mentionne pas d’effet détectable des lacunes et des joints de
grains.
III.B.3.f)
Conclusion et nomenclature
En première approximation, le PTE à température ambiante du fer et de ces alliages
dilués, semble pouvoir se décrire comme l’addition des différentes contributions des
éléments en solution solide et des dislocations suivant la règle de Gorter et Nordheim. Dans
le cas d’un système très dilué ou la variation de résistivité relative à chaque défaut est faible
et que les défauts n’interagissent pas entre eux, on peut écrire :
S* = S*0 +
∑∆Si
+
∆Sd
= S*0 + ∆SSS + ∆Sd
Effet des
Effet des
solutés
dislocations
( III-24)
où S*0 est le PTE du fer pur, ∆SSS la contribution des éléments en solution solide (somme
de la contribution de chaque élément, ∆Si) et ∆Sd la contribution des dislocations.
Ainsi,
l’interprétation
des
variations
de
PTE
liées
aux
changements
d’états
microstructuraux sera plus aisée à condition que ces changements ne soient le fait que d’un
seul type de défaut. Dans les travaux exposés ici, on a au maximum cherché à se mettre
dans cette condition.
84
PTE
échelle absolue
PTE échelle
relative
= fer pur
PTE échelle relative
Référence = acier étudié
dans un état donné
∆S
S
S*0
0
fer pur
à 20°C
∆Sss + ∆Sd
S*
S
S{X}
acier étudié
0
dans un état donné
∆SX
état {X}
Déformation
plastique
Traitement
thermique
restauration
précipitation
déformation
dissolution
∆S{X}
effet des
dislocations
0
effet des éléments
en soluté
Figure III-15 : Schéma des échelles absolue et relatives de PTE
Dans notre travail, ce sont surtout les variations relatives entre le PTE de l’acier dans un
état initial donné et son PTE dans un état atteint à la suite d’un traitement thermomécanique
donné qui nous intéresse. Pour qu’il y ait plus de clarté dans nos propos, la nomenclature
illustrée dans la figure suivante a été adoptée. On y voit 3 échelles de PTE, la première étant
l’échelle absolue du PTE auquel nous n’avons pas accès directement et les deux suivantes
sont des échelles relatives. La référence de ces échelles relatives est au choix de
l’expérimentateur. Il s’agit au départ de l’échelle relative à l’échantillon qui nous sert de
référence pendant la mesure (le fer pur par exemple), mais on peut choisir comme référence
le PTE de l’acier que l’on étudie dans un état initial donné. C’est cette dernière échelle qui
est souvent choisie pour quantifier une variation de PTE relatif à une évolution
microstructurale donnée, l’état initial étant rappelé si nécessaire.
On distingue le PTE de l’acier dans un état X, S*{X} dans l'échelle absolue, ou S{X} par
rapport au fer pur ou encore ∆S{X} par rapport à un état donné de l'acier et la variation ∆SX
du PTE entre un état initial et un état X (Figure III-15).
85
III.C. La microscopie électronique à transmission et l’analyse chimique
III.C.1.
préparation des échantillons
Durant la thèse, nous nous sommes intéressés à la nature des précipités formés dans un
acier ULC. Que l’on veuille observer les précipités dans la matrice ou déterminer leur
composition chimique nous impose la manière dont les échantillons (objets) sont préparés.
III.C.1.a)
lames minces
On réalise une lame mince lorsque l’on veut observer des précipités dans la matrice et
déterminer d’éventuelle relation d’orientation entre le précipité et cette dernière. Il s’agit
d’amincir, jusqu’à des épaisseurs de quelques dizaines de micromètres, un disque de 3 mm
de diamètre de l’acier à observer. Dans notre cas, les échantillons ont été préparés de la
manière suivante :
• préamincissement de la tôle (épaisseur initiale d’environ 200 µm) dans une solution
H2O2 - HF 5% jusqu’à une épaisseur d’environ 50 - 80 µm.
• Protection d’une face de la feuille de métal obtenu par une résine durcissante soluble à
l’acétone. L’autre face est recouverte périodiquement de pastille de sparadrap de
diamètre 3 mm collées avec la même résine (Figure III-16).
• L’ensemble est plongé dans un mélange H2O2 - HF 5% afin de dissoudre la partie de
l’acier au contact de la solution.
• La résine est dissoute dans de l’acétone. On récupère des disques d’acier de 3 mm.
• Les pastilles sont encore amincies à l’aide d’un amincisseur électrolytique
(“ TENUPOL ” de Struers) et d’un électrolyte composé de 10 % d’acide perchlorique et
de 90 % d’éther monobutylique. Les conditions d’amincissement sont une température
comprise entre - 20 et - 30 °C et une tension de l’ordre de 40 V conduisant à une
intensité de quelques dixièmes d’ampère.
86
acier
résine
H2O2 - HF 5%
acétone
Figure III-16 : Mode opératoire pour la préparation des lames minces.
III.C.1.b)
répliques directes
La réplique permet l’observation des précipités après dissolution de la matrice. Dans notre
cas, les analyses chimiques sont réalisées en microanalyse (EDX) sur des répliques qui sont
préparées de la manière suivante :
• Polissage mécanique fin (jusqu’à pâte diamantée de 1 µm) suivi d’une attaque
chimique de quelques secondes dans du nital (5% de HNO3 dans l’alcool méthylique).
• Evaporation sous vide et condensation d’un film de carbone à la surface de
l’échantillon.
• Découpage du dépôt de carbone en petits carrés.
• Attaque chimique au nital jusqu’au décollement de la réplique.
• Récupération de la réplique qui consiste en une fine pellicule de carbone dans laquelle
sont emprisonnés les précipités initialement à la surface de l’acier après l’attaque
chimique au nital.
III.C.2.
Microscopie
Deux microscopes ont été utilisés, un JEOL - 200 CX et un JEOL 2010. La différence
majeure entre ces deux microscopes est le canon à électron qui est un canon
thermoélectronique (électrons extrait d’un filament sous l’effet de la température et du champ
électrique) pour le premier et un canon à effet de champ (électrons extrait d’une pointe très
fine sous l’effet du champ électrique) pour le second. Le canon à effet de champ conduit à
une taille de sonde plus fine qui permet de faire diffracter et de réaliser l’analyse chimique de
précipités nanométriques.
87
III.C.3.
Microanalyse (EDS)
Le microscope électronique JEOL 2010 est équipé d’un spectromètre X à dispersion
d’énergie (Energy Dispersive Spectrometer, EDS) à fenêtre étroite et d’un système d’analyse
Link Isis. Les microanalyses sont réalisées sur les répliques directes de carbone placées sur
une grille de cuivre ce qui explique que ces deux éléments sont toujours présents sur le
spectre et qu’il est impossible d’en faire une analyse quantitative.
III.D. Les traitements thermiques
III.D.1.
préparation des échantillons
La plupart des tôles fournies par SOLLAC sont recouverte d’une graisse issue du process
de fabrication et qui protège la tôle de l’oxydation pendant son stockage. Cette graisse est
une source potentielle de pollution (matière organique) et doit être éliminée préalablement à
tous traitements de l’acier. On utilise de l’acétone et éventuellement quelques minutes dans
un bac à ultrasons.
Certaines tôles présentent malgré tout des traces d’oxydations. Avant tout traitement
thermique, ces traces sont préalablement éliminées soit par polissage mécanique (au papier
abrasif fin) ou par un passage de quelques secondes dans une solution d’acide
chlorhydrique suivi d’un rinçage abondant à l’eau.
III.D.2.
traitements isothermes
Les traitements thermiques réalisés dans la thèse sont des traitements isothermes qui ont
pour objectif de conduire l’acier dans un état donné. Ils sont quasi systématiquement suivis
d’une trempe à l’eau qui, au regard des dimensions de nos tôles, correspond à une vitesse
moyenne de refroidissement de l’ordre de 1000 °C/s si la température de trempe est de
l’ordre de 600 °C et conduit à figer la microstructure, nous parlerons alors d’hypertrempe. Le
mode de traitements (bain d’huile, de sel, four sous vide, sous atmosphère) est choisi en
fonction de la température et du temps de traitement mais aussi pour éviter une éventuelle
pollution ou décarburation des échantillons.
III.D.2.a)
en bains
Les traitements en bain permettent la mise en température rapide de l’échantillon et
autorisent la trempe à l’eau. Nous avons réalisé des outils permettant de fixer et manipuler
88
simplement des échantillons de taille standard à l’horizontal pour éviter un gradient
thermique le long de l’échantillon dans le bain et connaître précisément la température de
traitement (thermocouple de mesure au niveau de l'échantillon). A l’usage, le temps de
passage d’un bain de sel à un bac d’eau proche est de quelque dixièmes de secondes
(mesures réalisées à l’aide d’un enregistreur en mode transitoire).
La nature des bains utilisés dépend de la température de traitement. Jusqu’à une
température de traitement de 120°C, nous avons utilisé des bains d’huile, au-delà, des bains
de sel. Les traitements à des températures comprises entre 170 et 520°C sont réalisés dans
des bains à base de nitrates et pour les températures supérieures, dans des bains à base de
chlorures.
Nous avons observé une nitruration rapide des aciers dans les bains à base de nitrates et
pour des températures comprises entre 425 et 550 °C. A ces températures, les traitements
réalisés doivent être de durées faibles ( < 2 heures) et on doit considérer une légère pollution
à l’azote dans les résultats tirés de ces aciers. En ce qui concerne le bain de sel de
chlorures, nous avons noté la décarburation d’échantillons d’aciers bas carbone traités
pendant plusieurs dizaines d’heures.
III.D.2.b)
fours
Le four dont nous disposons est un four horizontal dont l’enceinte, un tube de quartz, est
divisée en une partie froide et une partie chaude. L’échantillon à traiter passe d’une zone à
l’autre par l’intermédiaire d’une canne. La partie chauffante est une résistance et ne permet
pas la mise en température rapide de l’échantillon. Ce four est utilisé pour des traitements
thermiques de durées supérieures ou égales à l’heure.
L’enceinte peut être mise sous vide primaire ( ~ 10-2 mbar), sous atmosphère d’argon ou
d’un mélange azote - hydrogène 2% semblable à ceux utilisés dans les fours de recuit
continu industriels. Nous avons constaté que quel que soit l’atmosphère utilisée, la
décarburation des aciers est inévitable dans ce four. Le mélange azote - hydrogène accélère
même le processus.
Des traitements thermiques en ampoule de quartz sous vide ont également été réalisés
afin de disposer d’aciers avec uniquement le carbone libre, l’azote ayant été précipité sous la
forme d’AlN. Mais dans le cas des aciers ULC, on a toujours affaire à une légère
décarburation des échantillons. Ces préparations n’ont que très peu été utilisées dans la
thèse.
Certains aciers ont été traités au LEDEPP. Il s’agit de traitements effectués sous vide
secondaire (évitant ainsi la décarburation) ou sous atmosphère d’argon pendant des temps
courts (four à lampes permettant une mise en température rapide).
89
III.E. Les essais mécaniques
III.E.1. dureté Vickers (Hv)
L’appareil utilisé est un micro-duromètre dont la charge appliquée est fonction de
l’épaisseur de l’échantillon (la profondeur de l’empreinte ne doit pas dépasser le dixième de
l’épaisseur de l’échantillon à tester). Elle est couramment de 500 g. Plusieurs mesures sont
effectuées sur un même échantillon afin d’obtenir une valeur moyenne représentative de la
dureté de l’échantillon. Elles sont typiquement au nombre de 10. Si besoins, les échantillons
sont préalablement dégraissés et/ou polis chimiquement.
III.E.2. essais de traction
La machine de traction (MTS 1/ME) utilisé est équipée d’une cellule de 5 kN. Elle est
pilotée par un logiciel Testworks 3 qui permet l’acquisition, le dépouillement et la
présentation des résultats.
Les éprouvettes de tractions ont les dimensions de la Figure III-17 et l’épaisseur de la tôle
dont elles sont issues (0,1 à 0,34 mm). Il s’agit aussi bien de tôles brutes de recuit continu ou
de tôles issues de la double réduction usine ou encore de tôles laminées au LEDEPP à des
taux de réductions variables.
Les éprouvettes ont été découpées par électroérosion, procédé qui permet une grande
précision dimensionnelle ainsi qu’un état de surface exceptionnelle.
140 mm
60 mm
16 mm
8 mm
R = 12 mm
Figure III-17 : Dimensions des éprouvettes de traction d’aciers ULC
Les essais de traction sont réalisés à température ambiante et à vitesse de traverse
constante, 10 mm/mn soit une vitesse de déformation de l’ordre de 2.10-3 s-1.
90
III.F.
Aciers étudiés
Même si le sujet de la thèse porte sur l’étude du vieillissement d’aciers ULC, d’autres
catégories d’aciers ont été utilisées dans la thèse. Ici, on donne des informations non
exhaustives concernants ces aciers.
III.F.1. Détails de fabrication et de préparation
l-Mn et h-Mn
Il s’agit de 2 tôles laminées à chaud d’épaisseur d’environ 2 mm. Chacune de ces tôles
est rectifiée à une épaisseur d’environ 0,7 mm en prenant soins d’éviter le cœur de la tôle
(Figure III-18), zone inhomogène en composition due à la ségrégation lors de la solidification
de la brame. Les repères 'zone 1' et 'zone 2' sont arbitraires mais on a pris soin de garder
cette différentiation. La zone de prélèvement se situe à environ 0,2 mm de la surface et 0,1
mm du cœur de la tôle.
Les tôles rectifiées sont traitées 5 heures à 750 °C sous une atmosphère d’argon. Ce
traitement a pour objectif de précipiter tout l’azote sous la forme d’AlN. La mesure du
frottement interne nous permet de constater l’absence totale de trace d’azote en solution.
Le Tableau III-5 donne le résultat des analyses chimiques effectuées sur chaque tôle après
traitement. Dans la suite de l’étude, la teneur en manganèse prise en compte est Mn* qui est
la teneur en manganèse effectivement en solution solide, déduction faite du manganèse qui
forme les particules de MnS (Mn* = Mn - 55/32*S).
91
acier
zone
C
Mn
S
Mn*
l-Mn
1
2
5,9
4,8
125
127
11
11
110
110
h-Mn
1
2
6,7
5,8
250
249
10
10
225
225
Tableau III-5 : Analyses chimiques réalisées sur les tôles traitées. Mn* = Mn - 55/32*S
en manganèse en solution.
donne la teneur
Epaisseur de la tôle
Zone 1
Cœur de la tôle
Zone 2
Figure III-18 : Schéma des zones de rectification des tôles
LC
C’est une tôle brute de recuit continu d’un acier bas carbone utilisé dans l’industrie
automobile. Son épaisseur initiale est d’environ 0,8 mm.
bAl+N
C’est un acier dit “ bas aluminium renitruré ” utilisé pour l’emballage. Nous disposons de
cet acier sous la forme de tôle à chaud rectifiée (0,8 mm) et de tôle brut de recuit (0,2 mm).
La différence majeure entre ces deux états étant l’épaisseur de la tôle, sa texture et la taille
des grains.
UCLstd, ULC+N et ULCDWI
Ces aciers sont ceux dédiés à l’étude. Il s’agit d’aciers ULC classiquement produit par
SOLLAC pour l’industrie de l’emballage. Les deux premiers pour des applications de boites
embouties-réembouties (DRD) et le troisième pour des applications de boite boisson
embouties-repassées (DWI). Ils ont été prélevés directement sur site afin de contrôler au
mieux leur état. Nous disposons de ces aciers à l’état tôle à chaud, brut de laminage à froid,
brut de recuit continu et à l’état skin-passé (après double réduction).
ULCbRC
92
Il s’agit d’un acier ULC brut de recuit continu. Cet acier a été étudié au laboratoire
postérieurement au début de la thèse. C’est ce qui explique que certains résultats y sont
relatifs puisque obtenu avant le prélèvement des 3 aciers ULC vus au-dessus.
ULC++N
C’est un acier ULC renitruré brut de recuit continu.
IF-Ti
C’est un acier dit sans interstitiel (Interstitial Free) qui contient une addition de titane ayant
pour objectif de former des précipités avec le carbone, l’azote et le soufre présents en
solution. Ces aciers sont non vieillissants et ont de bonnes propriétés d’emboutissage.
Fer pur
Il s’agit d’un fer pur préparé au laboratoire S M S - M H P de l'écoles des mines de St
Etienne. Il est fourni sous la forme d’éprouvettes de dimensions d’environ 150x20x1 mm.
Des opérations de laminage (laminoir manuel), recristallisation (1 mn à 600°C en bain de sel
de chlorures, pas de pollution détectée) successifs nous permettent d’amener le fer dans un
état recristallisé avec une épaisseur d’environ 0,35 mm plus favorable à la mesure du PTE et
du frottement interne.
93
III.F.2. Compositions chimiques et coefficients PTE
Les résultats des analyses chimiques réalisées au LEDEPP sont donnés dans le tableau
suivant. Les incertitudes sur les teneurs en éléments interstitiels sont de l’ordre de 0,5.10-3 %
en poids. Tous les aciers sont des produits industriels usuels fournis par SOLLAC sauf pour
le fer pur. Pour ce dernier, les teneurs en éléments autres que le carbone et l’azote sont
inférieures à 1 ppm. Les coefficients d’influence du carbone et de l’azote en solution sur le
PTE sont calculés à partir de la règle de Gorter et Nordheim et des relations du paragraphe
III.B.3.b.
Coef. PTE en
µV/(K.10-3%)
composition chimique en % en masse
C
N
Mn
Si
P
S
Ni
Cr
Ti
Cu
Al
PC
PN
l-Mn 1
0.0059 0.0040
0.125
0.004
0.010
0.011
0.024
0.014
0.013
0.015
0.045
0.025
l-Mn 2
0.0048 0.0040
0.125
0.004
0.010
0.011
0.024
0.014
0.013
0.015
0.045
0.025
h-Mn 1
0.0067 0.0050
0.250
0.004
0.006
0.010
0.024
0.014
0.012
0.016
0.042
0.023
h-Mn 2
0.0058 0.0050
0.250
0.004
0.006
0.010
0.024
0.014
0.012
0.016
0.042
0.023
ULCstd
0.0041 0.0050
0.205
0.003
0.013
0.009
0.022
0.023
0.006
0.021
0.043
0.024
ULC+N
0.0033 0.0063
0.199
0.004
0.010
0.009
0.020
0.022
0.006
0.017
0.043
0.024
ULCDWI
0.0025 0.0023
0.189
0.004
0.012
0.011
0.021
0.021
0.010
0.024
0.043
0.024
ULCbRC
0.0035 0.0067
0.225
0.003
0.011
0.009
0.014
0.015
0.005
0.022
0.042
0.024
ULC++N
0.0026 0.0123
0.213
0.008
0.011
0.011
0.017
0.024
0.019
0.040
0.041
0.023
LC
0.0050 0.0053
0.200
0.009
0.009
0.010
0.019
0.039
0.015
0.058
0.041
0.023
bAl +N
0.0050 0.0120
0.346
0.002
0.009
0.012
0.016
0.016
0.007
0.015
0.040
0.022
0.0030
0.115
0.007
0.011
0.009
0.017
0.025
0.013
0.040
0.042
0.023
0.052
0.029
IF-Ti
fer pur
0.0005 0.0002
0.1
Tableau III-6 : Compositions des différents aciers étudiés déterminées par analyse chimique. Pour les
aciers chargés en carbone, le calcul des coefficients PC et PN se fait en calculant la
résistivité de l’alliage avec une quantité de carbone en solution de 0,005 % (teneur
moyenne en carbone en solution).
94
IV. Mise au point d’une méthode de dosage des atomes
interstitiels actifs vis à vis du vieillissement
IV.A. Dosage par frottement interne
IV.A.1.
Introduction
La mesure du frottement interne et plus particulièrement du maximum du pic de Snoek est
depuis les années 50, la technique expérimentale de référence pour la détermination de la
teneur en carbone et azote en solution solide dans le fer alpha et les aciers extra-doux. Dans
le chapitre III sont exposés les bases théoriques du pic de Snoek ainsi que des résultats
tirés de la littérature.
Dans cette partie, nous voulons simplement valider ou non les observations et
hypothèses de la littérature pour des systèmes équivalents aux aciers que nous étudions.
Nous nous intéresserons donc plus particulièrement à l’effet de la texture sur la relation liant
la hauteur du pic de Snoek à la teneur en carbone et à l’effet du manganèse sur la
modification des spectres de frottement interne du carbone et de l’azote.
IV.A.2.
Influence de la texture et de la composition sur la relation
[C] = KC.δmax
IV.A.2.a)
Aciers étudiés et traitements thermiques
Les aciers étudiés ici sont les ELC l-Mn et ELC h-Mn 'zone 1' et 'zone 2' dont les
compositions sont données dans le chapitre III.
D’après les études de Song et al et Saitoh et al [SON89][SAI89,93], les valeurs attendues
des coefficients KC peuvent être calculées pour nos deux aciers l-Mn et h-Mn. Elles sont
95
données dans le Tableau IV-1. Si les KC ne sont pas égaux d’une étude à l’autre pour un
taux de manganèse donné, on peut néanmoins souligner que le rapport des KC pour des
teneurs de 0,110 et 0,225 % sont identiques. Cela signifie que l’effet du manganèse dans
cette gamme de composition est le même dans ces 2 études. La différence sur les valeurs
absolues de KC peut être imputée à l’effet de la texture ou à la méthode de dosage de la
quantité de carbone en solution.
KC
Mn* (%)
Song et
al.
[SON89]
Saitoh et
al.
[SAI89,93]
0,110
0,44
0,59
0,225
0,49
0,66
KC(0,110)/KC(0,225)
0,89
0,89
Tableau IV-1 : Coefficients de proportionnalité KC tirés de la littérature dans le
cas des aciers l-Mn et h-Mn.
IV.A.2.b)
Effet de la texture sur KC
Afin de qualifier et quantifier l’effet de la teneur en manganèse sur la relation [C] = KC.δmax
([C] en 10-3 %), nous devons nous affranchir de l’effet de la texture sur KC. Pour ce faire,
Eloot et al. [ELO97a] proposent de calculer KC à partir de l’expression vue au chapitre III (éq.
III-12) et de la Figure de Distribution d’Orientations (FDO). La FDO est calculée à partir de
figures de pôles mesurées par diffraction X, toutefois ces chercheurs ne démontrent pas la
pertinence de ce calcul par l’expérience.
Ici, nous allons tenter de valider ou non cette méthode sur un cas concret, en comparant
KC,
FDO
issu du calcul à partir des FDO, avec KC,
FI
déterminé en divisant la hauteur du
maximum du pic de Snoek du carbone par la teneur en carbone total donnée par l’analyse
chimique. Les mesures de frottement interne sont réalisées sur des échantillons traités à
700°C dans un bain de sel et trempés à l’eau. D’après la teneur en carbone totale des aciers
retenus ([C] < 0,01 %) et la limite de solubilité à 700 °C du carbone dans le fer (voir chapitre
I), il est admis que tout le carbone est remis en solution après ce traitement.
Pour ne pas s’attacher aux seules valeurs absolues des KC qui risqueraient d’être
faussées par les incertitudes sur les paramètres du calcul, ces coefficients sont déterminés
dans 3 directions de la tôles : 0 ; 45° et 90° par rapport à la direction de laminage. Nous
96
aurons ainsi accès aux variations relatives de KC en fonction de la direction de prélèvement.
Le détail du calcul des KC, FDO est donné en annexe 2.
Les mesures en diffraction X sont réalisées sur chaque face de la tôle et un coefficient KC
est calculé pour chacune de ces faces, le coefficient KC, FDO de la tôle étant la moyenne de
ces deux valeurs.
Les résultats sont rassemblés Figure IV-1. Les résultats concernant les deux zones de
prélèvement de chacune des deux nuances y sont distingués.
En premier lieu, on peut constater que les KC, FDO calculés restent proches de 0,5 et sont
bien du même ordre de grandeur que ceux mesurés (KC, FI). En particulier, si l’on excepte
l'échantillon l-Mn ‘zone 2’, les prélèvements dans la direction de laminage conduisent à des
valeurs absolues de KC, FDO assez proches de celles de KC, FI.
Néanmoins les variations relatives des coefficients KC,
FDO
et KC,
FI
en fonction de la
direction de prélèvement peuvent être en totale contradiction (par exemple à 45 ° maximum
pour KC, FDO et minimum KC, FI).
Le calcul à partir des données de diffraction X ne semble donc pas permettre l’évaluation
d’un effet de la texture sur KC comme Eloot et al le prévoyaient.
0,60
Kc tirés des FDO
l-Mn zone 1
l-Mn zone 2
h-Mn zone 1
h-Mn zone 2
-3
(10 %)
0,55
0,50
Kc
Kc tirés du FI
l-Mn zone 1
l-Mn zone 2
h-Mn zone 1
h-Mn zone 2
0,45
0,40
0
45
90
direction de prélèvement par rapport à la direction de laminage
Figure IV-1 : Résultats du calcul des KC tirés des données de FDO et des mesures de frottement
interne pour les nuances l-Mn et h-Mn
Les raisons de cet échec peuvent être multiples:
• La zone analysée en diffraction X n'est pas représentative de l'ensemble de
l'échantillon. On peut remarquer sur la Figure IV-1 que d’une zone à l’autre, les valeurs
de KC,
FDO
différent. De plus, on a observé que les figures de pôle des deux faces
opposées d’une tôle peuvent aussi être différentes (gradient de texture dans
l’épaisseur de la tôle ?).
97
• Le calcul détaillé en annexe 2 ne prend en compte qu’une approximation de la
déformation en torsion d’une lame mince. Par ailleurs, le calcul de l'annexe 2 est
équivalent au calcul du module de cisaillement à partir de données de diffraction X, or
on sait que ce type de calcul ne donne pas vraiment satisfaction jusqu'à maintenant.
• Nos mesures de FI pourraient aussi souffrir d'incertitudes et de non reproductibilité
liées à des variations de la composition en carbone. Or les valeurs de δmax sont, pour
certains échantillons, une moyenne de plusieurs mesures qui ont permis de constater
que ces mesures étaient reproductibles à 5-10% près. L’inhomogénéité des tôles en
composition n’est donc pas en mesure d’expliquer les différences sur les KC.
La détermination du KC à partir des FDO se révélant assez lourde (mesures de diffraction
X) et ne donnant finalement pas satisfaction, nous avons décidé de pondérer l’influence de la
texture sur la hauteur du pic de Snoek mesurée en calculant une hauteur moyenne à partir
de mesures de frottement interne dans les 3 directions 0°, 45° et 90° :
δ max =
δ max (0°) + 2.δ max ( 45°) + δ max (90°)
4
( IV-1)
et en déterminant un coefficient de correction de texture :
ξ=
δ max
δ max (0°)
( IV-2)
Sur une nuance donnée, une fois ce coefficient connu, il est alors possible de calculer
une hauteur de pic moyen à partir d'une seule mesure de frottement interne effectuée dans
la direction de laminage. Les coefficients ξ de nos 2 aciers sont donnés dans Tableau IV-2.
_
désignation
zone
δmax (0°)
l-Mn
1
13,6
12,0
13,1
12,7
0,93
2
12,7
13,3
11,8
12,7
1,01
1
12,4
14,0
14,6
13,8
1,11
2
11,3
11,0
11,6
11,2
0,99
h-Mn
δmax (45°)
δmax (90°)
δmax
ξ
Tableau IV-2 : Récapitulatif des mesures de frottement interne (δ en 10−3) après trempe à
l’eau depuis 700 °C et coefficient de correction de texture ξ..
IV.A.2.c)
Effet du manganèse sur le coefficient KC
Il s’agit ici de confirmer ou non l’effet du manganèse sur l’amplitude du pic de Snoek du
carbone afin de le prendre en compte dans l’établissement d’une relation de proportionnalité
entre le maximum de frottement interne et la quantité de carbone en solution. Les deux
98
aciers l-Mn et h-Mn sont traités et trempés à l’eau à partir de différentes températures afin
d’obtenir des teneurs en carbone libre variables (Figure IV-2 et Figure IV-3).
270 °C 3 hrs
385 °C 3 hrs
470 °C 2 hrs
520 °C 30 min
600 et 550 °C 30 sec
700 °C 30 sec
Tamb
Etats =>
{RSS}
{600}
{550}
{520}
{470}
{385}
{270}
Figure IV-2 : Traitements thermiques effectués en bain de sel.
0,014
0,012
0,010
0,008
δ
0,006
{RSS}
{600}
{550}
{520}
{475}
{385}
{270}
0,004
0,002
0,000
280
300
320
340
température en K
Figure IV-3 : Spectres de frottement interne de l’acier l-Mn zone 2. La correction à 1 Hz et l’élimination
-3
du bruit de fond (δ0 < 10 ) sont réalisées sur chaque spectre.
Le traitement initial de 30 secondes à 700 °C suivi d’une trempe à l’eau conduit à la
remise en solution totale du carbone. L’acier est alors dans l’état {RSS} et son spectre de
frottement interne (δmax{RSS}) ainsi que son PTE (S{RSS}) sont mesurés préalablement à
tous traitements ultérieurs (Figure IV-2). Ces traitements sont de durées suffisantes pour que
l’état de précipitation du carbone avant trempe puisse être considéré en quasi-équilibre.
Après chacun de ces traitements thermiques, l’acier est dans un état {X} et le frottement
interne ainsi que le PTE sont mesurés sur un échantillon prélevé dans la direction de
laminage. Les différences entre les mesures effectuées dans les états {X} et dans l’état
99
{RSS} sont proportionnelles à la quantité de carbone ayant précipité ∆[C] (en ce qui
concerne le PTE, on se place dans l’approximation du soluté en faible concentration, voir
chapitre III).
Soit :
δmax{RSS} – δmax{X} = ∆( δmax)
S{X} - S{RSS}
= ∆S
C précipité
= ∆[C]
( IV-3)
Remarque :
Nous ne voulons faire aucune hypothèse sur la solubilité du carbone à une
température donnée. C’est pourquoi nous ne nous intéressons uniquement aux
variations du maximum de frottement interne et de PTE entre un état et un autre.
Les résultats de ces mesures sont donnés dans le Tableau IV-3.
Etant donné qu'il est possible de tenir compte de l’effet du manganèse sur le coefficient
d'influence du carbone en solution sur le PTE (Règle de Nordheim et Gorter mis en évidence
par Brahmi [BRA93], § III.F.2), nous sommes capable de remonter à la quantité de carbone
ayant précipité pour la comparer aux variations du maximum de frottement interne (Figure
IV-4).
Nous pouvons également corriger l’effet de texture en Frottement Interne pour les 2
nuances d’acier.
Une fois les différentes corrections réalisées il apparaît, aux incertitudes de mesures près,
que quel que soit l’acier ces deux variations sont proportionnelles avec le même coefficient
de proportionnalité (Figure IV-4).
Ce résultat n’est pas compatible avec ceux de Saitoh et al qui trouvent que Kc diminue
lorsque le taux de manganèse augmente [SAI89]. Par rapport à leurs travaux, l’apport de
notre méthodologie est de pondérer l’effet de la texture sur le maximum de frottement interne
(équation IV-2). Si nous ne le faisions pas, nous observerions une légère diminution de
l’amplitude du pic Snoek du carbone lorsque la teneur en Mn croît (Figure IV-4, marques
vides “ non corrigé ”) et pourrions tirer les mêmes conclusions que ces auteurs.
100
Dans l’état, nous ne pouvons pas justifier les résultats de Saitoh et al par le seul effet de
la non prise en compte de la texture de leur échantillon, néanmoins, nous venons de montrer
que cette dernière pourrait conduire à de fausses interprétations en ce qui nous concerne.
acier l-Mn zone 2 (Mn = 0,110 %)
∆(δmax)
δmax x δmax
1000 x 1000 x 1000
états
{RSS}
{600}
{550}
{520}
{475}
{385}
{270}
12.7
13.2
11.9
8.6
4.8
2.0
0.6
12.8
13.3
12.0
8.7
4.9
2.0
0.6
0.0
-0.6
0.7
4.1
7.9
10.8
12.1
∆S
(µV/K)
∆[C]
-3
(10 %)
0
0*
0*
0.060
0.125
0.170
0.200
0
0
0
1.3
2.8
3.8
4.4
acier h-Mn zone 1 (Mn = 0,225 %)
δmax x δmax
∆(δmax)
1000 x 1000 x 1000
états
{RSS}
{600}
{550}
{520}
{475}
{270}
12.4
12.6
13.1
8.8
5.4
0.6
13.8
14.0
14.5
9.7
6.0
0.7
0.0
-0.2
-0.7
4.1
7.8
13.1
∆S
(µV/K)
∆[C]
-3
(10 %)
0
0*
0*
0.050
0.135
0.210
0
0
0
1.2
3.1
4.9
Tableau IV-3 :Récapitulatif des mesures de FI et PTE entre l'état {RSS} et les différents états {X} pour 2 aciers
ELC à teneur en manganèse variable. Les teneurs en carbone précipité sont calculées à partir des
variations de PTE et des coefficients PC. (* les variations de PTE sont négligeables (< ± 0,01 µV/K))
∆(δmax) ou ∆(δmax) x 1000
14
12
10
8
6
corrigé
l-Mn
h-Mn
4
2
non corrigé
l-Mn
h-Mn
0
-2
0
1
2
3
4
5
-3
∆[C] en 10 %
Figure IV-4 : Variations relatives de frottement interne en fonction des variations relatives de carbone en
solution (tirées du PTE).Pour les marques pleines, le maximum de frottement interne est corrigé de
l’effet de texture. Pour les marques vides, le maximum de frottement interne n’est pas corrigé de
l’effet de texture.
101
IV.A.2.d)
Discussion
De par nos investigations, nous ne répondons pas à la question posée initialement à
savoir la détermination d’un coefficient de proportionnalité KC entre le maximum du pic de
Snoek du carbone et la quantité de carbone en solution solide. Pour ce faire, il faut non
seulement connaître l’influence de la texture (nous avons vu qu’il était difficile à établir mais
que l’on pouvait néanmoins le pondérer), mais également se fixer une référence commune
aux deux aciers afin de donner, à partir des variations de PTE mesurées, la teneur totale de
carbone en solution dans chaque état. Le plus simple est de considérer le carbone total
donné par l’analyse chimique [C]chimie (§ III.F) comme étant la référence et de calculer la
teneur résiduelle après précipitation, [C], comme la différence entre la référence et la
quantité de carbone précipité, proportionnelle à la variation de PTE ∆Sp liée à la
précipitation :
[C]
=
[C]chimie – PC.∆Sp
( IV-4)
Les résultats de ce calcul sont donnés dans la Figure IV-5.
16
14
_
δmax x 1000
12
10
8
6
4
l-Mn
h-Mn
2
0
0
1
2
3
4
5
6
7
-3
[C] en 10 %
Figure IV-5 : Comparaison entre le maximum du pic de Snoek du carbone et la quantité de carbone en
solution solide calculée à partir de l’équation (IV-4) et de la composition des aciers l-Mn et h-Mn
données dans le tableau III-6. Les lignes pointillées sont des droites de tendance et les zones
grisées les incertitudes autour des droites. On ne considère que l’incertitude sur [C] qui est la
somme de l’incertitude sur la composition chimique (± 5 ppm) et sur les mesures de PTE (2 x
0,002 => ± 1 ppm) soit ± 6 ppm.
Il ressort de cette analyse que la relation qui lie le frottement interne à la quantité de
carbone en solution ne serait pas strictement proportionnelle mais qu’une certaine quantité
102
de carbone ne participerait pas au frottement interne. Cette quantité augmenterait avec la
concentration en Mn.
Ces résultats sont toutefois à prendre avec une certaine réserve étant donné que
l’analyse chimique réalisée sur ces tôles souffre d’une incertitude de l’ordre de 5 ppm qui
additionnée aux incertitudes sur la mesure du PTE (+ 0,002 µV/K) conduit à une incertitude
totale sur [C] d’au moins 6 ppm. La constatation que l'on vient de faire demande donc d'être
étayée par d'autres observations. C'est ce que nous nous efforcerons de faire dans la suite
de l'étude.
IV.A.2.e)
Conclusion
Il n'a donc pas été possible d'établir dans cette partie une relation du type [C] = KC.δmax,
que ce soit par le calcul (à partir des données de diffraction X) ou à partir de mesures
expérimentales. La difficulté principale réside dans l’étalonnage des mesures de frottement
interne avec une technique donnant en absolu la quantité de carbone en solution.
Les résultats sont d'autant plus déroutants qu'ils semblent montrer que la relation qui lie la
teneur de carbone en solution solide et le maximum de frottement interne n’est pas une
simple relation de proportionnalité, mais qu'il existerait une quantité de carbone ne
participant pas au frottement interne et qui serait d’autant plus importante que la quantité de
manganèse est élevée. Cette observation est à mettre en relation avec les hypothèses de
Song et al. qui fait l’hypothèse de l’existence de dipôles Mn-C pour expliquer la diminution du
pic de Snoek du carbone lorsque la teneur en manganèse croît [SON89].
Toutefois, nous avons montré que la variation de FI liée au départ du carbone de la solution
solide reste proportionnelle à la variation de PTE associée.
Les aciers qui nous intéressent particulièrement dans notre étude contiennent
simultanément du carbone et de l’azote en solution solide, nous allons dans la partie
suivante tester les hypothèses proposées dans la littérature afin d’isoler les contributions
élémentaires du carbone et de l’azote sur le spectre de frottement interne.
IV.A.3.
Cas du système Fe-Mn-C-N
IV.A.3.a)
Procédure expérimentale
Partant des hypothèses présentées dans le chapitre III, notre objectif est ici de décomposer
le spectre de frottement interne d’un système Fe-Mn-C-N en pics élémentaires.
L’acier retenu est le bAl+N, sa composition chimique est donnée dans le tableau III-6.
103
600°C, 1 mn, 1 hr,
6 hr, 32hr, 230 hr
270°C, 2 hr
{T}
{R}
Figure IV-6 : Traitements thermiques de précipitation de l'azote et du carbone.
Les teneurs en carbone et azote libres sont ajustées par l’application de traitements
thermiques (Figure IV-6). Les éprouvettes sont tout d'abord traitées à 600°C en bain de sel
pendant des durées variables afin de précipiter une fraction plus ou moins importante de
l’azote libre sous forme d’AlN (les éprouvettes traitées plusieurs dizaines d'heures à 600 °C
l'ont été en ampoules scellées sous vide afin d’éviter des pollutions, et en particulier une
décarburation). Ce traitement est toujours achevé par une hypertrempe à l’eau; l’acier est
alors dans l’état {T}. Ensuite un revenu en bain de sel de 2 heures à 270 °C suivi d'une
trempe à l’eau est réalisé. L'objectif de ce traitement est de précipiter l'essentiel (voire la
totalité du carbone) tout en conservant l'azote en solution. L’acier est alors dans l’état {R}.
IV.A.3.b)
Résultats et discussion - déconvolution métallurgique
Des mesures de frottement interne ont été effectuées après les différentes durées de
traitements dans les états {T} et {R}. Les spectres obtenus sont présentés respectivement
Figure IV-7 (a) et (b).
Le traitement de 230 heures à 600°C suivi 2 heures à 270°C, conduit à un spectre "plat"
(voir Figure IV-7 (b)) , en conséquence ces 230 heures à 600°C permettent d'éliminer
complètement l’azote en solution5, et le revenu à 270°C est suffisant pour précipiter tout le
carbone sous la forme de cémentite intra-granulaire (ou du moins il n'est plus possible de
détecter du carbone en solution par frottement interne). Si l'on admet que la solubilité et la
cinétique de précipitation du carbone ne sont pas affectées par la présence d’azote ou d’AlN,
cela implique qu'il n’y ait plus de trace du pic de Snoek du carbone dans les différents
spectres de la Figure IV-7 (b) (après le traitement 2 h à 270 °C).
5
D’après les teneurs relatives en azote et en aluminium et dans l’hypothèse de la formation d’AlN
stœchiométrique, ce résultat est surprenant. Néanmoins, des analyses chimiques complémentaires
ont confirmé que tout l’azote présent est effectivement précipité sous la forme de nitrures stables.
104
δ
0,030
(a)
0,030
0,025
(b)
δ
0,025
temps à 600°C
1 min
1 hr
6 hr
32 hr
230 hr
0,010
0,010
0,005
0,005
0,000
Fe-N
0,015
Mn-N
Fe-C
0,015
0,020
Mn-N-Mn
0,020
0,000
220 240 260 280 300 320 340
220 240 260 280 300 320 340
température en K
température en K
Figure IV-7 : Spectres de frottement interne des éprouvettes d’acier bAl+N ayant subi les traitements thermiques de
la Figure IV-6. Les spectres sont corrigés en fréquence à 1 Hz et le bruit de fond est soustrait. Les lignes
verticales indiquent la position attendue des différents pics élémentaires dans un système Fe-Mn-C-N.
(a) éprouvettes trempées depuis 600 °C, état {T}
(b) idem (a) + 2 heures à 270°C, état {R}
0,015
0.030
δ{T}
δ{V}
δ{T} - δ{V}
0.025
1 min
1 hr
6 hr
32 hr
230 hr
0.020
δ 0.015
0,010
0.010
0.005
0.000
δ
220
240
260
280
300
320
340
Température en K
0,005
0,000
220
240
260
280
300
température en K
320
340
Figure IV-8 : Résultats des opérations de déconvolution métallurgique (différence entre l’état {T} et {R}) pour les
différents temps de traitement à 600°C. En médaillon un exemple de déconvolution métallurgique.
Cette hypothèse est confirmée par l’opération de soustraction effectuée entre les spectres
correspondant aux états {T} et {R} (Figure IV-8). On voit clairement que le résultat des
soustractions donne systématiquement un pic de Snoek unique d'amplitude constante avec
une température de maximum correspondant à celle du carbone. L’opération de soustraction
entre deux spectres de frottement interne d’un acier dans deux états métallurgiques
105
différents est rendue possible grâce à la correction en fréquence des spectres et à la
précision sur la mesure de température (annexe 1). Dans la suite de la thèse, nous
appellerons cette opération la déconvolution métallurgique.
A ce niveau, nous devons faire deux observations :
•
Les spectres de la Figure IV-7 (b) sont uniquement liés à la présence d’azote en
solution solide, aucun signe de carbone en solution solide étant détectable après le revenu
à 270°C. Ces spectres sont homothétiques ce qui signifie qu’en relatif, la contribution du pic
ordinaire et des 2 pics extraordinaires (voir chapitre III), est la même quelle que soit la
quantité d’azote en solution, ce qui est en accord avec la littérature.
•
Les spectres de la Figure IV-7 (a) sont ceux de la Figure IV-7 (b) auxquels s’ajoute la
contribution du carbone en sursaturation après une trempe depuis 600°C.
Ces 2 points tirés de l’expérience sont des résultats élémentaires que l’on doit s’attendre à
retrouver en appliquant une déconvolution "mathématique" du type de celles proposées dans
la littérature.
IV.A.3.c)
Déconvolution "mathématique"
Au Ledepp, Jose Rubianes a développé un logiciel qui a pour objectif de déconvoluer, par
une méthode numérique, le spectre de frottement interne en une somme de pics de Snoek
élémentaires avec un bruit de fond variant linéairement avec la température (expression (III10) avec δ en place de Q-1). Dans les paramètres du logiciel est introduit un degré de liberté
sur la température, ce qui permet éventuellement de prendre en compte un décalage
systématique entre la température mesurée et la température réelle de l’échantillon.
Les caractéristiques des pics élémentaires sont celles extraites de la littérature qui sont
données dans la partie III.A.3.a en ce qui concerne le pic du carbone et dans le Tableau III-2
(valeurs moyennes) en ce qui concerne les pics d’azote en présence de manganèse.
Les résultats de la déconvolution mathématique sont donnés dans le Tableau IV-4. Sans
faire une analyse exhaustive, il apparaît immédiatement que les hauteurs relatives des pics
élémentaires ne traduisent pas les deux observations faites dans le paragraphe précédent
(contribution du carbone constante dans les états {T} et nulle dans les états {R} et spectre
homothétique de l’azote). De plus, la déconvolution mathématique amène dans certains cas
à considérer des pics négatifs ce qui est bien entendu une aberration.
106
δmax
{T}
C
Mn-N
Fe-N
Mn-N-Mn
1 min
1 hr
15
17,5
7,9
5
7
7,1
5,4
4,8
6 hr
32 hr
230 hr
16,7
14,2
9,3
1,5
0,2
4,1
5,7
2
0,8
3
1,8
0,1
1 min
1 hr
4,7
13,2
6,2
-3,7
5,1
6,6
5,7
3,4
6 hr
32 hr
230 hr
7,8
1
0,6
-2,4
0,2
-0,1
4,1
0,6
0
2,9
1
0,2
{R}
Tableau IV-4 : Hauteurs des maxima des pics de Snoek élémentaires issues de la déconvolution
mathématique.
Nous avons réalisé d’autres séries de déconvolutions mathématiques en introduisant un
degré de liberté sur chaque température de maximum de pic de Snoek, ou encore en
introduisant un paramètre β traduisant un élargissement du spectre de frottement interne dû
à une distribution log-normale des temps de relaxation autour de la valeur moyenne
[NOW72]. Les résultats issus de ces calculs ne permettent toujours pas de rendre compte
des observations expérimentales.
IV.A.3.d)
Conclusion
Le dosage en absolu du carbone et de l’azote en solution solide par déconvolution
"mathématique" des spectres de frottement interne semble donc plus difficile que ce qu’il
est généralement admis. On a par contre montré que la réalisation de plusieurs spectres
expérimentaux sur des états judicieusement choisis permet de réaliser une déconvolution
"métallurgique" discriminant les contributions du carbone et de l’azote dans le spectre de
frottement interne initial.
Nous n’avons toutefois pas pu pour autant établir de relation claire entre les hauteurs
de pics et la quantité d’éléments en solution qu’elles représentent. Ces constats
expérimentaux nous ont amenés à envisager un autre protocole pour doser le carbone et
l’azote libres.
107
IV.B. Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage par mesure
du PTE : Proposition d'une méthode de dosage de C et N libres
IV.B.1.
Introduction
La densité de dislocations ainsi que la quantité d’atomes interstitiels libres dans la matrice
sont les paramètres fondamentaux du vieillissement après écrouissage. Leurs estimations
ont toujours été à la base des études expérimentales sur le sujet.
En ce qui concerne les dislocations, des chercheurs ont estimé leur densité à partir de
méthodes directes, telle que la microscopie électronique à transmission [KEH63][LAN97a],
ou indirectes, comme l’accroissement de la limite élastique ou de la dureté et des cinétiques
de vieillissement après écrouissage.
La quantité d’atomes interstitiels libres susceptible de participer au vieillissement a
souvent été estimée avant l’écrouissage, dans l’état recuit. Les techniques de caractérisation
étant essentiellement le frottement interne, les analyses chimiques et plus accessoirement le
pouvoir thermoélectrique et la résistivité. Toutefois dans certaines études, cette quantité est
estimée après déformation, pendant la formation des atmosphères de Cottrell. On suit alors
l’évolutions de propriétés physiques telles que la résistivité [WIL60b] ou mécanique comme
l’évolution de la limite élastique (indice de vieillissement ou aging index) [KUR88].
Nous avons vu dans le chapitre III que le pouvoir thermoélectrique d’un acier est sensible à
la présence de dislocations et d’atomes en solution solide. De plus, des études ont déjà mis
en évidence l’évolution du PTE durant le vieillissement après écrouissage dans des aciers
extra-doux [BEN85][BOR85][BRA93]. Tous ces faits expérimentaux nous ont amenés à
considérer que la mesure du PTE devait être une technique très intéressante pour
caractériser l’état microstructural d’un acier au cours des traitements thermomécaniques à
étudier. Nous allons voir dans cette partie que la mesure du PTE est rapidement apparue
comme étant une technique extrêmement pertinente au point de l’utiliser pour le dosage en
absolu des interstitiels libres.
108
IV.B.2.
Etude préliminaire du vieillissement après écrouissage
d’un acier ULC brut de recuit
IV.B.2.a)
Variation du PTE d'un acier ULC avec la déformation -
corrélation avec la dureté
L’acier étudié ici est l’acier ULCbRC6. Il s’agit d’un acier ULC brut de recuit continu dans
lequel, a priori, quasiment tout le carbone et l’azote sont en solution solide (bobinage froid et
refroidissement rapide après recuit).
Dans un premier temps, on a cherché à quantifier l’effet de l’écrouissage sur le PTE de
l’acier. On mesure le PTE d’éprouvettes à l’état recuit, S{bRC}, puis les éprouvettes sont
déformées à l’aide d’un laminoir manuel. La déformation est appliquée plus ou moins
brutalement. Nous définissons 3 modes de laminage : laminage en 1 passe, 2/3 passes ou
avec de nombreuses passes (> 10 passes). Dans le cas de passes multiples, le temps entre
chaque passe est réduit à son strict minimum (5-10 secondes ; au toucher, le métal n’est pas
sensiblement échauffé par la déformation) afin d’éviter le vieillissement de l’acier. On mesure
le PTE, S{ε}, juste après la dernière passe. La différence entre les 2 valeurs du PTE d’une
éprouvette donne ∆Sε = S{ε} – S{bRC} qui est la variation de PTE due à l'écrouissage ε (taux
de réduction ∆e/e0).
Les résultats expérimentaux sont rassemblés Figure IV-9. 0n peut faire deux
observations :
1. La variation de PTE n'est pas linéaire avec le taux de réduction. Il apparaît un
phénomène de saturation pour les fortes déformations.
2. La variation de PTE ∆Sε n'est pas fonction uniquement du taux de déformation mais
dépend également du mode de déformation et notamment ici de la "brutalité" de la
déformation. Plus celle-ci est brutale, ce qui équivaut à une vitesse de déformation plus
élevée, plus ∆Sε est importante.
Ce dernier point nous a amené à comparer ∆Sε à une propriété de l’acier sensible à la
densité de dislocations, sa dureté. Dans la Figure IV-10 est représenté ∆Sε en fonction de
la variation de dureté Vickers, ∆Hvε, due à l’écrouissage. La relation liant ∆Sε et ∆Hvε est
sensiblement linéaire et la distribution autour de la droite moyenne est du même ordre de
grandeur que celle des incertitudes de mesure : + 0,004 µV/K pour le PTE et + 6 pour ∆Hvε.
On considère souvent que la variation de dureté due à l'écrouissage est proportionnelle à la
racine carré de la densité de dislocation,
6
Λ , ce qui signifierait que ∆Sε est également
caractéristiques et composition chimique données dans le § III.F.
109
proportionnelle à cette quantité. Nous verrons dans la suite de la thèse que ce résultat
expérimental est largement confirmé.
0,0
passe(s) de laminage
1 passe
2-3 passes
>10 passes
∆Sε ( µ V/K )
-0,1
-0,2
-0,3
-0,4
-0,5
0
10
20
30
40
taux de réduction ( % )
50
Figure IV-9 : Variation de PTE due à l’écrouissage en fonction du taux de réduction par laminage et pour
un nombre de passes variable
0,0
Passe(s) de laminage
1 passe
2-3 passes
>10 passes
∆Sε (µV/K)
-0,1
-0,2
-0,3
-0,4
0
20
40
60
80
100
∆Hvε
Figure IV-10 : Variation de PTE due à l’écrouissage en fonction de l’augmentation de dureté par laminage
et pour un nombre de passes variable
Les variations de PTE du métal entre l’état déformé et non déformé sont donc susceptibles
de nous donner une information pertinente sur la consolidation de l’acier et sa dureté.
110
IV.B.2.b)
Evolution du PTE pendant le vieillissement après
écrouissage d'un acier ULC et sa signification
Le métal étant écroui, l’étape suivante est le vieillissement. Ici nous avons suivi par PTE
la cinétique de vieillissement d’éprouvettes d’acier ULCbRC préalablement laminées à un
taux de réduction d’environ 50 % donnant lieu à une variation de PTE ∆Sε ~ - 0,320 µV/K.
Les échantillons sont ensuite vieillis en condition isotherme entre 20 et 270 °C, soit dans
un bain d'huile (T ≤ 170 °C), soit dans un bain de sel (T > 170 °C). Les traitements étant
cumulatifs, le même échantillon permet de tracer toute une cinétique. La variation de PTE
entre l’état de départ, après laminage, et l’état vieilli est noté ∆Sa.
Pour les températures de vieillissement inférieures à 170 °C, on observe une évolution
initiale des cinétiques ∆Sa = f(log(t)) de forme sigmoïdale (Figure IV-11). Corrélativement à
cette évolution, on mesure une augmentation progressive de la dureté qui atteint environ 20
Vickers. Pour des temps plus longs ou des températures de vieillissement plus importantes,
le PTE de l’acier continu à augmenter mais cette fois linéairement avec le logarithme du
temps. Durant ce stade, on ne mesure pas de variation significative de la dureté si ce n’est
une légère diminution pour les temps de vieillissement les plus longs aux températures
supérieures ou égales à 170°C. Ces observations nous amènent à séparer l’évolution du
régime linéaire
∆Hv ~ 0
0.25
0.15
régime sigmoïdal
∆Hv > 0
∆Sa (µV/K)
0.20
20°C
40°C
70°C
120°C
170°C
220°C
270°C
0.10
0.05
0.00
10
1
10
2
10
3
10
4
10
5
10
6
10
7
10
8
t (s)
Figure IV-11 :Cinétiques de vieillissement de l’acier ULCbRC laminé à 50% de réduction (∆Sε ˜ 0,320
µV/K) suivies par PTE. ∆Sa exprime la variation de PTE entre l’état déformé et l’état vieilli.
PTE durant le vieillissement en 2 régimes distincts : l’évolution sigmoïdale, durcissante que
111
l’on attribue pour le moment à la ségrégation des interstitiels sur les dislocations, et
l’évolution linéaire, attribuée à un autre mécanisme.
Pour renforcer l’hypothèse de l’existence des 2 régimes, nous avons étudié les cinétiques
de vieillissement de l’acier ULCstd dont on ajuste la teneur de carbone libre. Deux lots sont
préparés, l’un avec tout le carbone remis en solution solide (hyper-trempe depuis 600 °C),
l’acier est alors dans l’état {RSS}, et l’autre avec l’essentiel du carbone précipité (24 hr à 270
°C après la trempe), c’est l’état {R} (Figure IV-12).
Les éprouvettes sont laminées à 60 % de réduction (conduisant à une variation de PTE
due à l’écrouissage d’environ - 0,400 µV/K) puis vieilli à 70 °C en bain d’huile. La différence
de PTE entre l’état initial déformé et l’état vieilli est toujours notée ∆Sa. Les cinétiques de la
Figure IV-13 sont représentatives des résultats obtenus.
600°C, 30 s
{RSS}
{R}
{RSS} - {R}
0,30
∆Sa (µV/K)
0,25
270°C, 24 hr
0,20
0,15
0,10
0,05
{RSS}
{R}
0,00
10
Figure
IV-12 :
Traitements
thermiques : états {RSS}
et {R}.
1
10
2
10
3
10
t (s)
4
10
5
10
6
Figure IV-13 : Cinétiques du vieillissement à 70 °C suivi par
PTE de l’acier ULCstd laminé à 60% de réduction
(∆Sε ~ 0,400 µV/K) dans l’état {RSS} et {R}. Les
triangles représentent la différence entre les deux
cinétiques.
D’après les états initiaux de l’acier avant déformation, la différence majeure entre les deux
cinétiques de vieillissement doit être liée aux teneurs en carbone différentes. La différence
point par point entre les deux cinétiques de vieillissement doit donc donner l’allure de la
cinétique de la ségrégation du carbone.
C’est effectivement ce que l’on observe, cette différence a l’allure de l’évolution
sigmoïdale du premier régime sans l’apparition du second régime (linéaire en log(t)) présent
dans les cinétiques de vieillissement mesurées. Cette observation confirme l’hypothèse faite
auparavant sur la différence de nature des phénomènes métallurgiques à l’origine des deux
régimes d’évolution du PTE. Le premier régime est associé à la ségrégation des interstitiels
libres sur les dislocations au cours du vieillissement. C’est celui qui conduit au durcissement
112
de l’acier. Les temps de vieillissement correspondant au terme de ce régime (délimité par
une ligne en pointillé dans la Figure IV-11) sont équivalent à ceux donnés dans la littérature
en tant que fin du processus de formation des atmosphères de Cottrell [HUN54, BAI63a] soit
d’après nos résultats environ 24 heures à 70 °C et 30 mn à 120 °C. Si on considère que le
vieillissement après écrouissage est décrit en fonction du temps par une loi de type JonhsonMelh (voir chapitre II), on peut écrire :
∆Sa ( t) = A. (1 − exp( −k. t))
⎛ Eact ⎞
⎟
⎝ R. T ⎠
avec k = k 0 . exp⎜
Eact est l’énergie d’activation du processus du vieillissement. On peut alors estimer cette
énergie en traçant 1/RT en fonction de ln(t) pour une valeur donnée de ∆Sa (à la moitié de la
variation de PTE totale attribuée au premier régime par exemple). On trouve ici :
Eact ~ 80 500 J/mol
Cette valeur est comprise entre l’énergie d’activation de diffusion du carbone (84000
J/mol) et de l’azote (76 100 J/mol) dans le fer.
En ce qui concerne le second régime, nous ferons pour le moment l’hypothèse qu’il s’agit
d’un effet lié à la restauration des dislocations dans l’acier. La réorganisation et l’annihilation
des dislocations devant avoir comme conséquence l’augmentation du PTE (étant donné que
l’introduction de dislocations diminue le PTE) et éventuellement un léger adoucissement du
métal [BEN85][BOR85].
IV.B.2.c)
Discussion en vue du dosage
Nous venons de montrer que la mesure du PTE était un bon indicateur de la consolidation
due à l’écrouissage et qu’il était également sensible au départ des atomes interstitiels de la
solution vers les dislocations pour former les atmosphères.
A la vue de ces résultats, nous pouvons nous interroger sur la possibilité d’utiliser ces
propriétés en vue du dosage des interstitiels libres, en appliquant une méthodologie qui
consisterait à déformer fortement l’acier à doser et à mesurer la quantité d’atomes qui
ségrègent sur les dislocations après un vieillissement total (méthode similaire dans le
principe à l’ageing index). Pour que cette méthode soit pertinente, il faut :
1.
Une densité de dislocations introduite par l’écrouissage suffisante pour que tous les
interstitiels libres puissent être piégés autour des dislocations.
2.
Une relation simple entre la quantité d’atomes interstitiels ayant effectivement ségrégé
et la variation de PTE associée.
Dans la partie suivante, nous allons tester la méthodologie proposée.
113
IV.B.3.
Validation des critères pour le dosage des atomes
interstitiels libres par PTE
IV.B.3.a)
Effet de l’écrouissage sur la cinétique de vieillissement
On se propose dans un premier temps d’étudier l’effet de l’écrouissage sur la cinétique de
vieillissement.
L’acier étudié est toujours l’acier ULCbRC dans son brut état recuit {bRC}. En modifiant la
vitesse de déformation (passes de laminage plus ou moins nombreuses voir IV.B.2.a), on
cherche à obtenir des variations de PTE différentes pour des taux de réduction identiques,
ou au contraire des variations de PTE identiques avec des taux de réduction différents. Les
cinétiques de vieillissement à 70 °C sont ensuite suivies par PTE.
∆Sa (µV/K)
0,25
0,25
(a)
0,20
0,20
0,15
0,15
0,10
0,10
0,05
(b)
Taux de réduction
52 %
59 %
82 %
∆Sε ~ -0,300 µV/K
0,05
Taux de réduction = 50%
∆Sε = -0,350 µV/K
∆Sε = -0,260 µV/K
0,00
0,00
1
10
2
10
10
3
10
4
t (s)
10
5
6
10
7
10
1
10
2
10
3
10
4
10
5
10
6
10
7
10
t (s)
Figure IV-14 : Cinétiques de vieillissement à 70 °C des éprouvettes ULCbRC {RC} laminées à froid.
(a) taux de réduction identique mais variation de PTE due à un nombre de passes de laminage
variable.
(b) variation de PTE due à l’écrouissage identique mais taux de réduction variable.
L’analyse des résultats présentés Figure IV-14 (a) et (b) conduit à conclure que la
cinétique de vieillissement ne dépend pas significativement de l’écrouissage et donc de la
densité de dislocations. Par contre l’amplitude de la variation de PTE due à la ségrégation
des atomes interstitiels sur les dislocations est très dépendante de l’amplitude de la variation
∆Sε de PTE due à l’écrouissage initial. Cette dernière observation est tout à fait en accord
avec les résultats de la partie IV.B.2.a qui montraient la relation linéaire entre ∆Sε et la
consolidation mesurée en dureté. Bien entendu la quantité d’atomes interstitiels piégés sur
114
les dislocations doit être intimement liée à la densité de dislocations dans l’acier, cela est
confirmé par les cinétiques mesurées.
Il reste maintenant à savoir si la densité de dislocations introduite par écrouissage est
suffisante pour piéger tous les interstitiels libres. Pour cela des éprouvettes de l’acier
ULCbRC dans l’état {bRC} et de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} ont été laminées à des taux
de réduction progressifs. Après avoir mesuré les variations de PTE ∆Sε, les éprouvettes sont
totalement vieillies par un traitement de 30 minutes à 120 °C (état a, max) ce qui permet de
remonter à la variation ∆Sa, max de PTE de l’acier due au vieillissement total (couple tempstempérature conduisant à la fin du régime de ségrégation vu au § IV.B.2.b). Le protocole de
mesure et les résultats obtenus sont présentés sur la Figure IV-15.
vieillissement total
(120 °C, 30 min)
écrouissage
(laminage)
Tamb
état
PTE
{X}
S{X}
{ε}
S{ε}
{a, max}
S{a, max}
∆Sε
= S{ε} - S{X}
∆Sa, max = S{a, max} - S{ε}
∆Sa, max # [C+N] qui ségrége
0.30
pas assez de
dislocations
assez de
dislocations
0.25
0.20
0.15
0.10
0.05
-3
ULCbRC dans l'état {bRC}, [C+N]libre ~ 7.10 %
-3
ULCstd dans l'état {RSS}, [C+N]libre ~ 9.10 %
0.00
0.00 -0.05 -0.10 -0.15 -0.20 -0.25 -0.30 -0.35 -0.40 -0.45
∆Sε (µV/K) ~ Λ
1/2
Figure IV-15 : Schéma du protocole expérimental et variation de PTE due au vieillissement total (30
min à 120 °C) après déformation, ∆Sa, max, en fonction de la variation de PTE due à
l’écrouissage initial ∆Sε.
Comme on pouvait le supposer, la quantité d’atomes libres piégés par les dislocations, ici
représentée par ∆Sa,max, dépend de la quantité de dislocations introduites par écrouissage,
exprimée ici par l’amplitude de ∆Sε. En première approximation on peut penser que si la
densité de dislocations n’est pas assez importante, tous les atomes interstitiels libres ne
pourront pas ségréger sur les dislocations du fait de la saturation des atmosphères. Par
contre, si la densité de dislocation est suffisante, tous les interstitiels susceptibles de l’être
vont ségréger sur les dislocations ce qui se traduit par un plateau sur la Figure IV-15. Ce
résultat confirme la pertinence de la mesure de ∆Sε en tant qu’indicateur de la densité de
dislocations introduites par l’écrouissage.
Pour les deux aciers étudiés, un écrouissage qui conduit en valeur absolue à une
variation ∆Sε > 0,350 µV/K introduit suffisamment de dislocations pour qu’a priori tous les
interstitiels libres puissent être piégés par les dislocations.
115
IV.B.3.b)
Relation entre la quantité d’interstitiel qui ségrègent et
∆Sa,max
Afin de préciser la relation entre la variation de PTE et la quantité d’atomes qui ségrège,
nous proposons le protocole expérimental schématisé sur la Figure IV-16.
L’acier étudié est l’acier ULCstd. Un traitement supplémentaire de 24 heures à 650°C en
ampoule sous vide permet de précipiter tout l’azote libre en AlN. Le frottement interne
confirme l’absence d’azote en solution. L’acier est alors conduit dans l’état {RSS} (30 s à 600
°C + hypertrempe) qui est l’état initial pour la suite de ce paragraphe. Pour synthétiser, l’acier
ne contient plus d’azote libre et la trempe depuis 600 °C à figé du carbone libre.
L’acier est ensuite revenu à 270 °C en bain de sel pendant des durées variables (états
{p}) afin de faire précipiter plus ou moins de carbone sous la forme de cémentite. Pour un
état {p} donné, la quantité de carbone précipité est estimée par la variation de PTE ∆Sp liée
au départ des atomes de carbone de la solution solide et par la diminution du maximum de
frottement interne.
Pour certains temps de revenu, une éprouvette est laminée jusqu'à conduire à une
variation de PTE ∆Sε = - 0,400 µV/K , puis totalement vieillie 30 minutes à 120 °C ce qui
permet de déterminer ∆Sa,max due à la ségrégation de tout le carbone libre (paragraphe
précédent). Les résultats tirés des mesures de PTE et de frottement interne sont tous
présentés Figure IV-17.
Les
évolutions
de
∆Sp(t)
et
des
spectres
de
frottement
interne
confirment
l’appauvrissement de la matrice en carbone libre au cours du revenu à 270 °C.
Sur la Figure IV-17 (a) sont représentés ∆Sp et ∆Sa,max en fonction du temps de traitement
à 270 °C ainsi que la somme de ces deux valeurs. Cette somme est constante quel que soit
l'instant considéré et est égale à ∆Sa,max(0), variation de PTE associée au vieillissement total
de l’acier dans l’état initial {RSS}. Or on sait que ∆Sp(t) = PC.∆[C]précipité(t) où ∆[C]précipité(t) est
la quantité de carbone précipité au temps t. On a donc :
∆Sp(t) + ∆Sa, max(t) = ∆Sa, max(0)
soit
∆Sa, max(0) - ∆Sa, max(t) = ∆Sp(t) = PC. ∆ [C]précipité(t) = PC.([C]total - [C]libre(t))
où [C]total est la teneur en carbone libre dans l’état {RSS} et [C]libre(t) la teneur en carbone
libre à l'instant t.
Par identification, on tire que :
∆Sa, max(0) = PC.[C]total
et
∆Sa, max(t) = PC.[C]libre(t)
116
précipitation
270 °C, t
T
{p}
S
vieillissement
120 °C, 30 mn
{a, max}
∆Sp
∆Sε
∆Sa, max
{RSS}
laminage
{ε}
{RSS}
{p}
{ε}
{a, max}
Figure IV-16 : Traitements thermo-mécaniques effectués sur l’acier ULCstd préalablement traité 24 heures à
650°C (précipitation de l’azote en AlN) puis trempé à l’eau depuis 600°C (remise en solution du
carbone, état {RSS}). Schéma des variations relatives du PTE de l’acier.
0,25
∆Sp ou ∆Sa, max (µV/K)
0,20
0,15
∆ Sp
∆Sa, max
∆Sp + ∆Sa, max
0,10
0,010
0,008
∆Sa, max(0)
{RSS}
{p} 1 mn
{p} 30 mn
{p} 3 hr
0,006
δ
0,004
∆Sa, max(t)
0,05
0,002
∆Sp(t)
0,000
260
0,00
280
300
320
340
température (K)
10
1
10
2
10
3
4
10
5
10
10
6
10
7
t (s)
(a)
(b)
Figure IV-17 : Mesures de PTE (a) et de frottement interne (b) de l’acier ULCstd (avec [C] ~ 5.10-3 %) traité
comme illustré sur la Figure IV-16. ∆Sa,max(0) est la variation de PTE due au vieillissement total
de l’acier dans l’état {RSS}, c’est à dire à un temps de traitement à 270°C nul.
La variation de PTE due au vieillissement total est proportionnelle à la teneur en carbone
libre dans l’acier avant déformation (Figure IV-18). Le coefficient de proportionnalité est
identique à celui qui exprime l’influence du carbone en solution solide. Cela signifie qu’un
atome de carbone piégé par une dislocation devient “ invisible ” au PTE ou encore que la
mesure du PTE d’un acier dans lequel tous les atomes de carbone sont ségrégés autour des
dislocations n’est sensible qu’à la présence des dislocations, toutes choses étant égales par
ailleurs (Figure IV-19). Ces résultats sont a priori surprenants et doivent certainement
éclairer le physicien sur l’origine des effets des dislocations et des interstitiels sur le PTE de
l’acier. Néanmoins, pour le métallurgiste, ce résultat présente un intérêt certain que nous
allons discuter plus loin dans le texte.
Nous faisons l’hypothèse raisonnable que ces observations s’étendent également au cas
de l’azote. Des résultats exposés plus loin le confirmeront.
117
{RSS}
{p}, t1
{p}, t2 > t1
carbone précipité, [C]précipité(t) = PC.∆Sp(t)
carbone libre, [C]libre(t) = [C]total - [C]précipité(t)
déduit de ∆Sa, max(t)
Figure IV-18 : Evolution de la microstructure au cours du revenu à 270°C .
état écroui {ε}
état vieilli {a, max}
acier réel
acier « vu »
par le PTE
Figure IV-19 : Comparatif entre l’état réel de l’acier et l’état vu par le PTE.
état {a, max} : acier complètement vieilli
Etat {ε} : acier écroui ;
IV.B.3.c)
Conclusion
Nous venons de montrer qu’à la suite de traitements thermomécaniques précis, la mesure
du PTE peut conduire au dosage en absolu des atomes de carbone et d’azote libres dans un
acier ULC. Dans la suite du chapitre, nous allons définir précisément le protocole à suivre
ainsi que le domaine de validité et la pertinence de la méthode.
118
IV.C. Dosage du carbone et/ou de l’azote libre par PTE après
écrouissage
IV.C.1.
protocole expérimental
D’après les résultats des parties précédentes, nous sommes capables de définir un
protocole expérimental en vue de doser la quantité d’interstitiels libres dans un acier. Il est
schématisé sur la Figure IV-20.
PTE échelle absolue
S*
PTE échelle relative
Référence = fer pur
S
0
S*{0}
S{0}
S*{a, max}
S{a, max}
état initial {0}
∆Sε
état {a, max} : après
vieillissement total
~ -0.4 µV/ K
120 °C, 30 mn
70 °C, 24 hr
S*{ε}
∆Sa, max
S{ε}
état {ε} : PTE après écrouissage
Figure IV-20 : Protocole de dosage des interstitiels, carbone et/ou azote, libres par PTE après
écrouissage. Les échelles et nomenclature concernant la mesure du PTE sont celles
données dans le chapitre III.
•
L’acier à doser est dans un état initial recuit {0}.
•
Il est fortement écroui afin d’introduire suffisamment de dislocations pour piéger tous les
interstitiels présents initialement en solution solide, l’acier est alors dans l’état {ε}. La
densité de dislocations est estimée par ∆Sε. Pour un acier ULC, il semble que ∆Sε doit être
supérieure ou égale à 0,350 µV/K en valeur absolue pour que tous les interstitiels libres
soient piégés au terme du vieillissement (Figure IV-15).
•
L’acier écroui est vieilli totalement (état {a,max}) ce qui permet d'accéder à ∆Sa,max qui
est proportionnelle à la quantité d’interstitiels initialement libres qui a ségrégé sur les
dislocations. La température et le temps de vieillissement sont choisis afin que les effets de
119
restauration ne viennent pas perturber la mesure du PTE et que le vieillissement soit total
(IV.B.2.b). En pratique on choisi 30 minutes à 120°C ou 24 heures à 70 °C.
Ce protocole donne satisfaction au moins dans le cas d’un acier ELC en présence de
carbone libre seul ([C]total < 9.10-3 %). Les cas rencontrés en pratique peuvent être plus
complexes : quantité d’éléments à doser plus importante, présence simultanée de carbone et
d’azote en solution solide.
Les deux prochaines parties sont consacrées à définir les limites du protocole proposé.
IV.C.2.
Capacité du dosage
L’objectif est ici d’estimer la quantité maximale d’atomes interstitiels que l’on peut doser
par le protocole exposé plus haut, c’est ce que l’on désigne par "capacité" du dosage. Nous
avons vu qu’il est nécessaire d’introduire suffisamment de dislocations afin que tous les
interstitiels libres initialement présents soient piégés. La densité de dislocations est estimée
par la variation de PTE due à l’écrouissage ∆Sε. Nous avons appliqué le mode opératoire de
la Figure IV-15 sur des aciers de natures différentes. Les résultats obtenus sont rassemblés
Figure IV-21.
Pour un acier donné, ∆Sa,max atteint une valeur limite lorsque la densité de dislocations
introduite est suffisante pour piéger tous les interstitiels. C’est ce qui est schématisé par les
lignes en pointillé sur le graphe. Les parties où ∆Sa,max et ∆Sε sont à peu près
proportionnelles correspondent aux situations où la saturation des atmosphères intervient
avant que tous les interstitiels libres ne soient piégés. Les plateaux correspondent aux cas
où tous les interstitiels libres sont piégés par les dislocations. Ce sont les conditions
favorables pour le dosage.
Dans chacun de ces aciers, les fractions relatives de carbone et d’azote libre sont
variables. Ces deux éléments ayant un coefficient d’influence sur le PTE différent, la quantité
relative de carbone et d’azote représentée par un ∆Sa, max donné est différente d’un acier à
l’autre. C’est ce qui permet probablement d’expliquer que les lignes en pointillés n’ont pas
toutes la même pente et ne représentent qu’une tendance et non une frontière absolue entre
les états insuffisamment et suffisamment écrouis.
14
0.4
11
0.3
9
0.2
6
0.1
3
-3
0.5
concentration équivalente 10 %
∆Sa, max (µV/K) ~ C et N piégés sur les dislocations
120
ε
0.0
0.0
-3
acier ELC (C ~ 8.10 %)
trempé depuis 700 °C
acier ULCbRC
état recuit
acier ULCstd (N précipité)
trempé depuis 600 °C
acier ULCstd
trempé depuis 600 °C
acier basAl+N
trempé depuis 600 °C
0
-0.1
-0.2
-0.3
-0.4
-0.5
1/2
∆Sε (µV/K) ~ ρ
Figure IV-21 : Variation de PTE due à un vieillissement total (30 mn à 120 °C) en fonction de la variation
de PTE due à l’écrouissage. L’ordonnée à droite traduit ∆Sa,max en concentration équivalente
d’interstitiels à l’aide d’un coefficient d’influence moyen Pi = 0,035. µV/K/10-3 % pds.
Nous devons faire une remarque en ce qui concerne les résultats de l’acier ELC. Dans les
domaines des déformations faibles (|∆Sε| < 0,2 µV/K), les valeurs de ∆Sa,
max
sont assez
importantes. Ce comportement est attribué à la précipitation du carbone sous forme de
carbure epsilon étant donné qu'une telle précipitation se développe assez rapidement à 120
°C pour une telle sursaturation en carbone [BEN85]. C’est ce qui est schématisé par le
croquis à gauche de la figure (amas d’atomes formant un précipité). Cette situation ne se
rencontre plus lorsque la teneur en carbone est faible (sursaturation insuffisante pour former
des précipités en 30 minutes à 120 °C, ce fait sera confirmé dans le chapitre V) ou lorsque la
densité de dislocations est suffisante pour piéger les interstitiels avant que des précipités
n’aient eu le temps de se former.
En ordonnée et à droite du graphe, ∆Sa,
max
a été convertie en pourcentage massique
d’interstitiels piégés par les dislocations en appliquant un coefficient d’influence moyen entre
celui du carbone et de l’azote dans le fer. Bien entendu cette graduation ne présente qu'une
indication qui permet d'estimer que l’on peut doser jusqu'à ~ 15.10-3 % d’interstitiels à
condition que ∆Sε soit de l’ordre de - 0,500 µV/K, niveau qui peut être atteint pour un acier
très fortement déformé (taux de réduction > 70 %) contenant une concentration importante
d’interstitiels en solution (l’écrouissage d’un acier augmente avec la teneur en solutés). Plus
couramment, un ∆Sε de l’ordre de - 0,400 µV/K permet a priori de doser au moins 10.10-3 %
d’interstitiels en solution solide ce qui permet d’étendre le protocole de dosage aux aciers
121
ultra bas carbone (ULC) et bas carbone dans les états usuellement rencontrés au cours du
process (tôle à chaud, brut de recuit …).
IV.C.3.
Séparation du carbone et de l’azote
Lorsque du carbone et de l’azote sont présents simultanément en solution solide, la
variation de PTE due au vieillissement est liée au piégeage de l’un et de l’autre élément sur
les dislocations. Si tous les interstitiels libres sont piégés par les dislocations, on peut écrire
l’égalité :
∆S a,max = PC .[C] libre + PN .[N] libre
Soit une équation à 2 inconnues, [C]libre et [N]libre, qui ne peut être résolue. Pour
contourner cette difficulté nous proposons de conduire l’acier dans un état où au moins une
des quantités est connue. Si l'on considère qu’après un traitement thermique donné, on
connaît la quantité [C]* de carbone en solution (le reste du carbone ayant précipité), tout en
s’assurant que la teneur en azote n’a pas évolué depuis l’état initial, on peut alors écrire :
∆S a* ,max = PC .[C] * +PN .[N] libre
Nous sommes alors capables de retrouver [C]libre et [N]libre. Ce mode opératoire est
similaire à celui réalisé pour la déconvolution métallurgique effectuée avec les mesures de
frottement interne (partie IV.A.3).
Les teneurs en azote des aciers pour emballage ou pour la tôle automobile sont
suffisamment faibles pour pouvoir considérer que des traitements de précipitation du
carbone ne modifient pas la distribution de l’azote dans l’acier (limite de solubilité plus
importante que dans le cas du carbone, précipitation lente des nitrures stables qui se
forment à hautes températures...). En conséquence, en pratique, c’est effectivement la
teneur en carbone libre que nous ajusterons par un traitement thermique de remise en
solution et précipitation.
Il nous reste à définir quel sera le traitement thermique permettant d’ajuster la teneur en
carbone libre à une valeur connue. Il est nécessaire que ce dernier se réalise dans une
durée raisonnable et qu’il soit reproductible. C’est l’étude de la précipitation après trempe
dans les aciers ultra bas carbone et bas carbone qui nous a permis d'optimiser ce traitement.
Cette étude plus particulièrement détaillée dans le chapitre V, nous ne ferons donc ici
qu’utiliser ces résultats.
122
IV.C.4.
Comparaison avec le dosage par frottement interne
Jusqu'à présent, les données issues du dosage PTE après écrouissage ont été comparées
aux évolutions de la quantité d’interstitiels libres déduite des mesures de PTE classiques (en
suivant la précipitation du carbone par PTE, partie IV.B.3.b). Nous allons maintenant
comparer ces données aux résultats issus de mesure du frottement interne, cette technique
étant généralement considérée comme la technique de référence, même si le dosage en
absolu par frottement interne parait délicat.
IV.C.4.a)
Cas du carbone
Les aciers étudiés ici sont les aciers l-Mn et h-Mn dans les mêmes états que ceux décrits
dans la partie IV.A.2.c.. Les mesures complémentaires consistent à appliquer le protocole de
dosage par PTE de la Figure IV-20. On en tire la variation de PTE ∆Sa,
max,
pouvant être
convertie en teneur en carbone libre en utilisant les coefficients d’influence du tableau III-6 (§
III.F). Les résultats obtenus sont comparés aux évolutions du maximum de frottement interne
(Figure IV-22).
16
l-Mn
h-Mn
14
δmax x10
_
3
12
10
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
3
[C]libre x10 %
Figure IV-22 : Maximum de pic de Snoek corrigé par le coefficient de texture en fonction de
la teneur en carbone libre [C]libre dosée par PTE. Les incertitudes sont calculées en
considérant que le coefficient PC est connu à 5 % prés et les variations de PTE
∆Sa,max à + 0,006 µV/K (=> + 2 ppm).
Il s’avère que les deux grandeurs ne sont pas proportionnelles. Il existe toutefois une
relation linéaire en admettant qu’entre 11 et 16 ppm (en tenant compte des incertitudes) de
123
carbone libre ne sont pas détectés par le frottement interne ou que le dosage par PTE
surestime la teneur en carbone libre.
La première hypothèse avancée pour expliquer la non proportionnalité observée est de
considérer que ∆Sa,
ne serait pas uniquement lié au carbone qui ségrège sur les
max
dislocations mais qu'au cours du vieillissement de l’acier, une évolution “ parasite ” de la
microstructure conduirait à une augmentation additionnelle du PTE de l’ordre de 0,05-0,06
µV/K, qui entraînerait donc une surestimation d'environ 11-16 ppm de la concentration en
carbone libre. Cette évolution pourrait par exemple être due à un phénomène de restauration
déjà évoqué pour expliquer le second régime d’évolution du PTE lors du vieillissement après
écrouissage (§ IV.B.2.b). Si tel était le cas, les cinétiques des deux phénomènes ne seraient
pas identiques : l’une serait pilotée par la diffusion du carbone dans la matrice alors que
l’autre le serait par l’autodiffusion du fer et la diffusion des crans.
(a)
(b)
{700}
{550}
{520}
{475}
{270}
0,30
0,8
variation normée du PTE
0,25
1,0
∆Sa (µV/K)
0,20
0,15
0,10
0,6
0,4
0,2
0,05
0,00
0,0
2
10
3
10
4
10
t (mn)
5
10
6
10
2
10
3
10
4
10
t (mn)
5
10
6
10
Figure IV-23 : Variation de PTE pendant le vieillissement après écrouissage (∆Sε ~ -0,4 µV/K) à
température ambiante de l’acier l-Mn dans les états décris dans la partie IV.A.2.c (Figure IV-2).
(b) Cinétiques (a) normées
(a) Cinétiques exprimées par ∆Sa
Un vieillissement à basse température devrait limiter une telle évolution “ parasite ”. Pour
vérifier cette hypothèse, nous avons étudié les cinétiques de vieillissement après
écrouissage (∆Sε ~ - 0,4 µV/K) et à température ambiante de l’acier h-Mn dans différents
états de précipitation (voir § IV.A.2.c). Les cinétiques suivies par PTE (Figure IV-23 (a))
montrent des évolutions sigmoïdales en fonction du logarithme du temps. La valeur de PTE
se stabilise pour un temps indépendant de l’état initial de l’acier. Les cinétiques normées
124
sont indiscernables (Figure IV-23 (b)) et cela même pour l’acier dans l’état {270} où, d’après
le frottement interne, il n’y a quasiment plus de carbone en solution solide (spectres de
frottement de la Figure IV-3).
Il apparaît donc que l’hypothèse faites plus haut peut être rejetée et qu'il existerait bien ~ 13
ppm de carbone libre susceptible de ségréger sur les dislocations et détectable par le
dosage PTE bien qu'invisible au frottement interne. Il semble donc pour le moment que l’on
puisse distinguer deux populations de carbone libre : l’une détectable par le frottement
interne et le dosage PTE et l'autre uniquement par le dosage PTE. Il reste bien entendu à
préciser la situation des atomes de carbone « invisibles » au FI. Les différentes hypothèses
envisageables ainsi que leurs vérifications expérimentales seront abordées dans la suite du
chapitre. Dans un premier temps nous allons considérer comme acquis l’existence de ce
carbone libre « invisible » au frottement interne.
IV.C.4.b)
Cas de l’azote
De la même manière que précédemment, nous voulons comparer le dosage PTE au
dosage par frottement interne en s’intéressant cette fois uniquement à l’azote libre. Les
aciers étudiés sont le basC et le basAl+N dont les compositions chimiques sont données
dans le tableau III-6.
16
14
12
LC
-3
-3
(N=5.3 10 %; Al=58 10 %)
basAl+N
-3
(1)
-3
(N=11.7 10 %; Al=15 10 %)
δmax x10
3
10
(2)
8
0,020
0,015
6
4
carbone
libre
invisible
(1)
azote
libre
δ 0,010
(2)
0,005
(3)
2
0,000
(3)
240
260
280
300
320
température (K)
0
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35
∆Sa, max (µV/K)
0
[N]libre
Figure IV-24 : Maximum de frottement interne due à l’azote en fonction de ∆Sa, max issue du protocole de
dosage par PTE. En médaillon sont donnés 3 spectres expérimentaux de frottement interne.
Sur des éprouvettes de ces aciers, on réalise des séquences de traitements thermiques
similaires à celles présentées Figure IV-6 (§ IV.A.3.a et b). Le maintien à 600 °C pendant
125
des durées variables a pour objectif de précipiter une fraction croissante d’azote libre sous la
forme d’AlN, tandis que le rôle de la dernière étape du traitement (2 heures à 270 °C) est de
précipiter le carbone de manière à ce qu’il n’y en ait plus de trace sur le spectre de
frottement interne (spectre (3) du médaillon de la Figure IV-24). Notons que dans cet état, du
carbone libre « invisible » au frottement interne participe néanmoins à hauteur de 0,060 µV/K
à la valeur finale de ∆Sa,
max
obtenue en appliquant le protocole de dosage par PTE. On
compare alors les évolutions des maxima apparents7 de frottement interne représentatifs de
l'azote libre avec ∆Sa, max (voir Figure IV-24).
Contrairement au cas du carbone, la quantité d’azote libre déterminée par le PTE est
proportionnelle au maximum apparent de frottement interne. Les deux aciers semblent
toutefois présenter des relations de proportionnalité différentes, mais il peut s’agir soit d’un
effet de texture, soit de la teneur en manganèse ou des deux à la fois.
IV.C.5.
Discussion
Nous venons de voir que la méthode de dosage par PTE après écrouissage permet
d'accéder aux valeurs absolues des quantités de carbone et d’azote libre, à condition
toutefois d’admettre que cette méthode détecte une population d’atomes de carbone libres
« invisibles » au frottement interne. Pour valider une bonne fois pour toute cette méthode, il
est donc nécessaire de préciser la nature des atomes constituant cette population.
La première question est de savoir si les atomes de carbone libres « invisibles », sont
devenus libres du fait de l’écrouissage introduit au cours du protocole, auquel cas ils ne sont
pas initialement libres et le FI ne permet effectivement pas de les détecter, où s'ils sont dans
des situations particulières dans la matrice à l’état recuit (au moment de la mesure du
frottement interne). Ci-dessous, nous recensons différentes hypothèses possibles que l’on
soumettra à l’expérience dans la partie qui suit.
Atomes initialement piégés, susceptibles d'être remis en solution par l’écrouissage :
1. Atomes en amas ou dans des précipités cohérents, "dissous" par l’écrouissage.
2. Atomes initialement piégés sur des dislocations déjà existantes à l’état recuit, remis en
solution lors du déblocage de ces dernières.
3. Atomes ségrégés aux joints de grains et remis en solution lors de la déformation.
Atomes “ libres ” en situation particulière dans la matrice :
7
Bien que "complexes" les spectres dus à l’azote restent homothétiques ce qui entraîne que la
hauteur du maximum apparent de frottement interne est proportionnelle à la surface intégrée du
spectre donc à la quantité totale d'azote libre quel que soit l'environnement de ces atomes d'azote.
126
4. Atomes en interaction avec un autre défaut dans la matrice (atomes substitutionnels,
lacunes …).
IV.C.6.
Origine des atomes de carbone libre « invisibles »
IV.C.6.a)
Dissolution d’amas ou de précipités cohérents du fait de
l’écrouissage
Nous formulons ici l’hypothèse que les atomes de carbone « invisibles » vis à vis du
frottement interne pourraient être issus de la dissolution d’amas d’atomes de carbone ou de
fins précipités cohérents, cisaillés par les dislocations lors de l’écrouissage. Dans cette
hypothèse la quantité de carbone « invisible » devrait être fonction de la quantité d’atomes
de carbone formant les amas ou les précipités. Dans un acier trempé puis revenu à 270°C,
température à laquelle le carbone précipite sous la forme de cémentite intragranulaire, la
quantité de carbone pouvant participer à la formation de ces amas (ou précipités) devient
très faible, d’où une population d’atomes de carbone « invisibles » qui doit diminuer en
nombre. Or la relation linéaire qui existe entre le maximum de frottement interne et ∆Sa, max
implique que cette population est constante quelle que soit la quantité totale d’atomes de
carbone libres.
Cette hypothèse n’est donc pas cohérente avec les résultats expérimentaux.
IV.C.6.b)
Remise en solution d’atomes de carbone initialement
piégés sur des dislocations ou aux joints de grains
Dans l’acier à l’état recuit, la densité de dislocations est déjà importante, Λ ~ 108 cm-2.
Après trempe, cette densité peut augmenter du fait de l’introduction de nouvelles dislocations
dues aux contraintes de trempe et atteindre 109 cm-2. Si l'on considère que la densité de
sites piégeant sur les dislocations est de 1 site par plan atomique traversé par la dislocation,
la densité en volume de sites est de l’ordre de 1,6.1017 cm-3. Or une teneur en carbone de
1,3.10-3 % en masse donne une densité d’atome de carbone dans la matrice de l’ordre de
5.1018 cm-3, soit entre 1 et 2 ordres de grandeur au-dessus du nombre de sites disponibles.
Ce calcul simple permet d’écarter l’hypothèse formulée.
Pour se convaincre que les atomes « invisibles » au frottement interne ne sont pas remis
en solution lors de l’écrouissage, nous avons étudié l’effet de l’écrouissage sur des aciers
dans lesquels, soit des atomes interstitiels sont bel et bien piégés sur des dislocations, soit
seule la population d’atomes de carbone “ invisibles ” est présente. La mesure du frottement
interne sur ces aciers à différentes étapes du traitement thermo-mécanique Figure IV-25
permet de suivre l’évolution de la population d’atomes en solution solide.
127
Les résultats de ces expériences démontrent que l’écrouissage d’un acier contenant des
atomes interstitiels préalablement piégés sur des dislocations conduit à une remise en
solution d’une fraction des interstitiels initialement piégés qui peuvent être détectés par
frottement interne.
Pour cela après un premier écrouissage d'environ 10 % (état {ε}), suivi d'un premier
vieillissement de 30 mn à 120 °C (état {a}) on trace les spectres de frottement interne (voir
Figure IV-25 (a)). On observe alors la diminution de l’amplitude du spectre qui est liée à la
ségrégation des interstitiels sur les dislocations lors du traitement de vieillissement. On note
toutefois que d’après le spectre {a}, il reste encore des interstitiels en solution puisque le
spectre n’est pas constitué seulement d’un fond continu.
Ensuite on déforme à nouveau l'éprouvette d’environ 5 % par laminage (état {a,ε}) et on
trace le nouveau spectre de frottement interne (Figure IV-25 (b)). On observe alors
incontestablement une augmentation de la hauteur du maximum qui peut être attribuée à
l’augmentation du pic de Snoek et non à un phénomène parasite comme le démontre la
persistance de ce spectre lors d'un second balayage en température (Figure IV-25 (c)
spectres 1 et 2). En effet des évolutions possibles du fond continu, liées à un phénomène de
restauration des dislocations ou de diminution de leur mobilité par ancrage des nouvelles
dislocations, pourraient conduire au premier balayage à un spectre du type {a,ε} mais au
second balayage le « recuit » commencerait à plus haute température et conduirait donc à
un spectre totalement différent identifié par la courbe 2’ en pointillés sur la Figure IV-25 (c).
Remarque : On met ici en évidence que des interstitiels initialement ségrégé sur
des dislocations sont susceptibles d’être à nouveau libres à la suite d’un écrouissage
même relativement léger (En fait, il s’agit du désancrage des dislocations conduisant
à laisser sur place les atomes interstitiels formant l’atmosphère de Cottrell). Ce
résultat sera largement confirmé dans le chapitre VI.
128
vieillissement total
(120 °C, 30 min)
vieillissement total
(120 °C, 30 min)
écrouissage
(laminage)
Tamb
état
12
{ε}
{bRC}
12
(a)
10
{ε}
δ x 10
3
(b)
8
6
{a, ε}
6
4
4
{a}
2
2
0
0
240
12
{a, ε, a}
10
8
260
280
300
320
340
360
10
10
8
8
{a, ε}
6
{a}
240
12
(c)
δ x 10
3
{a, ε}
{a}
260
4
300
320
340
360
{a, ε}
6
1
280
(d)
4
2
2
2’
0
{a, ε, a}
2
0
240
260
280
300
320
340
360
240
température (K)
260
280
300
320
340
360
température (K)
Figure IV-25 : Spectres de frottement interne réalisés sur l’acier ULCstd brut de recuit continu aux
différents stades du traitement thermo-mécanique schématisé en haut.
(a)
{ε} après 1ère déformation (ε ~ 10 %) {a} après vieillissement total.
(b)
{a,ε} après 2ème déformation (ε ~ 5 %) : remise en solution d’une fraction des interstitiels
piégés dans l’état {a}.
(c)
idem (b), montre la reproductibilité du spectre {a, ε}.
(d)
{a,ε,a} après 2ème vieillissement total.
Enfin un nouveau vieillissement de 30 mn à 120 °C (état {a,ε,a}) conduit bien à la
disparition totale du pic de Snoek (Figure IV-25 (d)).
Le frottement interne permet donc de détecter la remise en solution d’atomes interstitiels
initialement piégés sur des dislocations.
A contrario, les résultats présentés sur la Figure IV-26 montrent que les atomes
« invisibles » en frottement interne (dans l’état {R} le dosage par PTE en détecte environ
1,5.10-3 % alors que le spectre de frottement interne est quasiment plat) ne sont toujours pas
détectés après l’écrouissage de l’acier (environ 10 % d’allongement par laminage).
Effectivement, le spectre de l’état {ε} n’indique pas de remise en solution de carbone après
un écrouissage comme c’est le cas lorsque ce dernier est piégé sur des dislocations. Cette
observation permet d’écarter l'hypothèse voulant que les atomes de carbones « invisibles »
129
en frottement interne seraient remis en solution solide au cours de l’écrouissage et donc
rejette également l’hypothèse d’atomes de carbone ségrégés aux joints de grains et remis en
solution par écrouissage.
650 °C, 24 hr
précipitation d ’AlN
270 °C, 24 hr
précipitation de Fe 3C
10 % d ’allongement
par laminage
T amb
état
{RSS}
{RSS}
{R}
{ε}
{R}
10
8
8
6
6
{R}
{ε}
pas de remise en solution
de carbone après déformation
δ x 10
3
10
{bRC}
4
4
2
2
0
0
240 260 280 300 320 340 360
température (K)
240 260 280 300 320 340 360
température (K)
Figure IV-26 : Spectres de frottement interne réalisés sur l’acier ULCstd brut de recuit continu aux
différents stades du traitement thermo-mécanique schématisé au dessus ε ~ 10 %).
Ceci nous amène à distinguer 2 populations d'atomes de carbone libres :
-
une première population détectée par le frottement interne et conduisant à un pic ayant
toutes les caractéristiques du pic de Snoek du carbone. Cette population doit donc
correspondre aux atomes de carbone en solution solide idéale dans la matrice de fer,
c’est à dire uniquement entourés par des atomes de fer et sans interaction avec
d’autres défauts de la matrice.
-
Une deuxième population « invisible » au frottement interne. Son caractère d’invisibilité
vis à vis du frottement interne indique que les atomes ne sont pas dans la même
configuration que les premiers mais sont probablement en interaction avec des défauts
de la matrice qui, comme on l'a vu, ne sont pas des dislocations ni les joints de grains.
130
L’hypothèse qui vient alors est de considérer des interactions avec des défauts ponctuels
en particuliers des atomes étrangers en substitution dans la matrice8.
IV.C.6.c)
Interaction avec des éléments substitutionnels
Il est difficile de mettre expérimentalement en évidence des interactions entre atomes en
solution solide et c’est souvent de manière indirecte que cela est possible. En, ce qui nous
concerne, nous ferons l’hypothèse qu’une quantité donnée d’atomes de carbone peut se
trouver en interaction avec un type de défauts de la matrice les empêchant de participer à la
relaxation de Snoek. Le type de défauts envisagé ici étant constitué par un ou plusieurs
éléments en substitution dans la matrice de fer.
On peut considérer 2 situations pour qu’un atome interstitiel devienne invisible au
frottement interne. Soit il est fortement bloqué et ne se déplace plus du tout dans la maille.
Soit il est extrêmement mobile autour d’un défaut ponctuel, tout en étant attiré par ce défaut.
Cette hypothèse est similaire au modèle énergétique proposé pour interpréter le spectre de
frottement interne de l’azote en présence de manganèse si ce n’est que dans le cas du
carbone, les atomes en interaction avec les défauts ne participeraient pas au frottement
interne.
Pour valider cette hypothèse nous avons retenu un certain nombre de nuances ayant des
compositions chimiques différentes en atomes substitutionnels. Le choix de ces nuances est
conditionné par leurs compositions chimiques ainsi que leurs disponibilités. Il s’agit de fer pur
contenant quelques ppm de carbone, d’aciers calmés à l’aluminium contenant environ 0,2 %
de Mn (acier ULCbRC et l-Mn), et d’un acier ULC dit IF (Interstitial Free) contenant du titane
(dont le but est de fixer l’azote et le carbone sous la forme de précipités stables) pour lequel
on peut penser qu’il existe une forte affinité entre le titane et le carbone. Ces aciers
subissent différents traitements thermiques dont le détail n’est pas donné ici et dont l’objectif
est d’ajuster la teneur en carbone libre.
La relation existant entre la hauteur du pic de frottement interne du carbone et le dosage du
carbone libre par PTE a été déterminée dans ces nuances, les résultats obtenus sont
présentés en Figure IV-27.
8
Nous écartons l’hypothèse d’une interaction avec des lacunes dont la densité est faible dans le
domaine de température exploré et dont le nombre serait variable avec la température de traitement
ce qui ne serait pas compatible avec les résultats expérimentaux présentés ici
131
14
ULCbRC
l-Mn
IF-Ti
fer pur
12
frottement interne
δmax * 1000
10
8
6
4
2
?
0
0
1
2
3
4
5
6
[C]libre* 1000 dosé par PTE (%)
Figure IV-27 : Relation entre le maximum de frottement interne et la quantité de carbone libre mesurée par le
dosage PTE. Les maxima de frottement interne sont corrigés par un coefficient de texture vu au
paragraphe IV.A.2.b sauf pour l’acier IF-Ti et le fer pur.
Pour les différentes nuances, il existe une relation distincte entre le maximum de
frottement interne et la quantité de carbone libre dosée par PTE.
Pour les aciers calmés à l’aluminium avec des teneurs en manganèse comprises entre
0,125 et 0,225 %, on retrouve la relation déjà mise en évidence précédemment et qui indique
qu’environ 13 ppm de carbone libre est invisible au frottement interne. Cette relation est
amplement confirmée par d’autres résultats dont certains ont déjà été vus dans ce chapitre.
Dans le cas de l’acier ULC IF-Ti, il semble que la relation soit différente. Toutefois le
nombre de points expérimentaux ne permet pas de l’établir clairement. Néanmoins, la
population de carbone libre invisible au frottement interne semble plus importante que 13
ppm.
Enfin pour le fer pur, δmax est proportionnel à la quantité de carbone libre ce qui signifie
qu’il n’existe pas dans ce cas d’atome de carbone libre invisible au frottement interne.
Ces différentes relations confortent l’hypothèse que nous formulons sur la situation des
atomes de carbone libres invisibles au frottement interne, en interaction avec des atomes en
substitution dans la matrice ferritique. Toutefois, ces résultats ne constituent pas une preuve
qui demanderait une étude plus approfondie (ex : influence de la quantité et la nature des
substitutionels sur la relation entre δmax et Clibre …) ne pouvant être réalisée dans le contexte
de la thèse. Nous verrons dans le chapitre VI que nous serons également amenés à
envisager une interaction du carbone avec le manganèse pour interpréter des résultats
concernant le vieillissement d’aciers ULC contenant environ 0,2 % de manganèse.
132
IV.C.6.d)
Conclusion
Dans cette partie nous avons cherché à identifier l’origine des atomes de carbone
« invisibles » au frottement interne mais néanmoins détectés par le dosage PTE. Il apparaît
que ces atomes ne sont pas remis en solution lors de la déformation et que leur caractère
d’invisibilité au frottement interne persiste après un léger laminage. L'étude sur des nuances
ayant des compositions différentes en atomes substitutionnels nous amène à considérer que
les atomes de carbone tiennent leur caractère d’invisibilité au frottement interne du fait de
leur interaction avec des atomes de soluté en substitution dans la matrice. Dans les aciers
que nous étudions dans la suite de la thèse (aciers calmés à l’aluminium et dont le principal
élément d’alliage est le Mn avec des teneurs d’environ 0,2 %), ces atomes en interaction (les
atomes invisibles au frottement interne) ne présentent pas une cinétique de ségrégation sur
les dislocations particulière. Ils ne sont donc pas à distinguer des atomes visibles au
frottement interne (en solution solide) vis à vis du vieillissement après écrouissage.
En conséquence, dans la suite de la thèse, nous ne parlerons plus d’atomes de carbone
en solution solide mais utiliserons le terme de carbone libre, c’est à dire des atomes dont la
situation et la mobilité leur permettent de participer au vieillissement après écrouissage. Ces
atomes sont la somme des 2 populations identifiées plus haut.
IV.C.7.
Discussion sur l’apport de l ‘utilisation de la mesure du
PTE et du dosage par PTE pour l’étude du vieillissement
Dans un grand nombre d’études concernant le vieillissement après écrouissage et
notamment le Bake Hardening, l’estimation de la quantité de carbone est réalisée à partir de
la mesure du frottement interne [OKA81,89][HAN84][ELS93][SOL98][DE01]. La relation BH
en fonction de la quantité de carbone en solution montre souvent que les premiers ppm de
carbone sont responsables d’un BH important voir même que l’on mesure du BH sans
détecter pour autant de carbone en solution solide par frottement interne [OKA81] (Figure II9 (a)).
Les résultats de la partie IV.C et l’existence de carbone invisible au frottement interne
nous permet de réviser cette vision. Lors du déroulement de la thèse, la méthode de dosage
des interstitiels libres a été proposée et adoptée par les chercheurs du Ledepp et l’étude du
BH d’aciers bas carbone (similaire à l’acier LC du tableau III.6) a donné les résultats de la
Figure IV-28 (Source : M. Soler, Ledepp).
133
100
BH2% (MPa)
80
60
40
?
20
[C]libre dosé par FI
[C]libre dosé par PTE
0
0
20
40
60
80
100
120
[C]libre (ppm)
Figure IV-28 : Relation BH en fonction de la quantité de carbone libre, dosé soit par FI soit par le
PTE, d’un acier bas carbone ([C] = 0,023 %, [Mn] = 0,2 %, [Al] = 0,05 %). Source : M.
Soler, Ledepp.
Sur cette figure, nous retrouvons bien la tendance de la littérature pour les données
issues du frottement interne alors que celles issues du dosage par PTE indiquent une
progression du BH plutôt linéaire avec le carbone libre jusqu’à 30-40 ppm de carbone. Ces
résultats modifient sensiblement les interprétations et extrapolations faites à partir des
données expérimentales et de la théorie du vieillissement après écrouissage. Notamment en
ce qui concerne la densité à saturation des atmosphères autours des dislocations ainsi que
la pondération de l’effet d’une quantité donnée de carbone libre sur l’accroissement de limite
élastique. Nous verrons dans le chapitre VI que le concept même de saturation des
atmosphères est certainement à revoir.
Sans en dire plus sur ce sujet, la mesure du PTE semble être une technique qui doit
permettre une meilleure compréhension des mécanismes et paramètres du BH et du
vieillissement en général. Des études sont en cours sur le sujet au Ledepp (USINOR R&D)
sous la direction de Michel Soler et de l’auteur ainsi qu’à l’INSA de Lyon (GEMPPM) sous la
direction de Jacques Merlin.
IV.C.8.
Conclusion
Dans ce chapitre, nous montrons les difficultés à doser les interstitiels libres par la
mesure du frottement interne. Nous montrons qu’il est possible de séparer les contributions
respectives du carbone et de l’azote en pratiquant une « déconvolution métallurgique » qui
134
consiste à faire des opérations mathématiques entre des spectres FI expérimentaux de
l’acier dans des états judicieux. La difficulté réside principalement dans la détermination de
coefficients de proportionnalité entre les maxima de frottement interne et les teneurs en
interstitiels libres.
Cet état de fait nous a amené à nous intéresser à une méthode originale s’appuyant sur le
suivi du PTE de l’acier au cours d’un traitement thermomécanique déterminé. Celui ci
consiste à écrouir suffisamment l’acier à doser de manière à y introduire une densité de
dislocations suffisante pour piéger tous les interstitiels libres (carbone et azote) après un
traitement de vieillissement optimisé. La variation du PTE de l’acier entre son état très
déformé et complètement vieilli est proportionnelle à la quantité d’interstitiels ségrégée sur
les dislocations et donc à la quantité d’interstitiels libres initialement. La pertinence ainsi que
le domaine de validité de la méthode sont démontrés. En pratique, il semble que l’on puisse
doser une quantité d’interstitiels, carbone et azote, inférieure ou égale à 0,01 % (voir plus en
pratiquant en plusieurs stades : précipitation, vieillissement) et que d’autre part on puisse
doser séparément le carbone et l’azote libre au moins dans les aciers étudiés (aciers ULC et
bas carbone, avec environ 0,2 % de Mn).
L’application de la méthode de dosage sur des aciers bas carbone et ULC conduit à
identifier une population d’atomes de carbone libres, ~ 13 ppm, qui participent au
vieillissement après écrouissage mais qui ne sont pas détectés par le frottement interne. Ce
résultat nous amène à considérer l’existence d’interaction entre ces atomes et des défauts
de la matrice que constitue un ou des éléments en substitution dans la matrice de fer et en
particulier le manganèse.
La prise en compte de ces atomes de carbone invisible amène à réviser les conclusions
de la littérature concernant la pondération du BH en fonction de la quantité de carbone libre
mesurée par FI.
135
136
V.
Précipitation dans les aciers ULC - Description de
l’état brut de recuit : bilan des interstitiels actifs vis à
vis du vieillissement après écrouissage
V.A.
Introduction
Les aciers ULC ont une teneur en carbone total qui conduit à ce que ce dernier soit
complètement remis en solution solide lors du recuit de recristallisation qui s’effectue vers
680 °C. Le refroidissement étant rapide (~ 30 °C/s), les sidérurgistes s’attendent à ce que
quasiment tout ce carbone se retrouve en solution solide après recuit. Ils considèrent donc
que tout le carbone est susceptible de participer au vieillissement après écrouissage. Par
ailleurs, pour ces nuances, les conditions de réchauffage des brames ainsi que la conduite
du laminage à chaud et du bobinage devraient conduire à ce que la totalité de l’azote
contenu dans l’acier se trouve aussi en solution solide. Pour résumer, on considère
généralement que dans un acier ULC recuit en continu, tout le carbone et l’azote sont en
solution solide après recuit et qu’ils sont donc “ actifs ” vis à vis du vieillissement. En fait, il
n’existe pas d’étude expérimentale qui montre clairement la validité de cette hypothèse.
Dans cette partie, l’objectif est donc de valider ou non cette hypothèse en caractérisant
finement les états du carbone et de l’azote dans un acier ULC.
137
V.B.
L'état brut de recuit
V.B.1. Prélèvements et conservation
On dispose de feuilles d’aciers ULC brut de recuit continu (aciers ULCstd, ULCDWI et
ULC+N) prélevées sur les sites de production (Usines de Basse-Indre et Florange), des
petites éprouvettes témoins ayant été directement mises à la température de l’azote liquide
pour constituer des références de l’état brut de recuit continu {bRC} pour ces aciers. Le PTE
et le frottement interne (FI) de ces témoins ont été mesurés et le reste des tôles, après 3
jours passés à la température ambiante durant le transport, a été conservé à - 30 °C. On a
pu vérifier que leurs FI et PTE ne variaient pas par rapport à ceux des témoins et cela même
après plusieurs mois à - 30 °C.
V.B.2. Effet d’un traitement de remise en solution suivi d’une
hypertrempe
Afin d'être sûr d'avoir les 3 aciers ULC dans un état possédant le maximum d'interstitiels
en solution solide, un traitement de remise en solution de 30 s à 600 °C suivi d’une trempe à
l’eau (hypertrempe) a été réalisé.
Les mesures de FI et de PTE effectuées sur cet état "remis en solution solide" {RSS},
diffèrent de celles des mêmes aciers dans l’état brut de recuit continu {bRC}. Par conséquent
l'hypothèse de la présence après recuit continu de la totalité du carbone et de l'azote en
solution dans ces aciers est d'ores et déjà remise en question.
D’après les spectres de frottement interne, le traitement à 600 °C n'a pour effet que de
remettre une quantité ∆C de carbone du carbone en solution et la variation de PTE entre les
états {bRC} et {RSS} doit permettre d'évaluer cette quantité (Tableau V-1). Il apparaît que
pour chacune des nuances environ 10 ppm de carbone est remis en solution par un maintien
à 600 °C.
ULCstd
ULCDWI
ULC+N
S en µV/K
{bRC}
{RSS}
-1.790
-1.830
-1.780
-1.825
-1.670
-1.710
S{bRC} - S{RSS}
en µV/K
0.040
0.045
0.040
∆C
en ppm
9
10
9
Tableau V-1 : Tableau récapitulatif des mesures de PTE dans l’état {bRC} et {RSS}. Calcul de la quantité
de carbone remis en solution par un maintien à 600 °C par la formule ∆C = (S{bRC}-S{RSS})/PC.
138
Néanmoins, l’observation au MET de lames minces ainsi que de répliques directes de
l’acier ULCstd dans l’état {bRC} ne permet pas de déceler la présence de carbures. Par
contre on retrouve les précipités systématiquement observés dans les aciers calmés à
l’aluminium : fins précipités de nitrure d’aluminium situés préférentiellement à proximité des
joints de grains, ainsi que des sulfures de manganèse.
Remarque :
Nous avons vérifié expérimentalement que le prolongement du traitement de
remise en solution à 600 °C (jusqu’à 5 mn) ou l’augmentation de la température
de traitement (jusqu’à 700 °C) ne conduisaient pas à une modification de la
quantité de carbone remis en solution. Pour des raisons pratiques, nous avons
choisi de réaliser les traitements de remise en solution des aciers ULC par un
maintien de 30 s à 600 °C suivi d’une hypertrempe à l’eau. Les aciers sont alors
dans l’état {RSS}.
V.B.3. Conclusion
Il semble qu’environ 10 ppm de carbone puissent être remis en solution solide dans un
acier ULC brut de recuit continu. Toutefois, nous n’avons pas pu mettre en évidence de
carbures dans cet état; il reste donc à préciser où ce carbone se trouve engagé.
L’analyse de répliques en microscopie électronique à transmission nous indique en outre,
contrairement à ce qu'il est habituellement admis, qu’une partie de l’azote total est précipitée
sous la forme de nitrure d’aluminium. Il nous reste à évaluer la quantité d’azote engagée
dans les nitrures. Ce point devra aussi être abordé ultérieurement.
V.C.
Précipitation après hypertrempe dans les aciers ULC au cours
d’un revenu isotherme effectué entre 20 et 270 °C
V.C.1. Introduction
Nous voulons préciser dans quelle situation se trouve engagé le carbone dans les aciers
ULC à l'état brut de recuit. Le cycle de refroidissement au recuit continu sur les lignes
USINOR pour APE peut être schématisé par un refroidissement rapide de quelques dizaines
de degrés par seconde. L’étude expérimentale des évolutions microstructurales lors de ce
type de cycle n’est pas aisée et nous avons choisi de les déduire de l’étude de revenus
isothermes à partir d’un état proche de celui dans lequel est l’acier lors du maintien au recuit
(T ~ 680 °C), c’est à dire après hypertrempe de 600 °C (état {RSS}).
139
V.C.2. Effet des carbures de fer sur le PTE de l’acier
Nous avons vu au chapitre IV que la variation de PTE d’un acier ULC pendant un
traitement isotherme à 270 °C correspond à la diminution de la quantité de carbone en
solution déterminée par dosage PTE (Figure IV-17). Ce résultat nous indique que dans ces
conditions, l’effet des précipités Fe3C’ (cémentite intragranulaire) sur le PTE est négligeable
en tout point de la cinétique de précipitation. Nous avons réalisé une expérience similaire sur
l’acier l-Mn ( [C]total ~ 8.10-3 %) hypertrempé depuis 700 °C puis revenu à 120 °C. A cette
température, on s’attend à développer des carbures ε. En appliquant le même raisonnement
qu’au paragraphe IV.B.3.b, les résultats de la Figure V-1 nous indiquent que les carbures ε
n’ont pas d’effet significatif sur le PTE de l’acier et que la variation de PTE mesurée peut être
attribuée au départ du carbone libre de la matrice. Dans la suite de la thèse, nous allons
donc considérer une contribution nulle des différents carbures sur le PTE de l’acier.
D’autre part, le fait que le dosage PTE permet bien à chaque instant du revenu à 120
°C de retrouver la quantité de carbone libre restant dans la matrice, nous permet
d’affirmer que lors de l’écrouissage intense pratiqué dans le protocole de dosage (
plus de 50 % de réduction par laminage), les carbures ε, semi-cohérents, ne sont pas
dissous par le cisaillement des dislocations (ce résultat sera confirmé dans le § VI.F.5)
0.35
∆Sp ou ∆Sa,max (µV/K)
0.30
0.25
0.20
∆Sp
∆Sa,max
∆Sp + ∆Sa,max
∆Sa, max(0)
=
∆Sa, max{RSS}
0.15
∆Sp(t)
0.10
∆Sa, max(t)
0.05
0.00
1
10
10
2
10
3
10
4
10
5
6
10
10
7
10
8
t (s)
Figure V-1 : Cinétique de variations du PTE pendant le revenu isotherme à 120 °C de l’acier h-Mn ([C]total
~ 8.10-3 %) initialement trempé à l’eau depuis 700 °C (état {RSS}).
V.C.3. Protocole expérimental
Nous avons entrepris l’étude des évolutions microstructurales au cours de traitements
isothermes entre l'ambiante et 270 °C, c'est à dire dans le domaine correspondant à la fin de
140
zone de refroidissement en recuit continu. Cette gamme de température correspond
également aux traitements thermiques éventuels que subit l’acier après recuit (revêtement,
cuisson des vernis …).
Cette étude permettra également d'ébaucher le tracé d’un diagramme de type TempsTempérature-Précipitation (TTP) pour des aciers ULC.
Le départ du carbone en solution est suivi par mesure du PTE. La quantité de carbone
quittant la solution solide étant considérée proportionnelle à ∆SP, variation de PTE entre
l’état précipité {P} et l’état remis en solution {RSS} (Figure V-2). Pour certains points
remarquables, des mesures de frottement interne sont également réalisées et confirment
que la quantité d’azote en solution solide ne varie pas dans les conditions étudiées.
600 °C, 30 s
hypertrempe
270 - 20 °C, t
Tamb
état
PTE
{bRC}
{RSS}
{P}
S{RSS}
S{P}
carbone précipité ∆[C]p = (S{P} - S{RSS})/PC = ∆SP/PC
Figure V-2 : Traitements de remise en solution (hypertrempe) et de précipitation du carbone dans des
aciers ULC.
V.C.4. Résultats expérimentaux
Les variations de PTE observées au cours des traitements de revenu sont similaires pour
nos différentes nuances d'aciers ULC. Celles correspondant à l'acier ULCstd sont
présentées Figure V-3. On doit immédiatement noter que l'allure générale des cinétiques
correspondant à des revenus > 120 °C diffère de celles précédemment observées sur des
aciers bas carbone [BEN85][BRA93]. Dans le cas d'un revenu à 270 °C, la cinétique de
variation de PTE diffère également de celle pouvant être observée dans le cas de l’acier bas
carbone LC hypertrempé depuis 505 °C de manière à obtenir une sursaturation initiale en
carbone équivalente à celle d’un acier ULC (Figure V-4).
141
0,150
270 °C
220 °C
170 °C
120 °C
70 °C
20 °C
0,125
∆Sp (µV/K)
0,100
0,075
0,050
0,025
0,000
1
10
2
10
3
10
4
5
10
10
temps (s)
6
10
7
10
Figure V-3 : Cinétiques de variation du PTE de l’acier ULCstd dans l’état initial {RSS}
(hypertrempé depuis 600 °C) pendant des revenus isothermes entre 20 et
270 °C. ∆Sp = S{P} – S{RSS}.
0,125
∆Sp en µV/K
0,100
0,075
0,050
0,025
LC 505°C / 5mn
ULCstd {RSS}
0,000
1
10
2
10
3
10
4
5
10
10
temps (s)
6
10
7
10
Figure V-4 :Cinétiques de variation du PTE de l’acier bas carbone LC hypertrempé depuis
505 °C et de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} pendant un revenu isotherme à 270 °C.
Le PTE de l’acier ULCstd varie dès les premières dizaines de secondes (et cela reste vrai
pour des températures de revenu supérieures ou égales à 120 °C) ce qui n’est pas le cas
pour l’acier bas carbone. Par ailleurs, si les différents stades de précipitation apparaissent
clairement pour les aciers bas carbone présentant des sursaturations en carbone élevées (>
0,01%) [BEN88][BRA93], avec des stades bien identifiés correspondant à la précipitation des
142
carbures ε et de la cémentite Fe3C’, cette distinction est nettement plus difficile dans le cas
des aciers ULC.
Afin de préciser la nature des évolutions microstructurales, les cinétiques à 270 °C ont été
isolées et le comportement du PTE de l’acier ULCstd {RSS} plus particulièrement analysé.
Le PTE révèle qu’à cette température, environ 10 ppm de carbone (∆SP ~ 0,040 µV/K)
disparaissent de la solution solide dès les 30 premières secondes de traitement et qu'ensuite
n'y a pratiquement plus d'évolution durant 60 minutes suivantes (Figure V-4). Ce résultat
surprenant nous a conduit à vérifier par mesure du frottement interne que cette variation de
PTE était bien liée au départ du carbone et non à un phénomène parasite (restauration de
dislocations introduites lors de la trempe élimination des lacunes, précipitation ou
ségrégation d’une autre espèce chimique). Les spectres de frottement interne de l’acier
ULCstd {RSS} après des traitements de durées variables à 270 °C montrent clairement qu’à
chaque instant, à une diminution du maximum de frottement interne à 313 K (température du
maximum du pic de Snoek du carbone), est associée une variation proportionnelle de PTE
(Figure V-5). Comme cette variation de frottement interne correspond indiscutablement à
une diminution de l’amplitude du pic de Snoek du carbone , les variations de PTE
correspondent donc bien à chaque instant à un départ de carbone de la solution.
0.14
0.014
0.010
1Hz
0.12
0.10
∆Sp (µV/K)
0.012
[RSS]
[270] 1 mn
[270] 30 mn
[270] 3 hr
[270] 3 jr
0.008
δ 0.006
0.08
0.06
0.004
0.04
0.002
0.02
0.000
220
0.00
240
260
280
300
320
340
360
0
1
2
3
température (K)
4
5
6
7
8
9
10
∆δ*1000 à 313 K
Figure V-5 : Spectres de frottement interne (corrigés à 1 Hz) de l’acier ULCstd traité à 270 °C et relation
entre la variation de PTE et la variation de frottement interne à 313 K (maximum du pic de Snoek
du carbone).
La différence de comportement du carbone entre des aciers ULC et bas carbone nous
conduit à considérer que le carbone qui disparaît de l’acier ULC dans les tous premiers
instants n’est pas lié à un phénomène de précipitation. L’hypothèse d’une ségrégation aux
joints de grains semble la plus pertinente. La différence de comportement pourrait alors être
imputée au fait que l’équilibre entre le carbone en solution dans la matrice et celui ségrégé
aux joints de grains est fonction de la concentration en carbone total.
143
Dans les paragraphes qui suivent, nous allons tenter de montrer la pertinence de
l’hypothèse de la manifestation d’une telle ségrégation de carbone aux joints de grains à
270°C dans un acier ULC hypertrempé.
V.C.5. Ségrégation aux joints de grains
V.C.5.a)
Modèle
Dans un premier temps, nous calculerons la quantité de carbone pouvant être concernée
par la ségrégation intergranulaire puis nous développerons un modèle simple pour vérifier si
l’hypothèse de la ségrégation de carbone aux joints de grains est compatible avec les
observations expérimentales faites dans le paragraphe précédent.
Le modèle s’appuie sur des calculs analytiques de diffusion tirés du « Carslaw et Jaeger »
[CAR59] et sont détaillés en annexe 3. Pour résumer, le grain est assimilé à une sphère
dans lequel le carbone est initialement distribué de manière homogène et la surface du grain
est considérée comme un puits pour le carbone.
V.C.5.b)
Quantité de carbone ségrégé aux joints de grains
Nous chercherons seulement ici à déterminer quelle quantité de carbone total est
nécessaire pour saturer les sites intergranulaires, situation qui est généralement considérée
comme correspondant à la formation d’une monocouche. Le calcul est détaillé en annexe 3.
Ainsi, pour un acier ayant des grains d’un diamètre de 8 µm (taille moyenne des grains des
ULC), la quantité de carbone nécessaire pour former une monocouche en faisant
l’hypothèse d’une densité de site surfacique de 1/p2 est d’environ 10 ppm en masse (ce qui
équivaut à ~ 0,043 µV/K en variation de PTE) soit la quantité mesurée par PTE.
Le Tableau V-2 rassemble les concentrations d’équilibre en carbone aux joints de grains
exprimées en fraction de monocouche Xb pour différentes températures et teneurs en
carbone dans la matrice Xc. Elles sont calculées d’après l’expression de Mc Lean (annexe 3)
en prenant une énergie d’interaction carbone - joints de grains de 50 kJ/mol (~ 0,5 eV)
[BAI71].
144
Xc en % massique
0.008*
0.004
0.003
0.002
Xb en fraction de monocouche
T (°C)
600
0.27
0.15
0.12
0.08
400
0.74
0.59
0.51
0.41
270
0.96
0.92
0.90
0.86
220
0.99
0.97
0.96
0.95
170
1.00
0.99
0.99
0.99
120
1.00
1.00
1.00
1.00
* quantité de carbone en solution à 600 °C dans un acier bas carbone
Tableau V-2 : Concentrations d’équilibre en carbone aux joints de grains de ferrite en fonction de la
quantité de carbone dans la matrice d’après l’expression de McLean. Concentrations exprimées
en fraction massique de soluté: Xc et en fraction de monocouche: Xb.
Le Tableau V-2 nous apporte 2 informations :
Premièrement, la ségrégation d’équilibre du carbone à 600 °C dépend de la teneur en
solution dans la matrice et donc de la teneur en carbone total dans le cas des aciers
ULC. D’environ 0,3 monocouche pour un acier bas carbone, elle passerait à environ 0,1
monocouche pour un acier ULC. D’après ce calcul, dès 400 °C les joints de grains d’un
acier bas carbone seraient quasiment saturés. Dans la réalité, on observe de la
cémentite intergranulaire qui se développe le long des joints et aux joints triples. La
présence de la cémentite modifie certainement l’équilibre entre le joint et la matrice et on
peut penser que le joint est alors totalement saturé. Cela expliquerait que dans un acier
bas carbone hypertrempé depuis 505 °C, on n'observe pas de ségrégation
complémentaire à plus basse température (Figure V-4).
Deuxièmement, même pour des concentrations très faibles en carbone (cas des ULC), la
ségrégation d’équilibre serait voisine de la monocouche pour des températures
inférieures ou égales à 270 °C. Par conséquent, dans le cas de l’acier ULC, l'équivalent
d'une monocouche de carbone serait susceptible de se former entre 600 °C et 270 °C.
Pour une taille de grain de 8 µm cela correspondrait donc à la ségrégation d'environ 10
ppm de carbone en considérant une densité de site de 1/p2. On néglige et négligera par
la suite le ppm de carbone ségrégé aux joints à 600 °C (~ 0,1 monocouche d’après le
Tableau V-2).
Expérimentalement, L’amplitude des variations de PTE que l’on pourrait attribuer à la
ségrégation diminue avec la température (Figure V-3), ce qui signifierait que la quantité
totale de carbone qui ségrège diminue avec la température. Cela n'est pas logique mais
pourrait s’expliquer par le fait qu’aux températures inférieures à 270 °C, la ségrégation du
carbone aux joints n’aurait pas le temps de se terminer avant que la germination de
145
précipités intragranulaires commence et appauvrisse à son tour la matrice en carbone. Afin
de conforter cette hypothèse, les temps de formation d’une fraction Xb de monocouche en
fonction de la température de traitement ont été calculés et sont donnés dans le Tableau V-3
(calcul détaillé dans l’annexe 3). Les durées ainsi estimées pour la formation d’une
monocouches paraissent tout fait compatibles avec l’hypothèse formulée plus haut.
Effectivement, la calcul nous indique qu’après environ 8 secondes on ai pu former une
monocouche à 270 °C, alors qu’à 170 °C, cette dernière n’est constituée qu’après 500
secondes (environ 10 minutes), soit un temps supérieur à celui nécessaire au début de
précipitation à cette température (Figure V-3 et Figure V-10).
fraction de monocouche Xb
temp. (°C)
270
220
170
120
0.25
1
10
100
1000
0.5
2
20
200
2000
0.75
5
30
300
5000
1
8
50
500
9000
Tableau V-3 : Durées, en secondes, de formation d’une fraction Xb de monocouche en fonction de
la température (détails du calcul en annexe 3, paramètres de la simulation : C0 = 0,004 %,
Φg = 8 µm)
V.C.5.c)
Effet de la taille de grains
Si lors du traitement isotherme d’un acier ULC hypertrempé, le carbone ségrège aux
joints de grains, la cinétique de ségrégation doit être très sensible à la taille des grains de
ferrite. Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, sur la Figure V-6 sont représentées les
cinétiques de variation du PTE de l’acier ULCstd de taille de grains standard (8 µm) et celles
correspondant à une taille de grains plus importante obtenue après un traitement de
quelques minutes sous vide secondaire à 850 °C dans le domaine ferritique. La
microstructure se présente alors sous la forme de grains dont certains traversent l’épaisseur
de l’échantillon, leur taille moyenne doit donc être supérieure à 100 µm.
Dans le cas des gros grains, la cinétique de variation du PTE à 270 °C ne présente plus
l’augmentation rapide du PTE durant les premiers instants comme c’est le cas pour l’acier à
taille de grains standard (~ 8 µm). On observe simplement au bout de 1000 secondes de
traitement l’augmentation du PTE traduisant le départ du carbone de la solution pour former
la cémentite intragranulaire. Il semble donc que l’on ne détecte pas de ségrégation du
carbone aux joints dans l’acier ULC à gros grains. La simulation conduit à un résultat tout à
fait compatible avec cette observation (lignes en pointillées sur la Figure V-6).
Pour une taille de grains standard (8 µm), la simulation donne une cinétique plus rapide
que celle observée expérimentalement. On peut en partie attribuer cette différence au fait
146
qu’expérimentalement, la mise en température de l’échantillon en bain de sel n’est pas
immédiate et qu’aux temps courts, on surestime le temps de maintien à 270 °C.
0.12
ULCstd {RSS}
φ = 8 µm
φ > 100 µm
0.10
∆SP (µV/K)
0.08
0.06
φ = 8 µm
0.04
φ = 100 et 200 µm
0.02
0.00
1
10
2
10
3
10
4
10
5
10
6
10
7
10
temps (s)
Figure V-6 : Cinétiques de variation de PTE à 270 °C de l’ULCstd dans l’état hypertrempé depuis 600 °C (état
{RSS}) pour 2 tailles de grains différentes (φ égale à 8 µm et supérieure à 100µm). Les courbes en traits
continu et pointillés correspondent aux résultats de la simulation (C0 = 0,004 %, T = 270 °C)
V.C.5.d)
Effet de la ségrégation du carbone aux joints de grains
sur les caractéristiques mécaniques en traction
Dans un acier bas carbone recristallisé (non écroui), on considère que les sources de
dislocations se situent à proximité des joints de grains [HAL51, PET53] voir dans le joint
[BAI71]. Si le carbone ségrège aux joints de grains, on peut s’attendre à ce que cette
ségrégation conduise à une modification du comportement des sources de dislocations du
fait de leur blocage par les interstitiels.
L’acier ULCstd a donc été testé en traction dans 3 états bien distincts de la cinétique
d’évolution du PTE à 270 °C : l’état {RSS} et 2 états {P} après 1 minutes et 3 jours à 270 °C
(Figure V-7).
147
400
0,12
0,10
350
{P} 3 jr
contrainte (MPa)
∆SP (µV/K)
0,08
0,06
0,04
300
250
{RSS}
{P} 1 mn
{P} 3 jr
200
0,02
{P} 1 mn
150
0,00
1
2
3
4
5
6
7
8
10 10 10 10 10 10 10 10
temps (s)
0
2
4
6 8 10 12 14
déformation (%)
Figure V-7 : Cinétique de variation de PTE à 270 °C de l’acier ULCstd et courbes de traction de cet acier
dans les 3 états {RSS}, {P} 1 mn et 3 jr.
On constate que le palier de traction, caractéristique du vieillissement après trempe, est
déjà présent dans l’état {RSS}, ce qui est compatible avec le fait qu’il y a déjà dans ces
conditions du carbone ségrégé aux joints (environ 1 ppm voir Tableau V-2). Ensuite le palier
se développe nettement lors de l’étape où nous considérons qu'il y a ségrégation du carbone
aux joints de grains et n’évolue plus de manière appréciable ultérieurement. Enfin la
précipitation intragranulaire du carbone se traduit par une diminution de la consolidation, cela
pouvant s'expliquer par une diminution du durcissement par solution solide (départ du
carbone) non compensée par l’effet de durcissement par précipitation. La dureté de l’acier ne
varie pas sensiblement pendant toute la durée du traitement.
Remarque
Un acier ULC hypertrempé depuis 750 °C a également été caractérisé en traction. La
courbe de traction ne permet plus de détecter la moindre manifestation d’un crochet ce qui
indiquerait qu’à cette température il n’y aurait plus de carbone aux joints de grains (ligne
pointillée sur la Figure V-7).
On doit s’attendre également à ce que dans un acier à gros grains on ne puisse constater
l’apparition du palier. C’est effectivement ce que constate Bailon et al dans du fer ARMCO
trempé [BAI71].
148
Ces faits expérimentaux confortent l’hypothèse de la ségrégation du carbone aux joints de
grains et nous indiquent que cette dernière semble être à l’origine de l’apparition du palier de
traction dans un acier ULC recuit. De plus, les caractéristiques mécaniques en traction, le
frottement interne ainsi que le PTE des aciers ULC brut de recuit continu sont identiques aux
caractéristiques de ces aciers après le traitement de remise en solution suivi d’un traitement
d’une minute à 270 °C ; traitement qui permet a priori la ségrégation de tout le carbone
susceptible de l’être aux joints mais qui n’est pas suffisant pour former des précipités.
V.C.5.e)
Analyse d’un joint de grains en sonde atomique
tomographique (SAT)
Pour apporter une preuve directe à l’hypothèse de cette ségrégation du carbone aux joints,
une analyse par sonde atomique tomographique d’un joint de grains d’un acier ULC brut de
recuit continu a été réalisée au Groupe de Physique des Matériaux de Rouen (GPM - UMR
6634). La difficulté essentielle de l’expérience réside dans la réalisation d’une pointe (voir
annexe 5) présentant un joint de grains approximativement perpendiculaire à son axe. Après
analyse, les résultats sont traités par informatique afin de reconstruire le volume analysé en
3 dimensions (Figure V-8).
Cette étude demandée par le Ledepp a été réalisée sur un acier ULC brut de recuit ayant
une composition chimique et une taille de grains très proches de celle de l’acier ULCstd.
C
P
Figure V-8 : Reconstruction tridimensionnelle du volume analysé par sonde atomique (16x16x85 nm3)
d’un acier ULC brut de recuit ([C] = 4, [Mn] = 214, [P] = 11, [Al] = 26, [N] = 2,2 en millième de
% en masse). Répartition des atomes de carbone et de phosphore (Les autres éléments
n’apparaissent pas).
Le résultat de la reconstruction tridimensionnelle du volume analysé est donné dans la
Figure V-8. L’analyse en sonde atomique tomographique montre clairement un
enrichissement du joint de grains en carbone. On mesure également un enrichissement en
phosphore connu pour son affinité avec les joints de grains [AVI83, SUZ83, CON98]. La
zone enrichie semble être assez diffuse autour du plan du joint.
A partir de cette reconstruction, l’outil informatique permet l’analyse bidimensionnelle par
l’intermédiaire d’une « boite » qui translate dans une direction choisie et permet le comptage
149
des atomes de la boite pendant sa translation. On peut alors tracer l’évolution de la
composition chimique lors du passage d’un grain à l’autre en faisant se déplacer la boite sur
un axe normal au plan du joint. Par cette méthode, la variation de composition le long d’un
axe normal au joint a été tracé (boite de dimension 13*13*0,2 nm se déplaçant par pas de
0,2 nm). Les évolutions de composition en carbone et en phosphore sont tracées sur la
Figure V-9.
La zone enrichie s’étend sur environ 8 nm soit 30 distances inter-atomiques de part et
d'autre du plan de joint. L’évolution de composition en phosphore (dont la fraction atomique
est multipliée par 10 sur la Figure V-9) présente exactement la même répartition que celle du
carbone. La concentration atomique en carbone ségrégé reste relativement faible (inférieure
ou égale à 3 % atomique soit environ 0,7 % en poids) et est donc très en deçà de ce qu’elle
serait dans un carbure (20 à 25 % atomique dans les carbures ε et Fe3C). Le concept de
monocouche perd ici de son sens mais cette constatation permettrait par contre de mieux
comprendre l’effet du carbone sur le blocage des sources de dislocations au voisinage et/ou
dans les joints de grains.
Remarque : La résolution spatiale de SAT (~ 0,2 nm en latéral) ainsi que des
phénomènes du type évaporation préférentielle ou changement de la morphologie de
la pointe analysée (voir annexe 5), peuvent entraîner un étalement de la trace du joint
ainsi qu’un biais dans les fractions atomiques mesurées dans le volume reconstruit.
Cependant, aucun de ces phénomènes ne permettrait de passer d’une situation de
monocouche dans le métal réel, au profil mesuré à partir du volume reconstruit de la
Figure V-8. Nous considérerons donc que cette description est une image fidèle du
volume analysé.
A partir du profil de ségrégation du carbone et de son aire, on peut remonter à la fraction
massique équivalente de carbone aux joints de grains. Pour une taille moyenne de 8 µm, la
quantité de carbone ségrégé aux joints serait de l’ordre de 3 ppm en masse, donc 3 fois
moins que la quantité estimée indirectement par le mesure de PTE (environ 10 ppm pour un
acier ULC à l’état recuit continu). Cependant, ces deux quantités sont du même ordre de
grandeur d'autant que la zone analysée ne peut être considérée comme complètement
représentative de l’ensemble des grains de l’acier. On peut s’attendre par exemple à ce que
la quantité de carbone ségrégée soit fonction du type de joint, ou plutôt de sa désorientation,
et que la ségrégation en carbone soit plus importante aux joints triples.
150
C
P
[C] et [P]x10 (%at)
3
2
1
0
5
10
15
20
25
nm
Figure V-9 : Evolutions de la concentration en carbone et en phosphore le long d’un axe
perpendiculaire aux joints de grains analysé en SAT de la Figure V-8.
Même si nous ne disposons pas de l’analyse d’un joint de grains dans un acier ULC
hypertrempé depuis 600 °C dans lequel il devrait y avoir moins de carbone ségrégé (Tableau
V-2), nous estimons que ce résultat valide raisonnablement l’hypothèse d’une ségrégation
du carbone aux joints de grains dans un acier ULC brut de recuit continu (refroidissement de
l’ordre de quelques dizaines de degrés par seconde après maintien à 680 °C).
La distribution d’autres espèces chimiques (Mn, Cr, Si, O, Al, N) ont également pu être
extraite de l’analyse en SAT. Nous n’en donnons pas ici le détail mais à l’exception de
l’oxygène et dans une moindre mesure du chrome, ces éléments ne se retrouvent pas
préférentiellement au voisinage du joint analysé.
V.C.6. Précipitation du carbone dans les aciers ULC
Pour déterminer la cinétique de précipitation du carbone dans un acier ULC on doit donc
s’affranchir de l’étape de ségrégation aux joints et ne considérer que les variations de PTE
qui lui succèdent et qui peuvent être attribuables à la précipitation.
Avec ces considérations, l’analyse des cinétiques conduit à identifier 2 stades de
précipitation dont les conditions d’apparition sont fonctions de la température et du temps de
traitement (Figure V-10). D’après ces conditions et ce que l’on sait par ailleurs de la
précipitation du carbone dans la ferrite (§ I.C.1.b), le premier stade de précipitation pourrait
être attribué à la formation de carbures ε et le second à la formation de cémentite
intragranulaire (Fe3C’). Des observations en MET de lames minces ont permis de détecter 2
types de carbures distincts au terme de chacun des 2 stades P1 et P2 (Figure V-11). Le
151
stade P1 correspond à la formation d’un précipité se présentant sous la forme de plaquettes
de quelques dizaines de nm de diamètre se développant parallèlement aux plans (100) de la
maille cubique centrée de la ferrite. Ces caractéristiques sont bien celles attendues dans le
cas du carbure ε [JAC73][ABE84a][BEN85][BOR85][BRA93].
Par contre, on peut noter que la morphologie des précipités que l’on considère comme
étant de la cémentite intragranulaire (Figure V-11 (b)) diffère de la morphologie dendritique
habituellement rencontrée dans des aciers bas carbone trempés (§ I.C.1.b). L’observation au
MET d’une réplique directe de cet acier dans le même état a permis de retrouver le même
type de précipité qui à l’analyse ne contient que du fer (le carbone ne peut pas être dosé, la
réplique étant faite sur un film de carbone). Des clichés de diffraction n’ont pas permis de
calculer les paramètres structuraux des précipités mais nous maintenons l’hypothèse qu’il
s’agit de cémentite car ces précipités ne sont pas présents dans l’état brut de recuit.
L’hypothèse formulée pour expliquer la différence de morphologie est que la sursaturation
plus faible dans l’acier ULC gêne le développement des dendrites. La densité de précipités
observée (2-3 dans un grain de 8 µm d’acier ULC) est proche de celle détectée pour les
centres de croissance dendritique dans un acier bas carbone mesurés par Brahmi [BRA93].
0.12
P1
270 °C
170 °C
120 °C
0.10
P2
∆SP (µV/K)
0.08
0.06
P2
0.04
P1
0.02
ségrégation de C aux joints de grains
0.00
1
10
2
10
3
10
4
5
10
10
temps (s)
6
10
7
10
Figure V-10 : Cinétiques de variation de PTE de l’acier ULC+N hypertrempé et traité en isotherme à
120, 170 et 270 °C. La cinétique à 170 °C fait apparaître 2 paliers (P1 et P2) qui marquent le
terme de 2 stades de précipitation.
152
[001]
[010]
200 nm
(a)
100 nm
(b)
Figure V-11 : Caractérisation au MET de lames minces de l’acier ULCstd initialement
dans l’état {RSS} puis traité en isotherme à 120 °C ou 270 °C :
(a) acier ULCstd {RSS} traité 6 jours à 120 °C. Les 2 flèches repèrent des carbures ε
dans 2 plans d’habitat de type (001) perpendiculaires.
(b) acier ULCstd {RSS} traité 3 jours à 270 °C
153
V.C.7. Ebauche d’un diagramme TTP après remise en solution totale du
carbone
Les différentes formes de disparition du carbone de la solution solide ayant été séparées
dans les cinétiques de PTE, il est maintenant possible d’ébaucher le tracé d’un diagramme
TTP des aciers ULC à l'état solution solide. Le diagramme présenté Figure IV-11 correspond
à celui de l’acier ULC+N qui présente la teneur en carbone moyenne des aciers ULC étudiés
ici. Si l’on compare ce diagramme à celui tracé à partir de cinétiques PTE d’un acier bas
carbone hypertrempé, de manière à avoir environ 0,01 % de carbone en solution [BEN85],
les courbes de précipitation sont décalées vers les temps longs et le nez d’apparition du
carbure ε vers des températures plus basses. Ce résultat est tout à fait compatible avec la
sursaturation en carbone plus faible des aciers ULC.
Remarque : Le faible niveau de variation de PTE (peu de carbone en sursaturation) et le
recouvrement des différents processus (ségrégation aux joints de grains, précipitation du
carbure ε et de Fe3C’) ne permet pas de connaître avec précision la cinétique individuelle de
chaque phénomène. Le temps à 50% de « transformation » est donc à prendre à titre
indicatif.
Sur la Figure V-12, la flèche schématise le trajet thermique que subit un acier ULC dans
la zone de refroidissement en sortie du four de recuit continu. Il apparaît que lors de ce
refroidissement, la précipitation du carbone n’a pas le temps de se manifester. L’acier dans
l’état brut de recuit {bRC} ne doit donc pas contenir de carbure ce qui a effectivement été
constaté en microscopie électronique à transmission (V.B.2). Par contre, la ségrégation du
carbone aux joints de grains devrait avoir le temps de se produire. Effectivement, le spectre
de frottement interne, le PTE et les caractéristiques en traction d’un acier ULC brut de recuit
continu sont semblables à celles du même acier hypertrempé depuis 600 °C et traité 1
minute à 270 °C, état dans lequel on a vu que les joints de grains étaient saturés en
carbone.
Il est possible d’estimer l’énergie d’activation apparente du processus de précipitation en
admettant que la cinétique de précipitation suit une loi de Johnson-Melh-Avrami (JMA) :
(
Y = 1 − exp − (K.t ) n
)
avec Y la fraction transformée et K un coefficient défini par une loi d’Arrhenius.
(
K = K 0 . exp Ea
R.T
)
où KO est une constante, Ea l’énergie d’activation apparente du phénomène observé, R la
constante des gaz parfaits et T la température absolue.
154
400
350
Fe3C ’
250
200
150
de C
tion grains
réga
Ség ints de
jo
aux
température (°C)
300
carbures ε
100
50
0
1
10
10
2
10
3
10
4
10
5
10
6
10
7
temps (s)
Figure V-12 : Diagramme TTP à 50 % de transformation tirés du suivi de la précipitation dans :
…… fer ARMCO trempé avec [C] = 9.10-3 % [BEN85]
---
acier ULC+N avec [C] ~ 3.10-3%
Les zones grisées indiquent le domaine de développement des carbures dans
l’acier ULC. Le domaine hachuré délimite la zone de ségrégation du carbone aux
joints de grains.
Enfin, la flèche schématise le trajet thermique du refroidissement de la tôle en
sortie de recuit continu.
A partir d’un temps de réaction fractionnaire donné à différentes températures (par
exemple 50% de fraction transformée), on est en principe susceptible d’évaluer Ea pour un
processus donné. Dans le domaine de température compris entre 70 et 170 °C
correspondant au développement de carbures ε on obtient Ea ~ 70 kJ/mol soit une énergie
d’activation voisine de l’énergie d’activation de la diffusion du carbone dans le fer alpha.
L’évaluation de Ea relatif au développement de Fe3C’ (T > 170 °C) n’est par contre pas
pertinente du fait du manque de données expérimentales et du recouvrement des différents
processus (précipitation du carbure ε et ségrégation aux joints simultanées à l’apparition des
Fe3C’).
155
V.D. Dosage par PTE du carbone et de l’azote libres dans les aciers
ULC
V.D.1. Introduction
Dans le chapitre IV, nous avons vu qu’il était possible de doser le carbone et l’azote libres
par mesure du PTE en appliquant une méthodologie originale décrite dans le paragraphe
IV.C.3. Pour le dosage de l’azote, cette méthodologie implique d’être capable de conduire
l’acier dans un état pour lequel la quantité de carbone en solution solide est connue, nous
l’identifierons par [C]*. Dans un premier temps nous allons préciser à quoi correspond cet
état et définir un chemin thermique permettant d'appliquer cette méthodologie aux nuances
ULC.
V.D.2. Détermination de l’état [C]*
V.D.2.a)
Rappel
Dans ce chapitre (Figure V-4) et le chapitre précédent (Figure IV-17), nous avons vu
qu’un traitement isotherme à 270 °C d’un acier ULC trempé conduit cet acier dans un état de
précipitation stable, on ne détecte effectivement plus de variation sensible du PTE ni de
frottement interne au-delà de 24 heures de traitement. La Figure V-13 confirme cette
observation pour 3 aciers ULC de teneurs en carbone total différentes.
Ce traitement semble un bon candidat pour conduire l’acier dans un état où la quantité de
carbone libre en équilibre serait connue, reste à déterminer cette quantité [C]*. Suivant les
références bibliographiques synthétisées dans la Figure I-4, la solubilité du carbone à 270 °C
est inférieure à 10 ppm, voire quasiment nulle pour certains auteurs. Nous avons voulu
savoir ce qu’il en était en appliquant le dosage PTE.
Remarque : La Figure V-13 indique que dans un acier ULC dont la teneur en carbone est
de 2,5.10-3 % (ou inférieure), on ne détecte pas de précipitation de carbure à 270 °C mais
uniquement la ségrégation aux joints de grains.
156
0,15
-3
24 h
ULC+N (C = 3,3.10 %)
-3
ULCstd (C = 4,1.10 %)
-3
ULCDWI (C = 2,5.10 %)
∆Sp (µV/K)
0,10
0,05
0,00
1
10
2
10
3
10
4
5
10
10
temps (s)
6
10
7
10
Figure V-13 : Variation du PTE au cours d’un traitement isotherme à 270 °C des aciers ULC+N, ULCstd et
ULCDWI dans l’état initial {RSS} (30 s à 600 °C puis hypertrempe à l’eau).
V.D.2.b)
Carbone libre en équilibre à 270 °C, quantité [C]*
Les aciers ULC étudiés contiennent tous de l’azote en solution. Nous n’avons pas trouvé
les conditions optimales de traitement pour faire précipiter tout l’azote libre sous forme d’AlN
sans modifier la quantité de carbone en solution (toujours une légère décarburation ou
recarburation suivant le traitement réalisé). Néanmoins, ces légères variations de la quantité
de carbone total ne doivent pas modifier considérablement la valeur de la quantité de
carbone libre à l’équilibre avec la cémentite formée à 270 °C. Le dosage par PTE d’aciers
ULC revenus 24 heures à 270 °C, après que l’azote ait été préalablement éliminé de la
solution solide (vérifié par frottement interne), conduit dans tous les cas à un ∆Sa, max ~ 0,055
à 0,065 µV/K qui se traduit par une quantité de carbone libre de 13 ± 2 ppm en masse. Cette
valeur est similaire à celle déterminée pour les aciers l-Mn et h-Mn après un traitement de 3
heures à 270 °C (Figure IV-22).
Afin de consolider les résultats obtenus et la valeur de [C]*, notamment vis à vis de la
présence ou non d’azote libre, nous avons choisi d’étudier plus en détail l’acier LC. Pour cela
des échantillons d’acier LC ont été traités 1 heure à 700 °C afin de précipiter tout l’azote libre
en AlN. La mesure du frottement interne confirme qu’il n’existe plus d’azote libre ; cet acier
est alors nommé LCssN (acier LC sans azote).
Remarque :
L’intérêt de l’acier LC réside dans sa teneur en carbone élevée (> 0,02 %) conduisant à
ce qu’une légère décarburation ou recarburation lors du traitement de précipitation de
l’azote, n’affecte pas la quantité de carbone libre susceptible d’être remise en solution avec
157
des traitements inférieurs à 700 °C (la limite de solubilité du carbone à 700 °C est d’environ
0,015 %).
Des traitements à 600 et 505 °C suivi d’une hypertrempe permettent d’ajuster la teneur en
carbone libre respectivement à environ 0,008 % et 0,003 % (états {600} et {505} de la Figure
V-14).
600 °C, 60 s
PTE
hypertrempe
hypertrempe
Tamb
état
505 °C, 5 mn
{600}
{505}
S{600}
S{505}
270 °C, t
Tamb
état
PTE
{600} ou {505}
{P}
S{600} ou S{505}
S{P}
Figure V-14 : Traitements thermiques permettant d’ajuster la teneur en carbone libre dans l’acier bas
carbone LC respectivement à environ 8.10-3 % dans l’état {600} et 3.10-3 % dans l’état {505}. La
variation de PTE en fonction du temps de traitement à 270 °C s’écrit : ∆SP= S{P} – S{600}.
Les variations de PTE observées au cours d’un revenu isotherme à 270 °C sont
présentées Figure V-15. Les évolutions sont attribuées exclusivement à la précipitation du
carbone en sursaturation sous la forme de cémentite intragranulaire Fe3C’. Les valeurs de
PTE se stabilisent au bout d’environ 3 h pour l’acier initialement dans l’état {600} et 24 h pour
l’état {505}. Cela traduit une précipitation plus rapide lorsque la sursaturation initiale en
carbone est plus importante.
Les cinétiques après hypertrempe depuis 505 °C sont très voisines de celle obtenue pour
un acier ULC (Figure V-15) une fois retranché à cette dernière l’effet attribué à la ségrégation
initiale du carbone aux joints de grains. Le début de cinétique plus rapide pour l’acier LC
peut être attribué à la préexistence de carbures qui réduit voir élimine la durée de l’étape de
germination.
Les niveaux "absolus" de PTE atteints en fin de précipitation sont indépendants de la
sursaturation en carbone (Figure V-16); la différence de niveaux entre les aciers LC et
158
LCssN correspond quant à elle à la disparition de tout l'azote et d'une partie de
l'aluminium de la solution solide.
0.25
3 hr
0.20
∆SP (µV/K)
LC {600}
LC {505}
0.15
LCssN {600}
LCssN {505}
ULCstd {600} - 0,04 µV/K
(ULC moins ségrégation aux joints)
24 hr
0.10
0.05
0.00
1
10
2
10
3
10
4
5
10
6
10
10
temps (s)
Figure V-15 : Variation de PTE des aciers LC et LCssN initialement dans les états {600} et {505} pendant
un traitement isotherme à 270 °C.
-1.65
départ de N et Al
de la solution solide
-1.70
-1.75
(µV/K)
-1.80
-1.85
S{P}
-1.90
-1.95
LC {600}
LC {505}
LCssN {600}
LCssN {505}
-2.00
-2.05
-2.10
1
10
10
2
10
3
10
4
10
5
6
10
temps (s)
Figure V-16 : Evolution du PTE des aciers LC et LCssN initialement dans les états {505} et {600} pendant
un traitement isotherme à 270 °C. Les fléches indiquent la variation de PTE induite par le
traitement de précipitation de l’AlN dans l’acier LCssN (l’azote et une fraction de l’aluminium ne
sont plus en solution solide dans l’acier).
159
Si on applique le dosage PTE (écrouissage + ½ h à 120 °C) à l’acier LCssN dans cet état
stable, on trouve ∆Sa,max = 0,055 µV/K, ce qui se traduit par la présence d’environ 13 ppm de
carbone libre, comme trouvé précédemment dans les aciers ULC, h-Mn et l-Mn.
Ces résultats nous conduisent à considérer que :
1. La présence ou non d’azote en solution solide ne modifie pas la solubilité du carbone
entre 600 et 270 °C, ni la cinétique de précipitation du carbone à cette température
(seule la sursaturation initiale en carbone affecte cette cinétique).
2. La sursaturation initiale en carbone (tant qu’elle reste supérieure à 0,0025 %) ne modifie
pas la quantité de carbone à l’équilibre dans la matrice à 270 °C.
Pour conclure, un traitement isotherme à 270 °C suffisamment long (t > 24 h) conduit des
aciers bas carbone et ULC dans un état d’équilibre pour lequel on détermine par dosage
PTE une quantité de carbone libre de 13 ± 2 ppm. Cette quantité de carbone sera désignée
ultérieurement par carbone résiduel. Ce carbone résiduel n’est a priori pas sensible à la
quantité initiale de carbone en sursaturation ni à la présence d’azote en solution solide et est
actif vis à vis du vieillissement.
Dans la pratique, sur des métallurgies équivalentes (aciers calmés à l’aluminium avec une
composition équivalente en éléments substitutionnels, notamment une teneur en manganèse
d’environ 0,2 %) et avec des tailles de grains variant de 6 à environ 200 µm (pour un acier
ULC), ce résultat a toujours été confirmé.
V.D.2.c)
Conséquences
pour
le
dosage
et
l’étude
du
vieillissement
Dans la suite de la thèse, tous les dosages d’interstitiels par PTE seront réalisés en
suivant le protocole décrit dans le paragraphe IV.C.3 et en considérant qu’il y a une quantité
de carbone résiduel [C]* = 13 ± 2 ppm après un traitement isotherme à 270 °C
suffisamment long (24 heures pour des aciers ULC et 3 heures pour des aciers LC
hypertrempés depuis des températures supérieures à 600 °C).
Il faut toutefois faire 2 remarques à ce niveau :
1. Le niveau seuil de 13 ppm de carbone résiduel ne semble pas évoluer sensiblement en
dessous de 270 °C et cela même à 120°C en présence de précipités ε (Figure V-3)
2. Le pic de Snoek du carbone pour des aciers bas carbone et ULC dans l’état d’équilibre à
270 °C est quasiment nul (voir chapitre IV). Le frottement interne ne détecte donc pas le
carbone libre en dessous de ce niveau seuil du moins dans les aciers calmés à
l’aluminium avec environ 0,2 % de manganèse.
160
Cela peut être fortuit mais si l’on fait le parallèle entre les systèmes Fe-Mn-C et Fe-Mn-N
pour expliquer l’existence d’une population de carbone libre invisible au frottement interne
(en interaction avec des atomes de Mn), on peut prolonger le raisonnement pour expliquer
l’effet seuil sur la quantité de carbone résiduel. En effet, lors de la précipitation du nitrure de
fer Fe16N2 à températures modérées [FA54][ENR62a][GLA65], la mesure du frottement
interne nous indique que le pic associé aux triplets Mn-N-Mn (§ III.A.3.c.) persiste plus
longtemps que les autres. Cela signifie que les atomes d’azote en interaction avec les paires
de Mn ont une mobilité diminuée et auront moins tendance à participer à la précipitation ou,
dit autrement, que les atomes d’azote restant les derniers en solution auront une plus grande
probabilité de se retrouver dans ces sites particuliers. Si l’on étend ce raisonnement au
système Fe-Mn-C, on peut effectivement faire l’hypothèse que le niveau seuil de carbone,
désigné ici carbone résiduel, et le carbone invisible au frottement interne correspondent à
une seule et même population. Cependant, pour valider ou non cette hypothèse, il faudrait
étudier plus en détails l’influence de teneurs en manganèse variables sur le carbone résiduel
ce qui n’a pas été fait dans le contexte de ce travail.
Il faut enfin noter que vis à vis du vieillissement après écrouissage, les résultats de la
Figure IV-23 semblent nous indiquer que les atomes de carbone résiduel n’ont pas une
cinétique de ségrégation sur les dislocations sensiblement différente de celles des autres
atomes.
V.D.3. Application au dosage du carbone et de l’azote dans nos
nuances d'aciers ULC
Nous avons commencé par utiliser le dosage PTE pour doser les quantités totales de
carbone et d’azote susceptibles d’être en solution après une trempe depuis 600 °C. Les 3
aciers ULC ont donc été conduits dans les deux états {RSS} et {270} décrits dans la Figure
V-17. Après traitement de 24 heures à 270 °C les 13 ppm carbone résiduel entraînent une
variation de PTE ∆Sa, max de 0,060 µV/K et cela quel que soit l’acier considéré. Le Tableau
V-4 rassemble les mesures de PTE :
• PTE de l’acier par rapport au fer pur dans les états {RSS} et {270}
• variations de PTE entre ces états
• variations de PTE ∆Sa,max après application de la méthode de dosage par PTE (après
écrouissage et vieillissement)
• et enfin dosages de C et N à partir de ces différentes mesures de PTE.
Pour remonter aux quantités de carbone et d’azote libres on suit la démarche suivante:
La variation de PTE lors du dosage PTE de l’état {RSS} correspond à la somme des
effets de la ségrégation de tout le carbone et de tout l’azote libres dans l’acier; on peut donc
écrire:
161
∆Sa,max {RSS} = [C]libre x PC + [N]libre x PN
La variation de PTE lors du dosage PTE de l’état {270} correspond à la somme de l’effet
des 13 ppm de carbone résiduel plus celui de tout l’azote libre, par conséquent:
∆Sa,max {270} = 0,060 + [N]libre x PN
D'où:
[N]libre =
∆S a,max {270} − 0,060
PN
Le carbone libre dans l’état RSS s'obtient en sommant le carbone résiduel (13 ppm
0,060 mV/K) au carbone qui précipite au cours du traitement à 270 °C, ou encore à la
variation de quantité de carbone qui ségrége sur les dislocations entre l’état {RSS} et {270},
étant donné que l'on a:
∆Sa,max {RSS} - ∆Sa,max {270} = |S{RSS} - S{270}|
Par conséquent :
[C]libre =
0,060 + ∆S a,max {RSS} − ∆S a,max {270}
PC
=
0,060 + S{RSS} − S{270}
PC
600 °C, 30 s
270°C, 24 hr
{bRC}
{RSS}
{270}
Figure V-17 : Traitements thermiques conduisant les aciers ULC dans les états {RSS} et {270}.
PTE par rapport au
fer pur
S{RSS}
S{270}
en µV/K en µV/K
variations de PTE après application
de la méthode de dosage par PTE
calcul de C et N
libres
S{270} - S{RSS}
∆Sa, max {RSS}
∆Sa, max {270}
[C]libre
en µV/K
en µV/K
en µV/K
différence
[N]libre
(10-3 %) (10-3 %)
ULCstd
-1.830
-1.710
0.120
0.290
0.170
4.2
4.4
ULCDWI
-1.825
-1.790
0.035
0.150
0.120
2.2
2.4
ULC+N
-1.710
-1.615
0.095
0.300
0.200
3.6
5.6
Tableau V-4 : Valeurs de PTE décomposition du dosage par PTE du carbone et de l'azote libres des aciers
ULC dans l’ état {RSS}.
Dans le Tableau V-5, les dosages par PTE sont comparés aux dosages chimiques
(méthode LECO) donnant la quantité de carbone et d’azote total.
162
ULCstd
ULCDWI
ULC+N
analyses chimiques
[C] total
[N] total
en ppm
en ppm
41 ± 5
50 ± 5
31 ± 5
23 ± 5
33 ± 5
63 ± 5
dosage PTE
[C] libre
[N] libre
en ppm
en ppm
42 ± 3
44 ± 6
22 ± 4
24 ± 4
36 ± 3
56 ± 8
Tableau V-5 : Comparaison des dosages chimiques et PTE des 3 aciers ULC (en ppm masse). Le
dosage PTE donne la quantité d’interstitiels libres dans l’état {RSS} c’est à dire après
hypertrempe depuis 600 °C.
Aux incertitudes de mesures près, il y a une bonne concordance entre les deux méthodes
de dosage. Le dosage PTE de l’azote libre donne assez systématiquement une teneur
inférieure de quelques ppm à celle de l’analyse chimique ce qui est conforme à la présence
de nitrures d’aluminium dans l’état recuit. Les incertitudes liés aux 2 méthodes de mesure ne
permettent pas de statuer sur la quantité de carbone qui serait encore ségrégée aux joints
de grains après hypertrempe depuis 600 °C (de l’ordre du ppm, § V.C.4.b).
Ces résultats confirment ici dans des cas concrets la pertinence du dosage PTE vis à vis du
dosage chimique.
Toutefois l’apport fondamental du PTE est de pouvoir doser les interstitiels libres et
susceptibles d’être actifs vis à vis du vieillissement après écrouissage et cela dans un état
quelconque de l’acier, information qui n’est pas simplement accessible par le dosage
chimique ni a priori par le frottement interne.
V.E.
Bilan des interstitiels actifs vis à vis du vieillissement dans un
acier ULC : Etat de l’acier ULC brut de recuit
Nous avons vu dans ce chapitre que le carbone et l’azote dans un acier ULC peuvent se
retrouver dans différents états. Suivant leurs situations, ces atomes seront susceptibles ou
non de ségréger sur des dislocations. En d’autre terme, ils seront « actifs » (ce sont les
atomes libres) ou non vis à vis du vieillissement après écrouissage. Le Tableau V-6 fait la
synthèse de ces états et de leur caractère vis à vis du vieillissement après écrouissage et
distingue les situations rencontrées dans un acier ULC brut de recuit continu.
Les résultats remarquables de ce chapitre et du précédent concernent le carbone :
1. De 10 à 15 ppm de carbone ne sont pas détectés par frottement interne mais le sont par
PTE. Nous formulons l’hypothèse que ces atomes sont en interaction avec des défauts
de la matrice et ne participent pas à la relaxation de Snoek. Par élimination, nous
163
proposons que les défauts incriminés sont des atomes en substitution dans la maille du
fer alpha (atomes de Mn en particulier).
2. Environ 10 ppm de carbone sont susceptibles de ségréger aux joints de grains (avec une
taille de grains d’environ 8 µm), en particulier durant un refroidissement du type de celui
suivant un recuit continu. Nous montrons que cette ségrégation est diffuse et
correspond à un enrichissement en carbone au voisinage du joint (environ 4 nm de part
et d'autre du plan du joint). La concentration maximale en carbone dans cette zone est
d’environ 3 % atomique.
3. La ségrégation du carbone aux joints de grains semble responsable de l’apparition du
palier de traction dans un acier ULC recristallisé. La précipitation ultérieure de carbures
conduit simplement à un adoucissement de la matrice par appauvrissement de cette
dernière en soluté, sans qu'il y ait d'incidence sur le palier de traction.
4. Une quantité de 13 ± 2 ppm de carbone reste en solution solide (carbone résiduel
correspondant peut-être au carbone invisible en frottement interne) et cela quel que soit
le traitement de précipitation dans les aciers calmés Al avec 0,2 % de manganèse ce
qui entraîne pour ces nuances la capacité de vieillir après écrouissage (ou de présenter
un phénomène de Bake Hardening).
5. Vues les cinétiques de précipitation du carbone, aucun carbures de fer n’est attendu
dans un acier ULC brut de recuit continu.
164
Tableau V-6 : Bilan des états dans lesquels on peut retrouver le carbone et l’azote dans un acier ULC. La
première ligne donne leur caractère « actif » vis à vis du vieillissement après écrouissage. Les deux
dernières lignes donnent l’occurrence et les quantités approximatives engagées dans les différents
états du carbone et de l’azote dans un acier ULC brut de recuit.
165
166
VI. Vieillissement après écrouissage d’aciers ULC
VI.A. Introduction
Les études sur le vieillissement après écrouissage (strain ageing) d’aciers bas carbone et
ULC s'appuient généralement sur le suivi de l’évolution des propriétés mécaniques de l’acier
au cours du vieillissement (mesure du Bake Hardening ou de l’Ageing Index par exemple). Si
cette approche est suffisante pour estimer l’influence des paramètres process (cycle de
recuit, skin pass …) et de certaines caractéristiques microstructurales (taille de grains,
composition chimique …) sur le vieillissement, elle ne permet pas d’accéder directement au
phénomène fondamental de ce dernier : la ségrégation des atomes interstitiels sur les
dislocations. La quantité d’interstitiels « actifs » est généralement estimée avant déformation
(frottement interne, analyse chimique) et la fraction d’interstitiels qui participent effectivement
au vieillissement n’est pas connue. Cette lacune conduit à différentes interprétations sur les
mécanismes du vieillissement (ségrégation, formation d’amas, précipitation) et la
pondération de l’effet d’une quantité donnée d’interstitiels sur le vieillissement est variable
suivant les auteurs.
Dans les chapitres IV et V, nous avons vu que la mesure du Pouvoir ThermoElectrique
donnait non seulement accès à la cinétique de ségrégation des interstitiels sur les
dislocations, mais permettait également de connaître la quantité de carbone et d’azote qui
ségrègent à chaque instant sur celles-ci. Dans ce chapitre, nous explorerons donc les
potentialités de cette technique pour l’étude du vieillissement après écrouissage et tenterons
de quantifier l’effet des atomes interstitiels sur l’ancrage des dislocations. Afin de se
rattacher aux données habituellement rencontrées, ce vieillissement sera également
caractérisé par le suivi des caractéristiques mécaniques.
Les aciers étudiés étant destinés à la fabrication d’emballage (boites alimentaires, boites
boissons) l'augmentation de leurs performances à l’usage (tenue à la pression interne, aux
chocs …), donc de leur résistance mécanique, est généralement obtenue par laminage à
froid en simple ou double réduction (taux d’allongement compris entre 2 et 40 %) après
167
recuit. Noter que l'on distingue ce laminage de l'opération de skinpass sur tôles automobiles
qui n’a pour objectif que d’effacer le palier de traction conduisant à l’apparition de défauts
d'aspect lors de l’emboutissage de pièces de carrosserie. Enfin, les aciers pour emballage
devant être recouverts d'un vernis, (couche de protection contre la corrosion due au
contenu), lors du traitement de recuit de ces vernis un vieillissement après écrouissage du
type "Bake Hardening" permet une augmentation supplémentaire des caractéristiques
mécaniques de l’acier et donc des performances de l’emballage. Vue les fort taux de
laminage pratiqués ces aciers sont souvent caractérisés par leur résistance à la rupture et
non par leur limite d’élasticité (les allongements à la rupture sont très faibles et ces deux
grandeurs sont pratiquement confondues), contrairement aux aciers à Bake Hardening
utilisés pour les tôles automobiles. C’est une des raisons pour laquelle dans ce chapitre,
pour caractériser l'évolution du comportement mécanique, nous avons principalement utilisé
la mesure de dureté Vickers qui peut être corrélée à la résistance à rupture comme nous le
confirmerons plus loin. De plus, des travaux concernant l’étude d’emballages en acier
(résistance à la pression interne) montrent que l’on peut corréler la dureté à des propriétés
d'usage comme la résistance à la pression interne [BRA96][TSU96].
VI.B. Cinétiques
de
ségrégation
des
interstitiels
libres
sur
les
dislocations
VI.B.1.
Introduction
Il s’agit ici d’isoler et de pondérer les paramètres susceptibles d’influencer la cinétique de
vieillissement, à savoir la quantité d’interstitiels, leur nature (carbone ou azote) et le taux de
déformation (qui sera ici souvent donné par le taux d’allongement ∆L/L0).
VI.B.2.
Effet de la quantité initiale d’interstitiels libres
Dans la Figure IV-23 du chapitre IV, il a été montré que la cinétique de ségrégation du
carbone pendant un vieillissement à l’ambiante n’est pas modifiée significativement par la
quantité de carbone libre initiale. Ce résultat a été retrouvé sur différentes nuances d'aciers
(aciers ULC et h-Mn) et pour des températures de vieillissement variant de 20 à 120 °C. Il
semble donc que la quantité initiale d’interstitiels libres n’ait pas d’impact sur la cinétique de
ségrégation toutes choses étant égales par ailleurs (composition chimique, écrouissage,
température).
168
VI.B.3.
Cinétiques de vieillissement du carbone et de l’azote
Il existe peu de travaux publiés où sont étudiés les vieillissements en présence d’azote
seul en solution ou avec présence simultanée de carbone et d’azote. Cependant on admet
généralement que la cinétique de vieillissement due à l’azote est plus rapide que celle due
au carbone et cela en s’appuyant sur le fait que l’énergie d’activation de la diffusion de
l’azote est légèrement plus faible que celle du carbone.
Dans un premier temps il est intéressant de voir ce que prévoit un modèle théorique
s'appuyant sur l'expression de Harper décrivant les cinétiques de vieillissement et avec les
coefficients de diffusion du carbone et de l’azote (voir chapitre II et annexe 4). Les cinétiques
sont calculées dans une gamme de température comprise entre 20 et 170 °C (Figure VI-1).
fraction ségrégée q
1.0
0.8
170 °C
70 °C
120 °C
20 °C
0.6
0.4
0.2
0.0
0
10
carbone
azote
1
10
2
10
3
4
10
10
temps (s)
5
10
6
10
Figure VI-1 : Cinétiques théoriques de vieillissement après écrouissage calculées à partir de
l’expression de Harper (annexe 4) et pour une densité de dislocations de 3.1011 cm-2
(pour 0,2 < εeq < 1 voir Figure VI-5).
Les calculs conduisent à des cinétiques de vieillissement distinctes de l’azote et du carbone
mais cette distinction tend à s’estomper lorsque la température augmente. Ce calcul montre
que lorsque du carbone et de l’azote sont présents simultanément en solution. Leurs
cinétiques respectives de ségrégation sur les dislocations doivent pouvoir être considérées
comme indiscernables dés que T ≥ 70 °C.
Les résultats expérimentaux de la Figure VI-2 confirment cette prévision théorique. Ils
présentent les cinétiques de ségrégation dans un acier ULC réalisées dans deux états
distincts pour lesquels les rapports carbone sur azote libres sont différents, toutes choses
étant égales par ailleurs (taille de grain, texture, composition chimique, taux de déformation).
169
Il s’agit de l’acier ULCstd initialement dans l’état {RSS} (trempé depuis 600 °C) et dans l’état
{R} après avoir été traité 24 heures à 270 °C . On a vu dans le chapitre précédent que ce
traitement a pour effet de précipiter une fraction du carbone libre après trempe (jusqu’à la
teneur [C]* = 13 ppm) sans affecter la quantité d’azote libre (voir Figure IV-12). Les états
{RSS} et {R} ont alors des rapports en carbone et azote libres respectifs de 0,95 et 0,30 en
fraction massique (1,1 et 0,34 en fraction atomique). Ces deux modalités ont ensuite été
déformées par laminage jusqu’à un taux de réduction d’environ 60 % (∆L/L0 ~ 150 %)
conduisant à ∆Sε ~ - 0,4 µV/K. On suit alors la variation du PTE des échantillons, ∆Sa, au
cours du temps pendant un traitement de vieillissement à 70°C. Une fois normées ces deux
cinétiques sont confondues. Ce résultat correspond bien à ce que prévoient les
cinétiques de ségrégation calculées à partir de l’équation de Cottrell-Harper et
présentées dans la Figure VI-3.
Dans les conditions habituelles de vieillissement après écrouissage (> 70 °C), on ne peut
donc pas distinguer de différence significative entre les vitesses de ségrégation des atomes
de carbone et d’azote sur les dislocations dans nos aciers. Ce résultat conduit à ne pas se
préoccuper d'une ségrégation préférentielle de l’un ou de l’autre élément sur les dislocations.
Cela entraîne également qu’à partir de la variation de PTE ∆Sa mesurée après une
température et un temps de vieillissement donnés, on est capable d'estimer la fraction
d’interstitiels libres ayant ségrégé sur les dislocations indépendamment de leur nature. Pour
ce faire, on calculera un coefficient d’influence moyen, Pmoy, correspondant à la moyenne
des coefficients PC et PN, pondérée des fractions massiques [C] et de [N] initialement en
solution solide :
Pmoy =
[C].PC + [N].PN
[C] + [N]
(VI-1)
On a alors
[C + N] ségrégé =
∆S a
Pmoy
(VI-2)
Ce coefficient Pmoy sera utilisé dans la suite de ce chapitre dans l’étude quantitative du
vieillissement après écrouissage.
170
état {RSS} [C]/[N] = 1,05
état {R}
[C]/[N] = 0.35
1.2
0.3
cinétiques normées
∆Sa (µV/K)
1.0
0.2
0.1
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
1
10
10
2
3
4
10
10
temps (s)
10
5
10
6
0.0
1
10
10
(a)
2
3
10
10
temps (s)
4
10
5
10
6
(b)
évolution normée et théorique du PTE
Figure VI-2 : Cinétiques du vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd dans l’état {RSS} et {R} après
réduction de 60 % par laminage (∆L/L0 = 150 %, ∆Sε ~ - 0,4 µV/K).
(a) cinétiques vraies
(b) cinétiques normées à 1 pour t = 86400 s = 24 h
1.0
0.8
0.6
composition chimique
carbone seul
[C]/[N] = 3
[C]/[N] = 1
[C]/[N] = 0.3
azote seul
0.4
0.2
0.0
1
10
2
10
10
3
4
10
temps (s)
5
10
6
10
Figure VI-3 : Cinétiques théoriques du PTE calculées à partir de l’expression Q(C/N, t) de l’annexe 4
avec les paramètres donnés sur la figure, une densité de dislocations de 3.1011 cm-2 et à une
température de 70 °C.
171
VI.B.4.
Effet du taux de déformation sur la cinétique de
ségrégation des interstitiels
La densité de dislocations ainsi que leur arrangement (homogène ou en cellule) influent
sur la distance de diffusion que doivent parcourir les atomes interstitiels pour venir ségréger
sur les dislocations. En conséquence, la cinétique de ségrégation des interstitiels doit être
modifiée par la densité de dislocations introduites par écrouissage. Dans l’expression
théorique de Harper (voir chapitre II) qui décrit la cinétique de ségrégation des interstitiels, la
densité de dislocation (Λ) apparaît et c’est pour cette raison que les cinétiques
expérimentales de vieillissement ont souvent été utilisées pour évaluer Λ [LEN65][WIL60] En
effet de l’expression (II-4) on tire que :
1/ 3
⎛π⎞
ln(1 − q) = −2.Λ.⎜ ⎟
⎝2⎠
⎛ A.D ⎞
.⎜
⎟
⎝ k.T ⎠
2/3
.t 2 / 3
(VI-3)
et donc la pente de la droite ln(1-q) = f(t2/3) est proportionnelle à Λ (Figure VI-4). En
pratique cette relation linéaire est valable pour q < 0,5/0,6 (c’est à dire ln(1-q) > - 0,7).
0.0
acier ULCstd {600}
εeq = 0,18
εeq = 0,80
∆L/L0 = 17 %
∆L/L0 = 88 %
ln(1-q)
-0.2
-0.4
-0.6
-0.8
0
20
40
60
2/3
t
80
100
2/3
(s )
Figure VI-4 : ln(1-q) en fonction de t2/3 pour le vieillissement à 70°C de l’acier ULCstd dans
l’état {600} (trempé depuis 600 °C) et pour 2 taux l’allongement, 17 % et 88 %.
Nous avons évalué Λ par cette méthode pour 3 aciers ULC. Les résultats sont présentés
Figure VI-5. En abscisse la déformation est représentée en déformation équivalente définie à
partir du critère de Von Mises et qui s’écrit dans le cas d’une déformation par laminage :
ε eq =
⎛ ∆L ⎞
⎟
. ln⎜⎜1 +
3 ⎝ L 0 ⎟⎠
2
172
La densité de dislocations Λ est de l’ordre de quelques 1011 cm/cm3 ce qui est conforme
aux
données
de
la
littérature
qui
s’appuient
sur
cette
méthodologie
[HAR51]
[THO55][WIL60b], mais elle est 1 voir 2 ordre(s) de grandeur supérieure aux densités de
dislocations
déterminées
par
méthodes
directes
(MET)
dans
le
fer
pur
[KEH61][KEH65][LAN92b]. Cette différence pourrait s'expliquer par la présence d’éléments
3
densité de dislocations (cm/cm )
?
11
4x10
11
3x10
11
2x10
ULCbRC {bRC}
ULCstd {600}
ULC++N {270}
Ta = 120 °C
Ta = 70 °C
Ta = 70°C
11
1x10
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
1.4
1.6
1.8
εeq
Figure VI-5 : Densité de dislocations Λ en fonction de la déformation équivalente due au laminage à
froid. Λ est calculée à partir des cinétiques de ségrégation des interstitiels sur les
dislocations (à la température de vieillissement Ta) et de l’expression (VI-3). Les aciers
étudiés sont :
ULCbRC {bRC} avec [C]libre = 2.10-3%, [N]libre = 4.10-3%
-3
-3
ULCstd {600} avec [C]libre = 4,2.10 %, [N]libre = 4,4.10 %
-3
-3
ULC++N {270} avec [C]libre = 1,3.10 %, [N]libre = 8.10 %
en substitution dans le réseau du fer et par une taille de grain beaucoup plus petite (de
l’ordre de 10 µm pour les aciers ULC, contre >100 µm pour le fer pur), facteurs qui
augmentent l’écrouissage de l’acier (modification des cinétiques de création et d’annihilation
de dislocations). D’ailleurs, pour un taux de déformation donné, la densité de dislocations
augmente avec la quantité d’interstitiels libres ce qui est conforme aux résultats de la
littérature qui la détermine par cette méthode [THO55][WIL60b].
La densité de dislocations ne varie que d’un facteur 4 sur tout le domaine exploré. Dès
que εeq ~ 0,2 l’augmentation de la densité de dislocations tend à se stabiliser. En relatif, ce
résultat est conforme à ce qui est observé par mesure directe (cas des dislocations libres
pour Lan et al. [LAN92b], Figure I-10).
173
Enfin bien que Λ augmente avec l’écrouissage, il faut noter que les cinétiques de
ségrégation ne sont globalement pas très différentes (si ce n’est par l’amplitude comme cela
apparaît Figure VI-6) et on peut aisément faire l’approximation qu’elles sont identiques.
9
∆Sa (µV/K)
ULCstd {600} vieilli à 70 °C
∆L/L0 ~ 17 %, ∆Hε = 41
∆L/L0 ~ 88 %, ∆Hε = 88
0.2
6
0.1
3
0.0
1
10
[C + N]ségrégé x1000 (%)
0.3
0
2
3
10
4
10
5
10
10
temps (s)
Figure VI-6 : Suivi en PTE du vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd {600} prédéformé par
laminage à 2 taux d’allongement. ∆Hvε désigne la variation de dureté due à
l’écrouissage. Sur l’ordonnée de droite, les variations de PTE sont converties en
quantité d’interstitiels ségrégés.
250
10 sec
200
200 °C 20 min (vernis)
170 °C 20 min (BH)
T (°C)
150
10
0%
100
135 °C 35 mn (appertisation)
30 min
100 °C 4 hr (AI)
50
%
1 jour
50
3 mois
1
10
2
10
3
10
4
10
5
10
6
10
7
10
temps (s)
Figure VI-7 : Diagramme des équivalences temps-température sur le critère de 100 et 50 % de
ségrégation des interstitiels et positions de quelques traitements de simulation du
vieillissement (BH : Bake Hardening, AI : Aging Index)
Par voie de conséquence, indépendamment du taux d'écrouissage, pour un temps et une
température de vieillissement donnés, on est capable de remonter à l’état d’avancement du
processus de ségrégation par le seul jeu de l’équivalence temps-température du phénomène
de ségrégation. Pour cela il faut disposer d’une cinétique expérimentale de référence et
174
calculer comme l’a fait Hundy [HUN54] des équivalences temps-température à partir de
l’expression théorique du vieillissement et des données thermodynamiques de la diffusion
des interstitiels dans le fer. Un tel calcul est détaillé en annexe 4.
Ainsi, en prenant comme référence une des cinétiques expérimentales à T = 70 °C qui
donne q = 0,5 pour t = 1000 s et q = 1 pour t = 100000 s, les équivalences tempstempérature peuvent être présentées sous la forme de courbes « iso-vieillissement » (Figure
VI-7). Cette présentation met en évidence que pour des applications "emballage", l’acier
subit différents traitements thermiques (fusion de l’étain: quelques secondes à 230 °C,
recuits des vernis: 20 mn à 200 °C, appertisation: 15 mn à 135 °C) qui le conduiront
toujours dans des états complètement vieillis du strict point de vue de la ségrégation
des interstitiels. Cette remarque est importante puisque dans la suite de l’étude, on ne
s’intéressera qu’à cet état.
VI.C. Quantité d’interstitiels ségrégés
Notre but est ici l'évaluation de la quantité totale d’interstitiels ségrégés autour des
dislocations au terme du vieillissement. Dans un premier temps nous pratiquerons de
manière conventionnelle puis verrons qu’encore une fois, la mesure du PTE est susceptible
de conduire à une révision des idées admises sur le sujet.
VI.C.1.
Densité des atmosphères de Cottrell
Partant des densités de dislocations calculées dans la partie VI.B.4 on cherche
maintenant à évaluer le nombre de plans atomiques traversés par ces dislocations dans
lesquels sont susceptibles de se trouver des interstitiels. En considérant que ces plans sont
de type {222} avec une distance inter réticulaire de 0,083 nm et à partir de la variation ∆Sa,
max
avec un coefficient d’influence moyen Pm (voir VI.B.3), on peut remonter à la quantité
d’interstitiels ayant ségrégé ainsi qu'à la densité d'atomes par plan ce qui correspond à une
estimation de la densité des atmosphères de Cottrell. Les résultats obtenus sont rassemblés
dans le tableau VI-1.
175
ULCbRC
∆L/L0 (%)
εeq
Λ x10
3
(cm/cm )
[C + N].1000
ségrégé en %
massique
densité d'atome
par plan
7
0.08
1.3
4.1
0.9
26
0.27
2.3
4.6
0.6
43
0.42
2.5
4.9
0.5
169
1.14
3.0
5.2
0.5
258
1.47
3.3
5.2
0.4
17
0.18
2.3
5.9
0.7
88
0.73
3.6
8.1
0.6
19
0.20
3.1
6.3
0.6
85
0.71
4.4
9.6
0.6
-11
ULCstd
ULC++N
Tableau VI-1 : Tableau récapitulatif pour le calcul de la densité d’atomes interstitiels par
plan atomique traversé par les dislocations.
Les densités calculées sont de l’ordre de 0,5 à 1 atome par plan, ordre de grandeur
correspondant à celui prévu par Cottrell et à ceux calculés par différents auteurs pratiquant
une analyse similaire [COT49][WIL60b]. On peut souligner que la densité d’atome par plan
est constante et cela pour des compositions chimiques et des taux d’écrouissage variables.
Ces résultats conduisent à penser que la ségrégation des interstitiels arrivent à son terme
lorsque les atmosphères de Cottrell sont saturées avec environ 1 atome par plan {222}
traversé par les dislocations. Si cette idée de la saturation des atmosphères semble pouvoir
justifier les résultats des calculs faits ici, elle est sérieusement remis en cause dans le
paragraphe suivant.
VI.C.2.
Détermination directe par PTE des quantités de C et N
ségrégés
Nous avons préparé 7 modalités d’aciers ULC qui se différencient essentiellement par leurs
teneurs en carbone et azote libres (Tableau VI-2).
Des échantillons de chacune de ces modalités sont laminés à froid (état {ε}) puis
complètement vieilli par un traitement de 30 mn à 120 °C (état {a,max}). On détermine alors
la quantité d’interstitiels ayant ségrégé au cours du vieillissement, [C+N]ségrégé, à partir de la
variation de PTE ∆Sa,max et du coefficient d’influence moyen Pmoy.(Figure VI-8).
176
-3
Pmoy
interstitiels libres en 10 % en masse
acier
ULCDWI
ULCstd
ULC+N
ULC++N
-3
état
[C]libre
[N]libre
[C+N]libre
µV/(K.10 %)
{600}
2.2
2.4
4.6
0.034
{270}
1.3
2.4
3.7
0.031
{600}
4.2
4.4
8.6
0.034
{270}
1.3
4.4
5.7
0.029
{600}
3.6
5.6
9.2
0.032
{270}
1.3
5.6
6.9
0.028
{270}
1.3
8.0
9.3
0.028
Tableau VI-2 : Teneurs en interstitiels libres et coefficients Pmoy (calculé à partir de (VI-1) et (VI-2)).
{600} : état 600 °C 30 s + hypertrempe
{270} : état {600} + 270 °C 24 h + hypertrempe
vieillissement total
(120 °C, 30 min)
Écrouissage variable
(laminage à froid => ∆L/L0)
état
PTE
dureté
{X}
∆S{X}
Hv{X}
{ε}
∆S{ε}
Hv{ε}
écrouissage
∆Sε = ∆S{ε} - ∆S{X}
vieillissement
∆Sa,max = ∆S{a,max} - ∆S{ε}
{a, max}
∆S{a, max}
Hv{a, max}
∆Hvε = ∆Hv{ε} - ∆Hv{X}
∆Hva,max = ∆Hv{a,max} - ∆Hv{ε}
= ∆Hv
[C+N]ségrégé = ∆Sa,max / Pmoy
Figure VI-8 : Schéma du traitement thermomécanique et des différents états obtenus. Définitions et
calculs des paramètres mesurés.
Les résultats (Figure VI-9) nous indiquent que pour un écrouissage donné, la quantité
maximale d’interstitiels qui peut ségréger est intimement liée à la quantité initiale des
interstitiels libres et non pas seulement à la densité de dislocations (dont on peut avoir une
indication à partir de la consolidation ∆Hvε). On aurait pu s'attendre à ce que [C+N]ségrégé soit
constant pour un écrouissage donné, et cela quel que soit l’acier, alors que les résultats
montrent que c’est plutôt une fraction donnée d'interstitiels libres qui ségrège pour un taux
d’écrouissage donné (Figure VI-9 c et d).
177
(a)
(b)
10
8
8
6
6
4
4
2
2
-3
[C + N]ségrégé (10 %)
10
0
0
30
45
60
75
∆L/L0 (%)
(c)
1.0
[C + N]ségrégé / [C + N ]libre
15
90
0
1.0
0.8
0.8
0.6
0.6
0.4
-3
[C + N]libre (10 %)
ULCDWI {270}
ULCDWI {600}
ULCstd {270}
ULC+N {270}
ULCstd {600}
ULC+N {600}
ULC++N {270}
0.2
0.0
0
0
15
30
45
3,7
4,6
5,7
6,9
8,6
9,2
9,3
60
∆L/L0 (%)
20
40
60
80
100
20
40
60
80
100
∆Hvε
(d)
0.4
0.2
75
0.0
90
0
∆Hvε
Figure VI-9 :Synthèse des résultats des mesures de quantité d’interstitiels ségrégés pour différents taux
d’écrouissage (déformation par laminage)
(a) ou (b) : quantité d’interstitiels ségrégés en fonction du taux d’allongement et de la variation
de dureté liée à l’écrouissage ∆Hvε.
(c) ou (d) : fraction de la quantité d’interstitiels libres qui a ségrégé pour un taux d’allongement
et une variation de dureté ∆Hvε donnée.
C’est à notre connaissance la première fois que ce fait est clairement mis en
évidence expérimentalement. Par conséquent au terme du vieillissement, à l’image de
la saturation des sites autour des dislocations, on doit préférer l’instauration d’un
équilibre thermodynamique entre les atomes interstitiels en position normale (libre
dans la matrice) et ceux piégés autour des dislocations. Dans le paragraphe suivant, on
montre que cette description permet effectivement de décrire le comportement observé. La
description usuelle du vieillissement après écrouissage (§ II.C) semble donc sérieusement
178
remis en cause et ne peut plus être utilisée pour rendre compte de l’évolution des propriétés
mécaniques au cours du vieillissement. Dans la suite du rapport de thèse, nous verrons ce
que nous apporte la mesure par PTE de la quantité d’interstitiels effectivement ségrégée sur
la description et la pondération des paramètres qui influencent le vieillissement de nos
aciers.
VI.C.3.
Modèle énergétique
Nous allons décrire quelle pourrait être la situation énergétique des interstitiels vis à vis des
positions qu’ils peuvent occuper dans la matrice.
Tout d’abord, nous considérons 2 types de sites. Les sites « normaux » qui sont les sites
octaédriques de la maille cubique centrée, nous les appelleront sites o, et les sites autours
des dislocations, les sites d. La quantité de sites d est proportionnelle à la densité de
dislocations. Si l’on considère qu’il existe 1 site par plan atomique que traverse une
dislocation, le nombre de sites d, hd, peut s’écrire :
hd =
Λ MFe
.
dhkl dFe
(mol-1)
où Λ est la densité de dislocations, dhkl la distance inter réticulaire des plans traversés par
les dislocations (ici plans {222}), MFe la masse atomique du fer, dFe la densité du fer.
La densité de site o, ho, en considérant une matrice parfaite est égale à 3.N, ou N est le
nombre d’Avogadro (on néglige ici les sites d).
L’équilibre thermodynamique des interstitiels dans une matrice contenant des sites de
différents niveaux énergétiques peut se décrire par une statistique de Maxwell-Boltzmann et
s’écrire :
⎛ E ⎞
h i . exp⎜ − i ⎟
⎝ k.T ⎠
ni = n T .
⎛ Ej ⎞
∑j h j . exp⎜⎜ − k.T ⎟⎟
⎝
⎠
(VI-4)
où nT est le nombre total d’atomes interstitiels, ni est le nombre d’interstitiels dans un site
i, hi est la quantité (ou densité) de site i et Ei est l’énergie des atomes dans le site i.
A partir de l’expression ci-dessus et en considérant que les positions possibles pour un
interstitiel sont les sites octaédriques normaux, les sites o, ou les sites autour des
dislocations, les sites d, on peut écrire :
nd hd
⎛ E − Ed ⎞
=
. exp⎜ o
⎟
no ho
⎝ k.T ⎠
(VI-5)
où (Eo – Ed) serait l’énergie d’interaction entre un atome interstitiel et une dislocation (gain
énergétique lié au passage d’un interstitiel d’un site o à un site d. Le nombre de sites o est
de plusieurs ordres de grandeur supérieur au nombre de sites d, on le considère comme
179
constant. De ce fait et d’après l’expression (IV-5), on peut exprimer la fraction d’atome
interstitiels ayant ségrégé par :
hd
⎛ E − Ed ⎞
. exp⎜ o
⎟
k.T ⎠
ho
nd
⎝
=
h
nT
⎛ E − Ed ⎞
1 + d . exp⎜ o
⎟
ho
⎝ k.T ⎠
où
(VI-6)
nd
correspond à la fraction d’interstitiels ségrégés pouvant aussi s'exprimer à partir
nT
des données expérimentales par [C+N]ségrégé/[C+N]libre (voir Figure VI-9) et
hd
est le
ho
rapport entre la densité de sites autour des dislocations et la densité de sites octaédriques
normaux.
Les variations de
nd
en fonction de la fraction de sites hd (qui correspondrait à une
nT
densité de dislocations conforme aux fortes déformations appliquées ici) sont illustrées sur la
Figure VI-10. On voit nettement que pour des énergies d’interaction avec les dislocations
supérieures ou égales à 0,5 eV (ce qui est admis généralement) et à une température de
120 °C, tous les interstitiels susceptibles d’être piégés le seront. Dans ce cas, le terme de la
ségrégation correspondra à la saturation des sites d où à l’appauvrissement total de la
solution solide en interstitiels libres. Or expérimentalement on observe que la fraction
d’atomes ségrégés est fonction de la densité de dislocations et que cette dernière peut être
suffisante pour que tous les interstitiels ségrègent. Cela correspond donc plutôt aux
situations où Eo – Ed = 0,3/0,4 eV,
180
-2
Λ/2 (cm )
10
10
11
12
10
10
13
10
nd/nT
( # [C+N]ségrégé/ [C+N]libre )
1.0
0.8
0.6
Eo - Ed (eV)
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
T = 120 °C
0.4
0.2
0.0
-5
10
-4
10
-3
hd/ho
10
-2
10
Figure VI-10 : Répartition des interstitiels, à l’équilibre thermodynamique à T = 120 °C, entre les sites
autour des dislocations (sites d) et les sites octaédriques (sites o), en fonction de la fraction
molaire de sites d et pour différentes énergies d’interaction.
En fait, on sait que la matrice de fer contient d’autres défauts que les dislocations avec
lesquels les atomes interstitiels sont susceptibles d’interagir. C’est le cas par exemple des
atomes substitutionnels autour desquels le niveau énergétique des sites octaédriques peut
être modifié. On sait par exemple que les atomes d’azote se retrouvent préférentiellement à
proximité d’atomes ou de paires d’atomes de Mn (pics « extraordinaires » en frottement
interne) et qu’a priori il en est de même pour le carbone (formation de dipôles Mn-C, effet sur
le frottement interne …). D’autres éléments de la matrice sont également connus pour
interagir avec les interstitiels (P [SAI93][USH93], Cr [ABE86][KLE76], Al [JAN66a,b]….).
D’après les différentes sources bibliographiques, ces énergies d’interaction sont comprises
entre 0,15 et 0,3 eV. La présence de ces défauts doit modifier la distribution des atomes
interstitiels en présence de dislocations.
Si on considère maintenant une matrice contenant 0,2 % atomique de manganèse en
solution on est en présence d'un système dans lequel on trouve cette fois 3 types de sites
pour les interstitiels. Les sites o et d vus plus haut, ainsi que des sites M en position de
premiers voisins autours des atomes de manganèse. Le niveau énergétique des sites M se
situe entre celui des sites o et d.
L’expression (VI-4) peut alors s’écrire :
nd
=
nT
1
h
⎛ E − EM ⎞
⎛ E − E o ⎞ hM
1 + o . exp⎜ d
. exp⎜ d
⎟
⎟+
hd
⎝ k.T ⎠
⎝ k.T ⎠ h d
avec hT = 3.N = ho + hd + hM
(VI-7)
181
En considérant que les atomes de manganèse sont répartis de manière aléatoire dans la
matrice et qu’ils se retrouvent uniquement sous la forme d’atomes isolés (on néglige
l’existence de paires d’atomes), on a hM = 6.[Mn].
-2
Λ/2 (cm )
10
10
11
12
10
10
10
13
nd / nT
(# [C+N]ségrégé / [C+N]libre)
1.0
0.8
0.6
Eo - EM (eV)
0,15
0,2
0,25
0,3
T = 120 °C
0,35
Eo - Ed = 0,5 eV
0.4
0.2
0.0
-5
10
10
-4
-3
10
-2
10
hd / hT
Figure VI-11 : Fraction d’interstitiels ségrégés à l’équilibre thermodynamique (T = 120 °C) en
fonction de la densité de dislocations et pour différents niveaux énergétiques
des sites proches des substitutionnels avec [M] = 0,2 % (Eo – Ed = 0,5 eV).
La fraction d’interstitiels ségrégés autours des dislocations en fonction de la densité de
dislocations est donnée sur la Figure VI-11. Elle varie dans la gamme observée
expérimentalement dès que les sites M présentent un gain énergétique compris entre 0,25 et
0,35 eV, en accord avec la gamme des énergies d’interaction calculées dans la littérature
(Pour [Mn] = 0,2 %, Abe trouve une énergie de 0,27 eV pour énergie de formation des
dipôles Mn-C [ABE86]).
La répartitions des interstitiels est également sensible à la température or les résultats
expérimentaux de la Figure IV-11 montrent que dans un acier ULC fortement déformé (50 %
de réduction par laminage) la quantité d’interstitiels qui ségrègent (proportionnelle à la
variation de PTE pendant le vieillissement) est sensiblement égale dans un domaine de
température compris entre 20 et 120 °C. La Figure VI-12 nous indique que lorsque la densité
de dislocations est importante (Λ > 1011 cm-2), la fraction ségrégée, calculée à partir de
l’expression (VI-7), n’est pas très sensible à la température jusqu’à 120 °C.
182
nd / nT
(# [C+N]ségrégé / [C+N]libre)
1.0
0.8
cm
-2
11
cm
-2
10
cm
-2
Λ = 10
Λ = 10
0.4
0.2
12
Λ = 10
0.6
Eo - Ed = 0,5 eV
Eo - EM = 0,27 eV
0.0
20
70
120
170
220
270
température (°C)
Figure VI-12 : Fraction d’interstitiels ségrégés à l’équilibre thermodynamique en fonction de la
température et pour différentes densités de dislocations en présence de 0,2 % de manganèse.
L’énergie d’interaction des interstitiels avec les dislocations est de 0,5 eV et avec le
manganèse de 0,27 eV.
D’après ces calculs, la répartition des atomes interstitiels entre la matrice et les
dislocations est donc très sensible à la présence d’atomes en substitution dans la matrice.
La distribution en énergie des sites possibles pour les atomes interstitiels n’est certainement
pas aussi simple dans la réalité. Premièrement la population d'interstitiels est composée
d’atomes de carbone et d’azote qui ont vraisemblablement des affinités spécifiques avec les
atomes en substitution, et deuxièmement, plutôt que des niveaux énergétiques discrets pour
les interstitiels, il faut imaginer des distributions en énergie qu’il est très difficile de modéliser
dans l’état actuel des connaissances. Toutefois, retenons que les observations
expérimentales qui donnent la fraction ségrégée pour un écrouissage donné (Figure VI-9)
semble indiquer que les atomes interstitiels ne sont pas répartis simplement entre des sites
octaédriques de la maille de fer et des sites autours des dislocations mais qu’ils doivent être
également se trouver dans des positions énergétiquement favorables dans la matrice tout en
pouvant être considérés comme libre puisque susceptibles de participer au vieillissement
après écrouissage. Ces considérations sont complètement compatibles avec ce qui a été
montré au chapitre IV sur les spectre de frottement interne (spectre complexe de l’azote libre
lié à la présence de manganèse et atomes de carbone libre, invisibles au frottement interne).
VI.C.4.
Conclusion
Les résultats de la Figure VI-9 permettent de mettre en évidence que la quantité d’atomes
interstitiels ségrégés est une fonction de l’écrouissage (la densité de dislocations) et de la
quantité totale d’interstitiels libres. En fait, pour un écrouissage donné, ce n’est qu'une
fraction de la quantité totale d’interstitiels qui est susceptible de ségréger sur les
dislocations. Ce résultat ne correspond pas à ce qui est le plus souvent admis dans la
183
littérature où on considère souvent que le terme de la ségrégation équivaut à la saturation
des sites autours des dislocations ou à l’appauvrissement total de la matrice en interstitiels
libres. De plus, on a vu que cette situation correspondant à un équilibre thermodynamique ne
paraît pas pouvoir se réduire à une simple distribution d'atomes interstitiels entre des sites
« normaux » et des sites énergétiquement plus favorables au voisinage des dislocations
mais qu'il faut probablement prendre en compte la présence d'atomes substitutionnels
perturbant la matrice et la répartition des interstitiels. Cette dernière remarque est à mettre
en parallèle de l’hypothèse émise pour expliquer la situation des atomes de carbone libres
invisibles au frottement interne. Toutefois, pour démontrer plus formellement notre
interprétation, il serait nécessaire d’étudier l’influence de la quantité et de la nature des
atomes substitutionnels sur la distribution des interstitiels au cours du vieillissement.
Quoiqu’il en soit, il semble qu’il serait nécessaire de prendre en considération les résultats et
les interprétations développés ici pour comprendre l’effet de la composition chimique des
aciers sur le vieillissement (BH, AI …).
VI.D. Effet du vieillissement sur les propriétés mécaniques
Les aciers étudiés dans cette partie correspondent à ceux dont les caractéristiques sont
données dans le Tableau VI-2.
VI.D.1.
Remarques préliminaires concernant la mesure de dureté
Le choix de la mesure de dureté Vickers pour la caractérisation des aciers étudiés est
motivé par plusieurs facteurs. Premièrement, il est admis que la dureté Vickers, Hv, est
égale à environ 3 fois la résistance à la rupture, Rm, exprimée en daN/mm2 (ce qui conduit à
ce que Rm exprimée en MPa soit environ égale à 3 fois Hv). La dureté nous permet donc
d’avoir accès à une caractéristique de résistance mécanique à la traction. Deuxièmement,
l’état microstructural des aciers étudiés (laminés à froid jusqu’à plusieurs dizaines de %
d’allongement et vieillis …), conduit assez souvent à une très faible ductilité. La résistance à
la rupture est alors la seule information que l’on puisse tirer d’un essai de traction. Enfin la
mesure des caractéristiques de traction doit être réalisée sur des éprouvettes calibrées et
découpées avec précaution. En conséquence, la caractérisation d’un acier à l’état « frais »,
c’est à dire dans un état prédéformé et non vieilli, n’est pas aisé (le métal vieilli à l’ambiante)
alors que la mesure de dureté peut être réalisée dans la minute qui suit la prédéformation.
184
Dans la présente étude les variations de résistance mécanique, dues à l’écrouissage (on
parlera alors de Work Hardening : WH) ou au vieillissement, seront estimées à partir de la
mesure de dureté. Dans ce cas, on utilisera la relation :
Rm (MPa) ~ 3 x Hv.
Nous verrons que cette approximation est satisfaisante en ce qui concerne cette étude.
VI.D.2.
Evolution de la dureté au cours de l’écrouissage
Nous avons suivi la variation de dureté au cours de l’écrouissage pour les 7 modalités
décrites dans le Tableau VI-2. La variation de dureté augmente rapidement jusqu’à environ
50 % d’allongement puis semble tendre vers une valeur limite au delà (Figure VI-13).
Remarque :
Dans le paragraphe IV.B.2.a, nous avons montré que la « brutalité » de la
déformation (équivalente à la vitesse de déformation) influençait la variation de dureté
associée. Ici, l’écrouissage a été appliqué de manière à conserver constante cette
vitesse de déformation.
La relation de proportionnalité entre la variation de dureté et celle de PTE (Figure VI-14)
est encore valable et est identique à celle de la Figure IV-10. La variation de dureté Vickers
peut s’exprimer en fonction de la variation de PTE par la relation :
∆Hε = - 225.∆Sε
avec ∆Sε en µV
(VI-8)
Dans les conditions opératoires utilisées, ces faits expérimentaux nous conduisent à
considérer qu’à un taux d’écrouissage donné correspond une microstructure de déformation
(densité de dislocations, taille des cellules …), et cela quel que soit l’acier étudié.
185
100
80
∆Hvε
60
40
20
0
0
15
30
45
60
75
90
∆L/L0 (%)
Figure VI-13 : Variation de dureté due à l’écrouissage en fonction du taux d’allongement (laminage à
froid) pour des aciers ULC.
100
80
∆Hvε
60
40
20
0
0.0
-0.1
-0.2
-0.3
-0.4
-0.5
∆Sε (µV/K)
Figure VI-14 : Variation de dureté due à l’écrouissage (laminage à froid) en fonction de la variation de
PTE associée. La droite moyenne correspond à ∆Hvε = - 225.∆Sε.
VI.D.3.
Evolution de la dureté au cours du vieillissement
Les évolutions de dureté et de PTE d’aciers ULC ont été suivies pendant le vieillissement à
70 °C. La mesure du PTE permet l'évaluation de la quantité d’interstitiels qui ségrège au
cours du temps.
Sur la Figure VI-15 sont présentées 2 de ces cinétiques. La dureté de l’acier augmente au
cours du temps en suivant la ségrégation des interstitiels. La variation de dureté au terme du
186
vieillissement (environ 30 Vickers après 24 h à 70 °C) est voisine dans les 2 cas malgré des
taux de prédéformation très différents, 17 et 88 % d’allongement en laminage à froid, qui
conduisent à des quantités d’interstitiels ségrégés respectivement de 4,6 et 6,3.10-3 %.
[C + N]ségrégé
∆L/L0 = 17%, ∆Hvε = 41
∆L/L0 = 88%, ∆Hvε = 88
30
6
-3
[C+N]ségrégé (10 %)
8
∆Hv
20
4
10
2
0
1
10
variation de dureté ∆Hv
∆L/L0 = 17%, ∆Hvε = 41
∆L/L0 = 88%, ∆Hvε = 88
10
2
10
3
10
4
10
0
5
temps (s)
Figure VI-15 : Cinétiques de vieillissement à 70 °C de l’acier ULCstd {600} prédéformé par laminage à
froid de 17 et 88% d’allongement. [C+ N]ségrégé est calculé à partir des variations de PTE
∆Sa et du coefficient Pmoy.
∆Hv / ∆Hvmax
1.0
∆L/L0 ~ 15 %
ULC++N {270}
ULCstd {600}
0.8
∆L/L0 ~ 80 %
ULC++N {270}
ULCstd {600}
gain de dureté normée
0.6
0.4
0.2
0.0
0.0
0.2
0.4
fraction d'interstitiels ségrégés
0.6
0.8
1.0
[C + N]ségrégé / [C + N]libre
Figure VI-16 : Variation relative de dureté en fonction de la variation relative d’interstitiels ségrégés
au cours du vieillissement de 2 aciers ULC dans deux états de prédéformation.
ULCstd {600} avec [C]libre ~ 4.10-3 % et [N]libre ~ 4.10-3 %
ULC++N {270} avec [C]libre ~ 1,5.10-3 % et [N]libre ~ 7.10-3 %
Cela signifie que dans ces 2 situations, le durcissement au cours du vieillissement est
proportionnel à la fraction d’interstitiels ségrégés et non pas à la quantité absolue de ces
interstitiels. Ce résultat est confirmé pour 2 aciers ULC sur la Figure VI-16 où est exprimée la
187
variation relative de dureté en fonction de la fraction relative d’interstitiels ségrégés au cours
du vieillissement à 70 °C.
VI.D.4.
Effet de la quantité d’interstitiels libres sur la variation de
dureté observée au terme du vieillissement
VI.D.4.a)
Résultats bruts
Toujours sur les 7 modalités d'aciers retenues on ne s’intéressera maintenant qu’aux
variations de propriétés de l’acier entre l’état « frais », juste après la prédéformation (état
{ε}), et l’état complètement vieillis (état {a,max}), c’est à dire après un traitement de
vieillissement de 30 minutes à 120 °C (équivalent à 24 heures à 70 °C)9.
Sur la Figure VI-17 sont représentées les variations de dureté ∆Hva,max en fonction du taux
30
90
25
75
20
60
15
45
ULCstd {600}
ULCstd {270}
ULCDWI {600}
ULCDWI {270}
ULC+N {600}
ULC+N {270}
ULC++N {270}
10
5
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
30
∆Rm (MPa)
gain de dureté due au vieillissement, ∆Hva,max
d’allongement par laminage pour les 7 modalités.
15
0
90
∆L/L0 (%)
Figure VI-17 : Variation de dureté Vickers due au vieillissement total (30 minutes à 120°C) d’aciers
ULC préalablement laminés à froid.
Aux incertitudes de mesure près (∆Hv à + 6), on voit que lorsque ∆L/LO est supérieur ou
égal à 10 %, la variation de dureté reste sensiblement constante pour une composition
donnée. Ce résultat confirme ce qui a été vu dans le paragraphe précédent (Figure VI-15) et
ce qui est mesuré par Hundy concernant l’effet du vieillissement sur l’augmentation de la
9
Nous avons vu dans la partie VI-B que les traitements thermiques industriels réalisés sur les
aciers au cours du process (recuit du vernis, appertisation …) conduisent toujours en final à un état
complètement vieilli, au moins du point de vue de la ségrégation des interstitiels.
188
charge à rupture [HUN56]. Pour ∆L/L0 inférieur à 10 %, le manque de données
expérimentales ne permet de mettre en évidence qu'une tendance à la croissance du gain
de dureté avec la prédéformation.
Il est tentant à ce niveau d'attribuer les 2 comportements à une modification de la
microstructure des dislocations : passage d'une répartition homogène à une répartition
cellulaire. D’après Lan et al., lors de la déformation en traction du fer pur à température
ambiante, les cellules de dislocations apparaissent pour une déformation de 6 % puis leur
taille diminue sensiblement pour se stabiliser à environ 1 µm lorsque la déformation atteint
11 % [LAN92a]. Bailey a observé un mécanisme similaire dans un acier ULC après
déformation par laminage, les cellules étant plus larges et plus isotropes que dans le cas de
la traction [BAI94].
On pourrait donc considérer que lorsque la taille des cellules est stabilisée, le système est
alors composé de sous-joints qui délimitent des zones, les cellules, assimilables à de
nouveaux grains plus petits. Or on sait que pour une quantité de carbone donnée,
l’amplitude du BH est d'autant plus important que les grains sont fins [WIL60][VAN98a]. Par
analogie, on peut imaginer que la formation de cellules conduit à une microstructure
équivalente plus fine qui augmenterait l’amplitude du vieillissement, amplitude qui se
stabiliserait en même temps que la taille des cellules.
Le comportement observé pourrait également être interprété en considérant que
l’augmentation de dureté est surtout le résultat de l’ancrage des dislocations libres par les
interstitiels. Or d’après Lan et al, la densité de dislocations libres croit puis se stabilise pour e
~ 0,1-0,2 (Figure I-10). La ségrégation des interstitiels sur les dislocations enchevêtrées
dans les parois de cellules n’aurait que peut d’effet sur leur mobilité.
Bien que nous n’ayons pas réalisé d’étude sur la microstructure de déformation dans nos
aciers, les hypothèses formulées nous semblent les plus à mêmes d'interpréter
convenablement les résultats expérimentaux.
VI.D.4.b)
∆Hva,max au regard de [C + N]ségrégé
Le gain en dureté associé au vieillissement atteint un maximum lorsque la déformation est
supérieure ou égale à 10 % en allongement. Or nous avons vu sur la Figure VI-9 que la
quantité d’interstitiels qui ségrège croît avec la déformation au-delà de 10 % d’allongement
ce qui signifie que les deux grandeurs, accroissement de dureté et quantité d’interstitiels
ségrégés, ne sont pas nécessairement corrélées. Sur la Figure VI-18 sont représentées les
∆Hva,max en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés pour les 7 modalités du Tableau
VI-2. Outre le fait de révéler que le durcissement par vieillissement passe par un maximum
pour une composition donnée lorsque la quantité d’interstitiels ségrégée augmente, l’intérêt
de cette représentation réside dans la mise en évidence d’une courbe limite de maximum de
durcissement (courbe à allure parabolique tracée en pointillés Figure VI-18). Cette courbe
correspond à l’optimum d’efficacité d’une quantité donnée d’interstitiels ségrégés et cela en
189
faisant varier la composition chimique et la microstructure (intensité de la prédéformation).
Elle permet d'accéder à la capacité maximale du gain de résistance lors du vieillissement
après ségrégation d’une quantité donnée de [C+N]ségrégé.
Même si les 7 modalités ont un comportement semblable, il semble que l’on puisse
distinguer 2 modalités, ULC+N {270} et ULC++N {270}, qui correspondent aux teneurs en
azote les plus élevées. D’après ces données, l’azote paraîtrait légèrement moins durcissant
que le carbone. Nous verrons dans la partie VI.E ce qui pourrait expliquer ce moindre
durcissement.
courbe limite de durcissement
30
90
25
75
20
60
15
45
UCLstd {600}
UCLstd {270}
UCLDWI {600}
UCLDWI {270}
UCL+N {600}
UCL+N {270}
UCL++N {270}
10
5
0
∆Rm (MPa)
∆Hva, max
fort azote
30
15
0
0
2
4
6
-3
[C+N]ségrégé (10 %)
8
10
Figure VI-18 : Variation de dureté Vickers due au vieillissement total (30 minutes à 120°C) en fonction
de la quantité total d’interstitiel ségrégée mesurée par PTE.
On peut également analyser ces résultats (Figure VI-17 et 18) d’une manière différente.
Nous avons vu que pour les 7 modalités étudiées, le durcissement par écrouissage, et donc
la densité de dislocations, est une fonction de la déformation (Figure VI-13). On s’intéresse
maintenant à l’évolution du durcissement après vieillissement total, ∆Hva,max, pour un taux
d’allongement donné, en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés mesurée par PTE
(Figure VI-19). Le gain de dureté ainsi mesuré est assimilable à une mesure de la sensibilité
au vieillissement de type Aging Index. Ce durcissement est une fonction croissante de
[C+N]ségrégé dont la pente décroît pour les déformations plus importantes. Cela signifie qu’une
quantité donnée d’interstitiels qui ségrège est d’autant moins durcissante que la déformation
augmente. En d’autre terme, l’efficacité des interstitiels sur le durcissement au vieillissement
est fonction du taux de déformation. Dans la partie suivante, nous évaluons le coefficient
d’influence des interstitiels sur le durcissement par vieillissement.
190
30
25
∆Hva,max
20
15
10
5
∆L/L0 = 10 %
∆L/L0 = 30 %
0
0
2
4
6
8
10
-3
[C+N]ségrégé (10 %)
Figure VI-19 : accroissement de dureté du au vieillissement total (30 mn à 120 °C) en fonction de la
quantité d’interstitiels ségrégés pour 2 taux d’allongement par laminage, 10 et 30 %.
VI.D.4.c)
Influence
de
la
déformation
sur
l’efficacité
des
interstitiels
L’efficacité des interstitiels sur le vieillissement est calculée comme étant le rapport de la
quantité d’interstitiels ségrégés sur le gain en dureté. La Figure VI-20 (a) confirme que dans
une gamme de taux d’allongement compris entre 0 et 30 %, l’efficacité des interstitiels est
une fonction décroissante de la déformation (de l’écrouissage). Pour un taux d’écrouissage
donné (exprimé en allongement ou en variation de dureté), elle est quasiment identique quel
que soit l’acier considéré ce qui démontre le caractère « universel » de ce paramètre dans la
gamme de composition des aciers étudiés. A noter toutefois que les points de l’ULC++N se
détachent sensiblement de la tendance moyenne. Cette singularité pourrait être attribuée à
la microstructure de cet acier qui présente des grains légèrement plus gros et anisotropes
(grains allongés dans la direction de laminage) ou encore à la fraction importante d’azote qui
est a priori moins durcissant que le carbone.
L’intérêt du graphe (b) de la Figure VI-20 est de montrer que cette perte d’efficacité des
interstitiels est monotone sur toute la gamme d’écrouissage explorée et ne présente pas de
plateau comme le laisse supposer le graphe (a); ce plateau n’étant que la manifestation de la
tendance asymptotique de la courbe de consolidation en fonction de l’allongement présentée
Figure VI-13.
191
6
24
18
4
12
2
6
-3
8
-3
∆Hv / [C+N]ségrégé (/10 %)
ULCstd {600}
ULCstd {270}
ULCDWI {600}
ULCDWI {270}
ULC+N {600}
ULC+N {270}
ULC++N {270}
∆Rm / [C+N]ségrégé (MPa/10 %)
30
10
0
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
240
270
∆L/L0 (%)
(a)
∆R ~ WH par écrouissage (MPa)
30
60
90
120
150
180
210
30
-3
0
∆Rm / [C+N]ségrégé (MPa/10 %)
-3
∆Hv / [C+N]ségrégé (/10 %)
10
8
24
6
18
4
12
2
6
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
∆Hvε par écrouissage
(b)
Figure VI-20 : Efficacité des interstitiels pour le durcissement par vieillissement en fonction du taux
d’allongement par laminage à froid (a) et du durcissement (b) par laminage à froid
VI.D.5.
Conclusion
L'objectif de cette partie était de quantifier les effets de la prédéformation et de la teneur
en interstitiels sur le gain de résistance mécanique lors du vieillissement d’aciers ULC. Il a pu
être montré :
1. La nécessité de distinguer 2 types de comportement selon le taux de déformation :
192
-
pour des taux < 0,1 le gain de résistance est fonction du taux de déformation et de
la teneur initiale en interstitiels libres.
-
pour des taux > 0,1 le gain de résistance n'est fonction que de la teneur initiale en
interstitiels libres.
Il en résulte que l'efficacité des interstitiels ségrégés sur le gain de résistance diminue à
mesure que l’écrouissage augmente.
Les 2 régimes pourraient être liés au passage d’une microstructure de dislocations
homogène à une répartition en cellules.
2. Vis à vis du durcissement par vieillissement, l’azote semblerait légèrement moins efficace
que le carbone.
La variation de résistance mécanique au cours du vieillissement est une manifestation
macroscopique d’une évolution microstructurale complexe qu’il est difficile d’appréhender à
partir des résultats expérimentaux sous leur forme brut et les mécanismes évoqués dans la
littérature. Néanmoins nous pouvons d’ores et déjà convenir de l’apport fondamental de la
mesure du PTE à la mise en évidence de faits qui seraient transparents avec d’autres
moyens de caractérisation (efficacité des interstitiels …).
Dans la partie suivante, nous allons tenter d’analyser les résultats présentés avec pour
objectif la séparation des différentes contributions (interstitiels en solution, interstitiels
ségrégés, écrouissage, ancrage des dislocations …) en faisant les hypothèses les plus
simples possibles.
VI.E. Effet de l’ancrage des dislocations par les interstitiels
VI.E.1.
Introduction
Le durcissement mesuré est la résultante d'au moins 2 effets:
-
un effet d'adoucissement dû au départ des interstitiels de la solution solide qui
ségrégent sur les dislocations.
-
Un effet de durcissement dû à l'ancrage des dislocations par les atomes qui y ont
ségrégé.
Nous proposons maintenant d'essayer d'isoler l’effet d'ancrage des dislocations.
193
VI.E.2.
Durcissement par solution solide du carbone et de l’azote
VI.E.2.a)
Eléments bibliographiques
Il est connu que le carbone et l’azote en position d’interstitiel dans le fer alpha ont un effet
durcissant important par rapport aux éléments substitutionnels. La bibliographie donne des
valeurs de l’effet du carbone ou de l’azote en solution solide sur des propriétés comme la
limite élastique, la résistance à la rupture ou la dureté (Tableau VI-3).
∆Rm/∆[i]
-3
(MPa/10 %)
∆Hv/∆[i]
-3
(/10 %)
[HAN84]
(5,1)
1.7
[STE62]
6.8
(2,3)
∆Re/∆[i]
-3
(MPa/10 %)
références
carbone
azote
[FER85]
2.4
(0,8)
[NAK68]
21
(7,0)
[CON61]
2
(0,7)
Tableau VI-3 : récapitulatifs de l’effet durcissant en solution solide du carbone et de l’azote interstitiels.
Les chiffres entre parenthèses sont calculés à partir des valeurs issues des références avec
∆Re ou ∆Rm ~ ∆Hv/3.
Les résultats de la littérature sont tous convertis en dureté Vickers en considérant que 9
MPa de variation sur les caractéristiques mécaniques en traction (que ce soit Re ou Rm)
sont équivalents à 3 points de dureté Vickers. En ce qui concerne l’effet du carbone, les 2
références donnent des valeurs semblables d’environ 2 Vickers par millième de pour cent de
carbone en solution. Pour l’azote, les coefficients s’étendent sur 1 ordre de grandeur, de 0,7
à 7 Hv / 10-3 %. Le problème vient ici du fait qu’il s’agit de mesures de Re très dépendantes
de l’état de l’acier et des conditions de l’essai de traction.
Nous avons cherché à vérifier la validité de ces données sur nos propres nuances d'aciers.
VI.E.2.b)
Effets du carbone en solution solide sur la dureté
Vickers
Pour faire cette étude l’acier retenu est l’acier bas carbone LC dans un état recuit sur
base, traitement qui permet de précipiter tout l’azote sous la forme d’AlN; ce point a été
confirmé par mesure de frottement interne. La séquence de traitements schématisée Figure
VI-21 permet d’ajuster la teneur en carbone libre dans une gamme de concentration allant de
~ 12,5 10-3 % (après hyper trempe depuis 700 °C) à ~ 1,5 10-3 % (après précipitation la plus
complète possible du carbone sous forme de Fe3C).
194
La dureté et le PTE des échantillons sont mesurés à chaque étape de la séquence de
traitement. Avec l’hypothèse que les carbures de fer ainsi formés ont un effet négligeable sur
la dureté et le PTE de l’acier, on considère donc que les variations de dureté et de PTE
détectées sont uniquement dues aux teneurs variables en carbone libre.
La synthèse des résultats est présentée Figure VI-22.
Il existe une relation linéaire entre l’augmentation de dureté et de celle du carbone libre
déduite des variations de PTE. L’effet du carbone libre sur la dureté est d’environ 2 Hv / 103
% de carbone libre en masse. Cette valeur correspond tout à fait aux données de la
littérature (Tableau VI-3).
700 °C, 30 s
650 °C, 1 min
600 °C, 1 min
510 °C, 5 min
270 °C, 24 h
Tamb
Figure VI-21 : Traitement thermique pour ajuster la teneur de carbone libre dans l’acier LC.
120
Dureté Vickers
115
110
105
-3
2 Hv/10 %
100
95
90
0
2
4
6
8
10
12
14
-3
[C]libre dosé par PTE (10 %)
Figure VI-22 : Dureté Vickers en fonction du carbone libre dosé par PTE aux différentes étapes
de la Figure VI-21.
195
VI.E.2.c)
Effet de l’azote sur la résistance mécanique
Les aciers ULC dont nous disposons (voir chapitre 3) ont des compositions chimiques
ainsi que des microstructures semblables (taille de grain et texture, excepté pour l’acier
ULC++N {270} qui présente une microstructure légèrement plus grossière) avec des teneurs
d’azote en solution différentes. Les caractéristiques mécaniques de ces aciers doivent
traduire cette différence. Sur la Figure VI-23 est présentée la variation de la résistance
mécanique en traction en fonction de la quantité d’azote en solution déterminée par PTE
pour 4 aciers ULC dont la teneur en carbone libre a été ajustée à environ 1,3 10-3 % par un
traitement thermique de 24 heures à 270 °C.
La relation est linéaire avec une pente d’environ 9 MPa / 10-3 % d’azote libre en masse,
soit 3 Hv /10-3 % d’azote en masse. Cette valeur, supérieure de 50 % à celle du carbone,
entre dans le domaine défini dans la littérature (Tableau VI-3).
380
Rm (MPa)
370
360
350
-3
9,3 MPa/10 %
340
330
320
2
3
4
5
6
7
8
-3
[N]libre dosé par PTE (10 %)
Figure VI-23 : Charge à rupture en fonction de l’azote en solution (dosé par PTE) pour les aciers
ULCDWI, ULCstd, ULC+N, ULC++N (respectivement à 2,4 ; 4,4 ; 5,6 et 8.10-3 % d’azote en
solution) conduit dans l’état à 1,3.10-3 % de carbone libre après 24 heures à 270 °C (quantité
[C]* du chapitre précédent).
VI.E.3.
Durcissement lié à l’ancrage des dislocations
En première approximation, comme on le pratique assez généralement pour la limite
d'élasticité, on peut admettre que la dureté de l’acier correspond à une dureté intrinsèque de
la matrice Hv0 (qui intègre les effets de texture, de taille de grains, et des perturbations du
196
réseau du fer pur par les éléments substitutionnels et d'éventuels précipités …)10, à laquelle
vont s'ajouter des composantes susceptibles d’évoluer lors de la déformation et du
vieillissement.
Ainsi on écrit :
Hv{i} = Hv0 + Hvd{i} + HvC{i} + HvN{i}
avec
Hv{i}
0
dureté du métal à l’état {i}
Hv
dureté intrinsèque de la matrice
Hvd{i}
accroissement de dureté lié à l'introduction de dislocations à l’état i
HvC{i}
accroissement de dureté lié au carbone libre à l’état i ( = 2 x [C]libre)
N
Hv {i}
accroissement de dureté lié à l’azote libre à l’état i ( = 3 x [N]libre)
La variation de dureté entre un état 1 et 2 s’exprime par
∆Hv(1=>2) =
Hvd{2} + HvC{2} + HvN{2} – (Hvd{1} + HvC{1} + HvN{1})
∆Hd(1=>2) + ∆HvC(1=>2) + ∆HvN(1=>2)
Entre un état brut de recuit {bRC} et écroui {ε} on peut écrire :
∆Hv(bRC=>ε) = ∆Hvd(bRC=>ε) = ∆Hvε (consolidation mesurée)
et entre un état écroui {ε} et vieilli {a} on a :
∆Hv(ε=>a) = ∆HvC(ε=>a) + ∆HvN(ε=>a) + ∆Hvanc = ∆Hva (gain de dureté mesuré)
où ∆HvC(ε=>a) et ∆HvN(ε=>a) sont les variations de dureté liées au départ des interstitiels
libres (respectivement carbone et azote) de la solution et ∆Hvanc est la variation de dureté
due à l’ancrage des dislocations par les interstitiels.
∆HvC(ε=>a) = HvC{a} - HvC{ε} = 2 x ([C]a - [C]ε) = - 2 x [C]ségrégé
∆HvN(ε=>a) = HvN{a} – HvN{ε} = 3 x ([N]a - [N]ε) = - 3 x [N]ségrégé
A partir des mesures de PTE lors du vieillissement (∆Sa), on est capable de remonter à la
quantité de carbone et d’azote ayant ségrégé sur les dislocations en faisant l’hypothèse que
la proportion relative de carbone et d’azote ségrégée sur les dislocations à chaque instant
est la même que la proportion de carbone et d’azote libres présente initialement dans l’acier
à l’état {bRC} (ou {ε}) et déterminée par le dosage PTE (hypothèse validée dans le
paragraphe VI.B.3).
10
On considère donc que cette dureté intrinsèque n’est pas modifiée par les traitements
thermomécaniques d’écrouissage et de vieillissement
197
On a alors :
[C]ségrégé = [C+N]ségrégé x
[C] total
[C] total
∆S a
=
x
[C] total + [N] total
Pmoy [C] total + [N] total
et
[N]ségrégé = [C+N]ségrégé x
[N] total
[N] total
∆S a
x
=
[C] total + [N] total
Pmoy [C] total + [N] total
La composante de variation de la dureté liée à l’ancrage des dislocations peut alors
s’écrire :
∆Hvanc = ∆Hv(ε=>a) – (∆HvC(ε=>a) + ∆HvN(ε=>a))
soit
∆Hvanc = ∆Hva - (- 2 x [C]ségrégé - 3 x [N]ségrégé)
où ∆Hv(ε=>a) est la variation de dureté mesurée expérimentalement, on la nomme par
∆Hva (ou ∆Hva,max pour signifier que le vieillissement est total).
Les résultats présentés Figure VI-18 ont donc tous été traités de cette manière afin d’en
extraire ∆Hvanc. Les résultats obtenus en fonction de la quantité d’interstitiels ségrégés
(∆Hvanc et [C+N]ségrégé) sont présentés Figure VI-24. Cette figure révèle une tendance à
croissance monotone commune aux différentes modalités, en particulier on ne distingue plus
les modalités riches en azote de celles riches en carbone comme c'était le cas avec ∆Hva,max.
Par ailleurs, ∆Hvanc croît avec [C+N]ségrégé alors que ∆Hva,max atteint rapidement une valeur à
saturation, voire passe par un maximum.
Les hypothèses faites ici, et les résultats qu’elles induisent, conduisent à des conclusions
bien différentes de celles que l’on peut tirer au regard des mesures brutes de variations de
dureté. Effectivement, si au regard de ∆Hva,max l’azote semblait moins durcissant que le
carbone lors du vieillissement, ∆Hvanc nous indique qu’en fait, le durcissement lié à l’ancrage
des dislocations par les interstitiels ne serait sensible qu’à leur quantité et pas à leur nature.
Les hypothèses faites ici entraînent donc que ce serait l’effet de durcissement de l’azote en
solution solide, plus important que celui du carbone, qui conduirait à ce que globalement,
une quantité donnée d’azote ségrègeant sur les dislocations conduise à un durcissement
plus faible que celui provoqué par la même quantité de carbone, par un adoucissement
accru de la solution solide.
Les hypothèses faites ici peuvent sans doute être considérées comme un peu simplistes,
toutefois la cohérence des conclusions qu'elles permettent de tirer paraissent les justifier a
posteriori.
198
UCLstd {600}
UCLstd {270}
UCLDWI {600}
UCLDWI {270}
UCL+N {600}
UCL+N {270}
UCL++N {270}
50
(et ∆Hva,max)
20
∆Hv
30
anc
40
10
0
0
2
4
6
8
10
-3
[C+N]ségrégé (10 %)
Figure VI-24 : Composante de l’évolution de la dureté au terme du vieillissement lié à l’ancrage des
anc
dislocations, ∆Hv , en fonction de la quantité d’interstitiels ayant ségrégé sur les
dislocations. Les symboles pleins avec les lignes pointillées correspondent aux variations
de dureté mesurées (∆Hva,max) de la Figure VI-18.
VI.F. Comportement à la déformation d’aciers vieillis
VI.F.1.Introduction
A la différence des aciers à Bake Hardening (aciers à BH) pour tôle automobile qui
subissent un traitement de vieillissement après mise en forme finale (lors de la cuisson des
peintures), les APE sont la plupart du temps vieillis à plat, lors des traitements de cuisson
des vernis. L’acier est ensuite mise en forme (emboutissage, repassage) et une fois à sa
forme définitive, on lui applique souvent un nouveau traitement thermique qui peut être un
traitement d’appertisation, de polymérisation des joints d’étanchéité (entre le corps de la
boite et son couvercle) ou de recuit des vernis appliqués après mise en forme (boite boisson
par exemple). En tout état de cause, l’histoire thermomécanique des APE est souvent plus
complexe que celle des aciers à BH. D’autre part, des réalisations industrielles11 ont montré
qu’une tôle qui subissait un allongement donné au skin pass, avait des caractéristiques
mécaniques plus élevées si l’allongement global était réalisé en 2 passages, et que l’acier
11
source SOLLAC
199
avait eu le temps de vieillir entre ces 2 passages. Des études ont alors été lancées pour
confirmer ce résultat et l’étude de la « double réduction en 2 passes » (DR en 2 passes)
constituait un des objectifs de la thèse. Nous avons donc cherché à connaître quelle pouvait
être l’évolution de la microstructure lors de la déformation d’un acier déjà préalablement
déformé et vieilli.
VI.F.2.Déformation d’un état vieilli après écrouissage
VI.F.2.a)
Préparation des échantillons
L’acier plus particulièrement étudié ici est l’acier ULCstd dans l’état brut de recuit continu
(état {bRC}). Par dosage PTE, les quantités totales d’interstitiels libres se répartissent de la
manière suivante :
[C]libre = 3,4.10-3 %
[N]libre = 4,4.10-3 %
Nous distinguerons deux schémas thermomécaniques :
•
Schéma en 1 passe pour lequel l’acier est laminé à froid (état {ε1}) puis totalement vieilli
30 mn à 120 °C (état {a1}).
•
Schéma en 2 passes pour lequel l’acier a été préalablement conduit dans un état {a1},
relaminé à froid (état {ε2}) et à nouveau vieilli totalement 30 mn à 120 °C (état {a2}).
Ces deux schémas sont la simulation de l’opération industrielle dite de double réduction
en 1 ou 2 passes (DR en 1 ou 2 passes) ou encore la simulation de la déformation lors de la
mise en œuvre d’un acier DR 1 passe.
Pour le schéma en 2 passes, des plaques de l’acier ULCstd brut de recuit ont été
préalablement laminées à froid sur un outil de simulation puis vieilli 30 minutes à 120 °C pour
s’assurer d’avoir une bonne homogénéité entre différents échantillons d’un état {a1} donné
(Figure VI-25). Des échantillons (éprouvettes type PTE ou éprouvettes de traction) sont
ensuite découpées pour caractérisation et/ou traitements ultérieurs. L’allongement total,
AllgtT, de l’échantillon depuis sont état recuit jusqu’à l’état final se calcul comme :
AllgtT = Allgt1 + Allgt2 + Allgt1.Allgt2
où Allgt1 et Allgt2 sont respectivement les allongements du laminage initial et du
relaminage (Figure VI-25).
200
Laminoir de
simulation
état {bRC}
état {ε1}
L0
L
Hv, PTE
120 °C
30 mn
état {a1}
Laminoir
manuel
état {ε2}
l0
Hv, PTE
l
état {a2}
120 °C
30 mn
Hv, PTE
allongements
Allgt1 = (L-L0)/L0 = ∆L/L0
Allgt2 = (l-l0)/l0 = ∆l/l0
AllgtT = Allgt1 + Allgt2 + Allgt1.Allgt2
Figure VI-25 : Protocole expérimental de l’étude sur la déformation d’un acier ULC préalablement vieilli
après une prédéformation (schéma en 2 passes)
VI.F.2.b)
Comportement à la redéformation
Le PTE de l’acier ULCstd est suivi pendant des séquences de type laminage,
vieillissement total (30 mn à 120 °C) puis relaminage (Figure VI-25). Sur les Figure VI-26, la
courbe {ε1} représente l’évolution du PTE de l’acier lors de la déformation initiale et la courbe
{a1} l’évolution du PTE après différents taux de déformation et vieillissement total par un
traitement de 30 mn à 120 °C (Schéma en 1 passe).
L’évolution du PTE de l’acier lors de la 2nd déformation est semblable quelle que soit la
prédéformation initiale (10, 20 ou 30 % sur la Figure VI-26 (a)). Elle montre que très
rapidement, le PTE de l’acier rejoint les valeurs de la courbe {ε1}. Ce résultat conduit à
penser que si l’amplitude de la seconde déformation est suffisante, l’acier « oublierait » son
histoire thermomécanique ultérieure, au moins du point de vue du PTE.
Cependant, le vieillissement de l’état {ε2} contredit cette interprétation. En effet, à la suite
d’un vieillissement de l’état {ε2} pour conduire l’acier dans l’état {a2}, le PTE de l’acier ne se
trouve plus confondu avec les points {a1} (Figure VI-27). Autrement dit, à une déformation
totale donnée, le PTE de l’acier vieilli après une réduction en 2 passes est inférieur à celui de
l’acier pour un schéma en 1 passe.
-1.80
Allgt1 = 30 %
-1.75
Allgt1 = 20 %
Allgt1 = 10 %
201
1 déformation (Allgt1) de l ’état recuit
2 vieillissement 30 mn à 120 °C
3 déformation (Allgt2) de l ’état vieilli
-1.75
{a1}
-1.80
-1.85
-1.85
-1.90
-1.90
{a1}
1
S (µV/K)
S (µV/K)
2
-1.95
-2.00
3
-1.95
-2.00
{ε1}
-2.05
-2.05
-2.10
{ε2}
-2.10
{ε1}
-2.15
-2.15
0
20
40
60
80
100
allongement total AllgtT (%)
0
20
40
60
80
100
allongement total AllgtT (%)
(a)
(b)
-1.75
{a1}
{a1}
-1.85
-1.90
-1.90
-1.95
-2.00
1
3
-1.95
4
-2.00
-2.10
-2.10
-2.15
-2.15
20
40
60
80
allongement total AllgtT (%)
(a)
{a2}
2
{ε1}
-2.05
{ε1}
0
déformation (Allgt1) de l ’état recuit
vieillissement 30 mn à 120 °C
déformation (Allgt2) de l ’état vieilli
vieillissement 30 mn à 120 °C
-1.80
-1.85
-2.05
1
2
3
4
-1.75
S (µV/K)
S (µV/K)
-1.80
Allgt1 = 30 %
Allgt1 = 10 %
Figure VI-26 : (a) PTE de l’acier en fonction de l’allongement total (laminage) et du traitement de
vieillissement pour des tôles prédéformées de 0, 10, 20 et 30 %. (b) Détail des variations de PTE
lors du traitement thermomécanique sur la tôle prédéformée de 30 %.
{ε2}
0
20
40
60
80
allongement total AllgtT (%)
(b)
Figure VI-27 : (a) PTE de l’acier en fonction de l’allongement total (laminage) et du traitement de
vieillissement pour des tôles prédéformées de 10 et 30 %, vieillies, redéformées et revieillies à
nouveau. (b) Détails pour la tôle prédéformée de 30 %.
202
Au vue de la sensibilité du PTE aux interstitiels libres et aux dislocations (le PTE diminue
lorsque on introduit des interstitiels et/ou des dislocations dans la matrice), un PTE inférieur
indique la présence de plus d’interstitiels et/ou de dislocations dans la matrice. En tout état
de cause, l’acier ne semble pas dans le même état microstructural. La mesure de dureté
confirme que les états vieilli totalement après un schéma en 1 passe ou en 2 passes ne sont
pas équivalents (Figure VI-28). La dureté de l’acier est plus importante en finale dans un
schéma en 2 passes et elle est plus importante encore lorsque l’allongement initial Allgt1 est
de 30 %.
Pour un taux d’allongement final donné, le PTE et la dureté montrent que l’acier est dans
un état différent entre un schéma en 1 passe et un schéma en 2 passes. Dans la partie
suivante, on se propose d’analyser plus finement les résultats afin de préciser l’évolution
microstructurale de l’acier qui permettrait d’expliquer ce comportement.
220
200
Hv
180
160
Schéma 1 passe
état {a1}
Schéma 2 passes
état {a2} Allgt1 = 10 %
état {a2} Allgt1 = 30 %
140
120
100
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
AllgtT (%)
Figure VI-28 : Dureté Vickers finale de l’acier ULCstd conduit dans l’état vieilli totalement après des
schémas en 1 ou 2 passe(s).
VI.F.3.Diagramme PTE-dureté
VI.F.3.a)
Schéma en 1 passe
La dureté et le PTE de l’acier ont été suivis pendant des traitements de déformation par
laminage suivi d’un vieillissement total (30 mn à 120 °C). Les mesures obtenues ont été
placées dans un diagramme PTE-dureté (Figure VI-29) où l’on peut retrouver toutes les
informations recueillies jusqu’à présent :
203
•
La relation linéaire entre les variations de PTE et de dureté de l’acier lors du laminage de
l’état recuit {bRC} (paragraphe VI.C.2).
•
Après vieillissement, le PTE et la dureté de l’acier augmentent. Ces variations sont
indiquées par les vecteurs sur la Figure VI-29. La norme et la direction de ces vecteurs
dépendent de l’état {ε1} et plus précisément de l’amplitude de la déformation initiale
(Allgt1). Elles traduisent les constats faits précédemment qui montraient que pour un taux
de prédéformation supérieur ou égal à 10 %, l’amplitude du gain de dureté lié au
vieillissement atteint un maximum (paragraphe VI.D.4.a) et que d’autre part, l’efficacité
des interstitiels vis à vis du durcissement par vieillissement de l’acier diminue lorsque le
taux de déformation augmente (§ VI.D.4.c).
Le diagramme PTE-dureté et les informations que l’on en tire sont assez universels, nous
retrouvons le même type de diagramme pour toutes les modalités d’aciers étudiées dans ce
travail. Dans le schéma plus complexe en 2 passes, nous allons voir que cette
représentation permet également l’interprétation des résultats présentés dans le paragraphe
précédent (VI.F.2).
états {a1}
états {ε1}
{bRC}
30
mn
12
0°
C
-1.8
t1
lg
Al
-2.0
états {ε1}
perte d'efficacité
des interstitiels
30
mn
12
0°
C
te
en
gm
au
S (µV/K)
-1.9
états {a1}
-2.1
-2.2
100
150
200
250
Hv
Figure VI-29 : Diagramme PTE-dureté de l’acier ULCstd dans son état initial brut de recuit {bRC},
laminé et vieilli totalement 30 mn à 120 °C. Les états {e1} et {a1} sont décrits dans la Figure
VI-25.
VI.F.3.b)
Schéma en 2 passes
Les mesures de PTE et de dureté de l’acier ULCstd traité suivant le protocole de la Figure
VI-25 sont présentées dans le diagramme PTE-dureté (Figure VI-30). On y retrouve les
204
points de la Figure VI-29 complétés par les points des états {ε2} et {a2} représentatifs de la
deuxième passe de laminage et du traitement de vieillissement final.
Lorsque l’acier est laminé à partir d’un état {a1} (il a déjà été laminé puis vieilli), la relation
qui lie ∆S et ∆Hv est modifiée. Elle reste à peu prés linéaire mais la dureté augmente moins
pour une variation de PTE donnée. Ce phénomène s’accentue pour les états {a1}
correspondant à une déformation initiale (Allgt1) plus importante.
En revanche, la position des points PTE-dureté des états vieillis finaux se trouvent tous sur
la même courbe (en pointillés sur la figure) que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes.
=
gt1
All
{bRC}
%
10
-1.8
30
mn
12
0°
C
=
gt1
All
-2.1
même épaisseur finale
(AllgtT ~ 70 %)
120
°C
{ε2}
{ε1}
-2.0
{a1} ~ {a2}
états {ε1}
états {a1}
Allgt1 = 10 % + vieillissement total
états {ε2}
états {a2}
Allgt1 = 30 % + vieillissement total
états {ε2}
états {a2}
30 m
n
S (µV/K)
-1.9
%
30
-2.2
100
150
200
250
Hv
Figure VI-30 : Diagramme PTE-dureté de l’acier ULCstd dans son état initial brut de recuit {bRC},
dans des schémas en 2 passes. Les états {ε1}, {a1}, {ε2} et {a2} sont décrits dans la Figure
VI-25.
Si on se focalise sur le schéma en 2 passes pour Allgt1 = 10 %, la position du point {a1}
indique que la consolidation du métal a atteint un niveau suffisant pour piéger environ 60 %
des interstitiels libres disponibles (voir Figure VI-9). Or après déformation de cet état jusqu’à
70 % d’allongement total puis vieillissement total, la variation de PTE de l’acier lors du
vieillissement révèle la ségrégation d’une quantité importante d’interstitiels (∆Sa ~ 0,185 µV/K
≡ 5,5.10-3 %) qui correspond à plus de 70 % de la quantité initiale d’interstitiels libres dans
l’état {bRC} de départ (~ 7,8.10-3 %). On peut donc aisément supposer qu’il se produit une
« remise en solution » de tout ou partie des interstitiels lors de la redéformation d’un état
préalablement déformé et vieilli. En fait lors de la redéformation il faut probablement plutôt
envisager un désancrage des dislocations conduisant à laisser « sur place » le nuage de
Cottrell qui s’était formé autour d’elles durant le vieillissement préalable. Les interstitiels
205
concentrés dans le nuage seraient à nouveau libres dans la matrice ainsi que le laisse
supposer leur réapparition vis à vis du PTE. Notons que nous avions déjà fait cette
observation dans le paragraphe IV.C.6.b en mesurant le frottement interne.
Que les points {a1} et {a2} soient confondus sur le diagramme PTE-dureté peut
s’interpréter simplement comme correspondant au fait que l’on se trouve en présence de
microstructures équivalentes quel que soit le chemin thermomécanique suivi. Ayant fait
l’hypothèse (paragraphe VI.E.3) que le PTE ainsi que la dureté de l’acier pouvaient être
considérés comme la somme élémentaire des contributions de la matrice et des défauts
(solutés, dislocations …), il semble assez normal que l’on retrouve des points équivalents
dans des états stables (après vieillissement total).
Suivant le chemin thermomécanique suivi, la dureté finale de l’acier diffère. Sur la Figure
VI-30, on peut voir que pour un taux d’allongement total d’environ 70 %, la dureté de l’acier
varie d’environ 20 unités Vickers suivant que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes
avec Allgt1 = 30 %. La quantité d’interstitiels libres devant être nulle à ce taux d’allongement
et en vertu du principe de sommation des contributions, le schéma en 2 passes doit conduire
à une consolidation supplémentaire par le fait qu’il y a plus de dislocations dans l’acier et/ou
que leur organisation diffère.
Dans le paragraphe qui suit, une interprétation graphique du diagramme PTE-dureté va
permettre de clarifier ce que l’on vient de décrire.
VI.F.4.Interprétation du diagramme PTE-dureté
VI.F.4.a)
définitions
On reprend ici l’hypothèse développée dans les paragraphes III.B.3.f et VI.D.3 qui veut que
la dureté et le PTE de l’acier soient la somme des contributions de la matrice et de
composantes élémentaires associées à chaque défauts.
Ici nous allons décomposer le trajet de variations des couples PTE-Hv de l’acier dans le
diagramme PTE-dureté. Les composantes élémentaires de la variation du PTE et de la
dureté pour les schémas thermomécaniques qui nous intéressent sont :
∆Sd, ∆Hvd
variations de PTE et de dureté dues à l’introduction de dislocations lors
de l’écrouissage. On a établi la relation ∆Hvd = -225. ∆Sd (µV/K) (§ VI.D.2).
∆SC+N, ∆HvC+N
variations de PTE et de dureté dues à l’introduction ou à la disparition
de C et N libres
∆Hvanc
variation de dureté lié à l’ancrage (ou au désancrage) des dislocations
par les interstitiels (∆Hvanc n’est pas accessible directement par la mesure, § VI.E.3).
Les variations attendues de ces paramètres aux différentes étapes du traitement sont
données dans le Tableau VI-4.
206
étape
C+N
∆S
d
∆Hv
∆Hv
-
<0
-
>0
-
introduction de dislocations
précipitation
d'interstitiels
>0
-
<0
-
-
disparition de C et N libres
remise en solution
d'interstitiels libres
<0
-
>0
-
-
réapparition de C et N libres
>0
-
<0
-
>0
disparition de C et N libres
ancrage des dislocations
<0
<0
>0
>0
<0
introduction de dislocations
désancrage de dislocations
réapparition de C et N libres
traitement
{bRC} > {ε1} écrouissage état recuit
{ε1} > {a1}
ou
{ε2} > {a2}
{ε1} > {a1}
ségrégation d'interstitiels
ou
libres
{ε2} > {a2}
{a1} > {ε2}
écrouissage état vieilli
(schéma en 2 passes)
∆S
C+N
d
anc
∆Hv
mécanisme(s)
Tableau VI-4 : Bilan des variations élémentaires de PTE et dureté attendues lors des schémas en 1
passe ou 2 passes
VI.F.4.b)
Schéma en 1 passe
Ecrouissage de l’état {bRC}
On retrouve la relation linéaire déjà citée entre les variations de PTE et de dureté. Cette
relation est identique pour tous les aciers ULC étudiés ainsi que pour l’acier bas carbone LC.
Elle est simplement la somme des deux vecteurs « introduction de dislocations » ∆Sd et ∆Hvd
avec ∆Hvd = -225. ∆Sd (µV/K).
Vieillissement de l’état {ε1}
Pendant le traitement de vieillissement, les interstitiels migrent sur les dislocations pour
former les nuages de Cottrell. Nous avons vu que les interstitiels piégés autour des
dislocations ne sont plus détectés par le PTE. On a donc une variation de PTE ∆SC+N qui est
proportionnelle à la quantité d’interstitiels piégés. En parallèle, la disparition des interstitiels
en solution solide conduit à une diminution du durcissement par solution solide ∆HvC+N elle
même proportionnelle à la quantité d’interstitiels piégés (partie VI.E). En rapport avec les
teneurs respectives de C et N, on peut écrire :
∆HvC+N = 2,6 / (10-3 % de [C+N]libre)
La formation des atmosphères de Cottrell conduit à l’ancrage des dislocations et
provoque une augmentation de dureté de l’acier, ∆Hvanc, supérieure en valeur absolue à la
diminution ∆HvC+N. Il en découle l’accroissement de dureté mesuré expérimentalement.
207
{bRC}
-1.8
anc
C+N
∆Hv
d
∆S
∆S
30
mn
12
0°
C
S (µV/K)
-1.9
{a1}
∆Hv
C+N
éc
ro
ui
ss
ag
e
d
∆Hv
-2.0
{ε1}
états {ε1}
états {a1}
-2.1
-2.2
100
150
200
Hv
Figure VI-31 : Interprétation graphique des contributions élémentaires en PTE et dureté aux variations
mesurées expérimentalement.
VI.F.4.c)
Schéma en 2 passes
Nous allons ici décomposer l’analyse graphique sur un schéma en 2 passes donné, cette
décomposition peut se généraliser à tous les cas présentés jusqu’alors.
Cas du schéma en 2 passes avec Allgt1 = 10 % et AllgtT = 70 %
Etat {a1}
D’après ce que l'on sait concernant le schéma en 1 passe (Figure VI-9), on peut
considérer que la fraction d’interstitiels ségrégés dans cet état est d'environ 60 % de la
quantité d’interstitiels initialement libres dans l’acier, soit 4,7.10-3 %.
Passage à l’état {ε2}
Lors du relaminage de l’acier à l’état {a1}, on a les variations de PTE et de dureté qui sont
la somme des composantes élémentaires ∆Sd’, ∆SC+N’, ∆Hd’, ∆HC+N’, ∆Hvanc’ (Tableau VI-4).
La variation totale de PTE est donc uniquement la somme de la composante liée à
l’introduction de dislocations, ∆Sd’, et de celle liée à la « remise en solution » d’interstitiels,
∆SC+N’. Cette dernière peut être estimée en considérant l’hypothèse de l’existence de
microstructures équivalentes dans les états stables complètement vieillis (voir § VI.F.3.b).
Cette estimation peut s’illustrer par la Figure VI-32.
208
{a2}
[C+N]ségrégé mesuré
schéma en 2 passe
7
6
{a1}
5
4
[C+N]ségrégé mesuré
schéma en 1 passe
quantité d'interstitiels ségrégée
dans un état {a1} ou {a2}
8
3
2
1
{bRC}
0
100
120
140
160
180
200
[C+N] "remis en solution"
220
dureté Hv finale de l'acier dans un état {a1} ou {a2}
Figure VI-32 : Courbe donnant la quantité d’interstitiels ségrégés dans un état complètement
vieilli ({a1} ou {a2}) en fonction de la dureté finale de l’acier.
La courbe représente la quantité d’interstitiels ségrégés pour une dureté final donnée
(état complètement vieilli) et donc une microstructure équivalente donnée. Cette courbe doit
être valable que l’on soit en schéma en 1 passe ou 2 passes. Dans l’hypothèse d’une non
remise en solution des interstitiels lors du relaminage, la quantité d’interstitiels qui ségrège
lors du second vieillissement (proportionnelle à la variation de PTE mesurée lors de ce
vieillissement) devrait être la différence entre la quantité déjà ségrégée à l’état {a1} et celle
qui devrait être ségrégée à l’état équivalent {a2}. Or la variation de PTE mesurée induit
qu’une quantité plus importante d’interstitiels ségrège lors du second vieillissement. D’après
les hypothèses formulées, cette différence est égale à la quantité d’interstitiels remis en
solution et elle est proportionnelle à ∆SC+N’ (Figure VI-33 (a)) et qui induit un retour
d’éléments durcissant dans la matrice qui se traduit par une augmentation de dureté ∆HC+N’.
L’introduction de nouvelles dislocations se traduit par la diminution du PTE, ∆Sd’, et
l’augmentation de dureté ∆Hvd’ (Figure VI-33 (b)). Le désancrage des dislocations conduit à
une diminution de la composante de dureté lié à l’ancrage ∆Hvanc’ qui se déduit
graphiquement (Figure VI-33 (c)).
Passage à l’état {a2}
Ici c’est beaucoup plus simple puisque le trajet est équivalent au passage à l’état {a1}
pour un schéma en 1 passe (voir § VI.A.1.b et Figure VI-33 (d))
209
états {ε1}
états {a1}
états {ε2} Allgt1 = 10 %
états {a2} Allgt1 = 10 %
C+N
∆Hv
'
(b)
-1.8
-1.9
-2.0
-2.0
d
∆S '
-2.1
-2.2
140
-2.1
160
180
200
220
240
-2.2
140
e
ag
ss
ui
ro
éc
S (µV/K)
-1.9
'
(a)
s
nt
le
va
ui
éq
2}
{a
et
1}
{a
C+N
∆S
n
lutio
n so
s
ise e
rem erstitiel
d'int
-1.8
d
∆Hv '
160
180
Hv
200
220
240
Hv
(c)
-1.8
(d)
-1.8
-1.9
-1.9
anc
-2.0
-2.0
-2.1
-2.1
anc
∆Hv
-2.2
140
160
180
200
220
'
240
-2.2
140
Hv
160
180
''
C+N
∆Hv
itiels
erst
d'int
ion
égat
ségr
S (µV/K)
∆Hv
200
''
C+N
∆S
''
220
240
Hv
Figure VI-33 : Interprétation graphique des contributions élémentaires en PTE et dureté aux variations
mesurées expérimentalement dans un schéma 2 passes avec Allgt1 = 10 %.
Toute la décomposition que nous venons de faire peut être formulée de manière
analytique, un exemple en est donné ci dessous.
Décomposition analytique des variations de PTE et de dureté mesurées
expérimentalement
Etat {bRC}
210
Le dosage par PTE donne ∆Sa,max qui est la variation de PTE lorsque tous les interstitiels
libres ont ségrégé sur les dislocations. La quantité d’interstitiels libres à l’état {bRC} est égale
à:
[C+N]libre = ∆Sa,max / Pm
où Pm est le coefficient d’influence moyen des interstitiels libres sur le PTE de l’acier.
{a1} => {e2}
Les variations de PTE et de dureté mesurées peuvent s’écrire :
∆S’ = ∆Sd’ + ∆SC+N’
∆Hv’ = ∆Hvd’ + ∆HvC+N’ + ∆Hvanc’
{e2} => {a2}
Les variations de PTE et de dureté mesurées peuvent s’écrire :
∆S’’ = ∆SC+N’’
∆Hv’’ = ∆HvC+N’’ + ∆Hvanc’’
(les valeurs en gras sont des mesures expérimentales)
il vient :
∆SC+N’’ = ∆S’’ = ∆SC+N’ + 0,4.∆Sa,max
en {a1} il reste 40 % de {C+N]libre et 0 en {a2}
∆SC+N’ = ∆S’’ - 0,4.∆Sa,max
(cf. Figure VI-9)
∆Hv
effet pondéré C et N libres sur Hv (= 2,6.103/%)
’ = ∆S
C+N
C+N
’.2,6 / Pm
∆Sd’ = ∆S’ - ∆SC+N’
∆Hvd’ = - 225.∆Sd’
relation Hv-PTE lors de l’écrouissage
∆Hv
’ = ∆Hv’ - ∆Hv ’ - ∆Hv
∆Hv
’’ = (∆S
anc
d
C+N
C+N
C+N
’’ / Pm).2,6
’
(§ VI.F.4.b)
effet pondéré C et N libres sur Hv (= 2,6.103/%)
∆Hvanc’’ = ∆Hv’’ - ∆HvC+N’’
La généralisation de ce calcul à tous les cas expérimentaux conduit aux résultats
synthétisés dans le Tableau VI-5.
211
{a1} => {ε2}
interstitiels remis consolidation à la
nd
en solution
2 passe
30
{ε2} => {a2}
{a2}
interstitiels restant
piégés
consolidation
totale sur les 2
passes
interstitiels qui
ségrègent
intertitiels
ségrégés total
[C+N]piégé
consolidation
d
totale (∆Hv )
∆[C+N]piégé
[C+N]ségrégé
∆[C+N]libre
∆Hv ''
10
-
-
-
4.7
32
-
-
12
1.0
8
-3
3.7
40
1.8
5.5
20
1.3
26
-11
3.4
58
3.2
6.6
35
2.3
44
-19
2.4
76
4.8
7.2
70
2.5
61
-25
2.2
93
5.6
7.8
30
-
-
-
6.6
60
-
-
31
0.8
7
-3
5.8
67
1.2
7
34
1.2
19
-15
5.4
79
2.0
7.4
41
2.7
30
-29
3.9
90
3.8
7.8
71
4.0
44
-39
2.6
104
5.2
7.8
Allgt1 (%) AllgtT (%)
10
{ε2}
chute de dureté
due au
désancrage des
dislocations
d
anc
∆Hv
Tableau VI-5 : Récapitulatif des évolutions microstructurales lors du passage de l’état {a1} à l’état {ε2} et
de la situation microstructurale à l’état {ε2} pour les différentes modalités laminées dans un
schéma en 2 passes. Les teneurs en interstitiels sont données en millièmes de %.
Cette analyse va nous permettre de retrouver des résultats déjà mis en évidence
expérimentalement dans les parties précédentes.
VI.F.4.d)
Consolidation déduite de l’analyse PTE-Hv
Nous avons dit qu’en schéma en 1 ou 2 passe(s), les états finaux (totalement vieillis)
correspondaient à des états microstructuraux équivalents et que le gain de dureté mesuré du
schéma en 2 passes était la conséquence d’une consolidation plus importante par rapport au
schéma en 1 passe (§ VI.F.3.b et Figure VI-28). C’est ce que l’on retrouve sur la Figure
VI-34 en représentant la composante ∆Hvd du Tableau VI-5, qui est la contribution de la
consolidation liée à l’introduction de dislocations dans la matrice, en fonction du taux
l’allongement total. La hiérarchisation entre les schémas 2 passes avec Allgt1 = 10 % et 30
% est elle aussi respectée. Ce résultat nous indique que malgré le caractère très
simplificateur de l’analyse du paragraphe précédent, cette dernière permet de retrouver des
tendances déduites de l’expérience (Figure VI-28).
212
100
60
d
∆Hv (µV/K)
80
40
Schéma en 1 passe
état {ε1}
Schéma en 2 passes
état {ε2} Allgt1 = 10 %
état {ε2} Allgt1 = 30 %
20
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
AllgtT (%)
Figure VI-34 : Consolidation liée à l’introduction de dislocations dans la matrice, ∆Hvd, en
fonction du taux l’allongement total pour des schémas 1 et 2 passe(s) tirées du
Tableau VI-5.
VI.F.4.e)
Désancrage des dislocations – Remise en solution des
interstitiels
Le relaminage d’un acier déjà déformé et vieilli (état {a1}) fait réapparaître dans la solution
des interstitiels qui était initialement piégés (§ IV.C.6.b et VI.F.4.c). Le mécanisme évoqué
est le désancrage des dislocations initialement ancrées par ces interstitiels, qui laisserait sur
place le nuage d’interstitiels. L’analyse du schéma en 2 passes nous permet de calculer la
quantité d’interstitiels remis en solution par ce mécanisme et de finalement estimer la
cinétique de désancrage des dislocations initialement piégées. La Figure VI-35 indique la
quantité d’interstitiels qui reste encore ségrégés autour des dislocations après relaminage de
2 états {ε1}. La majorité des interstitiels remis en solutions le sont dès les premiers pour cent
d’allongement. Cela signifie que rapidement, lors du relaminage, un nombre important de
dislocations sont désancrées et deviennent à nouveau mobiles. Néanmoins, leur libre
parcours moyen doit être limité du fait de la présence de dislocations encore ancrées ce qui
permettrait d’expliquer le gain de consolidation constaté dans le schéma en 2 passes. Ce
gain de consolidation est d’ailleurs acquis dans le domaine correspondant au désancrage
important des dislocations (Figure VI-28).
213
Allgt1 = 10 %
Allgt1 = 30 %
6
-3
[C+N]ségrégé à l'état [ε2] (10 %)
7
5
4
3
2
1
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
AllgtT (%)
Figure VI-35 : Quantité d’interstitiels encore ségrégé après relaminage d’un état déjà laminé et vieilli
(état {a1})
La loi de remise en solution des interstitiels semble atteindre une asymptote commune
aux 2 états {ε1} vers 70 % d’allongement total. Il est tentant de penser à ce niveau que la
quantité d’interstitiels restant ségrégée ( environ 2.10-3 %) est en fait précipitée sous la forme
de particules ou d’amas qui se seraient développés autours des dislocations. A cette
hypothèse on peut opposer 3 remarques :
• D’après les cinétiques de précipitation du carbone dans cet acier à l’état hypertrempé, un
traitement de 30 minutes à 120 °C n’est pas suffisant pour précipiter une quantité
appréciable de carbone (Figure V-8, l’azote reste en solution quel que soit le traitement
pratiqué pour T < 270 °C). De plus, les carbures qui se forment à cette température sont
les carbures ε dont on a vu qu’ils ne se dissolvaient pas après un écrouissage important
(§ V.C.2). La partie suivante confirme ce résultat et précise dans quelles conditions
peuvent être dissous des carbures par l’action de l’écrouissage.
• La formation d’amas de carbone autour des dislocations dans des aciers ayant de telles
teneurs en interstitiels libres n’a jamais été observée en microscopie électronique
[SOL98].
• Si on poursuit le laminage de l’acier jusqu’à des taux d’allongement d’environ 300 % (70
% de réduction), on finit par remettre tous les interstitiels en solution.
VI.F.5.Conditions de dissolutions de précipités lors de la déformation
Nous voulons ici vérifier dans quelles conditions des carbures de fer peuvent être dissous
par l’action de l’écrouissage. l’acier étudié est l’acier LCssN (acier LC dans lequel tout l’azote
214
est précipité sous la forme d’AlN, cf. § V.E.2.b) sur lequel on applique les traitements
thermomécaniques détaillés dans le Tableau VI-6.
états
traitements
microstructures
{CSS}
700 °C 15 minutes + hypertrempe
remise en solution du carbone ~ 12.10 %
{Cε}
{700} + 4 heures à 120 °C
précipitation des carbures ε
{CBT}
{700} + 1 mois à l'ambiante
précipitation des carbures basse température
-3
Tableau VI-6 : Détail des traitements thermiques conduisant l’acier LCssN dans les états {CSS}, {Cε} et
{CBT} ainsi que des microstructures attendues.
Des éprouvettes sont ensuite laminées à froid sur le laminoir manuel et les évolutions du
PTE et de la dureté ont été suivies au cours du laminage. Les résultats obtenus ont été
placés dans un diagramme PTE-Hv (Figure VI-36).
{Cε}
intr
odu
ctio
n
4 hr 120 °C
-1.8
-2.2
-2.4
apr
ès 3
0
°C
s 20
i
o
1m
{CSS}
-2.6
-2.8
120
état {CSS}
état {Cε}
état {CBT}
140
160
mn
à
120
°C
s
de
ion
lut s BT
so
e
dis rbur
ca
S (µV/K)
-2.0
de d
islo
cati
ons
{CBT}
180
200
220
240
260
280
Hv
Figure VI-36 : Diagramme PTE dureté relatif au laminage à froid de l’acier LCssN initialement dans
les états {CSS}, {Cε} et {CBT} (Source INSA Lyon, J. MERLIN)
Cette représentation permet de mettre en évidence les conséquences de 2 évolutions
microstructurales :
• L’effet de la précipitation du carbone à 120 °C et 20 °C.
A 120 °C la précipitation de carbures ε conduit à un léger durcissement de l’acier lié au
caractère semi-cohérent de ces carbures ainsi qu’à leur forte densité (durcissement non
observé dans des aciers ULC avec C < 5.10-3 %). A 20 °C la précipitation des carbures
"basse température" conduit à un durcissement très important d’environ 70 Vickers,
215
proche de celui observé par ABE pour un acier similaire trempé depuis 700 °C et vieilli à
35 °C [ABE84].
• Le comportement à l'écrouissage selon les différents états de précipitation du carbone
{CSS}, {Cε} et {CBT}.
Pour l'état {Cε} le vecteur décrivant l'évolution au cours de l'écrouissage a la même
direction que celui relatif à l’introduction de dislocations dans une matrice contenant du
carbone en solution (état{CSS}). Il en est tout autrement pour l’acier dans l’état {CBT}
pour lequel on observe une diminution accrue du PTE; la trajectoire correspondant à cet
état finissant par rejoindre celle correspondant à {CSS}. On peut attribuer ce
comportement à la dissolution progressive par cisaillement des carbures "basse
température", le carbone remis en solution diminuant le PTE. Cela se trouve confirmé
par le fait qu'après des taux de réduction élevés, un vieillissement de 30mn à 120 °C
sur des états {CSS}et {CBT} conduit à des variations de PTE et de dureté similaires.
Ces résultats confirment encore une fois l’inertie des carbures ε, et à plus forte raison de
la cémentite intragranulaire Fe3C’, vis à vis de l’écrouissage et montrent la possibilité de
dissolution des carbures basse température ce qui laisse supposer que ces "carbures" sont
plus des amas que des précipités réellement constitués.
Ces résultats doivent alimenter notre réflexion en ce qui concerne la possible présence de
précipités formés au cours d’un vieillissement après écrouissage. Dans ces conditions, si on
peut admettre que la présence de dislocations puisse servir de sites de germination et/ou
accélérer la diffusion des interstitiels vers des précipités (dislocations vues comme un canal
de diffusion), il est difficile d’envisager que la présence de dislocations conduise au
développement
de
précipités
instables
à
la
température
de
vieillissement
(ex :
développement de carbures basse température à 120 °C). Or c’est a priori ce qu’il faudrait
admettre pour justifier la formation de précipités au cours du vieillissement après
écrouissage d’aciers ULC chez lesquels une nouvelle déformation conduit à la remise en
solution totale des interstitiels initialement piégés au cours du premier vieillissement. Par
ailleurs, la "cinétique" de remise en solution au cours de la redéformation paraît
sensiblement accélérée par rapport à ce qui peut être observé pour les carbures "basse
température" (voir Figure VI-30 et Figure VI-36) ce qui induit à considérer que si précipités il
y a, ils sont encore moins stables que les "amas" développés à basse température. Tout
milite donc en faveur de la formation "d'atmosphères" sans formation de précipités
constitués.
VI.F.6.Aspect pratique de la double réduction en 2 passes
Les paragraphes précédents montrent que pratiquer une double réduction en 2 passes
avec vieillissement inter passe permet d’atteindre une résistance mécanique plus élevée
216
qu’avec un schéma en 1 passe pour un taux de réduction total constant (donc à une
épaisseur finale donnée). Nous avons voulu ici simplement cherché à déterminer le schéma
en 2 passes optimal pour bénéficier du meilleur gain en résistance.
Les traitements thermomécaniques réalisés sont semblables à ceux de la Figure VI-25 à
ceci prés que la deuxième passe est effectuée sur une plaque d’acier à l’état {a1} et non sur
de petites éprouvettes. L’allongement total est de 40 % (~ 28,5 % de réduction). Le
vieillissement interpasse ainsi que le vieillissement final sont de 30 mn à 120 °C. Le résumé
synthétique de la suite des opérations est donné ci-dessous :
•
Acier ULCstd à l’état brut de recuit continu {bRC}.
•
1er laminage à froid à un taux d’allongement Allgt1 (Allgt1 = 2, 5, 10, 20, 30, 35 ou 38
%) : état {ε1}.
•
Vieillissement inter passe de la tôle 30 mn à 120 °C : état {a1}.
•
Mesures de PTE, Hv et traction à l’état {a1}.
•
2ème passe de laminage pour atteindre un taux d’allongement total AllgT d’environ 40 %
(en pratique 40,5 ± 1 %) : état {ε2}.
•
Vieillissement final de 30 mn à 120 °C : état {a2}.
•
Mesures de PTE, Hv et traction à l’état {a2}.
Les mesures de PTE et dureté dans les différents états vieillis ({a1} et {a2}) confirment le
concept de microstructures équivalentes dans des états stables (complètements vieillis)
déduit du diagramme PTE-Hv.
Pour les états finaux {a2}, la Figure VI-37 donne la résistance mécanique de l’acier en
fonction du taux de déformation Allgt1 du 1er laminage à froid. On voit nettement qu’il existe
des schémas 2 passes qui conduisent effectivement à un gain important de résistance
mécanique (> 50 MPa) et que d’autres non. Dans notre cas, il faut que le 1er laminage à froid
soit compris entre 5 et 35 % d’allongement avec une préférence pour les forts taux (30 et 35
%). La résistance mécanique atteinte est alors d’environ 670 MPa, soit la résistance
mécanique qui nécessiterait pour cet acier un laminage à froid en 1 passe de plus de 60 %
d’allongement (Figure VI-38).
Les avantages que présente la double réduction en 2 passes pour un industriel sont :
• Rationalisation de la production en amont. Les produits APE sont identifiés par leur
qualité (métallurgie, temper, résistance, ductilité) et leur épaisseur. L’industriel cherche
à différencier ses produits le plus en aval possible pour optimiser son circuit amont
(nuance, laminage à chaud, laminage à froid …) et la double réduction en 2 passes
permet cette différenciation au niveau du relaminage à froid (skinpass).
• Les propriétés d’emboutissage (coefficient de Lankford et niveau de corne, voir § I.B)
sont d'autant plus dégradées que le taux de relaminage à froid au skinpass est élevé.
217
La DR en 2 passes permet donc d’atteindre des résistances mécaniques élevées sans
trop dégrader ces propriétés.
Un brevet a été déposé sur ce principe par Sollac.
218
Rm à AllgtT ~ 40 % (MPa)
680
670
660
650
640
référence AllgtT
schéma en 1 passe
630
620
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Allgt1 (%)
Figure VI-37 : Résistance mécanique Rm en final (totalement vieilli), de l’acier ULCstd {bRC} dans
des schémas double réduction en 2 passes en fonction de l’allongement à la première
passe (Allgt1) et pour un allongement total d’environ 40 %.
700
DR en 2 passes
650
Rm (MPa)
600
550
500
450
400
350
0
10
20
30
40
50
60
70
AllgtT (%)
Figure VI-38 : Résistance mécanique Rm en final (totalement vieilli), de l’acier ULCstd {bRC} pour
des schémas en 1 et 2 passes en fonction du taux d’allongement total.
VI.G. Conséquences
du
vieillissement
d’aciers
ULC
sur
les
caractéristiques de traction
Pour des raisons pratiques, nous avons choisi de caractériser nos échantillons par des
mesures de dureté Vickers (§ VI.D.1) en faisant l’hypothèse que cette dernière est
représentative de la résistance mécanique, Rm, de l’acier. C’est ce que nous allons
commencer par vérifier.
219
Par ailleurs la dureté n’apporte pas d’information en ce qui concerne d’autres
caractéristiques de l’acier, entre autre sa ductilité qui conditionne son aptitude à la mise en
œuvre. Nous verrons de manière très sommaire qu’elle est l’évolution de ce paramètre au
cours du vieillissement.
VI.G.1.
Comparaison Hv – Rm
Les résultats présentés ici sont issus des études concernant la double réduction en 2
passes vue dans la partie précédente (§ VI.F.6). Sur la Figure VI-39 sont représentées la
dureté et la résistance mécanique de l’acier ULCstd laminé à froid à différents taux puis vieilli
30 mn à 120 °C. On confirme bien que ces 2 grandeurs répondent à une relation de
proportionnalité qui peut s’écrire :
Rm (MPa) = 3 x Hv
Hv
Rm
200
600
Hv
500
160
450
Rm (MPa)
550
180
140
400
120
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Allongement (%)
Figure VI-39 : dureté Vickers et résistance mécanique de l’acier ULCstd laminé à froid et vieilli 30
mn à 120 °C.
Le diagramme PTE – Hv permettant de comprendre les évolutions microstructurales de la
double réduction en 2 passes aurait pu se faire à partir de diagramme PTE – Rm.
VI.G.2.
Evolution des caractéristiques de traction au cours du
vieillissement
Des éprouvettes de l’acier ULCstd dans l’état brut de recuit continu (état {bRC}) ont été
prédéformées en traction à un taux d’allongement de 15 %, puis vieillies à 70 °C pendant
des durées variables avant d'être caractérisées en traction (Figure VI-40). L’évolution de leur
PTE au cours du vieillissement est également suivie
220
ReL et Rm et évoluent de manière similaire au cours du vieillissement (Figure 41). Elles
sont confondues lorsque l’acier présente une faible ductilité et que la striction apparaît juste
après le crochet de traction (Figure VI-40)
La ductilité (A%) diminue pendant la première heure de vieillissement puis augmente
jusqu’au terme du vieillissement (24 hr). Ce comportement est attribué aux cinétiques
respectives du crochet de traction, ReH, et Rm. ReH augmente rapidement et atteint un
maximum pour 1 hr de vieillissement (Figure VI-40). Pour les temps plus longs, Rm continu
d’augmenter, la tenacité étant plus importante l’acier est alors capable de supporter une
contrainte plus importante et la striction n’apparaît plus juste après le crochet de traction.
Dans la littérature, l’augmentation du crochet de traction et le développement du palier
sont attribués à la formation des atmosphères de Cottrell tandis que l’augmentation de Rm
est attribuée à la précipitation de particules autours des dislocations [WIL60a,
b][VAN98a][SOL98][ZHA00a,b][DE01] ce qui expliquerait aussi l’augmentation de la ductilité
par adoucissement de la matrice par précipitation. Or la cinétique de PTE et tout ce que
nous avons vu dans les parties précédentes nous conduit plutôt à penser que nous sommes
toujours en présence d’un mécanisme de formation d’atmosphères. En ce qui nous
concerne, nous attribuons ce comportement à 2 conséquences macroscopiques différentes
d’un même mécanisme microscopique. Le blocage des sources de dislocations et des
dislocations mobiles nécessiterait une densité d’interstitiels dans les atmosphères moins
importante que celle conduisant au durcissement macroscopique maximal de l’acier, le
mécanisme étant toujours la ségrégation des interstitiels autours des dislocations.
Une étude spécifique serait nécessaire à la vérification de cette hypothèse et permettrait
peut être de mieux comprendre les mécanismes du Bake Hardening.
Il est important de souligner que pour la fin de vieillissement déterminé par PTE (24 hr à
70 °C, voir partie IV.B) correspond à la stabilisation des caractéristiques de traction (Figure
VI-40) ce qui démontre s’il en était encore besoin, la pertinence de la mesure du PTE dans
l’étude du vieillissement.
De plus, la courbe de traction de l’acier vieilli 24 hr à 70 °C est identique à celle du même
acier vieilli 30 mn à 120 °C (non représentée ici) ce qui démontre encore une fois
l’équivalence de ces traitements qui sont le terme du vieillissement après écrouissage.
500
500
400
400
contrainte (MPa)
contrainte (MPa)
221
300
200
état prédéformé 15 %
vieillissement à 70 °C
1mn
4mn
30mn
1hr
100
300
200
état prédéformé 15 %
vieillissement à 70 °C
1hr
24hr
12jr
100
0
0
0
5
10
15
20
25
0
5
allongement (%)
10
15
allongement (%)
20
25
Figure VI-40 : Courbes de traction de l’acier ULCstd prédéformé à 15 % en traction au cours d’un
vieillissement à 70 °C.
460
Rm
ReL
A%
20
420
15
400
A% (%)
Re ou Rm (MPa)
440
25
10
Fin de vieillissement
tirée du PTE
380
2
10
10
3
4
10
temps (s)
5
10
10
5
6
Figure 41 : Evolution des caractéristiques de traction (ReL, Rm et Allongement à rupture) de l’acier
ULCstd prédéformé en traction à 15 % d’allongement au cours d’un vieillissement à 70 °C.
VI.H. Conclusion
Dans ce chapitre nous avons tenté de dégager les paramètres pertinents du vieillissement
après écrouissage des aciers ULC et de pondérer leurs effets. La sensibilité du PTE de
222
l’acier au départ des interstitiels de la matrice vers les atmosphères autour des dislocations
nous a permis de dégager certains enseignements :
•
La cinétique de ségrégation des interstitiels sur les dislocations est relativement peu
sensible à la nature des interstitiels (carbone ou azote) et à l’écrouissage initial (au moins
pour des taux de déformation supérieures ou égales à 5 %).
•
L’effet du carbone et de l’azote sur le vieillissement est toutefois à distinguer en terme
d’évolution de dureté. L’azote semble moins efficace que le carbone à durcir l’acier au
terme du vieillissement. Une décomposition du PTE et de la dureté en somme de
contributions élémentaires nous a permis de montrer que c’est en fait un adoucissement
accru de la matrice liée au départ des atomes d’azote de la solution solide qui semble
expliquer cette moindre efficacité de l’azote. L’effet d’ancrage des dislocations par le
carbone ou l’azote semble identique.
•
La quantité d’interstitiels qui ségrège sur les dislocations pour un écrouissage donné est
une fraction de la quantité initiale d’interstitiels libres et non une quantité fixée. Ce
constat nous a amené à remettre en cause la notion de saturation des atmosphères,
utilisée par certains chercheurs pour justifier de l’évolution en 2 stades de la limité
d’élasticité au cours du vieillissement, et à proposer une description s’appuyant sur un
équilibre thermodynamique qui conduit à une répartition des interstitiels entre la matrice,
les atmosphères et des sites particuliers autours d’atomes substitutionnels dans la
matrice.
•
Le taux d’écrouissage conditionne la manière dont la dureté évolue au terme du
vieillissement et l’efficacité des interstitiels ségrégés sur le gain en dureté. Il semble que
ce phénomène puisse être la cause du passage d’une microstructure de dislocations
homogènes à une microstructure en cellules à mesure que l’écrouissage augmente.
Dans la suite du chapitre, nous nous sommes intéressés aux évolutions de la
microstructure et des propriétés mécaniques d’un acier ULC au cours de chemins thermomécaniques complexes conduisant à déformer l’acier déjà préalablement déformé et vieilli.
L’analyse des évolutions du PTE et de la dureté de l’acier sous la forme d’un diagramme
PTE – dureté nous a permis de proposer une description de l’évolution microstructurale en
accord avec les constats expérimentaux.
223
CONCLUSION GENERALE
La présente étude qui porte sur les aciers à Ultra Bas Carbone (ULC) destinés à la
fabrication d’emballage (APE) avait 2 objectifs:
•
d'une part apporter des informations sur les mécanismes à l'origine des vieillissements
avec et sans déformation de ces nuances,
•
d'autre part définir dans quelles mesures des modifications dans le schéma thermomécanique des opérations de parachèvements étaient susceptibles d'améliorer les
propriétés d'usage des produits.
Par rapport aux aciers pour tôles automobile, les APE se distinguent par la présence
simultanée de carbone et d’azote en solution susceptibles de participer au vieillissement.
Cette particularité nous a amené dans un premier temps à nous intéresser aux méthodes
permettant le dosage de ces interstitiels en solution dans l’acier.
Nous avons ainsi pu mettre en évidence que la mesure du frottement interne présentait
des limites à cet usage, bien qu'elle constitue la technique de référence en la matière.
•
Il a ainsi été clairement montré que la séparation des contributions de l’azote et du
carbone par des méthodes mathématiques et à partir de données thermodynamiques
(comme cela est habituellement pratiqué) ne donnait pas satisfaction. Par contre,
nous avons montré qu’il était possible de déconvoluer les contributions respectives du
carbone et de l’azote par soustraction de spectres expérimentaux préalablement
corrigés en fréquence et obtenus dans des états métallurgiques judicieusement
choisis. Nous avons désigné cette méthode la « déconvolution métallurgique ».
•
Il est également apparu difficile de déterminer de manière précise un coefficient
d’influence s'affranchissant des effets de texture et permettant de remonter à la
quantité d’interstitiels à partir de l’intensité des pics de Snoek. Par ailleurs une
tentative de prise en compte de la texture n’a pas donné de résultats probants.
Devant cette situation nous avons essayé de développer une nouvelle technique de
dosage des interstitiels susceptibles de participer au vieillissement. Le suivi du Pouvoir
Thermo Electrique (PTE) donnant souvent des indications intéressantes vis à vis des
phénomènes de précipitation et de remise en solution nous nous sommes particulièrement
penchés sur cette technique et nous avons ainsi été amenés à développer un protocole
permettant de doser précisément carbone et azote en solution solide.
224
Cette méthode utilise le phénomène de ségrégation des interstitiels après écrouissage et
s'appuie sur la mise en évidence expérimentale de la disparition vis à vis du PTE de l'effet
perturbateur des éléments interstitiels dès qu'ils rentrent dans le champ d'action d'une
dislocation. Nous avons donc mis à profit cette constatation bien que toutes les implications
théoriques qu'elle doit recouvrir soient loin d'être élucidées.
D'un point de vue pratique cette méthode consiste, sur un acier dans un état
métallurgique donné, à réaliser un laminage avec un taux de réduction dépassant si possible
les 70 % de manière à ce que la quantité de dislocations introduite soit suffisante pour piéger
tous les interstitiels susceptibles de l’être, puis de pratiquer un vieillissement à une
température et d'une durée telles que tous les interstitiels soient piégés sans que le
phénomène de restauration se développe de manière appréciable : 30 minutes à 120 °C est
apparu comme le traitement optimal. Les conditions de validité de cette méthode ont été
analysées et il en est ressorti qu’a priori, elle permettait le dosage jusqu’à 150 ppm
d’interstitiels (carbone et azote confondus). De plus, en appliquant une méthodologie
précise, nous avons montré qu’il était possible de doser séparément le carbone et l’azote
libres dans un acier recuit, et cela quel que soit son état, à condition toutefois de ne pas être
en présence de carbures "basse température" ou de nitrures de fer développés au voisinage
de la température ambiante, situations qui ne peuvent de toute façon pas se rencontrer dans
les aciers ULC.
Cette nouvelle méthode de dosage a permis de mettre en évidence des résultats tout à fait
nouveaux. Il a ainsi pu être montré que la solubilité du carbone à basse température dans
les aciers étudiés (bas carbone et ULC avec environ 0,2 % de Mn) était bien supérieure à ce
que l'on admet habituellement et par la même occasion, que l'intensité du pic de Snoek du
carbone n'était pas proportionnelle à la quantité de carbone libre susceptible de participer au
vieillissement après écrouissage. Effectivement, dans ces aciers, environ 10-15 ppm de
carbone libre ne seraient ainsi pas détectés par le frottement interne. Nous avons alors été
amenés à formuler l’hypothèse que ces atomes de carbone libre seraient en interaction avec
des éléments en substitution dans la matrice, notamment le manganèse, hypothèse
confortée par les travaux de "l'école japonaise" (Abe, Ushioda…).
La prise en compte de l’existence d’atomes de carbone libre invisibles au frottement
interne devrait aussi conduire à une modification des lois reliant la quantité de carbone en
solution, mesurée par frottement interne, à l’intensité du Bake Hardening des tôles pour
automobiles, et lever un certain nombre de contradictions existant actuellement dans la
littérature.
Une deuxième partie du travail de thèse a été consacrée à l’étude de la précipitation du
carbone et de l’azote dans les aciers ULC, notamment pour prédire l’état de ces deux
éléments dans ces aciers à l’état brut de recuit continu. Des traitements de précipitation ont
225
été effectués en condition isotherme à des températures comprises entre 20 et 270 °C et
pour des durées s'étendant de 10 s à 3 mois (~ 107 s). Dans la gamme de compositions
étudiées ([C] = 20 - 50 ppm et [N] = 20 – 60 ppm), il est apparu que l’azote restait en solution
et que le carbone était susceptible de former les carbures de fer classiquement rencontrés :
cémentite intragranulaire Fe3C’ et carbures ε. Seule la sursaturation en carbone semble
conditionner leurs cinétiques de formation, indépendamment de la présence ou non d’azote
en solution. Par ailleurs, quel que soit le traitement réalisé entre 70 et 270 °C, il est apparu
que la quantité de carbone libre en « équilibre » était de l’ordre de 10-15 ppm , quantité
correspondant approximativement à la quantité de carbone libre invisible au frottement
interne.
Il est enfin ressorti de cette étude, que dans les conditions industrielles standards
(maintien à 680 °C suivi d’un refroidissement d’environ 30 °C/s), il ne pouvait y avoir de
développement ni de carbures ni de nitrures de fer dans les ULC. Par contre, dans les aciers
plus particulièrement étudiés, environ 10 ppm de carbone se retrouvaient ségrégés aux
joints de grains. On a pu montrer qu'une telle ségrégation pouvait se développer pendant le
refroidissement de l’acier et était très sensible à la taille des grains (~ 8 µm pour nos aciers).
Grâce à une étude en sonde atomique tomographique elle a pu être matérialisée sous la
forme d’une zone enrichie en carbone avec une concentration de l’ordre de 3 % atomique en
carbone et s'étendant sur une distance de 4 nm de part et d’autre du joint. Cette ségrégation
du carbone aux joints de grains nous est aussi apparue comme étant à l'origine de
l’apparition du palier de traction dans les aciers ULC à l’état recuit (recristallisé).
Finalement nous estimons, qu'un acier ULC à l’état brut de recuit continu peut être
considéré comme contenant une quantité d’interstitiels libres susceptibles de participer au
vieillissement après déformation, égale à la quantité de carbone et d’azote total, moins les
10 ppm de carbone ségrégés aux joints de grains et quelques ppm d’azote précipités sous la
forme de nitrure d’aluminium (AlN) stable (cette dernière quantité pouvant dépendre des
conditions d’élaboration de la bande d’acier en amont : laminage à chaud et bobinage).
A partir de là nous avons entrepris l’étude du vieillissement après écrouissage des aciers
ULC pour emballage. Ces derniers se distinguent encore des aciers pour automobile dans le
sens ou les traitements en aval du recuit conduisent à des situations ou l’acier est laminé à
froid avec parfois des taux d’allongement importants, et que les étapes de revêtement qui se
font avant mise en forme de l’acier peuvent conduire a priori à du vieillissement (vernissage,
étamage …). C’est dans ce contexte que nous avons travaillé.
Les cinétiques de vieillissement ont été suivies, d'une part par PTE, ce qui nous a fourni
des informations sur la quantité d’interstitiels qui ségrége sur les dislocations (atmosphères
de Cottrell), et d'autre part par des mesures de dureté Vickers, qui nous indiquent l’effet du
vieillissement sur l'évolution de la résistance mécanique de l’acier.
226
Dans un premier temps, nous avons cherché à savoir s’il fallait distinguer les cinétiques
respectives de ségrégation du carbone et de l’azote sur les dislocations. Autant
théoriquement qu’expérimentalement, il est apparu que ces 2 cinétiques pouvaient être
considérées comme semblables dans les conditions de vieillissement rencontrées en
pratique (température de vieillissement supérieure à 70 °C et taux d’allongement supérieur à
5 %). Nous avons alors établi un diagramme d’équivalence temps température en terme
d’avancement du processus de ségrégation des interstitiels sur les dislocations. Il est apparu
que pour les traitements usuellement rencontrés dans des conditions industrielles, l’acier se
trouvait toujours dans un état complètement vieilli du point de vue de la ségrégation (au
moins 30 mn à 120 °C ou 24 hr à 70 °C). Les mesures de dureté et des essais de traction
effectués en complément ont montré que cet état correspondait également à un état stable
du point de vue l’évolution des caractéristiques de résistance.
L’effet du taux d’écrouissage sur l’évolution des caractéristiques mécaniques a également
été étudié dans une gamme qui intéresse le sidérurgiste. Il en est ressorti que la cinétique de
vieillissement (ségrégation et évolution de la résistance) n’était pas sensiblement affectée
par le taux de prédéformation avant vieillissement. Par contre, la variation de dureté au
terme du vieillissement est apparue fonction de la quantité d’interstitiels initialement libres et
du taux de déformation tant que ce dernier était inférieur à environ 10 %, et uniquement de la
quantité d’interstitiels initialement libres pour des taux de déformation supérieurs. Ce
mécanisme pourrait être la conséquence du passage d’une microstructure de dislocations
homogène, à une microstructure en cellules et non la conséquence de l’appauvrissement
complet de la matrice en interstitiels libres, comme cela est admis jusqu’à maintenant.
Par ailleurs il a pu être mis en évidence que l’efficacité sur le durcissement par
vieillissement d’une quantité donnée d’interstitiels qui ségrége, décroissait lorsque les taux
d’écrouissage augmentaient. Ce constat pourrait être également la conséquence de
l’évolution de la microstructure de dislocations avec une répartition qui tendrait à augmenter
nettement la quantité de dislocations enchevêtrées (déjà bloquées mais néanmoins
certainement susceptibles d’accueillir une atmosphère) avec le taux d’écrouissage.
Enfin, si les effets du carbone et l’azote ont été estimés similaires, il semblerait que l’azote
soit légèrement moins efficace que le carbone. Cette moindre efficacité serait en fait due à
un adoucissement plus important de la matrice lorsque l’azote la quitte pour former des
atmosphères.
Dans l’état des connaissances, ces résultats sont pour le moins surprenants et plus
surprenants encore sont les résultats qui concernent la quantité d’interstitiels pouvant être
ségrégée. En effet il est apparu que pour un taux d’écrouissage donné, et donc a priori pour
une densité de dislocations donnée, c’est une fraction donnée des interstitiels initialement
libres qui ségrège et non une quantité fixée. La densité d’interstitiels autours des dislocations
au terme du vieillissement serait donc fonction de la quantité d’interstitiels initialement libres
227
et la notion de densité à saturation des atmosphères paraît être à rediscuter. A un
mécanisme de saturation des atmosphères, ceci nous a amené à préférer l’installation d’un
équilibre thermodynamique conduisant à une redistribution des interstitiels entre des sites
"normaux" (sites octaédriques dans la matrice), des sites autours des dislocations
(atmosphère) et des sites autours d’atomes en substitutions dans la matrice, ces derniers
étant énergétiquement plus favorables que les sites normaux mais moins que les
atmosphères. Ceci nous paraissant à rapprocher de l’hypothèse précédemment émise et
concernant la population des atomes de carbone libre mais néanmoins invisible au
frottement interne.
La suite de nos travaux a consisté en l’étude des conséquences de la redéformation d’un
acier ULC déjà préalablement déformé et vieilli. Cette situation se rencontre effectivement en
pratique soit à la mise en forme (nous avons vu que l’acier livré au client est déjà déformé
par laminage et vieilli lors des traitements de revêtement) soit dans un procédé de Double
Réduction (DR) en 2 passes qui consiste à laminer l’acier en 2 fois avec un traitement
intermédiaire de vieillissement.
A l’aide de l’utilisation d’une représentation qui met en relation le PTE et la dureté
(diagramme PTE-dureté), nous avons montré que lors de la nouvelle déformation, une
importante quantité d’interstitiels initialement ségrégée autour des dislocations était
rapidement remise en solution. Une analyse graphique et analytique faisant l'hypothèse que
les variations de PTE et de dureté de l’acier peuvent être considérées comme résultant de la
somme des contributions élémentaires de chaque défaut (interstitiels en solution,
dislocations) nous a permis de proposer une interprétation simple des mécanismes
microstructuraux en jeux et d’expliquer le gain de résistance mécanique constaté en DR en 2
passes par rapport à un procédé en 1 passe pour un taux de déformation final donné. Il
s’agirait d’une consolidation supplémentaire de l’acier due à la présence de plus de
dislocations après une DR en 2 passes.
Dans cette étude, les faits expérimentaux qui ont été mis en évidence, notamment par la
mesure du pouvoir thermoélectrique, ne semblent pas pouvoir être expliqués simplement
avec les théories admises sur les mécanismes du vieillissement. Nous avons montré par
exemple que l’idée de la saturation des atmosphères pour justifier de l'existence de stades
durant l’évolution du vieillissement ne pouvait plus être envisagée si on acceptait que la
densité des atmosphères était fonction de la quantité d’interstitiels initialement en solution.
L’hypothèse qui a été avancée pour justifier une bonne partie des résultats expérimentaux
tient essentiellement dans l’existence d’interactions entre les éléments interstitiels et des
atomes en substitutions dans la matrice. Quelle que soit la nature de ces interactions
(chimique, élastique …), elles devraient avoir un impact sur les propriétés de vieillissement
228
de l’acier et pourraient sans doute permettre de les optimiser. Des études tant théoriques
qu'expérimentales sembleraient donc intéressantes d'être poursuivies dans ce domaine
D’un point de vue pratique, cette étude a permis de mettre en évidence les potentialités
de la mesure du PTE pour l’étude du vieillissement. Cette technique est apparue
complémentaire aux techniques habituellement utilisées (mesures du BH et de l’Aging Index)
voir plus avantageuse (mesures de frottement interne ou de résistivité électrique).
Enfin la sensibilité du pouvoir thermoélectrique aux défauts de la matrice et la possibilité
de les quantifier devrait aussi pouvoir être utilisée pour aborder les problèmes de
vieillissement dans les aciers multiphasés mais aussi pour entreprendre des études sortant
du contexte du vieillissement et de la précipitation comme par exemple l’étude de
l’écrouissage et des phénomènes de restauration–recristallisation en fonction des états
microstructuraux des aciers issus du laminage à chaud.
229
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237
238
ANNEXE 1
Correction en fréquence des spectres de frottement interne en vue de
la déconvolution métallurgique.
Conséquence d’une hétérogénéité de propriété dans l’épaisseur de
l’éprouvette de frottement interne.
Correction en fréquence des spectres de frottement interne.
Dans la thèse, nous proposons d’isoler les contributions du carbone et de l’azote d’un
spectre de frottement interne en réalisant ce que nous appelons une « déconvolution
métallurgique ». Il s’agit en fait d’effectuer une opération de soustraction entre 2 spectres de
frottement interne mesurés sur l’acier dans différents états choisis. Cette méthode est plus
détaillée au chapitre IV. Néanmoins, pour parvenir à ce résultat, il est impératif que les
maxima pics de Snoek soit tous à la même position pour les différents spectres. Or c’est la
dimension des échantillons ou plutôt leur rigidité, qui conditionne la fréquence d’oscillation
du pendule dont dépend la position des maxima. Pour parvenir à ramener les maxima à une
position précise, par exemple celles qu’ils occuperaient à une fréquence de 1 Hz, nous
proposons de transposer les spectres à cette fréquence de référence en utilisant une relation
qui peut être tirée des expressions (III-2) et (III-8)
1
1
R
=
+
. ln(ν )
T Tν ∆H
où T est la température corrigée à 1 Hz du frottement interne mesuré à Tν pour une
fréquence d’oscillation du pendule ν.
Dans le cas d'un spectre composé de plusieurs pics, il n'est pas possible de corriger
chaque composante avec ses paramètres thermodynamiques propres. Aussi, on choisi de
corriger tout le spectre en prenant une énergie d'activation moyenne que l'on prend égale à
0.80 eV. En pratiquant ainsi, on introduit inexorablement une distorsion du spectre qui tout
calcul fait est de l'ordre de l'incertitude de la mesure de température (inférieure à +/-1°C) si
on se limite à des fréquences de mesure comprises entre 0,5 et 2 Hz ce qui est le cas en
pratique.
Dans Figure 42, sont illustrés les spectres de frottement interne obtenus à différentes
fréquences pour un acier ne contenant que du carbone en solution (~ 70 ppm). Ils sont
représentés avec la température mesurée brute, la température corrigée (Des campagnes
d’étalonnage ont été effectuées afin de connaître la relation entre la température mesurée,
239
au niveau du mors inférieur et celle réelle de l’échantillon) et enfin sont transposés à 1 Hz.
On voit que finalement, les 3 courbes transposées ont leurs maxima situés entre 312 et 313
K (39°C et 40°C), ce qui correspond aux valeurs données dans la littérature.
δ
0.014
0.012
0.010
0.008
a
0.006
0.004
0.002
0,9 Hz
1,4 Hz
2,5 Hz
0.000
0.014
0.012
0.010
b
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
0.014
0.012
0.010
0.008
c
0.006
0.004
0.002
0.000
280 285 290 295 300 305 310 315 320 325 330 335 340
Température en °C
Figure 42 : Spectres de frottement interne sur un acier à 6,7.10-3% de carbone, traité 1 mn à 545°C.
(a) Température brute,
(b) Température corrigée,
(c) Spectres transposés à 1Hz.
La méthode de transpositions des spectres à 1 Hz donne donc satisfaction sur un cas
simple. Dans le chapitre IV, on montre qu’elle permet des opérations entre spectres.
Echantillon en lame mince : conséquence d'une hétérogénéité
240
Dans le cas de tôles minces, les échantillons de frottement interne se présentent sous la
forme de plaquettes. La déformation en torsion dans les plaquettes n’étant pas uniforme en
épaisseur, il est intéressant d’étudier les conséquences sur la mesure de frottement interne.
Considérons une lame mince dont la tranche est représentée sur Figure 43, de longueur
L, de largeur l et d’épaisseur e. On y définit deux zones 1 et 2, la zone 1 représentant le
volume superficiel de la lame, la zone 2, le reste du volume. L’amortissement dans la zone 1
est égal à β fois celui de la zone 2, δ. Notons que dans notre exemple, la capacité
d’amortissement est homogène dans le volume de l’échantillon et qu’elle n’est pas fonction
du niveau de déformation.
Sur la Figure 43, n’est représentée qu’une moitié de la lame qui suffit à notre propos, le
problème étant symétrique.
x
W1 δ1=β.δ
e/2
W2 δ2=δ
z/2
O
Figure 43 : Tranche d’un échantillon sous la forme d’une lame mince où W1 et W2 sont respectivement les
énergies emmagasinées dans la partie 1 et 2 de la lame
Si on écrit le frottement interne de l’échantillon en terme d’énergie perdue dans chaque
zone de la lame on obtient :
1 ∆W1 + ∆W2
2 W1 + W2
δ= .
où ∆Wi est l’énergie perdue, égale à 2.δ.Wi et Wi l’énergie emmagasinée dans la zone i de
volume Vi=L.l.ei et qui s’écrit :
1
Wi = ∫ .G. ε 2 .dVi
2
V
G étant le module de cisaillement et ε la déformation qui peut s’écrire ε =
l’angle de torsion par unité de longueur.
On se retrouve avec :
⎛α⎞
W1 = 2. L. l. G.⎜ ⎟
⎝ 2⎠
2 e/2
⎛α⎞
W2 = 2. L. l. G.⎜ ⎟
⎝ 2⎠
2 z/2
∫ x dx = A.(e
2
3
z/2
∫ x dx = A.z
2
3
0
et comme ∆W=2.δ.W, on obtient :
− z3 )
α
2
. e où α est
241
∆W1
β . W1
β .(e 3 − z 3 )
=
=
∆W1 + ∆W2 β . W1 + ∆W2 β .( e 3 − z 3 ) + z 3
On introduit maintenant f =
e−z
qui peut être assimilée à la fraction volumique de la
e
zone en surface.
L’équation précédente devient :
[
]
β . 1 − (1 − f )
∆W1
∆W1
=
=
∆W1 + ∆W2 ∆Wtotale (1 − f 3 ) + β . 1 − (1 − f ) 3
3
[
]
Sur la Figure 44, est représentée la fonction tirée de l'équation ci-dessus en fonction de f
pour différentes valeurs de β. Il est clair qu’à fraction volumique équivalente, la zone de
surface contribue plus au frottement interne total que la zone à cœur. Ainsi, lorsque la
capacité d’amortissement est homogène dans tout le matériau, la moitié du volume total de
l’éprouvette en surface contribue à environ 80% du frottement total mesuré. Cet effet est
beaucoup plus marqué lorsque la capacité d’amortissement en surface est plus importante
que celle à cœur.
1.0
∆ W 1/∆ W totale
0.8
0.6
β =0.01
β =0.1
0.4
β =1
β =10
β =100
0.2
0.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
f, fraction volum ique en surface
Figure 44 : Courbes représentant la contribution relative du frottement interne de la zone en
surface sur le frottement interne total pour différentes valeur de β. β exprime le
rapport entre la capacité d’amortissement de la zone de surface et de la zone à cœur.
Il est maintenant intéressant de tirer les conséquences de cet effet sur le frottement
interne totale. Ainsi on peut écrire :
δmesuré =
soit :
1 ∆W1 + ∆W2 β . δ *W1 + δ * . W2
3
.
=
= δ * . β + (1 − f ) . (1 − β )
W1 + W2
2 W1 + W2
[
]
242
δ*
δmesuré
=
1
β + ( 1 − f ) .( 1 − β )
3
où δ* est le frottement interne « vrai » si l’on considère que le frottement interne en
surface est anormal.
Sur la Figure 45, sont représentées deux courbes tirées de l'équation du dessus pour f =
0,1 et f = 0,2; soit pour une zone de surface représentant respectivement une fraction de 10
et 20% du volume total de l’échantillon.
Il apparaît que l’on peut s’attendre à une erreur de 10 % sur la valeur de δ si la capacité
d’amortissement des 10 premiers % de la surface de l’échantillon est seulement 5% plus
importante ou 30% moins importante que la capacité d’amortissement du reste de
l’échantillon. Notons que pour des lames de 0,6mm (échantillons tôle à chaud) ou 0,2mm
(échantillons tôle à froid), 10% de l’épaisseur représentent respectivement 30 et 10µm.
Tous ces effets seraient accentués dans le cas d’échantillons de formes cylindriques.
δ /δ mesuré
*
2.0
1.8
1.6
1.4
1.2
1.0
0.8
0.6
f=0,1
0.4
f=0,2
0.2
0.0
0.01
0.1
1
10
100
β
Figure 45 : Rapport du frottement interne « vrai » sur le frottement interne mesuré pour
différentes valeurs de β. Les droites en pointillés représentent une variation
de ±10% entre la valeur de frottement interne « vrai » et mesuré.
Il semble donc que pour prétendre mesurer le frottement interne d’une lame, on doit
s’assurer de l’homogénéité de l’échantillon. Dans le cas d’une lame issue de la rectification
d’une tôle à chaud, il est nécessaire de polir chimiquement la zone superficielle, écrouie, qui
présente une microstructure différente. Un polissage chimique est également requis lorsque
l’échantillon a été traité thermiquement, et qu’une couche d’oxyde s’est développée en
surface. La propreté de l’échantillon est également importante. Il faut s’assurer de l’absence
de graisse (traces de doigts) et d’eau qui se transformerait en glace aux basses
243
températures et entraînerait un frottement interne important. Le spectre de frottement interne
d’un échantillon skin passé (0,5 à 2 % d’allongement par laminage) qui présente une
hétérogénéité dans l’épaisseur (zone déformée par cisaillement en surface) est donc plus
représentatif de la surface déformée (vu par Soler [SOL98]). De la même manière, un
échantillon traité en four ou bain, et dénaturé en surface (décarburé, carburé, nitruré …),
présentera également un spectre de frottement interne représentatif de sa surface.
Pour toutes ces considérations, nous avons pris un soin particulier à la réalisation et aux
traitements des éprouvettes de frottement interne.
244
ANNEXE 2
Descriptif du calcul du coefficient Kδ à partir de mesures en diffraction
X.
Tout le calcul et la syntaxe décris ici sont amplement inspirés des travaux de Eloot et al.
[ELO97a] bien que complétés en ce qui concerne lé direction de prélèvement dans le plan
de la tôle.
Notons que si ces auteurs donnent le détail du calcul, ils ne calculent pas le facteur Kd à
partir de données compètes de FDO mais seulement pour des orientations standards.
Les mesures de diffraction X et le calcul des figures de pôles ont été réalisés au Ledepp.
Les données sont ensuite traitées mathématiquement afin d'obtenir un fichier de fonction de
distribution des orientations (FDO) qui se présente sous la forme d'intensité d'orientation
dans l'espace d'Euler et donc en fonction des angles ϕ1, φ et ϕ2. Chaque intensité est relative
à un poids de l'orientation moyenne de l'échantillon analysé, on l'écrit sous la forme
FDO(ϕ1,φ,ϕ2).
A chaque orientation on peut calculer une valeur de Kδ (mode d’oscillation en torsion) à
partir de l'expression :
Λ.v 0
Γ
2
.
.( λ 1 − λ 2 ) 2
(1)
K δ = π. .
1
k.T
3
(S1212 + 4.(S1111 − S1122 − .S1212 ).Γ )
2
que l'on écrira Kδ(ϕ1,φ,ϕ2).
On peut alors calculer un coefficient Kδ moyen qui s'exprime par
Kδ =
1
. FDO(ϕ1, φ, ϕ 2 ).K δ (ϕ1, φ, ϕ 2 ).dΩ
V Ω
∫
(2)
où l'intégrale est calculée dans l'espace d'Euler Ω sur un volume V.
Pour calculer Kδ(ϕ1,φ,ϕ2), on doit d'abord connaître la valeurs des différents paramètres
compris dans l'équation (1) et notamment Γ.
Le facteur d'orientation du coefficient Kδ s'exprime par Γ = γ 12 .γ 22 + γ 22 .γ 32 + γ 32 γ 12 avec γ1, γ2
et γ3 qui sont les cosinus directeurs de la contrainte appliquée par rapport aux axes
cristallographiques de la maille. γ1, γ2 et γ3 peuvent s'exprimer par :
⎛ γ1 ⎞
⎛ χ1 ⎞
⎜ ⎟
⎜ ⎟
⎜ γ 2 ⎟ = a i, j .⎜ χ 2 ⎟
⎜γ ⎟
⎜χ ⎟
⎝ 3⎠
⎝ 3⎠
245
avec χ1, χ2 et χ3 les cosinus directeurs entre le vecteur de contrainte et l'axe de
l'échantillon et :
a i, j
⎛ cos ϕ 1 .cos ϕ 2
⎜
⎜ − sin ϕ 1 .sin ϕ 2 .cos φ
⎜ − cos ϕ 1 .sin ϕ 2
=⎜
− sin ϕ1 .cos ϕ 2 .cos φ
⎜
sin ϕ 1 sin φ
⎜
⎜
⎝
sin ϕ 1 .cos ϕ 2
⎞
sin ϕ 2 sin φ ⎟
+ cos ϕ 1 .sin ϕ 2 .cos φ
⎟
− sin ϕ1 .sin ϕ 2
⎟
cos ϕ 2 sin φ ⎟
+ cos ϕ 1 .cos ϕ 2 .cos φ
⎟
− cos ϕ 1 sin φ
cos φ ⎟
⎟
⎠
la matrice de rotation dans l'espace d'Euler.
Dans le cas où les échantillons de frottement interne se présentent sous la forme de
lames minces prélevées dans le plan d'une tôle suivant une direction α avec la direction de
laminage, on peut écrire que:
⎛ χ 1 ⎞ ⎛ cos α ⎞
⎜ ⎟ ⎜
⎟
⎜ χ 2 ⎟ = ⎜ sin α ⎟
⎜ χ ⎟ ⎜0
⎟
⎝ 3⎠ ⎝
⎠
Nous sommes maintenant capables de calculer le facteur Γ pour une orientation de
l'espace d'Euler et une direction de prélèvement données.
Nous avons développé une application informatique qui permet le calcul de K δ à partir
des fichiers de FDO donnés par le Ledepp. Le logiciel calcule K δ pour différente direction de
prélèvement faisant un angle α avec la direction de laminage. On les écrira K δ ( α ) .
En fait, les FDO expérimentales sont sous la forme de valeurs discrètes, et l'intégrale de
l'équation (2) devient une somme de valeurs discrètes.
Les valeurs des paramètres de l'équation (1) utilisés pour le calcul du K δ (α ) sont
données dans le tableau suivant, elles sont tirées de Eloot et al. [ELO97a].
Unité
Pour le carbone
-1
11
0.772
-1
11
-0.283
-1
11
0.871
S1111
Pa x10
S1122
Pa x10
S1212
Pa x10
λ1-λ2
-
Λ
-
Tmax (1Hz)
V0
0.87
-2
4.65.10
K
3
313
29
m x10
1.17
En pratique, on détermine la FDO de chacune des faces des échantillons. Le K δ (α ) final
sera la moyenne de ceux de chaque face.
246
ANNEXE 3
Modélisation de la ségrégation du carbone aux joints de grains
Cinétique de la ségrégation
Le modèle développé ici s’appuie sur les équations analytiques de la loi de Fick résolues
en coordonnées sphériques et dont le calcul est détaillé dans par Carslaw et Jaegger12. Le
système est composé d’un grain sphérique de diamètre 2.d dont la concentration en carbone
initiale, CO, est homogène. La surface de la sphère représente le joint dans lequel il n’y a pas
de carbone à l’état initial.
Au temps t et à une distance r du centre du grain, la concentration est C(r,t). L’intégration
sur r de C(r,t) au temps t donne la concentration moyenne Cm(t) :
r⎞
⎛
sin⎜ π.n. ⎟
2
⎡
⎤
d⎠
⎛ n⎞
C(r, t ) = 2.C O . ( −1)n+1. exp⎢− ⎜ π. ⎟ .D.t ⎥. ⎝
⎢⎣ ⎝ d ⎠
⎥⎦ ⎛⎜ π.n. r ⎞⎟
n=1
d⎠
⎝
∞
∑
Cm( t ) =
⎡ ⎛ n.π ⎞ 2
⎤⎤
6.C O ⎡ ∞ 1
⎢
−
.
D
.
t
.
exp
.
⎢
⎥⎥
⎟
⎜
π 2 ⎢⎣ n=1 n 2
⎢⎣ ⎝ d ⎠
⎥⎦ ⎥⎦
∑
avec D le coefficient de diffusion du carbone dans le fer alpha :
⎛ 84000 ⎞ 2 −1
D = 2.10 −6. exp⎜
⎟(m .s )
⎝ R.T ⎠
t=0
d
t>0
,t)
C(r
C0
r
Figure 46 : Schéma du grain sphérique et des conditions initiales à t = 0.
12
CARSLAW H.S., JAEGER J. C.,Conduction of heat in solids, Oxford : Clarendon Press, 1959 ,
510 p.
247
Temps de formation d’une fraction Xb de monocouche
Pour prendre en compte la saturation du joint de grain, on considère que ce dernier sature
pour une quantité de carbone ségrégé formant une fraction Xb de monocouche (cette
fraction de monocouche peut être traduite en quantité de carbone ségrégé). La fraction de
monocouche est le rapport entre la quantité d’atome de carbone effectivement ségrégé et le
nombre de site de ségrégation pour former une monocouche. Le nombre de site est pris
comme étant la surface du joint divisée par la surface apparente d’un site pris égale à la
surface d’une face de la maille cubique centré du fer (densité de site aux joints = 1/a2 avec a
= 0,286 nm). En calculant le flux de matière au travers de l’interface (le joint de grains) on
remonte à la quantité de carbone ségrégé. Un processus itératif arrête le calcul lorsque la
fraction Xb a atteint une valeur préalablement choisie. On a alors accès au temps nécessaire
à la formation de la fraction Xb de monocouche à une température, une concentration de
carbone initial et une taille de grain données (Tableau V-2).
Ségrégation d’équilibre
La ségrégation d’équilibre est calculée à partir d’une expression tirée des travaux de
McLean qui considère la diminution de l’énergie libre d’une solution binaire idéal (sans
interaction chimique avec entre les deux éléments) lorsque celle ci contient des sites
perturbés (les sites intergranulaires) dans lesquels le soluté à une énergie moindre que dans
un site normal (intragranulaire) [McL57]. Si on appelle Xc la fraction molaire de soluté, Xb la
concentration aux joints de grains exprimée en fraction de monocouche et ∆G l’énergie libre
de ségrégation, on obtient :
Xb
Xc
⎛ − ∆G ⎞
=
. exp⎜
⎟
1 − Xb 1 − Xc
⎝ k.T ⎠
qui s’écrit quand Xc << 1 :
⎛ − ∆G ⎞
Xc. exp⎜
⎟
k.T ⎠
⎝
Xb =
⎛
⎛ − ∆G ⎞ ⎞
⎜⎜1 + Xc. exp⎜
⎟ ⎟⎟
⎝ k.T ⎠ ⎠
⎝
Si l’énergie de ségrégation du carbone est constante, Xb ne dépend que de la
concentration en soluté. Dans la littérature, on trouve ∆G ≈ - 0,5 eV ≈ - 50 kJ/mol.
248
ANNEXE 4
Calcul des cinétiques théoriques de ségrégation
des interstitiels sur les dislocations
Cinétique simulée
Les cinétiques de vieillissement sont calculées à partir de l’expression de Cottrell-Harper
vu au chapitre II :
1
2
⎡
π ⎞ 3 ⎛ A.D.t ⎞ 3 ⎤
⎛
q = 1 − exp⎢− 2.Λ.⎜ ⎟ .⎜
⎟ ⎥
2 ⎠ ⎝ k.T ⎠ ⎥
⎢
⎝
⎣
⎦
où q est la fraction d’atomes interstitiels (carbone ou azote) ayant ségrégés sur les
dislocations à la température T et au temps t.
Nous avons aménager cette expression afin d’obtenir des cinétiques théoriques de
variation du PTE dans le cas ou du carbone et de l’azote sont présents simultanément en
solution. Cette expression s’écrit :
Q(C / N, t ) =
C.PC .q C + N.PN .qN
C.PC + N.PN
où qC et qN sont les cinétiques théoriques de la ségrégation du carbone et de l’azote
(coefficient de diffusion donnée dans le chapitre II, A = 1,5.10-29 N.mm2, Λ = 5.1015 m-2, T =
70 °C) ; C et N sont les fractions respectives de C et N en solution avec C + N = 1 et PC et PN
sont les coefficients d’influence de chaque espèce sur le PTE.
Des cinétiques ainsi calculées sont données dans le chapitre VI (ex : Figure VI-3).
Pour le calcul, on prend :
⎛ 84000 ⎞ 2 −1
D C = 2.10 − 6 . exp⎜
⎟(m .s )
⎝ R.T ⎠
⎛ 76100 ⎞ 2 −1
D N = 3.10 −7 . exp⎜
⎟(m .s )
⎝ R.T ⎠
[WER50]
Equivalence temps température [HUN54]
De l’expression de q on peut tirer que pour un degré de vieillissement donné (une valeur
de q) à deux températures différentes, T1 et T2, il existe une relation permettant de retrouver
les temps de vieillissement équivalents t1 et t2. En effet on peut écrire :
249
D1.t 1 D 2 .t 2
=
T1
T2
avec
⎛ −E ⎞
⎟⎟
D i = D 0 . exp⎜⎜
⎝ k.Ti ⎠
ce qui conduit à :
⎛t ⎞
⎛T ⎞
E ⎛ 1
1⎞
− ⎟⎟
log⎜⎜ 2 ⎟⎟ = log⎜⎜ 2 ⎟⎟ +
.⎜⎜
⎝ t1 ⎠
⎝ T1 ⎠ 2,3.k ⎝ T2 T1 ⎠
soit encore :
⎛T ⎞
E ⎛ 1
1⎞
− ⎟⎟
log(t 2 ) = log( t 1 ) + log⎜⎜ 2 ⎟⎟ +
.⎜⎜
⎝ T1 ⎠ 2,3.k ⎝ T2 T1 ⎠
le temps t2 pour lequel l’avancement de la réaction est équivalent au temps t1 à la
température T1.
250
ANNEXE 5
Description du principe de la sonde atomique tomographique du GMP
de Rouen (extrait du rapport de DEA de N. Lavaire de 1997)
VII. La microscopie ionique
Inventée par E.W. Müller en 1951 [MUL51], la microscopie ionique permet d’observer les
positions atomiques à la surface d’un matériau mis sous forme de pointe très fine. Elle
repose sur l’ionisation et l’évaporation par effet de champ.
VII.A. Principe
L’échantillon est mis sous la forme d’une pointe ayant un faible rayon de courbure (R =
30-50 nm). Placé sous vide et porté à basse température (20 - 80K), il est porté à un
potentiel positif en présence d’un gaz rare appelé gaz image.
Le champ électrique à la surface de la pointe s’écrit sous la forme : E =
V
, où β est un
βR
facteur de forme lié à l’échantillon.
Le gaz rare, introduit dans l’enceinte sous une pression de quelques 10-3 Pa, vient
s’ioniser à la surface de la pointe. Les ions formés sont accélérés sous l’effet du champ
électrique jusqu’à un système de visualisation.
Une image ionique de la surface de l’échantillon est formée sur l’écran par l’impact des
ions gazeux issus des différents sites atomiques de l’échantillon.
251
échantillon
pinceaux
d'ions
P
écran
R
+V
-
+
atome de gaz polarisé
Figure 47: Schéma de principe de la microscopie ionique.
Pour un échantillon cristallin, l’intersection des plans réticulaires avec la surface
hémisphérique de l’extrémité de la pointe crée des terrasses qui vont moduler localement le
champ électrique. Sur ces sites particuliers, l’ionisation des atomes de gaz est plus
importante. On observe alors sur l’image ionique, un contraste de pôle, en cercles
concentriques,
par
l’empilement
des
plans
selon
les
différentes
directions
cristallographiques.
VII.B. Grandissement
Le microscope ionique est un microscope à projection. Ses caractéristiques tel que le
grandissement dépendent de la forme de l’échantillon.
Le grandissement G est donné par la relation:
G=
T
( m + 1) R
où T est la distance pointe-écran, m est un paramètre définissant la position du point de
projection du microscope.
La projection est de type stéréographique (un point commun de projection).
252
SA
écran
échantillon
SD
P
(m+1)R
T
Figure 48: Microscope à projection.
VIII. La sonde atomique
VIII.A. Présentation
La sonde atomique est née lorsque E.W. Müller eut l’idée d’associer un spectromètre de
masse à temps vol à un microscope ionique [MUL68].
échantillon
détecteur
t3
t2
+V
t=0
ns
Figure 49: Schéma de principe de la sonde atomique.
t1
253
La figure représente le schéma de principe de la sonde atomique. Les atomes de la
pointe sont évaporés par effet de champ à un instant connu (impulsion du champ électrique)
, volent jusqu’à un détecteur situé à une distance T de l’échantillon.
L’énergie cinétique acquise par l’ion n fois chargé est égale à son énergie potentielle de
départ. Dans l’hypothèse où l’ion acquiert son énergie pendant une durée négligeable devant
celle de son temps vol tv, sa vitesse v est considérée constante, ce qui permet d’en déduire
la nature de l’ion évaporé en calculant le rapport de la masse atomique sur son état de
charge n par la relation :
M
t 2v
= 2eV 2
n
T
avec
M la masse atomique de l’ion évaporé
V le potentiel de la pointe égal à V0+Vp où V0 est la tension continue et Vp la fraction
d’impulsion nécessaire à l’évaporation des atomes.
et e la charge élémentaire.
Pour mesurer tv, il faut connaître précisément l’instant où l’atome quitte la pointe. Pour ce
faire, on applique un potentiel continue V0 à la pointe ainsi que de brèves impulsions
Vp=x%V0 (temps de montée < 1 ns, largeur mi-hauteur 8 ns). L’évaporation des atomes de la
pointe et l’ouverture du compteur rapide est ainsi quasi simultanées sur chacun des pulses.
VIII.B. Résolution spatiale et profondeur d’analyse
La résolution latérale est définie par le diamètre de la surface d’analyse. La projection du
détecteur sur l’échantillon détermine la surface d’analyse Sa.
SA =
(m + 1)2 R2
SD
T2
où SD est la surface du détecteur.
Dans un métal, le champ électrique est écranté sur 0,5 Å. Seuls les atomes de la surface
peuvent s’évaporer. Si on se place sur un plan, on évapore les atomes plan par plan. La
résolution en profondeur atteint ainsi une distance réticulaire.
254
IX. La sonde atomique tomographique
IX.A. Présentation
La sonde atomique tomographique, développée à l’Université de Rouen [DEC93][BLA93],
permet la reconstruction en trois dimensions d’un élément de volume de matière analysée.
C’est en fait une sonde classique dotée d’un détecteur spatiale permettant d’une part de
l’identification et d’autre part la localisation d’un impact sur le détecteur.
Les atomes évaporés de la pointe sont toujours identifiés par spectrométrie de masse à
temps de vol. Leurs positions latérales (x,y) sont calculées à partir des coordonnées de leurs
points d’impact sur le multidétecteur spatial. Le multidétecteur est constitué d’une série de
galettes de microcanaux et d’une multianode (Damier de 10x10 anodes).
Chaque ion évaporé et frappant les galettes de microcanaux crée une gerbe d’électrons
qui irradie une surface équivalente à quelques anodes du détecteur. La position d’un impact
est déduite du calcul par le barycentre des charges créées par la gerbe d’électrons.
L’investigation en profondeur permet ainsi la reconstruction complète du volume évaporé
après calcul des positions (x,y,z).
255
détecteur spatial
t3
échantillon
t2
t1
ns
Figure 50: Schéma de principe de la sonde atomique tomographique.
IX.B. Résolution des images tridimensionnelles
IX.B.1.
Résolution spatiale latérale
Intrinsèquement, la résolution latérale du multidétecteur est inférieure à 0.5 mm ce qui
conduit à une résolution voisine de 0.1 nm à la surface de la pointe [DEC93].
En fait, les aberrations de trajectoire ionique, dues au processus d’évaporation par effet
de champ, limitent la résolution latérale de la sonde atomique tomographique. Ces
aberrations sont estimées à quelques dixièmes de nanomètres. Malgré une résolution de
l’ordre des dimensions de la maille cristalline, on ne peut reconstruire le cristal. En effet, il a
été montré [DEC93] qu’une imprécision latérale de 0.2 nm suffisait à brouiller complètement
l’image cristalline.
De plus, de par son rendement de détection d’environ 50%, la sonde ne permet de
visualiser qu’un atome sur deux.
IX.B.2.
Résolution en profondeur
Elle est équivalente à celle de la sonde classique de sorte que si l’analyse a lieu prés d’un
bord de plan, elle est égale à la distance réticulaire.
256
IX.C. Artefacts et limite de la sonde atomique et SAT
Différents artefacts introduisent des erreurs systématiques dans la traduction quantitative
des mesures. Ce sont le masquage isotopique, l’évaporation ou la rétention préférentielles,
les recouvrements spatiaux.
IX.C.1.
Le masquage isotopique
Lorsque deux ions de même rapport M/n quitte la pointe sur la même impulsion, ils
peuvent être détectés comme un seul événement. Dans le cas d’un alliage où un élément
est fortement majoritaire, cet élément sera plus sujet à ce type d’artefact. On aura alors un
déficit de détection de cet élément et donc un déficit de concentration. La SAT, dotée un
détecteur bi-dimensionnelle souffre moins de ce problème car deux atomes de même
rapport masse sur charge sont discriminés par leurs positions relatives. Il subsiste toutefois
des cas où les deux atomes arrivent sur le détecteur dans un environnement proche et
peuvent être confondu, c’est le recouvrement spatial.
IX.C.2.
L’évaporation préférentielle
Si deux éléments A et B présentent des champs d’évaporation significativement
différents, l’élément présentant le champ d ’évaporation le plus faible peut s’évaporer hors
d’une impulsion et arrivé sur le détecteur en dehors de la fenêtre d’ouverture des compteurs.
L’atome n’est pas détecté.
La fraction d’impulsion et la température de l’échantillon sont les deux principaux facteurs
sur lesquels l’expérimentateur peut agir en vue de contrôler cet effet.
IX.C.3.
La rétention préférentielle
Dans ce cas, toutes les espèces chimiques sont stables sous le champ continu,
cependant la fraction d’impulsion n’est pas assez importante pour évaporer une espèce
chimique donnée.
Ce phénomène n’entraîne pas la non-détectabilité d’un élément considéré. Mais l’élément
s’évaporera en retard, lorsque le rayon de courbure local aura augmenté. Ceci biaisera les
mesures de concentrations des plans atomiques.
257
IX.C.4.
Les recouvrements spatiaux (Uniquement SAT)
Les ions arrivant sur le détecteur provoquent des gerbes d’électrons qui irradient la
surface de la multianode sur plusieurs anodes. Le point d’impact est assimilé au barycentre
de la distribution des charges.
Si deux ions de même rapport masse sur charge quittent la pointe sur la même impulsion
et arrivent sur le détecteur dans un environnement proche, les figures de charges associées
à chaque ion se recouvrent. Dans ce cas, les deux impacts ne peuvent être différenciés et
les deux ions sont comptés comme un seul événement.
A
B
Figure 51: Cas A, la position de l’impact ne peut être déterminée. Cas B, recouvrement spatial, les
deux ions, sont comptés comme un seul événement.
Ce type de figure de charge, créée par deux ou plusieurs gerbes d’électrons qui se
recouvrent, possède en général une taille plus grande que celle issue d’un impact seul. On
peut alors les distinguer et ne pas les prendre en compte dans le processus de
reconstruction 3D.
Références
[BLA86]
D. BLAVETTE, Thèse de doctorat, Université de Rouen (1986)
[BLA93]
D. BLAVETTE et al. ; Rev. Sci.. Instr, p2911 (1993)
[DEC93]
B. DECONIHOUT, Thèse de doctorat, Université de Rouen (1993)
[MUL51]
E.W. MÜLLER ; Z. Physik ; 131, 136 [1951]
[MUL68]
E.W. MÜLLER ; J.A. PANITZ, S.B. Mc LANE ; Rev. Phys. Instr. ; 39, 83 (1968)
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